Mihai Moon
Pseudonyme :Aucun
Age: 32
Sexe : Homme
Race : homme
Rang :
Métier : Charpentier
Groupe : chasseurs de primes, le joueur esperant pouvoir intégrer son personnage à un équipage marine
Déjà un équipage : Aucun
But :Nourrir son gosse
Fruit du démon ou Aptitude pour la suite : [...]
Équipements : Deux flingues basiques ainsi qu'un fusil.
Codes du règlement (2) :
Parrain : Mettez le nom de votre parrain ici, si vous en avez un
bien sûr
Ce compte est-il un DC ? : oui
Si oui, quel @ l'a autorisé ? : Pludbus
Psychologie et physique
Afin de bien comprendre le personnage, il est préférable de lire la biographie avant la psychologie et le physique.
- Spoiler:
- Santy Feï, gérante du bar du village:
"L'est beau le Mihai. Avec son torse buriné par le soleil d'été, avec les épaules larges travaillées par l'effort physique. Et quand il sourit... Mon Dieu... On s'met à rêver et à aimer la vie comme pas souvent on l'a aimé... Mais il sourit peu le Mihai... Faut le voir, avec sa tête d'enterrement du gars qu'a toujours l'impression de gêner, où qu'il aille... Je le préférais presque avant. Où il tanguait entre les chaises, à devoir se tenir au comptoir pour pas écraser sa belle gueule par terre. Le verre dans la main éclaboussait autant ses pompes pleines de terre que son gosier toujours asséché. Et quand le liquide commençait à manquer, il se roulait une tige. Ça sentait l'tabac froid comme l'odeur réconfortante du grand père assis sur son fétu à nous épier de ses deux yeux fatigués. L'a de la chance, sa jolie femme."
Dronald Mc Flyer, shérif du village :
L'a une voix qui fait pas rire le Mihai, qui laisse pas indifférent. Déjà à moitié déchirée par la clope, toute grave et émaillée, rocailleuse. Il se la fait discrète pourtant. Quand il est sobre, y'a pas un souvent un ton au dessus de l'autre, ce qui oblige souvent à tendre l'oreille, à devoir épier ses lèvres pour pouvoir comprendre, les mots bloqués dans son bec à sortir à moitié mâchés. Mais quand il s’énerve ça devient tout d'suite claire comme de l'eau de roche. Quand il commence à articuler tu sais que t'as fait une connerie et que son poing ou le manche de son flingue va bientôt finir sur ton front. Violemment.
Grigore, meilleur ami du héro :
"C'qui est drôle avec Mihai, c'est sa façon d'toujours cacher sa main droite, d'la fourer dans sa poche comme une tare. 'Fin drôle... Quand on aime l'humour noire. Quand l'a pas de poche, il prend son chapeau pour y enfouir sa main et on ne la voit ressortir que pour rouler une tige et se l'enfourner dans le bec. Parce qu'il fume beaucoup le Mihai. Surtout depuis qu'il ne se met plus la tête à l'envers chaque soir."
Santy :
"Mihai, il revient de temps en temps, ici. Il fait un pas ou deux, rend un sourire ou deux, puis vient boire son verre, silencieusement. Sans un mot, il descend lentement son Saké, se ré-imprégnant les lieux, avant de partir voir sa femme. Il ne lui dit rien lorsqu'il la voit. Il l'embrasse juste. Simplement, d'un baiser d'amour que seuls les cœurs tristes d'une longues absence connaissent. Après, il prend sa fille dans ses bras, gauchement, comme s'il ne savait comment s'y prendre, comme s'il avait peur qu'elle ne lui en veuille trop d'être parti si longtemps."
Tonny Trash, maçon et raleur invétéré du village :
"Mihai ? C'est une ordure ! Un sale type ! Rien qu'à voir sa main droite ! Z'imaginez qu'il n'a plus qu'quatre doigts ? Et la p'tite Fanny qui lui trouve quand même quelqu'chose... C'te foutue Fanny a toujours tenté d's'aguichier 'vec lui. Mais c'guss ne voyait rien. A l'époque où c'tait l'beau Mihai, l'grand charpentier, l'joyeux luron plein d'rêves qui ram'nait une fille différente par soir, il s'en foutait d'la Fanny. Moi j'étais là, j'tai amouraché d'puis longtemps. J'avais un bon job, je trimais pour lui dire qu'j'pourrai la choiller ! Mais elle s'est toujours gardée pour c't'enflure de Mihai..."
Grigore :
"Mihai, c'est un gars bien. Même lorsqu'il était à se buriner l'crâne chaque soir, à incendier tout l'monde, ça restait un gars bien. Triste, râgeux, mais un gars bien. Mais c'était une autre époque. Maint'nant il fait ce qu'il faut, quand il faut. Un peu bourru, l'guss n'sourit que rarement. Pas du genre à parler pour n'rien dire, plus du genre. Il parle peu mais bien. Faut dire qu'il n'a pas eu une vie facile, l'a pas eu d'chance 'vec son accident. Alors l'a appris à s'taire, pour pas perdre sa vie qu'il a reconstruit. Le problème c'est que parfois il retombe dans l'alcool. Comme au temps où on pouvait plus l'arrêter. C'est rare, pour sûr, mais à c'moment là on ne peut plus rien. Il débite jusqu'à tomber raide comme une saillie. Et le lendemain on ne le voit pas. On n'sait si il passe la journée à décuver ou à se cacher. Trop honteux."
Nom inconnu : barman d'un pub inconnu :
"Hmm... Oui ! Ca y'est, j'me souviens de ce Mihai. L'est venu arrêter un pirate qui traînait dans mon bar. L'est rentré, l'a tiré deux coups. Pas un bonjour, pas un signe. Juste deux coups qu'ont volé dans l'air avant d'finir leur route dans les deux rotules du pirates. L'bandit n'a pas eu l'temps d'dire ouf qu'il était bâillonné, pissant l'sang. Alors Mihai s'est assis au comptoir, a déposé un paquets d'pièces en disant qu'c'était pour l'ménage, et l'a commandé un verre de saké. Il est resté là, à vider son verre sans un mot. Pis p'tit à p'tit, il s'est senti à l'aise à force d'entendre mes conneries. On a commencé à parler, à raconter nos vies. Il lui a fallu un long moment pour raconter la sienne. On voyait qu'il en avait gros. Il a ri, l'a tiré la gueule, l'a souri et en partant, l'coeur étanché, il m'a dit un « merci ». Il s'sentait si mieux qu'il a faillit oublier l'bandit à moitié mort."
