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Se remettre de ses mauvaises passes

...Une brise.
Agréable et apaisante. Soufflant gentiment sur une blessure fraîche, elle fit s'agiter les mèches de Louve au gré de ses envies. Cette dernière frissonna et se couvrit un peu plus avec la veste de son père. Ce n'était pas sur ses propres blessures qu'il fallait souffler. Elle n'avait pas grand chose. Et allongée sur le bastingage en dépit de la mer agitée, elle observait et détaillait les blessures qui zébraient la grande voile. Ils avaient perdu le foc et le mât de Beaupré. Et quelques pères aussi. Peut-être cinq. Trop.

Louve dardait ses yeux de jade sur les voiles blanches, errant parfois sur les vagues hautes de cette fin d'après-midi au ciel d'un gris plus triste que les mines environnantes. Mines qu'elle s'efforçait de ne pas regarder. Elle n'avait aucune envie de voir la balafre qu'ornait son père ou de voir son capitaine claudiquer et s'appuyant sur une canne dont il n'avait jamais eu besoin avant. Alors l'écume qui se brisait contre la coque et les voiles blanches déchirées étaient encore un meilleur centre d'attention. Un craquement plus tard, une partie du bastingage se décrocha et chût à la mer sans même émouvoir Louve qui ne bougea pas en dépit du bond qu'avaient fait les pirates de bord en craignant qu'elle ne tombe à la mer. Louve ? Tomber à la mer ? Peuh.

Ils ressortaient d'une des épreuves qu'ils aimaient à surmonter. Qu'ils aimeraient raconter d'ici quelques mois dans les tavernes qu'ils fréquenteront mais qui, pour l'instant, n'était qu'une cicatrice fraiche qu'il fallait panser. Une anicroche avec un autre équipage pirate, mais qui eux ne voguaient pour l'or et les richesses, contrairement aux pirates de Louve qui se complaisaient dans la liberté qu'ils y gagnaient. Alors qu'en face deux primés à quelques petits millions les toisaient et répandaient terreur et mort du côté de Louve, ses propres pères n'avaient jamais pillé, volé tué ; uniquement ri au nez du gouvernement et fui à la barbe des marins. Alors contre ces vrais pirates, ils avaient dû innover et les couler avec leurs propres ancres. Ça n'avait pas fonctionné, mais ça leur avait permis de prendre une avance considérable et maintenant, ils se savaient hors de portée. Normalement.

Car à l'horizon, tous observaient la terre qui se dessinait et leur promettait un repos bien mérité. Louve aussi l'attendait impatiemment. ; non pas qu'elle veuille quitter la mer qu'elle aimait tant, mais elle avait envie que ses pères se reposent et se refassent une santé, sur cette île Loupiac, disait la vigie, accompagné par le médecin au chapeau rouge qui connaissait tout sur tout. Ce dernier vint d'ailleurs forcer le barrage de Louve pour lui rendre sa boite à musique dans un sourire presque paternel. Un sourire que tous avaient à son égard ou presque. Puis il s'en fut sans avoir réussi à arracher un mot de Louve pour laisser la place au véritable père de Louve, le second qui lui expliqua que c'était une terre viticultrice et qu'ils risquaient d'y rester une semaine au moins. Mais devant le mutisme de Louve, il abandonna vite et lui offrit une étreinte et un baiser avant d'aller apporter son aide aux maniement du navire qui battait de l'aile. Une aile plombée.

Une vague assez importante frappa avec force le navire. Et tandis que Louve ne cillait pas, le capitaine chût misérablement.
Louve soupira.

*****

Pavillon rentré au cas où, les pirates accostèrent dans le petit port de Loupiac. Dans le sale état où ils étaient, ils payèrent le tribut pour tenter de ne pas s'attirer les foudres des habitants locaux. Il leur restait encore quelques richesses. Peut-être deux ou trois millions en cale, de quoi se sustenter pendant un mois, mais guère plus. Assez pour ne pas peser sur la conscience des villageois ni de vivre à leurs dépens, visiblement déjà bien avancés. Eux non plus ne traversaient pas une bonne passe. Premières victime d'un nom qui ferait plus tard des ravages, ils tentaient de se remettre sur pied avec espoir et vigueur. Tout comme le faisaient actuellement les pirates.

