- Il y avait eu une avarie. Il y a une semaine. Durant une tempête. Louve le savait parce qu'ils avaient tous couru dans tous les sens pour réparer voiles et gréement. Mais s'ils avaient prévu des voiles de rechange, le mât, il avait été difficile de le changer.
Alors depuis une semaine, ils voguaient sur les flots portés par un seul mat sur les trois que le navire pirate arborait généralement. La grande voile où flottait d'ordinaire le fanion de l'équipage avait donc été repliée et attendait patiemment qu'un nouveau mât soit installé. Tout l'équipage attendait patiemment que le nouveau mât soit installé. Et de la patience, il en fallait, car avec la moitié des voiles en moins, tous avaient l'impression de se traîner sur les mers. Surtout Louve qui ne pouvait plus s'amuser comme avant avec le roulis et l'air marin que la vitesse créait autour d'eux.
Un trajet de trois jours. Ils en mirent donc une semaine.
Une semaine pour arriver enfin jusqu'à l'île la plus proche. L'île, son port et sûrement son chantier naval. Il faudrait se serrer la ceinture pour les prochains jours. Ou piller un peu le lieu, les commerçants et les nobles locaux. Pas trop de tueries, de préférence, Louve n'était pas loin, mais voler de quoi se payer de la nourriture à emporter ainsi que les frais de réparation du navire. Et tout ça une fois les réparations faites évidemment.
-Et je pourrais jouer avec les autres enfants ?
-Hum... Non, pas cette fois.
*****
- Les deux premiers jours furent plutôt calmes. Rien à redire. Une petite investigation pour savoir que trouver dans cette bourgade de South Blue, un entretien ou deux avec les contremaîtres du chantier pour les frais de réparations et le temps que ça prendrait. Une semaine supplémentaire, visiblement.
Durant ce laps de temps, les hommes de bord, les pères de Rachel, alternaient les tours de surveillance du navire et les rondes en ville. Les soirs surtout. Les tavernes et les bordels du port et alentours. Pourquoi s'en priver ? Ils avaient une semaine à tuer. Et puis pourquoi le cacher à Louve, elle vivait dans le même monde qu'eux.
Six ans. Seulement six ans et tout ce qu'elle savait d'une femme, c'était qu'elle était soit catin soit serveuse dans un port. Au service des marins en pause.
Quatre jours plus tard, fin d'après-midi.
-Larguez les amarres ! Hum.
- Sur le pont, c'est la folie. Les hommes courent en tout sens, certains hilares, d'autres un peu moins. Les armes sont sorties, les coups de feu claquent. Les voiles sont tendues, le bosco hurle et crie à tue-tête des ordres tantôt de type navigation tantôt de type combat. Faut dire que sur le port, une belle poignée de marines les tiennent en joue avec de multiples armes à distance. Un canon Armstrong par exemple. Un gros truc qui n'a rien à envier aux canons des navires de guerre des Vice-Amiraux. Heureusement qu'un membre de l'équipage a sur lui des explosifs. Et ainsi le morceau de pont où se tenait le canon aux dimensions gigantesques s'écroule, abîmant le souffleur de feu métallique. Et comme le navire s'éloigne sous un vent favorable qui souffle à nouveau dans toutes ses voiles, les combats s'amenuisent et avec eux la fureur des marins. Tandis que la liesse des pirates ne fait que s'accroître comme la terre s'éloigne de plus en plus.
Ce n'est qu'une fois hors de portée que le canonnier d'approche du capitaine. Visiblement inquiet.
-Euh... Rachel est introuvable...
-Qui ?
-Euh... C'est Louve... elle n'est pas à bord...
-... Holy Shit...
- Pendant ce temps, un peu à l'écart du port, dans des rues qu'elle arpentait au hasard, une petite fille de six ans déambulait jusqu'à aboutir à un pseudo jardin d'enfant, vidé par les parents à cause des agitations non loin et des pirates en ville. Visiblement...
Ce ne serait pas aujourd'hui encore qu'elle jouerait avec d'autres enfants.