Yvon-Mario Adelino, noble perdu en campagne :
"C'est un rustre, avec ses frusques toujours recouverts de copeaux de bois. Ce Mihai n'est qu'un péquenot. Quand il enlève son chapeau on ne voit plus que des tifs éparpillés comme si l’existence même du peigne lui était indifférente. Son veston marron sale de plusieurs saisons, sa chemise qui a perdu toutes ses couleurs, sa démarche chaloupée et bossue comme s'il avait le poids de toute une ville sous ses épaules. Sa foutue manie de triturer un bout de bois et de l'écoper avec son vieil Opinel rouillé dès qu'il ne sait que faire. Tout ça montre bien à quel point ce n'est qu'un péquenot bon qu'à ramasser la merde et à récurer les chiottes ! Mais non, tout le monde le regarde avec ce sourire attendrissant ! Quelle bande de tocards..."
Biographie
Quand est ce que je suis né ? Quand j'ai ouvert la porte à battants d'un saloon quelconque d'une ville que je ne pourrais pas vous dire le nom tellement c'est vieux. Mais ce que je me rappelle, c'est cette seconde. La seconde où les quatre hommes qui jouaient aux cartes ont tourné leurs gueules vers la mienne qu'ils connaissaient pas. Je me rappelle même encore de à quoi ils ressemblaient. Le grand maigrichon avec une barbe longue comme mon bras et des tifs lui descendant jusqu'au cul avait cet air d'indien des montagnes chamaniques. Le loubard avec sa grosse cicatrice au dessus de l’œil droit n'avait pas l'air non plus d'un drôle. Le gamin teinté de plein de taches de rousseurs par contre... Et le dernier, avec ses doigts en moins qu'on se demandait comment il faisait pour tenir ses cartes... Ouai, j'me rappelle bien de cette seconde là. Où z'ont vu à ma ceinture cette arme qu'ils ne voulaient pas connaître. Cette même seconde où leurs cul se sont levés et où z'ont tenté de se saisir de leurs pétoires. J'ai sacrément aimé ce moment. La seconde d'après... Moins. Celle où je suis redescendu sur terre aussi vite que je l'avais quitté et où je me suis rendu compte... Bah qu'j'avais tué. Pour la première fois. Et vu que j'ai jamais sû faire comme les autres, j'en ai eu quatre pour le prix d'un.
C'était mon premier contrat. C'était la première fois que je me sentais autant vivre.
Je suis né dans un coin simple. Un long chemin de terre poussiéreuse où avaient poussé de chaque côté un nombre de baraques que personne ne connaissait exactement. C'est dans l'une de ces maisons faîtes de bois et de brique ressemblant à toutes les autres que j'suis sorti du ventre de la mère. Y'avait pas de toubibs, et c'est à peine si les gens savaient ce que c'était, un docteur. Alors le monsieur tout le monde se débrouillait comme il pouvait. Les gens ont cette faculté à se débrouiller bien comme il faut quand ils n'ont pas le choix.
On dit qu'la nuit de ma naissance, les deux taudis des deux bouts du ch'min ont entendu les cris de ma mère et qu'ça les a empêché de dormir. C'qui se dit aussi, c'est que c'est une plante de notre bout de terre qui l'a empêché d'fermer les yeux pour de bon. Une de ces fleurs qui poussaient et qui poussent encore derrière la baraque. Ça doit venir de là ce plaisir que j'ai à piocher dans la terre et à voir grandir les tiges vertes. C'que je peux être con quand même...
Là où j'suis né, les gens ne cherchent rien à personne. On suit la route qu'les parents tracent. Les fils d'forgeron deviennent forgeron. Les fils de fermier deviennent fermiers. Et si on ne veut pas finir comme le père, on s'engage chez la mouette. Mais pour ça, faut quitter l'bout de chemin de terre. Et peu osent. Peu veulent aussi. On a tout c'qu'il faut là où il faut et ça suffit pour passer chaque jour que l'bon Dieu nous donne.
Y'a bien une chose à laquelle on fait gaffe. C'est l'étranger. Y'en a peu qui osent v'nir, mais à chaque fois c'est d'mauvais bougres avec leurs drapeaux noirs à crane blanc. Du coup chaque guss de chaque baraque possède un pétoire pour envoyer valdinguer l'gars osant s'risquer par chez nous.
C't'à huit printemps que j'ai eu l'droit à ma première. Je sais pas trop bien si c'est moi qui ne tirait pas droit ou c'vieux fusil qui faisait des siennes mais pas un seul de mes tirs n'arrivait à toucher quoi qu'ce soit d'autre que le vent. M'enfin depuis je me suis amélioré.
Tu vois le grand gars là bas, sa clope éteinte coincée au bec ? Celui avec ses grosses épaules et son couv' chef rapiécé, la grosse barbe noire et c'te voix de gamine qui part toujours trop haut pour que l'on n'reste sans sourire. C'est avec lui que je m'amusais à pétarder les pigeons de la forêt quand j'étais pas plus haut que toi. Faut dire qu'y'avais pas beaucoup de quoi s'occuper dans ce coin. Ch'ais plus comment qu'on s'est connu. M'enfin on s'est tout de suite bien entendu. On a fait les cons. On se prenait pour des grands., Grigore et moi. On pétait plus haut que notre cul nous le permettait. Et on aimait sacrément ça. On était content de ce que l'on nous donnait. Mais on voulait plus.
