[FB 1623] Une histoire de chocolat.
Une Histoire de Chocolat
"Blake Redhorn | Mayaku Miso"
Fin 1623
– J'm'en fous de ce que tu penses ! J'irai sur Grand Line, point final !
– Ah ouais ? TETETETE ! Et c'est quoi qu'elle en dit ta mère ? Ch'uis sûr que quand elle le saura, elle te foutra un bon coup d'pied au cul et t'iras dormir !
– Olé Blakou, il a 'laison ton papa. On est bien ici. Bikini Island c'est cool ! Olé !
– Ta gueule Kiki ! Je fais c'que je veux d'abord.
– Ta gueule Kéké, c'est moi son père ! Ouais Blake, ch'uis ton père alors pas question que t'y ailles, c'est clair ?
L'éternelle dispute qui se déroulait était une scène qui se faisait récurrente depuis plusieurs semaines maintenant. Bien qu'habitués aux arrivées souvent peu discrètes des Gro'Lar Pirates, les habitants de Bikini Island étaient toujours aussi à l'écoute quand les Redhorn père et fils se mettaient à gueuler. Ainsi, tout en débarquant les maigres revenus d'une soi-disant piraterie exercée, les deux Pervers les plus célèbres de l'île faisaient preuve d'une incroyable volonté, d'une abnégation infaillible et surtout d'une répartie à faire pâlir n'importe quel adepte de la rhétorique.
– T'es qu'un gros lard de peloteur de travelos, papa ! Ouais !
– Olé Blakou, le pauv'le ! C'est ton pè'le !
– T'as entendu ça, Kéké ?! Et toi t'es qu'un sale gamin capricieux même pas foutu de trouver son chemin dans les tétons flétris d'une vieille aigrie !
La foule, rassemblée autour de la joute verbale d'une puissance et d'une finesse rares, ne cessait de lâcher des « oh » et des « ah » à chaque nouvelle attaque. En la matière, Blake avait de l'expérience, mais son père n'était pas en reste. Tel était le secret des Redhorn : une incroyable capacité à se mettre en scène, à transformer en or même la plus terne des discussions. Au bout d'un certain temps cependant, le vieux Bill, canonnier de l'équipage, tenta de mettre fin aux hostilités en proposant d'aller se croquer un morceau. Evidemment, la proposition ne fut pas refusée car, comme le disait Jean-Albert et son père avant lui « si tu veux peloter, pense à manger. »
On aurait pu penser que la bataille était terminée tant la joie semblait s'être soudainement éprise de la mentalité des Redhorn. En réalité, il n'en était rien. Les hommes de cette famille étaient connus pour leur versatilité insoutenable, leur excitation intraitable et surtout leurs émotions incontrôlables. Evidemment, bien sot aurait été celui qui les considérerait en mal. Tous deux voyaient leur pas guidés par une force mystérieuse, l'incarnation mystique et surnaturelle de leur libido. Kiki pour Blake, Kéké pour Jean-Albert. Aussi, ceci expliquant cela, on pouvait comprendre pourquoi ces deux hommes formaient presque à eux seuls l'une des attractions principales de Bikini Island. Et surtout, l'un des seuls sujets de conversation qui en valait réellement la peine.
Les Gro'Lar montèrent la petite pente située près de la jetée de l'île. Quartier relativement animé par des femmes adeptes de tous les ragots leur tombant sous la main, on constatait toujours un certain mutisme quand les pirates se baladaient aux alentours. La population se contentait alors de les regarder, mi-impressionnée, mi-amusée. Certains se risquant même à les saluer. Parce que oui, ici, les flibustiers n'étaient pas rejetés. Comme décrit précédemment, les Gro'Lar causaient une quantité réellement minime de problèmes. Alors oui, ils avaient tendance à boire et à s'étaler par terre en rampant dans leur vomi. Oui, il arrivait que le capitaine ou son fils – parfois les deux en même temps – fassent preuve d'envies soudaines pour le pelotage de filles en ville. Et oui, ils pouvaient même terminer leur soirée en volant un bateau par inadvertance... Mais pour quel mal pouvait-on les blâmer ?
