Dans une vie, y' a toujours un moment où y faut partir. Quitter sa famille, ses amis, son travail, ses idées, c'qu'on aime ou c'qu'on déteste; pour la gloire, pour l'argent, pour la paix du cœur ou du ménage, pour Dieu, pour les autres ou pour soi.
Moi, j'sais pas trop ce qui a fait qu'j'ai pris la mer, mais c'que j'sais, c'est qu'elle m'avait prise depuis le berceau. J'pouvais pas résister, c'était une évidence. Couper les ceps, tailler la vigne, faire la cuve et vinifier, c'était beau; mais c'était pas pour moi, pour sûr. Sinon, pourquoi j'me serais senti aussi mal, aussi décalé, pas à ma place ? Eh. J'y suis pour rien dans cette histoire. La mer, c't'une sirène ou une méduse. Elle m'a attiré avec son chant glacé, et j'y ai trouvé... Enfin, non, j'sais pas bien c'que j'y ai trouvé, mais que'qu'chose qui d'vait s'annoncer plus ensoleillé qu'ma vie bien calée et ma routine un poil trop pesante.
Tiens, si on rajoutait des rimes, on pourrait en faire une chanson :
Le poète qui dérive sur le port n'a rien ni personne !
L'enfant tombé du nid n'a pas appris à voler !
Le vagabond cherche sa pièce sur le pavé !
Le passant marche à tâtons dans le vide qui résonne !
La poésie... Les chats et leur sacré nom de liberté opportuniste... Mes rêves de gosse, qu'est-c'que ça va bien pouvoir m'donner ? J'viens de débarquer du navire des chasseurs de primes. Ils ont rien calculé, j'me suis fait si p'tit, pendant la traversée... Même quand j'ai été malade, j'ai pas fait d'bruit. C'est vrai, j'ai bien ruiné un caisson d'sardines en salaisons, mais ma foi, le temps qu'ils aient écoulé leurs jambons qui font barrage, j'serais déjà loin. Dans ma nouvelle vie. Ouai, la fameuse vie que j'sais pas encore du tout à quoi elle ressemblera ! Tout juste !
Eh... En attendant, ici, c'est pas encore le bonheur. J'voulais être un chasseur, mais j'ai comme qui dirait pas vraiment l'âme d'un grand guerrier. Pas que j'sois lâche. Ça, non ! Comme si j'avais eu le loisir de dev'nir félon et paresseux ! Quand on naît paysan, on naît sans instinct de fuite, ou on n'existe pas. … c'qui m'fait d'ailleurs cogiter sur c'qui s'est passé pour moi...
Morbleu ! Y'a des marins qui passent, des dockers qui déchargent des navires de commerce... Tiens... Pas bête, ça. J'vais p'têtre pouvoir les aider un peu, et gagner à grailler pour le jour. C'est qu'on pense mieux l'estomac plein. Pas vrai, Morgan ?
-Miaw !
Bon. Planque toi dans le manteau, on y va.
Oh ! Mais c'est qu'ce sont de vrais monuments, les gens, ici ! Pire que Maraverick ! On dirait des légions de Brom, en plus jeunes et mieux bâtis encore ! Et pourtant, et pourtant, on peut pas vraiment dire que là d'où j'viens...
Eh ! En v'là un qui s'r'vire vers moi ! Accroche toi, c'est ta chance, Sören !
-L'bonjour, l'ami ! Z'aurez bien b'soin d'une paire de bras en plus ? Hein ? Oh, dites ! J'prends pas cher, si j'peux manger c'midi, c'serait déjà Bysance !
-Raconte pas d'bêtises, petit. Où sont tes parents ? T'as fait une vilaine fugue, hein ? Tu d'vrais r'tourner les voir, ils doivent être morts de frousse ! Aller, fais pas l'andouille. De toutes façons, c'est un travail bien trop dur pour une tête blonde comme toi.