On a commencé à faire ce que personne là bas n'avait jamais osé faire. On a commencé à rêvé. De grandeur, de puissance, de classe et de fortune. Le genre de chose que les gens du villages pensent que ça ne peut appartenir qu'à quelqu'un d'autre. Pis faut dire aussi, qu'pour eux, une chaise de bois et de quoi piacter leur suffit à vivre chaque jour que l'bon Dieu nous donne. Alors 'voient pas l’intérêt d'avoir de quoi s'acheter autre chose. Sûre qu'ils sauraient pas quoi faire si on leur donnait de l'or. Ils ont déjà tout ce dont ils ont besoin.
Grigore et moi, on a par je n'sais quelle bizarrerie voulu autre chose. On ne rêvait ni de devenir comme le paternel, ni d'uniforme bleu. On rêvait de cet océan qui nous narguait, loin après le village. A plus d'500 mètres de la dernière baraque. L'était aussi bleu qu'les yeux du Grigore, aussi grand que l'univers, aussi mystérieux que le sage du village. Il envoyait autant de rêve à la gueule qu'une affiche Wanted en envoie à un pirate.
Mais ce rêve là, de voyager loin du village, on se le gardait pour nous. Parce qu'au fond, on restait des gosses. Des gosses qui piaillaient de peur dès qu'ils voyaient un étranger pointer le bout de son nez.
Alors on a commencé à trimer dès que les muscles ont remplacé les bouts de chair, dès que le duvet a commencé à pousser. Et je suis devenu comme mon père. Un gars simple. Un charpentier. Je trimais chaque jour à monter des baraques, à en démonter, à couper du bois et à casser de la brique. Ces rêves de gosses, je les gardais toujours dans un coin de la tête, et quand je mirais l'bleu de l'océan du haut des toits que je construisais, mes yeux se remplissaient toujours d'étoiles.
Mais la vie m'a forcé le pas. C'tait un jour comme les autres où mes bras usés par les journées de travail enfonçaient des clous dans le bois d'un toit depuis que le jour s'était levé. Un d'ces chats n'appartenant à personne et vivant des déchets des autres se promenait en bas de mon échelle. Il me mirait d'un œil amusé à me voir trimer comme un forcené, la goutte aux tempes, la gueule rouge cramoisie par le soleil. Puis, alors que j'allais descendre me rassasier d'un peu de litron, le chat a décidé de s'amuser. J'avais pas descendu une marche qu'il s'amusa à se balancer de tout son poids contre l'échelle. J'ai miré, ahuri, l'escabeau se pencher comme il faut pas. J'ai vu le sol se rapprocher trop vite, trop près. J'ai vu mon index se plier comme il faut pas.
Puis j'ai senti la douleur. Une putain d'douleur qui commençait au doigt et qui envahissait chaque os, chaque muscle jusqu'à les faire pleurer d'horreur. C'fut une chute à faire briser n'importe quel cœur. Surtout l'mien.
Alors j'ai fermé les yeux, et quand je les ai ré-ouvert, l'index de ma main droite gisait là, coincé entre c'putain d'échelle et c'putain de sol. J'ai miré ma main, puis plus loin mon doigt. Puis j'ai chialé comme un gosse.
Alors que j'étais devenu le meilleur charpentier, alors que les chantiers s’enchaînaient tellement que je n'trouvais plus le temps de me reposer, on m'a fermé les portes. Du jour au lend'main. J'étais d'venu inapte. Un mal propre juste capable de noyer son chagrin dans l'alcool. Tout le monde me regardait de cet œil de pitié. Un regard que j'pouvais pas supporter. Que j'voulais plus sentir.
J'me suis mis à boire. A picoler jusqu'à n'plus m'rappeller mon nom. Jusqu'à ne plus savoir où j'habitais. J'me bourrais la gueule au comptoir du saloon. Jusqu'à ce que là aussi, on n'veuille plus d'moi.
Les fauchés, avec un doigt en moins, même dans un bar, z'ont pas leur place.
L'bon Grigore tentait bien d'me tenir, d'm'empêcher d'boire, mais lui, l'avait un travail. L'avait une femme et bientôt un gosse qui l'aimerait.
Moi, j'avais rien. Rien qu'ma décadence. J'suis tombé, petit à petit, au fond d'un trou que j'pensais jamais réussir à remonter.
Lorsque l'ardoise au saloon dev'nait trop élevée, j'partais loin dans la forêt avec mon pétoire. J'passais mes nerfs sur toutes les choses vivantes qui passaient d'vant moi. J’apprenais à tirer d'la main gauche. Et Dieu c'que c'était dur au début. Les enfoirés d'animaux n'réussissaient pas à m'calmer. C'tait l'contraire. Les voir m'narguer à courir sans qu'j'réussisse à les avoir, ça m'rendait encore plus mal.
Mais un soir, la lumière s'est rallumée. Alors qu'j'étais plus ivre que jamais, j'attendais en beuglant ma haine qu'on m'foute à la porte comme un mal-propre, qu'on m'r'amène dans ma pauvre piaule en m'portant 'vec une brouette parc'que j'étais trop ivre pour marcher. L'argent que j'avais amassé quand j'travaillais commençait à manquer. J'allais bientôt m'trouver à la rue avec une ardoise aussi lourde qu'un homme poisson foudre.
J'vidais un verre, l'regard dans l'néan. J'avais arrêté d'beugler parce que les mots n'sortaient plus. J'tanguais sur le comptoir. La fille du forgeron m'mirait comme à son habitude. M'mirait d'un regard que j'comprenais pas. C'tait pas ces yeux d'pitié que m'faisaient les autres. Ses prunelles s'perdaient dans les miennes. Alors j'lui ai parlé.
_ "C'pas hips bien de s'moquer." que j'lui ai sorti.
Un sourire a éclaté son visage. Et c'jour là, j'ai rougi, mais pas d'alcool trop ingurgité, non. C'tait comme un soleil au milieu du néant, c'sourire qui f'sait apparaître d'petites pommettes sur ses joues tachées d'rousseur.
Ce soir là, c't'elle qui me ramena chez moi. Chez elle. Chez nous.
Cette dame. C'est ta maman.