Blake avait beau répugner l'alcool – une expérience précédente pendant laquelle, ivre, il avait touché à une femme alors qu'elle était dans une période mensuelle peu attirante, l'en avait définitivement dégoûté – il savait que ses compagnons ne partageaient pas son mode de vie. Et pour cette raison, il s'était demandé comment l'île de Bikini Island pouvait tolérer ces flaques de vomi garnissant les pavés des rues et les vitrines des boutiques. Et la réponse était toute simple : le business. Cet endroit était tranquille. Très peu de bateaux faisaient la navette entre ici et les autres îles de South Blue. Or, les Gro'Lar pillaient certaines embarcations sans grande envergure et ramenaient leur butin sur Bikini, avant de le revendre ou de l'échanger. De même, il arrivait aux habitants de donner des petits services aux Gro'Lar, comme par exemple leur acheter un certain objet dans une certaine boutique d'une île voisine. (Car oui, Jean-Albert refusait d'aller plus loin que les deux plus proches îles de Bikini Island. Selon lui, ça ne « serait pas de son ressort » et ça ne « l'intéresserait pas».) Et surtout, les Gro'Lar constituaient une bonne source de distraction pour les riverains, en plus de faciliter le commerce. Voilà pourquoi leur présence et leurs actes étaient tolérés, voire même considérés comme coutumiers et admis.
Au bout de quelques minutes, ils parvinrent enfin devant la porte de la Taverne de Joe. Un des endroits les plus animés de Bikini Island en soi. Alors quand en plus les Gro'Lar y venaient manger et boire – après une bonne virée – l'ambiance ne pouvait qu'y être.
– TETETETETETE Joe ! Sers-moi ton shot le plus fort !
La porte d'entrée était à peine poussée que Jean-Albert avait déjà montré les raisons de sa présence ici. Ainsi que son rire particulièrement singulier.
– HAHAHAHA ! Ca fait plaisir d'te voir là Jean-Al' ! Et vous aussi les gars !
Blake emboita le pas à son père et pénétra à son tour dans la taverne. Celle-ci était déjà bondée de monde, l'heure du dîner approchant. On aurait pu croire que les gens préfèreraient passer leur soirée chez eux, à manger tranquillement... Mais on était Mercredi, et tout le monde savait que cela était synonyme de passage des Gro'Lar. Le genre de festivités que les gens ne rateraient pour rien au monde.
– HAHAHA ! Salut Blake ! Ch'uppose que tu veux rien boire ?
– Non, ça va aller. Boire ça fout un gros bide, et je tiens à mes beaux abdos.
– HAHAHAHA ! J'en attendais pas moins d'toi mon p'tit. Parce que, comme disait ma bonne femme « si t'as pas d'amis, prends un Curly ».
– Hein ? Pourquoi tu dis ça ?
– Désolé, HAHAHAHA, un peu trop bu j'crois bien. Bref, j'te sers quoi ?
– Envoie ton ragout, et de la viande. Pas de légumes, parce que les légumes ça reste dans les dents. Et un truc dans les dents, c'est mauvais pour le sex-appeal.
– HAHAHAHAHA t'es l'digne fils de ton père, toi, hein ?
Joe aurait très bien pu faire partie des Gro'Lar Pirates. En tous cas, il avait tous les arguments pour : il sortait des blagues pourries, faisait des références à sa femme morte depuis dix ans comme si c'était normal, avait un rire très communicatif et surtout, savait manger. (Oui, une des conditions sine qua non pour l'intégration aux Gro'Lar était de pouvoir ingurgiter son poids en viande sans fléchir ; les « concours de bouffe » formant une des principales attractions sur la Biscotte, navire de l'équipage.) Néanmoins, la perte de cette même femme l'avait poussé à vouloir se poser et à finir sa vie comme il savait qu'elle l'aurait souhaité : en buvant dans sa taverne, et en faisant boire les vieux comme les plus jeunes.