Ah ! Vraiment, j'suis pas bien servi par l'héritage de ma mère ! Cette peau blanche malgré les heures de labeur au soleil, ces muscles fins et ces cheveux plus proches des plumes de poussins que de la bonne tignasse des gars du nord ! Et cette barbe qui refuse de pousser ! Bon, aller, un petit mensonge bien senti...
-C'est que... J'ai plus d'parents, m'sieur. J'réchappe juste d'un lynchage... Mon île a été brûlée par des pirates. J'me suis enfui à bord d'un navire de chasseurs de primes. Ils ont pris le large quand ils ont vu qu'ils étaient pas assez forts... Alors... Alors je fais quoi, maintenant, si je peux pas travailler ?
Par le diable des sept vallées, le gars est sceptique ! Il me regarde avec ses yeux bleus, perçants comme la pointe d'un couteau.
-Quelle île ?
-Euh... (pas moyen de gruger, le bougre doit avoir fait le tour des ports de North Blue !) L'île du Loupiac. J'suis vigneron.
-Ah, ah !
Grillé, il connaissait.
-Menteur, va. Les chasseurs qui se sont occupés des fameux pirates qui ont attaqué ton île se sont pointés à la caserne pas plus tard que ce matin ! T'as juste profité de l'occasion pour faire ta petite fugue, hein ? Quoi ? Le travail était trop dur ? On voulait faire le patachon, là où on avait de la besogne ? Eh ! J'vais t'apprendre, moi... Oh ! Reviens ici tout de suite !
Courir, ça, je sais faire. Le docker peut y aller, il me rattrapera pas. J'suis peut-être pas large, mais moi, au moins, je passe partout. Comme un félin. Un ours peut rien contre moi. D'ailleurs, bien vite, il abandonne... Sauf que maintenant, ben j'suis perdu. J'vois plus le port, juste une place où se tient une sorte de grand marché. Un marché, avec des jongleurs et des saltimbanques en plus. Et puis, une musique... Trois visages connus qui chantent. Bon sang. Mes nerfs qui s'raidissent. Je m'cale dans la foule, l'air de rien, mais l'cœur en fête. Finalement, comme un courant d'air, la chanson passe et s'arrête. Les applaudissements fusent, la monnaie tombe dans le chapeau. Et puis...
-Eh ! Mais c'est le petit des Hurlevent, ça !
-Par le Fenrir et les gardiens des Quatre Océans, ça fait un bail !
-Il a si peu changé ! Oh... Mais les esprits le tourmentent, mon Dieu !
-T'en es sûre, Serena ? Eh, mon bonhomme ! Tu fais quoi, là, loin de ton coteau ? Nos sales trognes te manquaient tant que ça ?
-Bah, pour sûr, il en a juste eu ras le bol d'entendre les salades des vignerons ! Rien ne vaut un bon bain de mer, une chanson et un vrai conte, qui raconte de vraies choses !
-Ferme la un peu, Olaf, tu lui prends toute la place, avec ta grande gueule qui te ferait boire la tasse à chaque traversée si on prenait pas la peine de la boucler pour toi de temps en temps !
[color=brown]-Et c'est toi qui dit ça, la Bonne Parole ?
-Bon, bon, bon on se calme ! Que fais-tu ici, mon cher enfant ?
Serena et sa façon de parler, toujours comme une vieille gitane... Ou comme une voyante, avec ce regard qui scrute l'âme et qui avait tant foutu les jetons à ses parents qu'elle s'était retrouvée à la rue plus vite qu'elle ne l'aurait souhaité ! Olaf, avec sa besace aux milles contes ! Et aussi Edwin, la parole toujours trop franche !
Loués soient les océans, et béni soit le coup de cul qui m'amena sur cette île, plutôt que sur une autre !
-Morbleu, j'suis si heureux d'vous revoir tous ! En fait, voilà...