Elle m'a remis dans l'droit chemin. Elle m'a fait comprendre qu'elle voulait pas d'un alcoolique. Elle voulait un homme. Alors je suis redevenu un homme. J'lui dois tout, à ta maman.
Les gars de l'île étaient p't'être trop cons pour m'offrir du travail, mais ailleurs, 'sont pas aussi bêtes. J'suis devenu un chasseur. Je pars loin, longtemps. Et je reviens peu, rapidement. Mais je ramène de quoi te nourrir.
Et j't'aime, petite. Ta jolie gueule me donne le sourire chaque matin qu'Dieu m'offre.
J'ai appris à tirer. Assez bien pour pouvoir faire peur et arrêter du bandit. Quand j'en ai mare, je pars travailler sur des chantiers, trimer comme avant l'accident. 'Vec juste un doigt en moins. J'fais le travail que je trouve, tant que je peux t'offrir c'dont tu as besoin.
Je suis p't'être pas le meilleur père, mais j't'aime. Et je crois que c'est c'que tu dois savoir quand tu m'en veux, de mes absences.
C'était mon premier contrat. C'était la première fois que je me sentais autant vivre.
Je suis né dans un coin simple. Un long chemin de terre poussiéreuse où avaient poussé de chaque côté un nombre de baraques que personne ne connaissait exactement. C'est dans l'une de ces maisons faîtes de bois et de brique ressemblant à toutes les autres que j'suis sorti du ventre de la mère. Y'avait pas de toubibs, et c'est à peine si les gens savaient ce que c'était, un docteur. Alors le monsieur tout le monde se débrouillait comme il pouvait. Les gens ont cette faculté à se débrouiller bien comme il faut quand ils n'ont pas le choix.
On dit qu'la nuit de ma naissance, les deux taudis des deux bouts du ch'min ont entendu les cris de ma mère et qu'ça les a empêché de dormir. C'qui se dit aussi, c'est que c'est une plante de notre bout de terre qui l'a empêché d'fermer les yeux pour de bon. Une de ces fleurs qui poussaient et qui poussent encore derrière la baraque. Ça doit venir de là ce plaisir que j'ai à piocher dans la terre et à voir grandir les tiges vertes. C'que je peux être con quand même...
Là où j'suis né, les gens ne cherchent rien à personne. On suit la route qu'les parents tracent. Les fils d'forgeron deviennent forgeron. Les fils de fermier deviennent fermiers. Et si on ne veut pas finir comme le père, on s'engage chez la mouette. Mais pour ça, faut quitter l'bout de chemin de terre. Et peu osent. Peu veulent aussi. On a tout c'qu'il faut là où il faut et ça suffit pour passer chaque jour que l'bon Dieu nous donne.
Y'a bien une chose à laquelle on fait gaffe. C'est l'étranger. Y'en a peu qui osent v'nir, mais à chaque fois c'est d'mauvais bougres avec leurs drapeaux noirs à crane blanc. Du coup chaque guss de chaque baraque possède un pétoire pour envoyer valdinguer l'gars osant s'risquer par chez nous.
C't'à huit printemps que j'ai eu l'droit à ma première. Je sais pas trop bien si c'est moi qui ne tirait pas droit ou c'vieux fusil qui faisait des siennes mais pas un seul de mes tirs n'arrivait à toucher quoi qu'ce soit d'autre que le vent. M'enfin depuis je me suis amélioré.
Tu vois le grand gars là bas, sa clope éteinte coincée au bec ? Celui avec ses grosses épaules et son couv' chef rapiécé, la grosse barbe noire et c'te voix de gamine qui part toujours trop haut pour que l'on n'reste sans sourire. C'est avec lui que je m'amusais à pétarder les pigeons de la forêt quand j'étais pas plus haut que toi. Faut dire qu'y'avais pas beaucoup de quoi s'occuper dans ce coin. Ch'ais plus comment qu'on s'est connu. M'enfin on s'est tout de suite bien entendu. On a fait les cons. On se prenait pour des grands., Grigore et moi. On pétait plus haut que notre cul nous le permettait. Et on aimait sacrément ça. On était content de ce que l'on nous donnait. Mais on voulait plus.
On a commencé à faire ce que personne là bas n'avait jamais osé faire. On a commencé à rêvé. De grandeur, de puissance, de classe et de fortune. Le genre de chose que les gens du villages pensent que ça ne peut appartenir qu'à quelqu'un d'autre. Pis faut dire aussi, qu'pour eux, une chaise de bois et de quoi piacter leur suffit à vivre chaque jour que l'bon Dieu nous donne. Alors 'voient pas l’intérêt d'avoir de quoi s'acheter autre chose. Sûre qu'ils sauraient pas quoi faire si on leur donnait de l'or. Ils ont déjà tout ce dont ils ont besoin.
Grigore et moi, on a par je n'sais quelle bizarrerie voulu autre chose. On ne rêvait ni de devenir comme le paternel, ni d'uniforme bleu. On rêvait de cet océan qui nous narguait, loin après le village. A plus d'500 mètres de la dernière baraque. L'était aussi bleu qu'les yeux du Grigore, aussi grand que l'univers, aussi mystérieux que le sage du village. Il envoyait autant de rêve à la gueule qu'une affiche Wanted en envoie à un pirate.
Mais ce rêve là, de voyager loin du village, on se le gardait pour nous. Parce qu'au fond, on restait des gosses. Des gosses qui piaillaient de peur dès qu'ils voyaient un étranger pointer le bout de son nez.
Alors on a commencé à trimer dès que les muscles ont remplacé les bouts de chair, dès que le duvet a commencé à pousser. Et je suis devenu comme mon père. Un gars simple. Un charpentier. Je trimais chaque jour à monter des baraques, à en démonter, à couper du bois et à casser de la brique. Ces rêves de gosses, je les gardais toujours dans un coin de la tête, et quand je mirais l'bleu de l'océan du haut des toits que je construisais, mes yeux se remplissaient toujours d'étoiles.