Pourtant, l'alchimie entre l'équipage et Joe, entre les pirates et leur intermédiaire avec l'île, semblait parfaite. Même Blake avait été complètement adopté. En même temps, la ressemblance avec son père était frappante, et vue la relation plus qu'amicale – certains soupçonnant même une nuit d'ébriété entre les deux, où certaines « choses » se seraient déroulées – qu'entretenait le tavernier et le capitaine, il ne pouvait en être autrement. Evidemment, Blake et Jean-Albert possédaient des différences, la plus frappante étant l'obsession du fils à devenir quelqu'un d'important. Il aurait tiré ce côté chieur et jamais content de sa capricieuse de mère selon Jean-Albert, ce qui ne serait sans doute pas faux.
Blake et l'équipage vinrent s'asseoir autour du bar, attendant que les cuisiniers de Joe finissent de préparer le plat. (La Taverne de Joe n'en était pas vraiment une : en raison de la grande popularité du commerce, celui-ci avait étendu ses fonctions à celles d'un véritable bar restaurant). Ce fut alors qu'il s'installa sur son tabouret que Blake ressentit pour la première fois quelque chose. Léger frétillement de sa joue droite, démangeaison au niveau du front, infime gargouillement au ventre. Le Sweet-Sense, cette étrange faculté de détection des jolies filles, s'était à présent activé...
– Je sens...
– Je sens...
D'une même voix, le père et le fils s'étaient exprimés. Blake n'eut que le temps de voir son père se lever et se diriger d'un pas assuré vers la source de cette étrange sensation. Nombreuses avaient été les données reçues par le Sweet-Sense : d'énormes poitrines, des cuisses sublimes, de magnifiques damoiselles. Là, ce que Blake ressentait, était un mélange d'inquiétude et de fascination. Une femme était ici, une femme dotée d'une beauté certaine. Mais une beauté mélangeant habilement étrangeté et intérêt. Rien que pour cette raison, elle méritait que Blake s'intéresse à elle. Et surtout, qu'il affronte ouvertement son père sur un sujet aussi délicat.
Il remarqua Jean-Albert à quelques mètres désormais, penché vers une femme vêtue d'une fine robe mettant ses jambes en valeur, et drapée d'une longue chevelure dorée. Le pirate, nanti de ses bras bodybuildés malgré son ventre gonflé par l'alcool, semblait prêt à parler.
– TETETETETETETE ! Bonsoir à vous ma jolie, ch'uis Jean-Albert Redhorn, capitaine des Gro'Lar Pirates. Mais vous pouvez m'appeler Jean-Al'. Ou « mon beau » si vous voulez aussi. TETETETETE !
– Olé Blakou, tu vas quand même pas te mêler de ça ? C'est ton pè'le !
– Kiki, j'te signale que c'est toi qui m'as montré cette fille avec le Sweet-Sense. Alors commence pas à te plaindre.
– J'vois que vous mangez du chocolat ! V'savez, mon équipage est l'un des seuls qui importe les ingrédients pour le chocolat de Bikini Island. C'est un peu grâce à moi si vous en mangez.TETETETE, v'voyez, ch'uis une sorte de héros en fait.
Blake était tout près à présent. Suffisamment pour lui aussi se mêler à la conversation. Choisissant sa voix qu'il rendit la plus douce possible tout en mettant en avant son assurance d'éloquent avisé, il déclara :
– Bonsoir mademoiselle, j'espère que cet homme ne vous a pas dérangé. C'est mon père, excusez-le, il est un peu sénile.
– Olé Blakou, doucement !
