Toute histoire commence par un pelotage
"Blake Redhorn | Enzo P. Hisachi"
2 Juillet 1624
– Tiens, 'y a une odeur bizarre.
– Où ça ? Ah oui, ça sent un peu mauvais c'est vrai.
– Oh non, pas « un peu ». Ca fouette tellement que j'ai envie de pleurer. C'est quoi encore ce truc, on dirait du poisson fermenté.
– J'en ai aucune idée... Attends je vais ouvrir les fenêtres.
– Ah mais je sais ! C'est ton mioche qui pue !
– Tu en es sûr ? Ah oui. Bon eh bien... Je vais le changer.
– Quoi ? Mais non, c'est pas grave. Ecoute, pour toi, je serais capable d'endurer les pires souffrances du monde.
– Olé Blakou, tu 'lacontes enco'le des conne'lies. On fait ce qu'on a à fai'le et on s'en va !
– Ta gueule Kiki.
– Pardon ?
– Non rien... Désolé, ma langue a fourché. Elle a envie d'aller dire bonjour à la tienne en fait.
– Espèce de c'létin ! Olé ! Va d'loit au but !
– Hahahaha, tu es mignon.
Le rire cristallin de la fille résonna un instant dans l'air. Les envies de Kiki se faisaient de plus en plus pressantes, mais Blake savait que s'il la brusquait trop, il n'aurait rien du tout. Néanmoins, sa patience avait des limites, et il sentait que l'humeur de sa seconde personnalité commençait sérieusement à déteindre sur la sienne à présent.
–Je plaisante pas ! Allez, reste.
–Dans tous les cas, ça ne change rien. Je vais le changer.
–Et voilà, septième fois. Olé !
– Eh merde, tu sais quoi, t'as qu'à carrément changer de bébé aussi. Ca doit pas être bien compliqué d'en trouver un moins moche. Et moins puant en même temps.
La gifle que Blake se prit vint inscrire une marque rougeoyante sur sa joue droite, agrémentée d'un clap sonore assez impressionnant. La charmante demoiselle qu'il avait réussi à amadouer depuis ce matin en utilisant la difficile technique de drague du « Paon tricéphal » le poussa dehors et lui claqua la porte au nez.
En même temps, elle s'attendait à quoi, hein ? Employer cette manœuvre de séduction nécessitait beaucoup d'énergie, une ténacité à toute épreuve et surtout, une envie très forte pour pratiquer tout cela. Pour des raisons évidemment qui tendent à éviter toute envie plagiaire de la part des fans, la technique du Paon tricéphal ne sera pas détaillée. Néanmoins, il faut juste savoir qu'elle débute tôt le matin, pour une cible très belle et nécessite : quatre battes de baseball, deux fleurs, un petit tableau représentant une ville tranquille et une capacité à interpréter un accent étranger assez marqué. Mettre en place cette tactique avait coûté un temps fou à Blake, et surtout plusieurs précieux Berrys.
–Je te l'avais dit, non ? 'Lien ne vaut la bonne vieille tactique du « j'a'llive, je demande 'lien et je pelote. »
Pour une fois, ce – très – gros naze de Kiki n'avait pas tord. Au moins en agissant ainsi, il aurait non seulement assouvi une partie de ses pulsions, mais en plus, il se serait économisé beaucoup de boulot gâché. Car oui, on pouvait considérer que passer une journée à charmer une jolie dame était du temps gâché. On pouvait considérer que se faire enfin inviter chez la fameuse femme le soir pour finalement ne rien faire, était du temps gâché. On pouvait surtout considérer que si on se faisait inviter par cette même dame, mais que l'incapacité à faire quoique ce soit d'intéressant était due à un bébé puant et moche, cela n'était rien d'autre que du temps foutrement gâché.
Alors ouais, rien à dire vraiment. Il avait gâché sa journée.
Qu'est-ce que ce vieux Bill, canonnier de l'équipage de son gros père, avait dit dit déjà? « Va vers East Blue. C'est là-bas que commencent tous les grands pirates. C'est par là-bas aussi que j'ai entendu pour la première fois l'histoire de la Nymphe de Rough Tell. » Évidemment, ce que Bill avait omis de préciser c'est que le trajet jusqu'à East était d'une longueur interminable, bien souvent garni de femmes aussi frigides que la glace et aussi belles qu'un rocher. Mais le pire dans tout ça était que maintenant qu'il avait posé pied à terre, voilà que sa meilleure tactique ne fonctionnait pas. Et en plus, il avait écopé d'une gifle en prime.
C'est donc frappé en plein orgueil que Blake déambulait cet après-midi là dans les rues de Shell Town. L'île était d'une tranquillité apaisante, ça on ne pouvait pas l'enlever. D'ailleurs, c'était à peu près le genre d'endroits qu'il aimait : une petite île, avec des habitations pittoresques et des femmes polies. Rien de plus attirant qu'une femme polie. Les fantasmes les plus fous de Kiki d'ailleurs résidaient dans l'acte impossible formé avec une femme insaisissable. En effet, il leur était arrivé une fois, en présence d'une nonne de...