Mais la vie m'a forcé le pas. C'tait un jour comme les autres où mes bras usés par les journées de travail enfonçaient des clous dans le bois d'un toit depuis que le jour s'était levé. Un d'ces chats n'appartenant à personne et vivant des déchets des autres se promenait en bas de mon échelle. Il me mirait d'un œil amusé à me voir trimer comme un forcené, la goutte aux tempes, la gueule rouge cramoisie par le soleil. Puis, alors que j'allais descendre me rassasier d'un peu de litron, le chat a décidé de s'amuser. J'avais pas descendu une marche qu'il s'amusa à se balancer de tout son poids contre l'échelle. J'ai miré, ahuri, l'escabeau se pencher comme il faut pas. J'ai vu le sol se rapprocher trop vite, trop près. J'ai vu mon index se plier comme il faut pas.
Puis j'ai senti la douleur. Une putain d'douleur qui commençait au doigt et qui envahissait chaque os, chaque muscle jusqu'à les faire pleurer d'horreur. C'fut une chute à faire briser n'importe quel cœur. Surtout l'mien.
Alors j'ai fermé les yeux, et quand je les ai ré-ouvert, l'index de ma main droite gisait là, coincé entre c'putain d'échelle et c'putain de sol. J'ai miré ma main, puis plus loin mon doigt. Puis j'ai chialé comme un gosse.
Alors que j'étais devenu le meilleur charpentier, alors que les chantiers s’enchaînaient tellement que je n'trouvais plus le temps de me reposer, on m'a fermé les portes. Du jour au lend'main. J'étais d'venu inapte. Un mal propre juste capable de noyer son chagrin dans l'alcool. Tout le monde me regardait de cet œil de pitié. Un regard que j'pouvais pas supporter. Que j'voulais plus sentir.
J'me suis mis à boire. A picoler jusqu'à n'plus m'rappeller mon nom. Jusqu'à ne plus savoir où j'habitais. J'me bourrais la gueule au comptoir du saloon. Jusqu'à ce que là aussi, on n'veuille plus d'moi.
Les fauchés, avec un doigt en moins, même dans un bar, z'ont pas leur place.
L'bon Grigore tentait bien d'me tenir, d'm'empêcher d'boire, mais lui, l'avait un travail. L'avait une femme et bientôt un gosse qui l'aimerait.
Moi, j'avais rien. Rien qu'ma décadence. J'suis tombé, petit à petit, au fond d'un trou que j'pensais jamais réussir à remonter.
Lorsque l'ardoise au saloon dev'nait trop élevée, j'partais loin dans la forêt avec mon pétoire. J'passais mes nerfs sur toutes les choses vivantes qui passaient d'vant moi. J’apprenais à tirer d'la main gauche. Et Dieu c'que c'était dur au début. Les enfoirés d'animaux n'réussissaient pas à m'calmer. C'tait l'contraire. Les voir m'narguer à courir sans qu'j'réussisse à les avoir, ça m'rendait encore plus mal.
Mais un soir, la lumière s'est rallumée. Alors qu'j'étais plus ivre que jamais, j'attendais en beuglant ma haine qu'on m'foute à la porte comme un mal-propre, qu'on m'r'amène dans ma pauvre piaule en m'portant 'vec une brouette parc'que j'étais trop ivre pour marcher. L'argent que j'avais amassé quand j'travaillais commençait à manquer. J'allais bientôt m'trouver à la rue avec une ardoise aussi lourde qu'un homme poisson foudre.
J'vidais un verre, l'regard dans l'néan. J'avais arrêté d'beugler parce que les mots n'sortaient plus. J'tanguais sur le comptoir. La fille du forgeron m'mirait comme à son habitude. M'mirait d'un regard que j'comprenais pas. C'tait pas ces yeux d'pitié que m'faisaient les autres. Ses prunelles s'perdaient dans les miennes. Alors j'lui ai parlé.
_ "C'pas hips bien de s'moquer." que j'lui ai sorti.
Un sourire a éclaté son visage. Et c'jour là, j'ai rougi, mais pas d'alcool trop ingurgité, non. C'tait comme un soleil au milieu du néant, c'sourire qui f'sait apparaître d'petites pommettes sur ses joues tachées d'rousseur.
Ce soir là, c't'elle qui me ramena chez moi. Chez elle. Chez nous.
Cette dame. C'est ta maman.
Elle m'a remis dans l'droit chemin. Elle m'a fait comprendre qu'elle voulait pas d'un alcoolique. Elle voulait un homme. Alors je suis redevenu un homme. J'lui dois tout, à ta maman.
Les gars de l'île étaient p't'être trop cons pour m'offrir du travail, mais ailleurs, 'sont pas aussi bêtes. J'suis devenu un chasseur. Je pars loin, longtemps. Et je reviens peu, rapidement. Mais je ramène de quoi te nourrir.
Et j't'aime, petite. Ta jolie gueule me donne le sourire chaque matin qu'Dieu m'offre.
J'ai appris à tirer. Assez bien pour pouvoir faire peur et arrêter du bandit. Quand j'en ai mare, je pars travailler sur des chantiers, trimer comme avant l'accident. 'Vec juste un doigt en moins. J'fais le travail que je trouve, tant que je peux t'offrir c'dont tu as besoin.
Je suis p't'être pas le meilleur père, mais j't'aime. Et je crois que c'est c'que tu dois savoir quand tu m'en veux, de mes absences.
Test RP
Une fois de plus, tu es revenu pour mieux repartir. Une fois de plus, ta môme qui vient de se réhabituer à toi, ou toi à elle, tu l'as laissée. Et une fois de plus, tu t'en veux sans trop le savoir. Faut ce qu'il faut, que tu te dis. Alors tu fais. Là, tu fais du chantier. Besoin d'une pause après trois-quatre arrestations où les balles sifflaient d'un peu trop près pour pas te rappeler que, si tu cannes, ta fille a plus rien qu'la misère du monde pour se fringuer.
Quelques jours passent. Semaines, peut-être. Si on compte en tiges à cancer ça fait six ou sept paquets, le reste tu sais plus bien. Au moins t'as eu le temps d'apercevoir cette peluche, cette belle peluche qui lui plairait dans le magasin du bled fait pour les autres délocalisés du coin, qui comme toi courent les mers pour amener pitance à un foyer, qui comme toi ont des mômes qu'ils voient tous les deux, trois mois et auxquels comme toi ils s'entêtent à faire des cadeaux pour compenser alors que c'est pas ça qu'il faudrait.