– T'as entendu ça Kéké ?! Sénile qu'il dit le môme ! Ecoutez pas ce rigolo, c'est mon fils. Il est un peu con sur les bords. Mais j'l'aime bien.
– Écoute papa, c'est l'heure de tes médicaments. Tenez, pour me faire pardonner la présence de ce boulet.
Blake mit une main à sa poche et en sortit un paquet de chocolat emballé dans du papier doré.
– Celui-là, il n'est pas disponible à la vente. On est les seuls à en avoir parce que, comme l'a dit mon père dans une de ses rares phases lucides, on permet le transport des ingrédients nécessaires au célèbre chocolat de Bikini Island.
– J't'en foutrais moi, de la lucidité !
– Calme-toi papa, voyons. On a une invitée je te signale. Au fait, heureux de vous rencontrer. Je suis Blake. Blake Redhorn.
Un sourire aux lèvres, et heureux de sa vengeance des constantes interdictions de père, Blake attendit la réponse en tendant une main qu'il voulut chaleureuse.
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Une Histoire de Chocolat
"Blake Redhorn | Mayaku Miso"
Fin 1623
Entendre la fille parler avait quelque chose d'à la fois étrange et captivant. De toute évidence, elle non plus ne méritait pas le qualificatif de « normal ». En effet, celle-ci parlait d'elle même à la troisième personne ; non pas comme un geste de prééminence mégalomane, mais bien comme s'il s'agissait là d'un être extérieur à sa propre conscience. Et si cette particularité pouvait avoir des airs plutôt dérangeants, la suite ne fit que se rajouter à cela.
– Oooh non, je 'lêve ! Olé !
D'un geste à la grâce ténébreuse, elle avait dégagé une mèche de ses cheveux dorés qui tombait face à son œil gauche. Blake, qui s'était attendu à y voir un iris aussi verdoyant que le droit, arrondit les yeux de surprise. En lieu et place d'une pupille se tenait...Un orbite vide. Joe, qui depuis le début regardait le père et le fils s'affronter pour les beaux yeux – le bel oeil – de la fille, hoqueta d'incrédulité. Néanmoins, Jean-Albert Redhorn quant à lui, ne trouva rien de mieux à dire qu'une déclaration à la finesse rare.
– Bah... J'ai déjà fait des trucs pas nets avec une dame qui avait les deux yeux brûlés. Un seul œil c'est déjà bien. TETETETETETE !
– Papa s'il te plait. Va prendre tes médicaments, c'est pas bien de rester aussi longtemps sans calmant. Ca te fait dire des vilaines choses.
– Quoi ? Mais c'est vrai ! Attends, toi et moi on sait très bien pourquoi je suis là ! TETETETETE !
La fille était vraiment bizarre. Elle cumulait une gentillesse sincère, presque naïve. Et en même temps, elle possédait un côté dérangeant qui faisait assez penser à une psychopathe. Alors certes, un des fantasmes de Blake avait toujours été de se faire dominer par une folle furieuse qui hurlerait son nom comme un seigneur lion. Mais là, maintenant, il ne savait pas trop quoi penser. Et cet œil, bon sang ! Cet œil ! Ça faisait carrément flipper !
Et pourtant, on ne pouvait s'empêcher de la regarder. Comme si cet œil, cette aura de folle naïveté et cette façon de parler ne faisaient qu'alimenter la fascination que l'on pouvait ressentir à son égard. Parce que oui, elle était quand même sacrément jolie. Et peut-être même que, si elle avait toujours un truc à la place de l'orbite vide, l'effet ne serait pas aussi... Percutant.
– Elle s'appelle Mayaku Miso. Mais Maya convient très bien.
Mayaku Miso. Pas de fioriture, aucune breloque ni sous-entendu à travers le nom. Juste Maya. Et c'était déjà vachement plus assimilable en mettant un nom sous ce visage interpellant. Bizarrement, savoir que cette fille se laisserait appeler « Maya » sembla rassurer Blake. Comme si la nommer la rendait un peu moins étrange.
