L'homme inspecta du regard Ylvikel. On pouvait voir dans ses yeux qu'il se demandait ce qu'une personne comme lui faisait ici. Il lui raconta alors sa journée. Ylvikel était comme un enfant qui venait de recevoir ses jouets pour Noël. Il sentait monter en lui l'excitation quand cet homme lui parlait de ses problèmes. Il n'aurait jamais imaginé qu'il allait trouver dans cette ville, un cas d'étude aussi intéressant que ce jeune homme ! Être si jeune et avoir des problèmes de mémoires ce n'est pas donné à tout le monde. Un médecin ne peut laisser passer une telle chance. Ylvikel le voulait, et quand il veut quelque chose, il l'obtient. Seulement, il ne pouvait pas simplement lui demander de le suivre bien gentiment pour lui faire ses macabres opérations. Non, il fallait trouver un plan d'attaque ! Et d'un coup, il lui vint une idée.
L'homme venait de lui conter sa journée. Pour lui aussi, elle n'avait était guère fameuse. De plus, s'il était ici pour la même raison qu'Ylvikel, c'est qu'il envisageait de se saouler. Effectivement quand on passe une sale journée, la seule chose qui peut vous remonter le moral, c'est l'alcool. Ylvikel savait maintenant quoi faire pour l'étudier. Il l’incita à boire ( l'abus d'alcool est dangereux pour la santé ) pour en connaître un peu plus sur sa maladie. Il apprit ainsi que l'homme n'avait plus de souvenir depuis le 8 juillet 1624. Cette information était précieuse pour Ylvikel. Maintenant, il avait une idée de ce qui pouvait en être la cause.
Au bout du dixième verre, les yeux du jeune homme se fermèrent petit à petit. Quand Ylvikel le remarqua, il s'illumina. Son regard devint pétillant et un grand sourire apparut sur son visage. Rien qu'en le regardant on pouvait voir son excitation. D'ailleurs, il en tremblait. Il souffla un bon coup et bu lui aussi son verre qu'il avait commandé un peu plus tôt auparavant, mais qu'il n'avait pas eu le temps de finir. Et pour cause, il était tellement occupé à écouter ces histoires d'amnésie, qu'il ne l'avait quasiment pas touché. Ylvikel but d'un trait son verre de rhum et le reposa sur le comptoir. Ce qui l’intéressait maintenant, c'était l'homme juste à sa gauche. Il le regarda avec envie. Il s'était évanoui avec le dernier verre. La position dans laquelle il se trouvait était assez comique. En effet, sa tête était posée sur le bar et ses bras pendouillaient. Ce qui était sûr, c'est qu'il dormait. Il fallait maintenant le déplacer dans un endroit plus tranquille. Ylvikel se leva et appela le barman.
« Excusez-moi mon brave, je viens d'arriver ce matin en ville et je ne connais pas trop les environs. Pourriez-vous m'indiquez les coins que l'on doit éviter à tout prix ? »
Le barman s'approcha d'Ylvikel, mais juste avant qu'il ne prenne la parole, celui-ci l’interpella de nouveau.
« Surtout les coins sombres, ça me gêne de vous le dire, mais le noir m'effraie. »
Le barman fut surpris par la déclaration d'Ylvikel et se mit à rire.
« Ma fille aussi a peur du noir, vous avez donc tous les deux un point en commun. Pour répondre à votre question, je vous déconseille d'aller à l'Est. Le soir, on n'y voit vraiment rien et il n'y a quasiment rien là bas à part des entrepôts. Dirigez-vous vers l' Oues . . . »
Ylvikel n'écoutait déjà plus le barman. Il savait maintenant où aller pour faire son expérience tranquillement grâce à cet imbécile. Yvikel n'aurait jamais pensé qu'il allait lui indiquer l'endroit le plus dangereux de la ville sans même lui demander pourquoi. D'un côté, il avait bien préparé le terrain en lui indiquant qu'il avait peur du noir. Il se leva de sa chaise, sortit de sa veste cinq cents Berry et les posa sur le comptoir.
« Je te remercie, pour ses informations précieuses. Je vais donc pouvoir raccompagner cet homme ivre chez lui sans la moindre crainte. A plus. »
Sur ces mots, Ylvikel Strauer souleva l'homme, mit son bras droit autour de son cou et les deux hommes se dirigèrent vers la sortie. Il était plus grand que lui et ses jambes traînaient à même le sol. Ce dernier avait tellement bu qu'il bavait sur Ylvikel. Il avait quand même bien réussi son coup notre petit Ylvikel. Ils partirent donc à l'Est comme leur avait indiqué le barman. Plus ils marchaient dans cette direction, plus l'obscurité gagnait du terrain. Puis tout à coup, Ylvikel aperçut sur sa droite une petite ruelle. Elle était parfaite, car de la rue on ne distinguait même pas si quelqu'un s'y trouvait ou pas. Quand ils arrivèrent sur place, Ylvikel lâcha brusquement l'homme et s'essuya le front.