Devant l'absence de menace, les pirates laissèrent là le navire et cherchèrent un endroit où boire à la santé de leurs camarades tombés. L'humeur n'était pas à la fête, mais ils avaient tous besoin de se réunir autour d'une boisson alcoolisée. Tous sauf Louve qui refusa obstinément de descendre de son bastingage. Malgré les exhortations de son père, du capitaine, et même du cuisinier au chapeau rouge qui en venaient presque à la menacer, Louve ne bougea pas et mangeait une pomme rouge comme pour les toiser. Elle ne dit mot, ne les regard pas ni même ne bougea lorsqu'ils abdiquèrent pour rejoindre les autres déjà occupés à descendre bière sur bière.

Il faisait encore jour, mais le ciel gris semblait plus pesant encore que ne pouvait l'être le crépuscule qui ne tarderait pas à arriver. Alors Louve se redressa et, en position assise, les jambes se balançant au dessus des quelques vagues qui arrivaient jusqu'à cet endroit du port, elle laissa errer ses pensées moroses vers d'autres horizons. Ceux, nouveaux, qu'elle avait sous les yeux. À perte de vue des champs, des vignes même, montant à flanc de colline jusque haut sur les plateaux. Là où quelques corbeaux épars croassaient allègrement dans ce lieu qui était fait pour eux. Ses yeux émeraude glissaient sur ce décor pour s'en imprégner, un décor aux tons de gris et au jour de cette journée maussade, presque lugubre. Au loin résonnaient les voix de ses pères mais elle finit par reconnaître un miaulement de chat. Et alors elle se surprit à rire.
En pleine nuit, ce village devait vraiment être glauque.

Peut-être qu'elle saurait l'apprécier dans ce cas.
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Le 17 mars 1611.

En descendant vers le village, Sören se perdit un moment, les yeux dans le soleil. L'hiver lui avait paru long, si long... et si dur, aussi. Il avait enterré en secret les chats qui avaient trouvé la mort en le protégeant, quelques mois auparavant. Il aurait aimé aller se consoler auprès de Brom, mais son père ne lui laissait plus le temps de s'en aller le voir. Il y avait tant à faire, tant à reconstruire...

Les dégâts avaient été terrifiants. Une cave entière s'était écroulée sur elle-même, emportant dans son élan des centaines de grands crus bouchés. Sans parler de tous les tonneaux, qu'il avait fallu remplacer. Le père Ouranos du second domaine viticole de l'île avait bien dépanné les Hurlevent... Mais sans gratuité. Et Sören s'en allait quotidiennement en ville vendre quelques bouteilles, que la plupart des commerçants achetaient davantage par charité que par réel besoin. Tous avaient du respect, sinon de l'amitié pour la famille du grand coteau. Et il n'y en avait pas un seul pour se délecter du malheur qui avait frappé. Du moins en apparence, songea le garçon en poussant sa charrette à bras, les yeux encore remplis de lumière. Les Ouranos avaient enfin une chance de récupérer une part du marché de leurs rivaux, sans éveiller le moindre soupçon... et sans entrer dans une guerre ouverte.

Un murmure franchit les lèvres de l'enfant, noyé sous la buée de son souffle tiède.


-Bon sang, j'ai faim... c'que j'ai faim...

Du haut de ses onze ans, Sören passait déjà pour le plus dégourdi des fils Hurlevent. Son père savait qu'en l'envoyant seul en mission, il ne perdait rien tout en lui faisant plaisir. Le garçon avait un goût étrange pour la solitude. Une solitude à peine éclipsée par la présence discrète et silencieuse d'une horde de chats un peu moins bien nourris que d'ordinaire, qui ne le lâchait pas d'un pas.

Une brise légère venue du port, chargée d'embruns, lui fit cligner de l'œil tandis qu'il progressait bruyamment sur le pavé du village. Les roues grossières de la charrette annonçaient son arrivée, et quelques visages amicaux étaient venus l'accueillir.

Il parvint à vendre une bouteille de vendanges tardives 1609 à la couturière, qui se plaisait à afficher des goûts de grande dame. Puis une autre, de vin nouveau, au forgeron. Mais c'était toujours l'aubergiste, la brave Ursuline, qui prenait le plus de bouteilles. Bien qu'encore tout jeune, Sören savait qu'elle y perdait de l'argent, et qu'elle n'en écoulait pas la moitié. Les étrangers étaient bien rares, et la plupart des villageois ne se donnaient pas la peine d'aller boire au bistrot le vin qu'ils pouvaient acheter à deux pas de chez eux. Et puis, le nectar des Hurlevent n'avait pas le parfum de la nouveauté. L'on préférait les bières importées de Manshon et de Tanuki, et les liqueurs de South Blue.