– Blakou olé, elle est jolie mais... J'ai peu'l en même temps ! Et elle a l'ai'l folle ! Olé...
– Comment tu peux la traiter de folle, Kiki ? J'te signale que je discute avec une voix qui sort d'entre mes jambes. Si ch'uis pas taré moi, c'est quoi qui convient alors ?
– Mais non Kéké TETETETE, 'l'est pas folle la jolie. Blake, il est fou. Elle, elle est juste jolie.
– Papa, arrête un peu, tu vas lui faire peur.
– Quoi ? Si t'arrêtais un peu de parler avec Kiki, hein ?
– J'te signale que tu parles plus souvent avec Kéké !
– TETETETETETE, mais moi ch'uis ton père. Alors j'fais ce que j'veux ! Eh ouais !
– Voilà votre repas HAHAHAHA ! Et comme disait ma bonne femme « mangez, tant que c'est chaud. Parce qu'après ben... Heu... C'est froid. » Ouais...
L'apparition de Joe mit fin à la dispute qui avait failli reprendre entre les Redhorn. De toute évidence, la soirée promettait d'être longue. Et cette fille serait sans doute au centre de toutes les discussions. De toute façon, pour que le barman leur apporte à manger aux côtés de Maya, cela ne pouvait signifier qu'une chose : il avait espionné leur conversation. Chose qui n'étonna même pas Blake d'ailleurs. Bikini Island étant réputée pour ses ragots en tous genres, Joe avait tendance à alimenter les histoires en écoutant ses clients.
Dans tous les cas, Blake vint s'asseoir à la droite de Maya, préféant contempler son profil "normal" plutôt que l'autre, auquel il avait encore du mal à s'habituer. Jean-Albert quant à lui, pris de court puisque déjà un peu somnolent à cause de la bière qu'il avait pris le temps d'ingurgiter, dut se contenter du côté gauche.
Blake attrapa l'assiette laissée là par Joe, la mit en face de lui et commença à y piquer les morceaux de viande avec sa fourchette. Le repas avait un certain arrière gout de carton pâte, mais on faisait avec.
– Sinon, Maya, vous êtes venue faire quoi sur Bikini Island ? Est-ce que ce ne sont que les chocolats qui vous auraient attirée ici ?
– TETETETE à moins que ce ne soient les rumeurs à propos du célèbre et beau capitaine des Gro'Lar Pirates ?
Il est possible que vous vous demandiez en quoi Blake et son père se ressemblaient, si vous ne vous basez que sur cette discussion. Néanmoins, il faut comprendre que, en fin séducteur, le plus jeune des Redhorn était plutôt convaincant quand il voulait rester calme et poli. Or, Jean-Albert lui ne possédait pas la moindre notion de savoir-vivre
Faisons donc le point : une jolie fille légèrement timbrée. Un père et un fils légèrement timbrés, tous les deux guidés par leur libido vers la fille. Le premier y allait directement tandis que le second préférait employer une des ses techniques de drague. En fait, c'était même la technique de drague, celle qu'il aimait appeler « le voyageur transcendantal à caravane ».
Une petite explication s'impose : afin de transcender la cible, le Pervers se doit de discuter avec elle en s'aidant d'un « copilote ». Rabaisser le copilote, tout en montrant ses qualités, a pour effet de rendre le dragueur encore plus sublime par effet de comparaison.
– Papa, tout le monde n'a pas envie de voir un malade qui ne pense qu'au sexe et à se torcher la gueule, crois-moi.
– Quoi ? TETETETE j'te signale que tu penses autant au sexe que moi.
– Oh Maya, n'écoutez pas ce qu'il vous raconte. Ce pauvre n'a plus toute sa tête. Mais c'est mon père, alors je dois absolument m'occuper de lui.