–Hé toi, connard, ouais toi ! J'vais t'règler ton compte.
Blake fit volte-face, releva la tête et aperçut ce qui ressemblait à deux énormes boules de bowling juste placées sous son nez. Clignement d'yeux, balbutiements dignes d'un borborygme bovin, tout y passa. Alors oui, effectivement, rien n'était plus attirant qu'une femme insaisissable. Mais il fallait tout de même avouer qu'une bonne vieille poitrine bien grosse avait de quoi ravir tous les hommes. Surtout quand on possédait une seconde personnalité aux envies aussi puissantes que celles de Kiki.
Devant une femme ravissante, la première réaction serait de tenter de la charmer, en élaborant les plans les plus fous et les plus parfaits possibles.
Devant une paire de seins aussi géante, la première réaction serait d'y mettre la main. Chose qui ne manqua pas d'arriver.
– OH OUI !
Aïe. Ce fut à peu de choses près ce que Blake beugla sans interruption l'espace de quinze secondes. Quinze secondes durant lesquelles une quantité phénoménale et innombrable de dioxyde de carbone s'échappa de sa bouche, mélangée à une certaine dose de salives, avant d'aller se réfugier sur le visage de la fille.
Car oui, pour le Pervers, prendre un coup à l'entrejambe suivi d'un tirage de cheveux tenait aussi bien de la douleur physique que du traumatisme moral.
– Bordel, mais t'es malade ?!
– Olé Blakou, on s'en va, allez. Me fo'lce pas à p'lend'le le cont'lôle. Elle m'a fait mal... Elle m'a fait mal. J'ai mal... Olééééé ! Pou'lquoi t'as fait çaaaa...
– C'est toi qui m'as dit de rien demander et de peloter, tu t'rappelles ? Ah... Et puis merde ! Ferme-la Kiki, j'ai un compte à régler avec Méga-seins.
– Tu m'as appelé comment, connard ?
– Quoi, t'as les nichons tellement gros que le son monte pas jusqu'à tes oreilles, c'est ça ?
– Je vais t'apprendre les bonnes manières moi ! BWAAAH ! Bouffe ça espèce de MALOTRU
Femmes à nichons, femmes à questions. Oui, la présence de cette créature était annonciatrice de bon nombre de questions pour Blake. Ainsi, alors qu'il se prit une nouvelle claque, plusieurs problèmes se nouèrent dans son esprit : Tout d'abord, comment un corps aussi fin arrivait-il à supporter une charge aussi lourde au niveau de la poitrine ? Interrogation tout de même existentielle, et plus que mystérieuse. Ensuite, Kiki arriverait-il un jour à surmonter le traumatisme lié à ce choc intense ? Apparemment oui, puisque les émotions qu'il dégageait étaient un mélange de haine, de peur, mais aussi et surtout d'envie dirigée vers cette grosse poitrine. Après, comment une gonzesse aussi jolie arrivait-elle à faire aussi mal tout en agrémentant ses paroles d'une vulgarité infaillible ? Alors là, aucune idée, vraiment. Ses gestes semblaient transpirer l'expérience même, comme si elle s'en était prise à des hommes toute sa vie durant. Et enfin, depuis quand une femme arrivait-elle à tromper son Sweet-Sense ? Là était le réel mystère dans cette affaire, parce qu'une poitrine pareille, il aurait dû la sentir à des kilomètres.
– Non mais... Qui êtes-vous ?
Une question banale, tellement simple qu'elle paraissait stupide ; alors qu'en fait, elle émanait aussi bien de Kiki que de Blake. Tous deux étaient interloqués par cette personne à l'aura si particulière : un mélange de classe hautaine et de force, qu'elle soit physique, mentale ou juste expressive.
– J't'en pose des questions, connard ?
Une réponse banale, tellement simple qu'elle paraissait stupide ; alors qu'en fait, elle transpirait aussi bien la puissance que des aisselles. Parce que oui, ça puait. Ça puait même sacrément fort. Cependant, la femme prit la peine de continuer.
– C'que j'peux t'dire, Redhorn, c'est que ch'uis là pour te mettre une correction.
– Olé Blakou, la bimbo qui fait peu'l elle sait comment tu t'appelles !
– Ah mais je sais, t'es une groupie en fait ? HAHA ! Si c'est juste pour un autographe, c'est pas bien grave. J'ai pas beaucoup de fans encore, donc t'as de la chance ma jolie.