Mais tandis qu'il s'approchait de l'auberge, il fut surpris de voir l'animation qui y régnait. A-travers la fenêtre embuée, un grand groupe d'inconnus trinquaient...


-... du vin. Y boivent du vin !

Le cœur battant la chamade, le garçon poussa la lourde porte de service. Ce fût une Ursuline radieuse qui s'en vint le saluer, un verre et un torchon en main.

-Ah, mon p'tit, tu sais que t'arrives à pic ? Tu devin'ras pas. Ce sont des aventuriers venus de loin, et ils sont aussi fatigués qu'assoiffés. Ils ont presque vidé ma réserve de bouteilles...

Les yeux de Sören brillaient plus fort encore qu'ils ne l'avaient fait plus tôt, exposés au soleil matinal.

-Je te prends tout. Maintenant, rentre, viens te mettre au chaud. Tu as l'air mort de faim.
-Oui. Merci Liline !

Sören soupira de soulagement. Il pouvait se permettre de traîner, à présent. Il avait déjà tout vendu, et devrait peut-être en ramener encore davantage... Il pourrait peut-être même faire visiter l'exploitation aux aventuriers ? Mais son père n'aimait pas tellement les étrangers...

Avec le bonheur de ceux qui ont longtemps ressassé le goût et l'envie d'un bon repas, le petit vigneron mordit dans une épaisse brioche à la confiture. Une tasse de café largement trempé de lait et de crème fumait non loin. Sur le coup de la joie, il en oubliait presque son bonheur de savoir que des étrangers étaient au port. Et même à ses côtés. Mais un visage qui respirait déjà l'ivresse vint le lui rappeler. Sören tressaillit d'allégresse. Un visage de pirate, mais de pirate au grand cœur comme il en venait parfois sur l'île, en quête de repos et d'oubli.


-Je l'avais dit qu'elle aurait du v'nir, la p'tiote... elle se s'rait fait un copain. Eh, p'tit ! Y'a la patronne qui dit qu'c'est toi qui nous abreuve si bien, c'est vrai ?
-Eh ben... Ouai, m'sieur. Même qu'c'est l'vin qu'on fait avec ma famille !
-T'avais l'air d'avoir faim, en tous cas.
-Un peu.

Le pirate adressa un clin d'œil au garçon, avant de lui saisir la main. Il y déposa quelques pièces, un sourire complice aux lèvres. Surpris et ravi d'être soudain le propriétaire d'un tel trésor, Sören ne remarqua même pas que l'homme était borgne en plus d'arborer une jambe de bois.

-Tu ramèneras un bon gros pain chez toi avec ça. Passe jeter un œil à notre navire, en échange. Tu peux pas le louper, c'est le plus gros du port... Aller bonhomme.

* * *

Sören avait laissé un moment sa brouette à l'auberge. Il repasserait la prendre au retour. Avec sa horde de chats sur les talons, il était arrivé au port. Le navire avait quelque chose de merveilleux, avec ses récentes blessures qui saillaient de partout. Un bateau fantôme ! Voilà ce que le garçon se disait, tout bondissant sur la passerelle avec allégresse. Il ne remarqua pas la petite fille qui s'était penchée sur le bastingage pour mieux voir les félins qui se pressaient autour du bâtiment. Heureux, il escaladait les encablures du mat, pour atteindre le poste de la vigie. De là haut, on devait voir le domaine des Hurlevent.
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Depuis son bastingage, Louve regardait les maisons, vielles, en bois, en chaume, en briques et en poutres. Les rues dallées semblaient aussi anciennes que le village lui-même, et pourtant en parfait état, malgré quelques cahots et nids-de-poules. Elle se complaisait à remarquer que la ville, que les maisons, s'étaient construites autour d'une artère principale qui, si elle ne pouvait le voir depuis son perchoir, devait abriter la plupart des lieux importants aussi bien que voir passer tous les habitants, au moins une fois par jour si ce n'était plus. Voire même tous les enfants.
En laissant errer son regard vers le port ou ce qui servait d'attache aux quelques navires de pèche du village, bercée doucement par la musique d'une petite boite qu'elle tenait au creux de sa main et agrémenté d'un loup sculpté dans du bois flotté, elle admira ce que le temps, ici, non loin de gâter les choses ou les rendre plus fragiles, les endurcissait avec la force de l'âge et de la sagesse, et racontait au travers de toutes les petits marques qu'il avait laissé au moindre endroit où elle regardât, les histoires de ce lieu. Ces éraflures sur un ponton de bois, témoin d'un amarrage par gros vent. Ce filet de pèche taillé par endroits au couteau, expliquait comment les pécheurs avaient dû sortir d'entre ces mailles un enfant tombé à l'eau empêtré dans ces cordes. Ici, un barque reluisante prouvait que certains prennent soin de leurs biens et qu'ils les chérissaient. Ces arrêtes de poissons, dans un recoin entre quelques vieilles caisses pourries -elles-mêmes porteuse de l'histoire d'un quelconque marin perdu en mer- étaient une preuve que des chats devaient s'en donner à cœur joie dans les environs. D'où le miaulement qu'elle avait entendu avant que son loup ne tournoie dans un ensemble de notes douces et entraînantes au milieu de sa boite à musique.