Des mimiques d'homme compatissant et attentionné vinrent s'inscrire sur son visage pendant qu'il parlait. Les cours de théâtre qu'il avait pris étant enfant se révélaient d'une utilité rare quand employés à bon escient. Oui, Blake ne pensait qu'au sexe. Néanmoins, il fallait que la fille en vaille vraiment la peine pour qu'il décide de la séduire en employant une de ses techniques de drague, sans passer par la seule case du « bonjour-je te pelote-je m'en vais ». Rien à dire, Blake aimait les personnes bizarres : il n'y avait que celles-là qui lui tapaient vraiment dans l'œil, au point de lui faire faire des choses peu communes.
– Olé Blakou, OK elle est jolie et tout et tout mais... Elle fait peu'l !
– Kiki, imagine comme ça pourrait être bien. Imagine-le simplement.
– TETETETE, vous avez vu chère Maya, il s'parle à lui-même.
– Mais non je ne ne me parle pas à moi-même, c'est encore Papa qui s'fait des idées.
Un regard de Jean-Albert fit alors comprendre toute la réalité de la situation à Blake. Le Banging-Eye de son père était bien plus expérimenté et puissant que celui du fils. D'un regard, il parvenait à montrer à celui qui le regardait l'ensemble des idées sexuelles qu'il pouvait éprouver. Or, il apparut que Jean-Albert avait lui aussi en tête d'employer la technique du « voyageur transcendantal en caravane », et qu'il allait utiliser Blake comme copilote.
– V'savez ma jolie, ch'uis p't-être bien un peu fou, mais mon gamin est un vrai chieur. Vous savez ce que j'ai entendu sur lui ? Apparemment, à chaque fois qu'il laboure une dame, il faut qu'il aille couler un bronze juste après.
Comme par hasard, au moment même où Jean-Albert venait de lâcher son mensonge, l'ensemble de la taverne de Joe s'était tue. Chacun des clients avait donc eu le loisir d'entendre la magnifique tirade du capitaine des Gro'Lar Pirates écorcher vif son fils. Certains clients recrachèrent l'alcool qu'ils avaient bue à ce moment-là, d'autres éclatèrent de rire.
– Olé Blakou, quel enfoi'lé ton pè'le !
– Quand j'te le dis Kiki. C'est pas toi qui me disais « oh attention, c'est ton père » ou « sois gentil, c'est ton père ».
– J'ai changé d'avis ! Olé !
– Ecoutez Maya. Et écoutez tous, bande de nazes. NON, je ne fais pas ça. Mon père a bu, il a bu et il n'a plus toute sa tête. C'est TOUT. Et puis... Comment vous pouvez croire le type qui a fait croire au maire de Bikini Island que sa maison était en feu juste pour pouvoir se taper sa femme ?
Des regards interloqués se tournèrent vers eux. Cette fois, les gens ne faisaient plus semblant de s'y intéresser vaguement. Leurs yeux se braquaient sans la moindre gêne sur Blake, son père et Maya. De part et d'autre, on pouvait entendre des « il a raison » suivis de « non, il a tord ». Puis, comme on pouvait s'y attendre, la première boule de viande s'envola puis vint s'écraser sur la figure de Joe.
A Bikini Island, les rixes de bar n'existaient pas. Non, eux, ils préféraient se battre à coups de nourriture et avec la cuillère de leur soupe. Et ça, Maya allait en avoir une petite démonstration.
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"Blake Redhorn | Mayaku Miso"
Fin 1623
Joe se racla la gorge un instant, but une longue gorgée de sa boisson alcoolisée à base de choux, puis se mit lui aussi de la partie. L'avantage quand on vivait à Bikini Island, c'était que les habitants avaient l'habitude des repas à la taverne du coin. Ainsi, ils s'étaient mis d'accord pour que chaque semaine des gens se relaient pour nettoyer le bar une fois les festivités terminées. Cela permettait non seulement de faire travailler à l'œil la plupart des glandeurs intempestifs de l'île mais aussi de garder un semblant de propreté et ainsi continuer à attirer des clients.