Pis y a ce jour. Ce jour où toi et ce visage familier dont t'es certain qu'il est encore placardé sur le bureau du maire, vous vous recroisez sur ce bateau que vous retapez. Aujourd'hui z'êtes ouvriers tous les deux, mais hier, hier ou cet autre jour lointain où lui n'avait pas encore de môme et où les balles sifflaient d'un peu trop près pour pas te rappeler que, si tu cannes, ta fille a plus rien qu'la misère du monde pour se fringuer, hier vous étiez chacun pas du même côté des pistolets...
Du labeur, toujours plus de labeur. Se remplir les poches pour mieux se les vider.
Mais le temps n'est pas de la partie. Le ciel est moche. Il crache tellement de larmes qu'on en aurait qu'une seule envie : rentrer chez soi embrasser sa femme. Embrasser son joli ventre dont est sorti la plus belle des choses. Puis lui faire l'amour. Comme une demande de pardon, pour tous ces jours passés loin d'elle. Lui faire l'amour comme on n'en fait qu'après une longue absence. Mais non, d'abord il faut ramener de quoi vivre. De quoi nourrir la belle petite gosse qui grandit à vue d'oeil. Lui offrir ce joli bout de poils roses qui la fera sourire de ses quelques dents. Et offrir un cadeau d'excuse à ma belle femme, lui faire comprendre que j'aimerais être dans ses bras. Là, maintenant.
Le chapeau bloqué sur le crane, j'avance jusqu'à une grande bâtisse de bois et de taule. Au dessus de l'immense entrée, un écriteau est planté, salement abîmé par le temps. Il ne tient maintenant que de travers grâce à deux clous rouillés. Deux clous rouillés et la volonté du bon Dieu. Mon chapeau dégoulinant vient dans mes mains tandis que je tente tant bien que mal d'essuyer mes godasses toutes trempées. C'est à ce moment qu'une grosse voix se fait entendre, éraillée et nasillarde.
"Désolé mais je ne prends plus de travaux. Revenez le mois prochain"
Un homme ventripotent, trop gros pour ses frusques apparaît, ses habits poussiéreux moulant son large ventre et faisant tomber de la sciure de bois à chacun de ses pas. Mes deux mains tentent d'essorer mon pauvre chapeau de cuire ne supportant que trop mal la pluie.
"C'est pour un travail que je viens"
Le gros homme fronce les sourcils, ressortant deux yeux marrons exorbités. Il sort alors un mouchoir de sa poche pour essorer son front rougoyant trempé de sueur.
"Désolé, votre tête me revient pas"
"..."
"Qu'est c'que vous attendez là? Croyez pas que je vais changer d'avis"
"J'ai un gosse... M'faut de l'argent pour ma femme et la mome...J'ai b'soin de ce travail..."
"Rien à foutre"
"..."
"Ecoute moi bien mon p'tit gars, ton gosse serait aux portes de la mort, tu s'rais au bord du suicide que j'en aurais toujours rien à foutre. Tu veux un travail? Bah vas voir ailleurs. L'con de Tati, au chantier naval, il prend tous les zozios qui passent. Maintenant tu vas arrêter de m'emmerder et de tremper tout mon paillasson."
"On passe au tutoiement alors..." Mais la phrase tombe dans le vent, la carcasse du gros homme disparaissant déjà derrière un tas de planches de bois.
N'ayant plus rien à faire ici, mes pas me ramènent sous la tempête en direction du chantier naval. Sale temps pour un homme. Je divague dans les ruelles trempées. Je me perds entre les flaques. Puis j'arrive, enfin, devant un immense cimetière à bateau où les carcasses gisantes se collent les unes aux autres dans un capharnaüm de métal et de bois. Là, un homme qui ferait passer le premier rencontré pour un anorexique apparaît, les dents écartées, les deux se disant merde. Il pourrait faire horriblement peur si une foutue bonne humeur se dégageait pas de sa carcasse tanguant. Il s'approche, faisant cogner son pied de bois contre le sol à chaque pas. Une longue tige d'ébène qui vient se perdre jusqu'à son genou.
_"Mouhahaha qui voilà?"
_"Mihai, M'sieur. J'm'appelle Mihai. On m'a dit que vous aviez du travail pour les honnêtes gens."
_"Mouhahahaha !! Honnêtes?! M'en fou moi ! Tant qu'tu sais t'servir de tes deux mains."
-"Je prends alors, M'sieur."
Et ça commence. Les jours à plonger les mains dans le cambouis. Dans la sciure. A s'exploser les doigts sur le marteau. A monter sur des échelles bancales de plus de dix pieds d'hauteur. A se bourrer les bras de planches et à en porter jusqu'à ce que le soleil ne se couche. J'aime ça. Cet effort qui demande rien d'autre que du muscle. Qui t'fait oublier le reste. La femme qui t'attend. La gosse qui t'en veut. Juste pour que tu ne saches qu'une seule chose. Ton pied qui fait un pas d'plus en avant pour amener l'bois là où il doit aller. On est un vingtaine de gars comme ça, à trimer ensemble sans même que l'un d'nous ne regarde l'autre. On trime la journée et on part se coucher l'soir sous les rires gras du patron. De temps à autre, un premier demande à un second un marteau, un clou de 5. Tout l'monde se mélange d'égal à égal, du jeune gosse étant partis trop tôt de chez lui au vieux briscard dont on n'veut pas connaitre le passé. Y'en a bien un qui m'a marqué avec ses yeux vairons et ses longs cheveux qui partent jusqu'au bas de son dos. L'a cet allure de pirate rangé que mon flair a appris à voir. Mais à quoi bon chercher la p'tite bête? Dans deux mois j'aurai réuni assez d'argent. Je pourrai revenir quelques jours. Offrir cet ours en peluche à la gosse. Ce beau médaillon à ma femme.