La mégalomanie excessive de Blake – véritable égomaniaque en puissance – avait souvent pour effet de déstabiliser les gens. On pourrait prendre ça prendre de la naïveté, alors qu'en réalité, cela relevait plus d'un culte de la personnalité. Car oui, il aimait crier son nom partout, c'était là l'une de ses grandes particularités. « Si tu veux qu'on sache qui t'es, alors gueule comment tu t'appelles, c'est tout. Et si tu veux laisser une trace de qui t'es, alors touche tout le monde quand tu cries, et on t'oubliera jamais. » Les conseils de Jean-Albert Redhorn, son père, étaient d'une pertinence rare – selon son fils – et d'une imbécillité innommable selon tous les autres.
Or, c'est Blake qui s'exprimait. Adoptant un ton solennel, il s'exclama :
– Oui, car je suis Blake Redhorn, et je suis celui qui pelotera la Poitrine de Jouvence !
Joignant le geste à la parole, il attrapa de nouveau un des énormes seins de la femme. La réaction ne se fit toutefois pas attendre : cette-dernière lui asséna une gifle surpuissante, suffisamment pour le soulever du sol et le balancer contre un homme. Car oui, après le cri qu'elle avait émis tout à l'heure, la bonne femme avait réussi à attirer une petite foule de monde qui se mit à l'entourer.
– Waouh, vous avez vu la torgnole qu'elle lui a mise ? On dirait pas, mais c'est une vraie guerrière.
– Il l'a cherché aussi ! Quelle vulgarité, oh !
Des mots blasphématoires. Qui pouvait être assez importun pour oser parler de la sorte du Pervers ? Blake fit volte face vers les deux personnes qui avaient osé dire des choses pareilles, un regard noir animant ses yeux. Il allait les massacrer sur place, rien que pour le plaisir de faire gonfler sa prime, comme un bon vieux pirate original. Comme ces types prêts à tout pour devenir l'égal de Gros Bill. Oui, il allait le faire... Il allait les tuer...
Verbalement.
– Pour qui vous vous prenez vous, hein ? Toi là, avec tes cheveux roux. Tu te crois beau ? Et toi là, avec ton gros ventre, tu te crois beau aussi ? Vous êtes tous des ignorants ! Tous ! Un Pervers n'est pas vulgaire ! Il est juste PERVERS. Laissez la vulgarité à ceux qui ne feront rien de leur vie, comme vous ! Et vous ! Et vous ! Et toi aussi !
Ce fut à ce moment-là qu'il se rendit compte qu'en se relevant, il s'était mis à marcher sur le chapeau du type contre lequel il avait atterri. Un mec assez bizarre, il faut bien l'avouer. Néanmoins, il n'avait guère réellement le temps de s'attarder là-dessus, puisque la jolie catcheuse s'était mise à avancer vers lui.
– Hé mais attends, pourquoi tu me tapes si t'es ma groupie ? C'est bien c'que tu veux, non, gouter aux charmes physiques du graaaand Blake Redhorn ! (Il ne put s'empêcher de faire des signes à la foule en prononçant son nom, espérant que celle-ci réagisse en émoi à son appel. Il n'en fut rien)
– Olé Blakou, elle m'a fait mal au dépa'lt ! Tu c'lois v'laiment qu'une g'loupie fe'lait mal à l'inst'lument même du pe've'ls ?
– Alors... T'es pas une groupie ?
– Non, je suis pas une groupie. Je suis Lucinette, et au nom de la Secte, Blake Redhorn, je vais te régler ton compte, sale crevard !
– La Secte ? C'est quoi ça, un groupe de religieux ?
– Olé Blakou, on n'a pas le temps pou'l ces conne'lies, là ! ! Elle a'lliiiiiiiive !
« Quand le Pervers est en mauvaise posture et que la fuite est une alternative impossible, alors il ne reste qu'un seul moyen pour favoriser son salut. Se servir des autres. » Oui, Blake aimait inventer des maximes pour son fameux « art martial » du Perverse-Style. Ces règles en question, il les trouvait sur le moment, les considérait comme ayant une force obligatoire et donc, les appliquait sans hésitation. Car tel était le pouvoir du Pervers : édicter une pensée, et suivre cette pensée !
Alors, attrapant le mec par terre, qui paraissait plus choqué et incrédule qu'autre chose, Blake le balança sur la course de la jolie sectaire.
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Généralement, les coups du sort interviennent à cause de l'ignorance des particuliers. Par exemple, lancer un parfait inconnu dans une situation à laquelle il est totalement étranger, innocent, et externe, est une ignorance. Lancer un parfait inconnu travaillant directement pour le Gouvernement Mondial, est une ignorance. Lancer un parfait inconnu venu là en congé, est une ignorance – certes salutaire, mais ignorance quand même. Mais surtout, lancer un parfait inconnu, sans savoir qu'il s'agit là de celui qui deviendra sa Némésis absolue, est une ignorance tellement conne qu'on ne s'appesantira pas là-dessus.
Or, Blake est tout à fait le type d'abruti à être atteint de ce genre d'ignorance.
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