Bizarrement, Maya donnait l'impression de ne pas être négativement touchée par les effusions gastronomiques qui volaient dans tous les sens. Au contraire, la nourriture qui atterrit sur son épaule n'eut pour seule réaction que de déclencher un sourire que Blake identifia comme amusé.
– Au fait.. Qui sont Kéké et Kiki ? Maya ne les voit pas.
Le père et le fils se regardèrent un instant, hésitèrent une fraction de secondes puis éclatèrent de rire. Encore heureux que Maya ne voyait pas Kiki et Kéké... En tous cas, du point de vue de Blake. Étrangement, il n'avait pas envie de la peloter. D'une, parce que son côté effrayant avait quand même pour effet de calmer les ardeurs animales qu'il possédait, et de deux, parce qu'il sentait qu'elle dégageait quelque chose de particulier, méritant un intérêt lui aussi particulier. A moins que la peur ne soit le seul facteur, et auquel cas, ce serait tout à fait compréhensible et légitime.
Néanmoins, ça ne semblait pas vraiment être le point de vue de Jean-Albert. Ce-dernier se mit debout, grimpa sur le bar, leva les bras bien haut avant de s'exclamer :
– Ma jolie, j'vais vous montrer où il est et c'que c'est Kéké TETETETETE !
– PAPA CALME-TOI ! DESCENDS DE LA !
Blake eut tout juste le temps de se lever, d'attraper son père par le poignet puis de le jeter par terre avant qu'il n'enlève son pantalon. Effectivement, Kéké siégeait dans un endroit assez isolé du corps de Jean-Albert, au milieu d'une végétation dense et touffue et surélevant deux boules en forme de pommes de terre.
– TETETE, mais qu'est-ce qu'il y a ? Elle veut juste voir Ké... Hé ! Bande d'enfoirés !
Deux morceaux de viande suivis d'un bol de soupe atterrirent directement sur la tête du père Redhorn, répandant la sauce sur son visage rond et barbu.
– Je suis Jean-Albert Redhorn ! Vainqueur toutes catégories du concours de tir aux poulets ! J'accepte ce défi TETETETE !
Heureusement pour Blake, son père – une fois le cap des premiers verres passé – était une personne au manque de concentration extrême. Il suffisait d'un événement un peu insolite pour lui faire perdre le fil de tout ce qu'il avait pu entreprendre auparavant. Ainsi, la bataille de nourriture réussit à lui enlever l'idée d'exposer Kéké au grand jour (chose qui, irrémédiablement, aurait forcé Blake à faire de même pour prouver la supériorité de Kiki). Il se tourna vers Maya et prit donc le temps de répondre.
– Si vous voulez savoir, Kiki et Kéké sont un secret pour nous aussi. Disons simplement qu'ils sont là, pour nous du moins. Mais que pour les voir, il faut vraiment chercher dans les tréfonds, jusqu'à un coffre au trésor assez insolite.
– Évidemment qu'on est là. Enfin, pou'l Kéké j'dis pas, mais MOI, oh oui moi je suis là ! Olé !
– D'ailleurs, Kiki tient à vous faire savoir qu'il est bien là.
– Oui, je suis bien là olé, et elle peut me se'ller la pince aussi, hihihihi
– NON KIKI ! N'essaye pas de me donner de mauvaises idées ! Je n'obéirai pas !