Alors je continue. A planter des clous toute la sainte journée. A trimer.
Mais un soir, alors que la fatigue englobe tout mon corps. Alors que mon dos voûté a du mal à supporter les escaliers de l'auberge et qu'allumer la lampe à charbon m'demande un effort insurmontable, je tombe sur quelque chose. Quelque chose qui m'fait dire que je pourrai rentrer bien plus tôt chez moi. Que le lendemain je pourrai plier mes valises pour aller embrasser ma femme. C''est une prime qui traîne parmi d'autres sur la table de chevet dans un bordel sans nom. Elle dépasse des autres pour y faire apparaitre deux yeux vairons qu'on reconnaîtrait entre mille. Gregory Zac. 9 000 000 de berrys. Toute cette foutue thune m'donne la migraine et lorsque je m'affale sur le fétu mal tassé, je m'endors dans un sommeil sans rêve, la lampe à charbon encore allumée.
Je me fais reveiller quelques heures plus tard. Le charbon fini, la fenêtre encore ouverte, le vent vient claquer contre mon corps tremblant de froid. Mais ça, je m'en fou. Je pense à ma femme qui m'attend. Je bloque mon revolver contre ma ceinture et je sors, la nuit va pas tarder à disparaître. La vingtaine de guss travaillant au chantier naval doit déjà y être à se casser le dos. Je ne prends pas le temps de ranger mon bordel. Je m'allume une tige et sors de la piaule sans un regard. Demain je serai auprès d'elle.
Il pleure encore ce matin. Il crache tout autour jusqu'à rendre mon chapeau de cuire tout dégoulinant. Mais j'en ai cure. Des mômes tout autour s'amusent à la balle au milieu de la rue, quelques crieurs gueulent à qui veut pour une bonne poiscaille ou un rôti d'veau. Lorsque j'arrive enfin aux portes du chantier, le patron est déjà à brailler de son rire gras et résonnant. Tous les guss courent de partout, portant des tas de bois, des briques, des clous. Et là, au milieu, le bon vieux Greg qui me mire arriver comme il doit pas aimer mirer les gens arriver. Tout son fatras qu'était dans ses mains est déjà par terre et un vieux six coups est entre ses doigts. L'est rapide le Greg. Mais j'avance, toujours. Mon dos voûté d'hier. Mes jambes branlantes. Tout ça a laissé place à une marche rapide. Sûre d'elle et pour refrain l'idée d'être chez moi le lendemain trotte en fond sonore comme la plus belle des motivations. Le coup part. Celui qui sort d'mon revolver. Il file droit dans la jambe gauche du guss qu'a pas vu le coup venir. Qu'a pas cru que j'irai aussi vite. Mais fallait pas hésiter Greg, fallait tirer avant. Parce que moi, j'hésite pas.
Alors il s'met à chialer comme les saletés d'enfoirés de pirate savent le faire. Il s'met à gueuler, tombé à terre sous le choc, sans qu'il ne puisse rien faire d'autre parce que son genou est maint'nant tout sanguinolent.
_"Ahhhh ça fait mal ! Enfoiré ! J'me suis rangé ! J'suis v'nu ici pour plus faire de mal, pou élever mon gosse comme un honnête gars !"
_"Rien à foutre Greg. Fallait pas buter du bon gars pour lui voler ses quelques berrys. C'est trop tard maint'nant."
Et la balle vole. Dans sa gueule. Une deuxième balle qui vient faire taire ce con qu'a cru qu'on pouvait se racheter comme ça.
Mais le temps n'est pas de la partie. Le ciel est moche. Il crache tellement de larmes qu'on en aurait qu'une seule envie : rentrer chez soi embrasser sa femme. Embrasser son joli ventre dont est sorti la plus belle des choses. Puis lui faire l'amour. Comme une demande de pardon, pour tous ces jours passés loin d'elle. Lui faire l'amour comme on n'en fait qu'après une longue absence. Mais non, d'abord il faut ramener de quoi vivre. De quoi nourrir la belle petite gosse qui grandit à vue d'oeil. Lui offrir ce joli bout de poils roses qui la fera sourire de ses quelques dents. Et offrir un cadeau d'excuse à ma belle femme, lui faire comprendre que j'aimerais être dans ses bras. Là, maintenant.
Le chapeau bloqué sur le crane, j'avance jusqu'à une grande bâtisse de bois et de taule. Au dessus de l'immense entrée, un écriteau est planté, salement abîmé par le temps. Il ne tient maintenant que de travers grâce à deux clous rouillés. Deux clous rouillés et la volonté du bon Dieu. Mon chapeau dégoulinant vient dans mes mains tandis que je tente tant bien que mal d'essuyer mes godasses toutes trempées. C'est à ce moment qu'une grosse voix se fait entendre, éraillée et nasillarde.
"Désolé mais je ne prends plus de travaux. Revenez le mois prochain"
Un homme ventripotent, trop gros pour ses frusques apparaît, ses habits poussiéreux moulant son large ventre et faisant tomber de la sciure de bois à chacun de ses pas. Mes deux mains tentent d'essorer mon pauvre chapeau de cuire ne supportant que trop mal la pluie.
"C'est pour un travail que je viens"
Le gros homme fronce les sourcils, ressortant deux yeux marrons exorbités. Il sort alors un mouchoir de sa poche pour essorer son front rougoyant trempé de sueur.
"Désolé, votre tête me revient pas"
"..."
"Qu'est c'que vous attendez là? Croyez pas que je vais changer d'avis"
"J'ai un gosse... M'faut de l'argent pour ma femme et la mome...J'ai b'soin de ce travail..."
"Rien à foutre"
"..."
"Ecoute moi bien mon p'tit gars, ton gosse serait aux portes de la mort, tu s'rais au bord du suicide que j'en aurais toujours rien à foutre. Tu veux un travail? Bah vas voir ailleurs. L'con de Tati, au chantier naval, il prend tous les zozios qui passent. Maintenant tu vas arrêter de m'emmerder et de tremper tout mon paillasson."