Je leur raconte l'histoire en détails. Et pendant ce temps, j'me doutais pas que, sur mon île, le père faisait un raffut de tous les diables.
Moi, j'sais pas trop ce qui a fait qu'j'ai pris la mer, mais c'que j'sais, c'est qu'elle m'avait prise depuis le berceau. J'pouvais pas résister, c'était une évidence. Couper les ceps, tailler la vigne, faire la cuve et vinifier, c'était beau; mais c'était pas pour moi, pour sûr. Sinon, pourquoi j'me serais senti aussi mal, aussi décalé, pas à ma place ? Eh. J'y suis pour rien dans cette histoire. La mer, c't'une sirène ou une méduse. Elle m'a attiré avec son chant glacé, et j'y ai trouvé... Enfin, non, j'sais pas bien c'que j'y ai trouvé, mais que'qu'chose qui d'vait s'annoncer plus ensoleillé qu'ma vie bien calée et ma routine un poil trop pesante.
Tiens, si on rajoutait des rimes, on pourrait en faire une chanson :
Le poète qui dérive sur le port n'a rien ni personne !
L'enfant tombé du nid n'a pas appris à voler !
Le vagabond cherche sa pièce sur le pavé !
Le passant marche à tâtons dans le vide qui résonne !
La poésie... Les chats et leur sacré nom de liberté opportuniste... Mes rêves de gosse, qu'est-c'que ça va bien pouvoir m'donner ? J'viens de débarquer du navire des chasseurs de primes. Ils ont rien calculé, j'me suis fait si p'tit, pendant la traversée... Même quand j'ai été malade, j'ai pas fait d'bruit. C'est vrai, j'ai bien ruiné un caisson d'sardines en salaisons, mais ma foi, le temps qu'ils aient écoulé leurs jambons qui font barrage, j'serais déjà loin. Dans ma nouvelle vie. Ouai, la fameuse vie que j'sais pas encore du tout à quoi elle ressemblera ! Tout juste !
Eh... En attendant, ici, c'est pas encore le bonheur. J'voulais être un chasseur, mais j'ai comme qui dirait pas vraiment l'âme d'un grand guerrier. Pas que j'sois lâche. Ça, non ! Comme si j'avais eu le loisir de dev'nir félon et paresseux ! Quand on naît paysan, on naît sans instinct de fuite, ou on n'existe pas. … c'qui m'fait d'ailleurs cogiter sur c'qui s'est passé pour moi...
Morbleu ! Y'a des marins qui passent, des dockers qui déchargent des navires de commerce... Tiens... Pas bête, ça. J'vais p'têtre pouvoir les aider un peu, et gagner à grailler pour le jour. C'est qu'on pense mieux l'estomac plein. Pas vrai, Morgan ?
-Miaw !
Bon. Planque toi dans le manteau, on y va.
Oh ! Mais c'est qu'ce sont de vrais monuments, les gens, ici ! Pire que Maraverick ! On dirait des légions de Brom, en plus jeunes et mieux bâtis encore ! Et pourtant, et pourtant, on peut pas vraiment dire que là d'où j'viens...
Eh ! En v'là un qui s'r'vire vers moi ! Accroche toi, c'est ta chance, Sören !
-L'bonjour, l'ami ! Z'aurez bien b'soin d'une paire de bras en plus ? Hein ? Oh, dites ! J'prends pas cher, si j'peux manger c'midi, c'serait déjà Bysance !
-Raconte pas d'bêtises, petit. Où sont tes parents ? T'as fait une vilaine fugue, hein ? Tu d'vrais r'tourner les voir, ils doivent être morts de frousse ! Aller, fais pas l'andouille. De toutes façons, c'est un travail bien trop dur pour une tête blonde comme toi.
Ah ! Vraiment, j'suis pas bien servi par l'héritage de ma mère ! Cette peau blanche malgré les heures de labeur au soleil, ces muscles fins et ces cheveux plus proches des plumes de poussins que de la bonne tignasse des gars du nord ! Et cette barbe qui refuse de pousser ! Bon, aller, un petit mensonge bien senti...