La dernière phrase de Blake fut exclamée comme un cri à la grande sévérité. Chose à savoir et qui pourrait porter à confusion : quand Kiki avait une idée en tête, il s'arrangeait toujours pour la partager avec Blake. En tant que seconde personnalité, il n'était ainsi pas rare que le corps agisse exactement comme le désiraient ses pulsions sexuelles mille fois plus importantes que celles d'un lapin. Apparemment, Kiki semblait de moins en moins enclin à garder ses distances, ce qui finirait par pousser Blake à faire une connerie. Une connerie comme... Balancer ses mains directement sur la poitrine de Maya. Concentre-toi, concentre-toi... pensa-t-il. Il fallait qu'il change les pulsions de Kiki, s'il ne voulait pas perdre totalement le contrôle de lui-même et garder un minimum de contenance. Et pour cela...
– Brrrrrrh Olé, c'est bon j'me calme.
Un regard en direction de l'orbite vide de Maya réduisit presque de moitié la prépondérance mentale (et physique) de Kiki. Ce qui ne déplut pas vraiment à Blake, ce-dernier ajoutant.
– Pour répondre à votre question, les batailles de nourriture sont une de nos spécialités locales. On est même tellement bons à ça que c'en est presque devenu un sport. D'ailleurs, pour une visite ici, vous avez de la chance. Les gens ont l'air d'humeur à se battre sérieusement ce soir.
Ce qui était tout à fait vrai. La taverne semblait ainsi s'être transformée en champ de bataille improvisé. Joe s'était mis une casserole sur la tête, lui donnant presque des airs de Marine. Apparemment, il organisait le combat sur le front situé près de la porte d'entrée, commandant des hommes et des femmes qui paraissaient prêts à le suivre dans tous les combats. Jean-Albert quant à lui tenait une louche en main et mimait des directives à certains des Gro'Lar présents dans le bar, ainsi qu'à quelques clients qui s'étaient ralliés à sa cause.
– Il faut que vous compreniez quelque chose : quand les batailles de nourriture atteignent ce niveau-là, ça devient un truc de très sérieux. L'issue aura deux effets : ceux qui sortiront vainqueurs auront raison sur le conflit initial, et ceux qui sortiront perdants devront tout nettoyer, tout ranger et rembourser les éventuelles casses.
Presque en écho à cela, des assiettes volèrent contre un mur et s'écrasèrent en mille morceaux. Tout était vrai : les Gro'Lar Pirates valaient aussi leur succès à la provocation des « guerres de bouffe ». C'était une véritable coutume locale. Évidemment, Blake en profitait allègrement pour avoir un sujet de conversation auprès de Maya, et pourquoi pas essayer de passer pour un héros, voire un fervent guerrier et expert de la stratégie guerrière nutritive ? « A la drague comme à la guerre» disait Jean-Albert, et cette maxime semblait particulièrement vraie. Maya, pour son oeil disparu, ses mimiques bizarroïdes ses manies pleines de politesse (et ses cheveux ! et ses cuisses ! AAAAH), méritait qu'il sorte le grand jeu.
– Il vous reste deux choix chère Maya : soit vous restez et entrez dans la légende des fiers combattants de la nourriture, soit vous partez maintenant et serez sure d'être aussi propre et jolie qu'à votre entrée.
Blake attrapa un rouleau à pâtisserie qui trainait et s'en servit comme d'une batte de baseball afin de renvoyer un morceau de viande vers celui qui l'avait lancé. Il sourit à Maya puis lui tendit une main qui symboliserait sa réponse. Soit elle acceptait de la prendre, prolongerait cette soirée assez insolite et permettrait à Blake de continuer ses approches peu fines, soit elle déclinait l'offre, s'en allait et tout se terminerait. Oui, les scènes mélodramatiques, il les adorait.
– Si ça peut vous aider à choisir, on ira dans l'équipe adverse à mon père. Je suis sûr que vous aimeriez lui écraser une pastèque sur la tête ; en tous cas moi, j'en meurs d'envie. C'est gratuit et même autorisé chez nous. Il nous suffira juste d'être considérés comme vainqueurs de la partie, et il devra en plus se taper le nettoyage.
Il marqua une pause puis ajouta :
– Ça vous tente alors ?
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