"On passe au tutoiement alors..." Mais la phrase tombe dans le vent, la carcasse du gros homme disparaissant déjà derrière un tas de planches de bois.
N'ayant plus rien à faire ici, mes pas me ramènent sous la tempête en direction du chantier naval. Sale temps pour un homme. Je divague dans les ruelles trempées. Je me perds entre les flaques. Puis j'arrive, enfin, devant un immense cimetière à bateau où les carcasses gisantes se collent les unes aux autres dans un capharnaüm de métal et de bois. Là, un homme qui ferait passer le premier rencontré pour un anorexique apparaît, les dents écartées, les deux se disant merde. Il pourrait faire horriblement peur si une foutue bonne humeur se dégageait pas de sa carcasse tanguant. Il s'approche, faisant cogner son pied de bois contre le sol à chaque pas. Une longue tige d'ébène qui vient se perdre jusqu'à son genou.
_"Mouhahaha qui voilà?"
_"Mihai, M'sieur. J'm'appelle Mihai. On m'a dit que vous aviez du travail pour les honnêtes gens."
_"Mouhahahaha !! Honnêtes?! M'en fou moi ! Tant qu'tu sais t'servir de tes deux mains."
-"Je prends alors, M'sieur."
Et ça commence. Les jours à plonger les mains dans le cambouis. Dans la sciure. A s'exploser les doigts sur le marteau. A monter sur des échelles bancales de plus de dix pieds d'hauteur. A se bourrer les bras de planches et à en porter jusqu'à ce que le soleil ne se couche. J'aime ça. Cet effort qui demande rien d'autre que du muscle. Qui t'fait oublier le reste. La femme qui t'attend. La gosse qui t'en veut. Juste pour que tu ne saches qu'une seule chose. Ton pied qui fait un pas d'plus en avant pour amener l'bois là où il doit aller. On est un vingtaine de gars comme ça, à trimer ensemble sans même que l'un d'nous ne regarde l'autre. On trime la journée et on part se coucher l'soir sous les rires gras du patron. De temps à autre, un premier demande à un second un marteau, un clou de 5. Tout l'monde se mélange d'égal à égal, du jeune gosse étant partis trop tôt de chez lui au vieux briscard dont on n'veut pas connaitre le passé. Y'en a bien un qui m'a marqué avec ses yeux vairons et ses longs cheveux qui partent jusqu'au bas de son dos. L'a cet allure de pirate rangé que mon flair a appris à voir. Mais à quoi bon chercher la p'tite bête? Dans deux mois j'aurai réuni assez d'argent. Je pourrai revenir quelques jours. Offrir cet ours en peluche à la gosse. Ce beau médaillon à ma femme.
Alors je continue. A planter des clous toute la sainte journée. A trimer.
Mais un soir, alors que la fatigue englobe tout mon corps. Alors que mon dos voûté a du mal à supporter les escaliers de l'auberge et qu'allumer la lampe à charbon m'demande un effort insurmontable, je tombe sur quelque chose. Quelque chose qui m'fait dire que je pourrai rentrer bien plus tôt chez moi. Que le lendemain je pourrai plier mes valises pour aller embrasser ma femme. C''est une prime qui traîne parmi d'autres sur la table de chevet dans un bordel sans nom. Elle dépasse des autres pour y faire apparaitre deux yeux vairons qu'on reconnaîtrait entre mille. Gregory Zac. 9 000 000 de berrys. Toute cette foutue thune m'donne la migraine et lorsque je m'affale sur le fétu mal tassé, je m'endors dans un sommeil sans rêve, la lampe à charbon encore allumée.
Je me fais reveiller quelques heures plus tard. Le charbon fini, la fenêtre encore ouverte, le vent vient claquer contre mon corps tremblant de froid. Mais ça, je m'en fou. Je pense à ma femme qui m'attend. Je bloque mon revolver contre ma ceinture et je sors, la nuit va pas tarder à disparaître. La vingtaine de guss travaillant au chantier naval doit déjà y être à se casser le dos. Je ne prends pas le temps de ranger mon bordel. Je m'allume une tige et sors de la piaule sans un regard. Demain je serai auprès d'elle.
Il pleure encore ce matin. Il crache tout autour jusqu'à rendre mon chapeau de cuire tout dégoulinant. Mais j'en ai cure. Des mômes tout autour s'amusent à la balle au milieu de la rue, quelques crieurs gueulent à qui veut pour une bonne poiscaille ou un rôti d'veau. Lorsque j'arrive enfin aux portes du chantier, le patron est déjà à brailler de son rire gras et résonnant. Tous les guss courent de partout, portant des tas de bois, des briques, des clous. Et là, au milieu, le bon vieux Greg qui me mire arriver comme il doit pas aimer mirer les gens arriver. Tout son fatras qu'était dans ses mains est déjà par terre et un vieux six coups est entre ses doigts. L'est rapide le Greg. Mais j'avance, toujours. Mon dos voûté d'hier. Mes jambes branlantes. Tout ça a laissé place à une marche rapide. Sûre d'elle et pour refrain l'idée d'être chez moi le lendemain trotte en fond sonore comme la plus belle des motivations. Le coup part. Celui qui sort d'mon revolver. Il file droit dans la jambe gauche du guss qu'a pas vu le coup venir. Qu'a pas cru que j'irai aussi vite. Mais fallait pas hésiter Greg, fallait tirer avant. Parce que moi, j'hésite pas.
Alors il s'met à chialer comme les saletés d'enfoirés de pirate savent le faire. Il s'met à gueuler, tombé à terre sous le choc, sans qu'il ne puisse rien faire d'autre parce que son genou est maint'nant tout sanguinolent.
_"Ahhhh ça fait mal ! Enfoiré ! J'me suis rangé ! J'suis v'nu ici pour plus faire de mal, pou élever mon gosse comme un honnête gars !"
_"Rien à foutre Greg. Fallait pas buter du bon gars pour lui voler ses quelques berrys. C'est trop tard maint'nant."
Et la balle vole. Dans sa gueule. Une deuxième balle qui vient faire taire ce con qu'a cru qu'on pouvait se racheter comme ça.