-C'est que... J'ai plus d'parents, m'sieur. J'réchappe juste d'un lynchage... Mon île a été brûlée par des pirates. J'me suis enfui à bord d'un navire de chasseurs de primes. Ils ont pris le large quand ils ont vu qu'ils étaient pas assez forts... Alors... Alors je fais quoi, maintenant, si je peux pas travailler ?
Par le diable des sept vallées, le gars est sceptique ! Il me regarde avec ses yeux bleus, perçants comme la pointe d'un couteau.
-Quelle île ?
-Euh... (pas moyen de gruger, le bougre doit avoir fait le tour des ports de North Blue !) L'île du Loupiac. J'suis vigneron.
-Ah, ah !
Grillé, il connaissait.
-Menteur, va. Les chasseurs qui se sont occupés des fameux pirates qui ont attaqué ton île se sont pointés à la caserne pas plus tard que ce matin ! T'as juste profité de l'occasion pour faire ta petite fugue, hein ? Quoi ? Le travail était trop dur ? On voulait faire le patachon, là où on avait de la besogne ? Eh ! J'vais t'apprendre, moi... Oh ! Reviens ici tout de suite !
Courir, ça, je sais faire. Le docker peut y aller, il me rattrapera pas. J'suis peut-être pas large, mais moi, au moins, je passe partout. Comme un félin. Un ours peut rien contre moi. D'ailleurs, bien vite, il abandonne... Sauf que maintenant, ben j'suis perdu. J'vois plus le port, juste une place où se tient une sorte de grand marché. Un marché, avec des jongleurs et des saltimbanques en plus. Et puis, une musique... Trois visages connus qui chantent. Bon sang. Mes nerfs qui s'raidissent. Je m'cale dans la foule, l'air de rien, mais l'cœur en fête. Finalement, comme un courant d'air, la chanson passe et s'arrête. Les applaudissements fusent, la monnaie tombe dans le chapeau. Et puis...
-Eh ! Mais c'est le petit des Hurlevent, ça !
-Par le Fenrir et les gardiens des Quatre Océans, ça fait un bail !
-Il a si peu changé ! Oh... Mais les esprits le tourmentent, mon Dieu !
-T'en es sûre, Serena ? Eh, mon bonhomme ! Tu fais quoi, là, loin de ton coteau ? Nos sales trognes te manquaient tant que ça ?
-Bah, pour sûr, il en a juste eu ras le bol d'entendre les salades des vignerons ! Rien ne vaut un bon bain de mer, une chanson et un vrai conte, qui raconte de vraies choses !
-Ferme la un peu, Olaf, tu lui prends toute la place, avec ta grande gueule qui te ferait boire la tasse à chaque traversée si on prenait pas la peine de la boucler pour toi de temps en temps !
[color=brown]-Et c'est toi qui dit ça, la Bonne Parole ?
-Bon, bon, bon on se calme ! Que fais-tu ici, mon cher enfant ?
Serena et sa façon de parler, toujours comme une vieille gitane... Ou comme une voyante, avec ce regard qui scrute l'âme et qui avait tant foutu les jetons à ses parents qu'elle s'était retrouvée à la rue plus vite qu'elle ne l'aurait souhaité ! Olaf, avec sa besace aux milles contes ! Et aussi Edwin, la parole toujours trop franche !
Loués soient les océans, et béni soit le coup de cul qui m'amena sur cette île, plutôt que sur une autre !
-Morbleu, j'suis si heureux d'vous revoir tous ! En fait, voilà...
Je leur raconte l'histoire en détails. Et pendant ce temps, j'me doutais pas que, sur mon île, le père faisait un raffut de tous les diables.
Dernière édition par Sören Hurlevent le Mer 3 Oct 2012 - 12:17, édité 2 fois