C'était le temps des transhumances...
Le temps béni des réjouissances...
Quand les vaches couvertes de fleurs
S'en vont brouter au petit bonheur...
Sifflotant et chantonnant gaiement, Sören guidait un troupeau de vaches, aidé en cela par Brom, ses apprentis et ses chiens qui serraient les bêtes. Par leur seule présence, ils donnaient au défilé un sentiment d'ordre quasi-géométrique. Parfois, une génisse récalcitrante ou curieuse se détachait du groupe, et l'un des garçons lui envoyait un coup dans les rotules à l'aide d'une tige de jonc, tandis qu'un chien grondait d'un air menaçant.
Ce jour là faisait partie des moments forts de l'année, ceux que le petit paysan chérissait le plus. Fin mai, les bêtes de Brom montaient aux estives, situées sur la plus vaste et la plus froide colline de l'île. Presque une montagne. Rien n'y poussait, c'était le domaine du bétail. Et alors, les jeunes vignerons avaient leur permission, tant pour donner la main que pour participer aux festivités.
Toute la journée, on couvrait les vaches de costumes de fleurs, on chantait, on riait et l'on buvait en travaillant. Puis le soir, une fois la besogne effectuée et les bêtes lâchées, on les abandonnait à la surveillance des chiens de troupeau, et l'on dansait, mangeait, prenait du bon temps. Bon temps bien apprécié dans une vie consacrée aux rudes travaux des champs.
-Eh, Sören ! J'espère bien que tu inviteras Svena à danser, ce soir ! Hein !
Sous les rires des apprentis, Sören se sentit rougir jusqu'aux oreilles à la seule évocation de la jeune fille. Sachant que ce genre de plaisanteries faisaient partie du jeu, il arma sa tige de jonc, et se mit à poursuivre Brom qui manqua de s'étouffer, la poitrine agitée de soubresauts.
Au loin, se profilait les contours de l'unique village de l'île, qui faisait office de chef-lieu, de port et de point de ravitaillement. Des banderoles et des guirlandes en soulignaient l'entrée dans un festival de couleurs chatoyantes. On entendait déjà le son des accordéons, des violons et des lourds tambours d'accompagnement. Aux clameurs qui s'élevaient, l'on devinait aussi la foule épaisse qui attendait l'arrivée du troupeau pour le couvrir de fleurs. Le tout en riant et en félicitant les éleveurs et les bergers.
-Eh ! Jeune premier ! Tu crois qu'elle te l'accordera, ta danse ? En tous les cas, t'as pas intérêt à faire dans ton froc devant elle, ça risquerait de l'effaroucher un brin !
Finalement, Brom fut réceptionné par des hourras tandis que Sören stoppait sa course. Il n'avait pas réussi à rattraper son vieil ami, mais peu importait. Cela portait bonheur au poursuivi, et contribuait à sa bonne santé durant l'été, disait-on. Celui-ci l'attrapa par l'épaule, et lui frictionna affectueusement le crâne.
-En v'là un p'tit qu'ira loin ! Eh ! Pour un peu, j'envierais la fille qui dansera avec lui ce soir !
Toujours silencieux, le garçon s'était mis à rire lui aussi. La chaleur humaine qu'il sentait tout autour de lui le comblait.
Le troupeau venait de faire son entrée tant attendue. Une pluie de fleurs se déversa sur les bêtes qui, contrôlées par les chiens et impassibles, poursuivaient leur marche paisible.
Le village était bondé comme jamais. Pour l'occasion, des ouvriers, des éleveurs et des membres des familles vivant sur des îles voisines étaient venus en apportant leur bonne humeur. Et parmi eux, quelques petits truands de campagne, bandits du dimanche qui avaient leur place dans le folklore local pour la journée. Mais seulement pour la journée, c'était évident. Il n'y avait pas de base marine sur l'île, mais les paysans avaient confiance, à juste raison, en leurs propres forces.
Le cortège finit par quitter le village. Les pâtures n'étaient plus très loin, et une bonne partie de la foule s'était greffée au troupeau. Les discussions allaient bon train,et tout était en place pour que la fête s'étende jusqu'au matin en une longue réjouissance.