« Pfiou, tu manges bien toi. »
Il s'assit contre le mur afin de reprendre un peu son souffle. Le ciel était particulièrement étoilé. Il déposa sa veste sur un petit tonneau ainsi que son chapeau. Il prit l'homme qu'il avait laissé tomber au sol, et l'assit sur une caisse qui traînait dans le coin. Il était temps pour lui de commencer l'opération, ou la dissection de ce jeune homme. Seulement, il faut les outils adéquats. Heureusement, Ylvikel avait toujours son précieux kit chirurgical sur lui. Il mit sa main dans sa veste et le sortit de cette dernière. À l'intérieur, il prit son scalpel et une paire de gants qu'il enfila aussitôt.
« Bon, je vais lui découper la peau du crâne pour atteindre sa boite crânienne dans un premier temps. »
Muni de son scalpel, il découpa minutieusement la peau de son crâne. Ce qui avait toujours fasciné Ylvikel durant ce genre d'expérience, c'était la discrétion du sang. Discrétion dans le sens, où il n'y avait que très peu de saignement. Cela permettait de rendre ce genre d'opération invisible si on n'y prêtait guère attention. Après une dizaine de minutes, Ylvikel retira la peau du crâne et la déposa sur un tonneau. Il était donc arrivé face à la boite crânienne. Le problème c'est qu'à partir de maintenant ça allait se compliquer, enfin c'est de que vous croyez. La réalité en est tout autre. En effet, le scalpel d'Ylvikel n'est pas banal. Il possède à son cul une petite scie rotative pour ce genre de situation. Comment elle fonctionne ? C'est très simple. Il y a un mécanisme qui s'active lorsqu'on empêche l'air de s’engouffrer à l'intérieur, entraînant ainsi l'activation de la scie.
La scie étant maintenant active, Ylvikel la posa sur la boite crânienne du jeune homme. Un bruit strident ce fit entendre et une petite odeur de brûler s'y dégagea. L'opération lui prit approximativement une demi-heure. Lorsqu'il eut fini la craniotomie, Ylvikel ôta et déposa ce qu'il venait de découper à côté de la peau.
Ylvikel n'en revenait pas. Il était loin de s'imaginer que ce qu'il allait découvrir à l'intérieur de ce crâne allait à le fasciner à ce point. C'était la première fois qu'il voyait quelque chose de ce genre. Une substance verte était accrochée sur les côtés du cerveau. Plus particulièrement, sur les lobes temporaux. Ces derniers sont impliqués dans la mémoire, le langage et l'odorat. Ylvikel était d'ailleurs surpris que cet homme n'ait pas de problème au niveau du langage vu la taille de cette substance. Plus il la regardé et plus il était fasciné par elle.
Il prit donc son scalpel et toucha cette matière verte pour voir comment elle allait réagir. À sa grande surprise, elle bougea et se déplaça vers l'arrière. Elle était vivante !
« Fascinant ! Vraiment fascinant ! »
Pour Ylvikel, c'était Noël avant l'heure ! Il prit le temps de se mettre à genoux et récita une prière pour remercier Dieu de lui avoir offert un merveilleux cadeau. Cependant, il savait très bien qu'il n'allait pas pouvoir retirer toute cette substance. Elle était bien trop importante et le temps allait finir par manquer à Ylvikel. Il fallait donc faire un choix, prendre le risque de tout enlever ou alors retirer qu'un petit bout. Ylvikel n'hésita pas longtemps et décida d'opter pour la deuxième option. Pourquoi aurait-il tout enlevé alors qu'il n'était pas payé après tout ? Il sortit une petite pince de son kit. Il attrapa la substance verte par une de ses extrémités et coupa un petit bout de deux centimètres qu'il s'empressa de mettre dans un bocal hermétique. C'était incroyable, on voyait nettement que cette substance était vivante. Elle bougeait dans tous les sens pour essayer de sortir du bocal. Les premiers rayons du soleil firent leurs apparitions. Il fallait donc remettre le jeune homme en état de marche ! Il reprit le bout de crâne qu'il avait découpé et le mit à sa place originale. Pour solidifier la partie du crâne qu'il avait découpé, il avait placé tout autour une sorte de résine afin d'aider l'os à se régénérer plus rapidement. En général, une demi-heure suffisait. Puis, il remit la peau du crâne et la cousue avec le plus grand soin. Il laissa tout de même une petite cicatrice afin que ce dernier puisse remarquer qu'il avait eu une petite opération. Ylvikel aimait bien ce petit jeu sadique du chat et de la souris. Il savait qu'une petite partie de sa mémoire allait lui revenir et si jamais un jour, il voulait qu'elle lui revienne entièrement, il avait sur lui le premier indice.
Il devait maintenant être dans les alentours de six heures et le soleil se faisait de plus en plus présent. Ylvikel avait donc terminé l'analyse du cerveau du jeune homme. Il n'en était pas déçu, dommage qu'il n'eût guère plus de temps. Il remit donc sa veste ainsi que son chapeau et le regarda une dernière fois.
« Quel drôle de personnage que voici. Je me suis bien amusé en ta compagnie. Si un jour tu souhaites me retrouver, je t'ai laissé quelques indices avec cette cicatrice. À toi de savoir les décrypter. »
Sur ces mots, Ylvikel partit donc en direction de High Town. Après tout, il était venu pour visiter cette ville à la base. Non pas pour faire une craniotomie.