« Viens on est bien » qu'on m'a dit. Ah bah ça pour être bien... Jamais été mieux...
Le contremaître qui sirote sa bière avachis sur sa connerie de chaise. Le cap'tain qui braille de son bastingage sur l'équipage. Les femmes qui nous regardent en paillant entre elles. Et nous, cons qu'on est, on trime. Une putain de labeur qui broie le dos comme pas souvent j'ai eu le dos broyé. A soulever des caisses trop lourdes, à les trimbaler en montant des marches trop hautes, trop nombreuses. Jusqu'à les poser, là. Au milieu de la coque. Et recommencer jusqu'à ce que le quai se vide. Jusqu'à ce que les femmes disent au revoir à leurs maris. Jusqu'à ce qu'ils me rappellent à la mienne. De femme... Que je verrai pas avant longtemps.
Le temps d'un voyage. D'un allé et d'un retour. D'une négoce qui rend tant le proprio nerveux qu'il en engage chasseurs de primes. Forcément que nous, on a cru au job facile. A un voyage tout frais payé avec supplément « Danger qu'existe pas ». Mais plus je mire la gueule du patron qu'est à se bouffer les ongles sur le pont depuis plus de deux heures, et plus je me dis. Bah qu'on est dans une drôle de merde. Ça pue tant la bouze que je sens bien le moment où on en aura jusqu'au cou. Oh oui. Mais je dis rien. Je m'écrase et je trime. Les caisses sont mises et reste maintenant plus qu'à mettre les voiles. A les ouvrir. A attacher les bouts et à lever l'encre bien lourde.
Et après, le repos. Ce bon vieux repos qui suit trois heures passées à courir partout. Ce repos. Celui où on sent plus ses jambes. Où on dégouline de sueur tellement on est mort. Ce bon vieux repos qui fait tant fermer les yeux que même ouverts, sont plus trop visibles. Je mire autour, les gueules toutes crevées comme la mienne. Celles de jeunots qu'ont pas l'habitude, qui découvrent que le labeur, ça fatigue. D'autres, plus ridées qui connaissent ça, qui savent s'économiser. Qui peuvent encore en mettre.
Celle du gars qu'en a déjà vu passer de plus durs. Celle du vétéran qu'a l'air de bien s'en foutre, des nôtres, de gueules. Le guss au cheveux longs, tous blancs qui feraient presque croire qu'il a déjà un pied dans la tombe. Mais ses épaules qui disent le contraire. Toutes larges. Toutes fortes encore malgré les printemps. Ce gars là. Qui mire un autre privé. Un gosse, qu'a pas l'air d'avoir passé la vingtaine. Qu'a l'air de rien connaître de la vie et qui nous emmerde avec son air d'harmonica bourré de fausses notes. Alors forcément, un des guss ouvre sa grande gueule.
_Hé gamin, tu joues comme un cul ! Arrête ça !
Le gosse réagit pas, et continue à jouer son air. Les sales notes s’enchaînent, donnent un gout de gerbe à une chanson qu'avait pourtant l'air sympa. A l'origine.
_Non mais gamin, vraiment, faut que t’arrête, c'est un bide ta chanson !
_Non.
_Bien sûr que si, personne ne peut piffer ta chanson !
_Si, moi je l'aime. Alors ce n'est pas un bide.
Et les gueules se ferment et l'harmonica continue à jouer. Moi j'dis rien, j'observe juste les sourires qu’apparaissent en coin, les grimaces qui se montrent aussi, et les mots lâchés dans la barbe qui n'se font entendre par personne. Tout ça qui donne l'ambiance.
L'ambiance de 3 jours à se faire balader de gauche à droite sur cette coque. Avant la négoce qui me donne déjà un goût de pas bien.
Le contremaître qui sirote sa bière avachis sur sa connerie de chaise. Le cap'tain qui braille de son bastingage sur l'équipage. Les femmes qui nous regardent en paillant entre elles. Et nous, cons qu'on est, on trime. Une putain de labeur qui broie le dos comme pas souvent j'ai eu le dos broyé. A soulever des caisses trop lourdes, à les trimbaler en montant des marches trop hautes, trop nombreuses. Jusqu'à les poser, là. Au milieu de la coque. Et recommencer jusqu'à ce que le quai se vide. Jusqu'à ce que les femmes disent au revoir à leurs maris. Jusqu'à ce qu'ils me rappellent à la mienne. De femme... Que je verrai pas avant longtemps.
Le temps d'un voyage. D'un allé et d'un retour. D'une négoce qui rend tant le proprio nerveux qu'il en engage chasseurs de primes. Forcément que nous, on a cru au job facile. A un voyage tout frais payé avec supplément « Danger qu'existe pas ». Mais plus je mire la gueule du patron qu'est à se bouffer les ongles sur le pont depuis plus de deux heures, et plus je me dis. Bah qu'on est dans une drôle de merde. Ça pue tant la bouze que je sens bien le moment où on en aura jusqu'au cou. Oh oui. Mais je dis rien. Je m'écrase et je trime. Les caisses sont mises et reste maintenant plus qu'à mettre les voiles. A les ouvrir. A attacher les bouts et à lever l'encre bien lourde.
Et après, le repos. Ce bon vieux repos qui suit trois heures passées à courir partout. Ce repos. Celui où on sent plus ses jambes. Où on dégouline de sueur tellement on est mort. Ce bon vieux repos qui fait tant fermer les yeux que même ouverts, sont plus trop visibles. Je mire autour, les gueules toutes crevées comme la mienne. Celles de jeunots qu'ont pas l'habitude, qui découvrent que le labeur, ça fatigue. D'autres, plus ridées qui connaissent ça, qui savent s'économiser. Qui peuvent encore en mettre.
Celle du gars qu'en a déjà vu passer de plus durs. Celle du vétéran qu'a l'air de bien s'en foutre, des nôtres, de gueules. Le guss au cheveux longs, tous blancs qui feraient presque croire qu'il a déjà un pied dans la tombe. Mais ses épaules qui disent le contraire. Toutes larges. Toutes fortes encore malgré les printemps. Ce gars là. Qui mire un autre privé. Un gosse, qu'a pas l'air d'avoir passé la vingtaine. Qu'a l'air de rien connaître de la vie et qui nous emmerde avec son air d'harmonica bourré de fausses notes. Alors forcément, un des guss ouvre sa grande gueule.
_Hé gamin, tu joues comme un cul ! Arrête ça !
Le gosse réagit pas, et continue à jouer son air. Les sales notes s’enchaînent, donnent un gout de gerbe à une chanson qu'avait pourtant l'air sympa. A l'origine.
_Non mais gamin, vraiment, faut que t’arrête, c'est un bide ta chanson !
_Non.
_Bien sûr que si, personne ne peut piffer ta chanson !
_Si, moi je l'aime. Alors ce n'est pas un bide.
Et les gueules se ferment et l'harmonica continue à jouer. Moi j'dis rien, j'observe juste les sourires qu’apparaissent en coin, les grimaces qui se montrent aussi, et les mots lâchés dans la barbe qui n'se font entendre par personne. Tout ça qui donne l'ambiance.
L'ambiance de 3 jours à se faire balader de gauche à droite sur cette coque. Avant la négoce qui me donne déjà un goût de pas bien.