« Allez chérie, l’est temps de partir. J’en connais qui seront très contents de te revoir, là où tu vas. »
Petin Port, c’était fini pour nous. On en avait assez, assez vu. On avait assez cassé de trucs, assez fait de bêtises pour se permettre de rester. J’étais à peine tirer de mes rêveries que j’étais en forme, prête à affronter le monde. On pouvait appeler ça une nuit revigorante, mais après deux nuits blanches, difficile de pas se remettre d’aplomb avec un bon moment et dix heures d’un bon sommeil comme il fallait. Ouais, parce qu’en plus d’être complètement détendue et comblée, j’étais aussi de très bonne humeur. Oh, bien sûr, encore de vagues douleurs par-ci par-là, mais rien qui ne pourrait entacher ma bonne humeur. Finalement, les choses s’annonçaient drôlement bien.
Le Tahar avait mis les voiles le matin-même, prenant au moins la peine de pas me réveiller. Fuite en avant ou bonne intention, peu importait. Maintenant, j’étais en sécurité et je ne risquais pas de représailles s’il venait à apprendre que je lui avais lâché un vilain mensonge. J’aurais pourtant payé cher pour voir la tête qu’il allait faire en apprenant que je l’avais entubé en beauté. J’imaginai déjà les gros titres : « Viper, remise entre les mains du gouvernement », « direction Impel Down pour l’ex-agent du Cipher Pol » ou « Tahar Tahgel n’a plus sa bienfaitrice pour le tirer d’affaire ». Haha, c’était ça, le bonheur. Je ne me savais pas aussi vicieuse, ni aussi chanceuse. Fallait croire que la faculté de faire des coups tordus, c’était dans les gênes.
J’avais, en plus de tout ça, les informations qu’il me fallait pour retrouver le paternel. Un tour sur North Blue s’imposait pour mettre la main sur celui que je visais à la base, mais seulement après avoir livré la demoiselle. Ouvrant la porte du placard ou elle avait passé les deux derniers jours, je demandai à Bee et l’en sortir et de la porter jusqu’à notre embarcation. Je sortis une enveloppe de ma poche, dans laquelle étaient glissés les mille berries promis au gamin qui m’avait généreusement gardé ma proie. Le dit gamin dormait encore paisiblement dans sa chambre. Je posai donc sa prime sur le meuble de la cuisine, demandant à Bee de me suivre.
Petin Port n’était pas l’île qu’il nous fallait pour trouver un con qui pourrait nous aider. Les chasseurs de primes ne couraient pas les rues, dans le coin, même si sur ce week end, ils auraient pu faire un sacré paquet. A chacun sa chance, pensais-je en souriant, allant jusqu’au port pour voler une embarcation. Bee chargea Viper, il grimpa à bord, tandis que j’allumai le moteur du petit zodiac à notre disposition.
La roue de la fortune faisait son œuvre : Shell « Punk » Phillip n’avait qu’à bien se tenir, j’arrivai pour lui botter les miches, et comme il fallait.
Il nous fallut une journée entière pour ramer jusqu’à l’île suivante. Un bled, pas forcément très fréquentables, ni bien fréquentés, ou s’amassaient des gens aux allures patibulaires. Nous débarquâmes avec une pointe d’anxiété, posant pied à terre en regardant autour de nous. Il me semblait que la menace pouvait venir d’absolument partout, et qu’une fille comme moi ne pouvait survivre que quelques minutes avant de se faire traquer. C’était au moins l’endroit qu’il me fallait pour tomber sur un type qui allait probablement essayé de m’arnaquer, mais qui pourrait empocher pour moi la prime de Viper.
L’île n’était pas bien grande et les marines n’étaient pas bien nombreux. Mais il y avait une base, retranchée dans les terres. Il y vivait en majorité des pirates, des brigands, et autres fripouilles de la trempe d’un mini-Tahar. Pour résumer brièvement, ce bout de terre était le paradis de la vermine, pas au niveau de Las Camp, assurément, mais pas vivable pour une modeste famille qui souhaiterait s’installer pour éduquer sa ribambelle de gamins. Bee, sous sa forme d’hybride, couvrait mes arrières, tandis que j’avançai d’un pas décidé vers le centre des terres.
Je connaissais la loi, je savais comment la Marine allait m’accueillir si je me pointai en réclamant mon dû avec Viper sous le bras. Si je devais trouver un chasseur, c’était parce que son diplôme me serait utile pour empocher l’argent qui devait me revenir. Je n’étais pas du genre radine, et je savais qu’il me faudrait faire preuve de générosité pour amadouer le premier connard qui me semblerait assez fiable pour lui confier ma prise.
Mes pas me menèrent très vite jusqu’à un bar miteux, ou il y avait du monde et de l’ambiance. Ouvrant la porte à grand coup de pied, beuglant à l’intention de tous dans la pièce, j’avais tout l’air d’une putain de tête brulée, du genre à pas avoir froid aux yeux dans un patelin complètement perdu et mal habité :
« Hey, les connards ! »
Tous se retournèrent vers moi, d’un seul homme, me regardant de haut en bas. Bee était juste derrière, tenant dans son immense main d’acier le tapis toujours enroulé contenant le corps de la futur prisonnière. Un sourire provocateur, l’air assuré, je m’adressai de nouveau à l’assemblée :
« Y’a un chasseur de prime dans le coin ? »
Silence. Dans un coin comme ça, si on chassait sérieusement le gibier, ce n’était pas bien malin de faire sauter sa couverture. Mais j’avais un argument de poids dans mon sac, qui allait sûrement faire réagir :
« J’ai cinq millions à offrir au premier couillon qui me file un coup de main. »
Nous on est la base. Le ciment. Et le ciment ça pense pas. Ça colmate.