Le temps béni des réjouissances...
Quand les vaches couvertes de fleurs
S'en vont brouter au petit bonheur...
Sifflotant et chantonnant gaiement, Sören guidait un troupeau de vaches, aidé en cela par Brom, ses apprentis et ses chiens qui serraient les bêtes. Par leur seule présence, ils donnaient au défilé un sentiment d'ordre quasi-géométrique. Parfois, une génisse récalcitrante ou curieuse se détachait du groupe, et l'un des garçons lui envoyait un coup dans les rotules à l'aide d'une tige de jonc, tandis qu'un chien grondait d'un air menaçant.
Ce jour là faisait partie des moments forts de l'année, ceux que le petit paysan chérissait le plus. Fin mai, les bêtes de Brom montaient aux estives, situées sur la plus vaste et la plus froide colline de l'île. Presque une montagne. Rien n'y poussait, c'était le domaine du bétail. Et alors, les jeunes vignerons avaient leur permission, tant pour donner la main que pour participer aux festivités.
Toute la journée, on couvrait les vaches de costumes de fleurs, on chantait, on riait et l'on buvait en travaillant. Puis le soir, une fois la besogne effectuée et les bêtes lâchées, on les abandonnait à la surveillance des chiens de troupeau, et l'on dansait, mangeait, prenait du bon temps. Bon temps bien apprécié dans une vie consacrée aux rudes travaux des champs.
-Eh, Sören ! J'espère bien que tu inviteras Svena à danser, ce soir ! Hein !
Sous les rires des apprentis, Sören se sentit rougir jusqu'aux oreilles à la seule évocation de la jeune fille. Sachant que ce genre de plaisanteries faisaient partie du jeu, il arma sa tige de jonc, et se mit à poursuivre Brom qui manqua de s'étouffer, la poitrine agitée de soubresauts.
Au loin, se profilait les contours de l'unique village de l'île, qui faisait office de chef-lieu, de port et de point de ravitaillement. Des banderoles et des guirlandes en soulignaient l'entrée dans un festival de couleurs chatoyantes. On entendait déjà le son des accordéons, des violons et des lourds tambours d'accompagnement. Aux clameurs qui s'élevaient, l'on devinait aussi la foule épaisse qui attendait l'arrivée du troupeau pour le couvrir de fleurs. Le tout en riant et en félicitant les éleveurs et les bergers.
-Eh ! Jeune premier ! Tu crois qu'elle te l'accordera, ta danse ? En tous les cas, t'as pas intérêt à faire dans ton froc devant elle, ça risquerait de l'effaroucher un brin !
Finalement, Brom fut réceptionné par des hourras tandis que Sören stoppait sa course. Il n'avait pas réussi à rattraper son vieil ami, mais peu importait. Cela portait bonheur au poursuivi, et contribuait à sa bonne santé durant l'été, disait-on. Celui-ci l'attrapa par l'épaule, et lui frictionna affectueusement le crâne.
-En v'là un p'tit qu'ira loin ! Eh ! Pour un peu, j'envierais la fille qui dansera avec lui ce soir !
Toujours silencieux, le garçon s'était mis à rire lui aussi. La chaleur humaine qu'il sentait tout autour de lui le comblait.
Le troupeau venait de faire son entrée tant attendue. Une pluie de fleurs se déversa sur les bêtes qui, contrôlées par les chiens et impassibles, poursuivaient leur marche paisible.
Le village était bondé comme jamais. Pour l'occasion, des ouvriers, des éleveurs et des membres des familles vivant sur des îles voisines étaient venus en apportant leur bonne humeur. Et parmi eux, quelques petits truands de campagne, bandits du dimanche qui avaient leur place dans le folklore local pour la journée. Mais seulement pour la journée, c'était évident. Il n'y avait pas de base marine sur l'île, mais les paysans avaient confiance, à juste raison, en leurs propres forces.
Le cortège finit par quitter le village. Les pâtures n'étaient plus très loin, et une bonne partie de la foule s'était greffée au troupeau. Les discussions allaient bon train,et tout était en place pour que la fête s'étende jusqu'au matin en une longue réjouissance.