Miaulements qui finirent par s'imposer malgré la mélodie aiguë. Ils n'était pas vraiment puissants. Juste plus nombreux. Plus proches surtout. Jusqu'à ce qu'une horde envahisse littéralement les pontons, précédés par un gamin enjoué. A cette vision, Louve referma d'un coup sec le clapet de la petite boite de bois et se pencha avec curiosité et méfiance par dessus le bastingage. Pas assez pour passer de l'autre côté, mais n'importe quel autre enfant aurait culbuté. Tout ça pour observer un allègre fils d'un paysan local, tout aussi joyeux de découvrir ce navire que Louve de se rendre compte que le village pourrait lui plaire. Mais elle n'avait pas investi les lieux comme en territoire conquis et encore mois avec une armée derrière elle. Certes, il y avait ses pères, mais c'était pas pareil. Et puis son navire il a besoin de soins, alors il ne fallait pas l'ennuyer avec un garçon qui n'y comprendrait rien en navigation !

Et comme ce dernier grimpait derechef dans les enfléchures, sans même l'avoir aperçue, elle, Louve se leva d'un bond, tombant sur le pont dans un mouvement fluide et presque sans un bruit. Sourcils froncés de contrariété, elle se retourna vers la marée de chats qui hésitait encore entre monter à bord et rester sur le plancher des vaches et génisses. Brandissant soudain un balais qui avait servi à nettoyer la poudre et les cendre sur le pont ces derniers jours, elle s'interposa sur le chemin des boules de griffes et de poils. Ils avaient déjà un chat à bord, et même s'il était fainéant et n'avait pas beaucoup de souris à chasser, tout le monde l'aimait. Alors pas question de laisser ces envahisseurs le terroriser !
Tout en grands gestes et en cris superflus, Louve les fit fuir, non sans s'attirer l'attention du garçon singe dans les cordages du mât qu'ils leur restait. Laissant alors là son balais à brosse, la jeune poupée aux yeux verts presque lumineux dans le crépuscule gagnant les lieux se retourna vers son vis-à-vis et le toisa depuis les trois mètres qui les séparaient, au bas mot, exhibant en prime un couteau que lui avait offert son père. À son côté pendouillait sa petite boite à musique qui avait arrêté de disperser dans l'air ses notes apaisantes.

-Il faut pas monter là-haut ! Tu vois pas qu'il est cassé ? Tu dois descendre, t'as pas le droit d'être là. C'est pas chez toi !

Et comme une funeste prédiction, une corde craqua, faisant s'affaisser l'échelle de cordes de quelques bons centimètres. Pas encore assez pour faire tomber le jeune paysan qui de plus semblait plutôt à l'aise en hauteur, mais suffisant pour que la pesanteur reprenne ses droits et lui chatouille le ventre de petits fourmillements que tous connaissaient. D'ailleurs, même Louve avait sursauté en appréhendant la chute qu'il avait failli faire. Ce n'était pas bien haut, mais il aurait pu se faire mal. Une fois les cordes immobiles et silencieuses, une fois que le garçon eut affermi sa prise et se soit stabilisé, une fois les mouvements de balanciers cessés et la tension retombée, elle soupira son soulagement avant de se diriger avec plus de volonté vers l'échelle de cordes pour l'en faire descendre.

-T'as vu ? Tu vas les abimer et tu vas tomber ! Il faut que...

Cette fois, la prédiction se révéla plus exacte encore. Un grincement. Puis le craquement d'un bout de bois coupa Louve dans ses exhortations. Et par un malheureux jeu de hasard et de malchance, l'une des cordes tendues, fixées aux billots de chaque côté du navire, arracha l'un des bites de bois qui les retenaient nouées. Laquelle s'envola directement vers le crâne du jeune garçon, guidé par la corde jouant à l'élastique trop tendu. Il y eut un choc sourd marquant l'impact qui fit détourner le regard de louve. Ensuite, le bruit d'un corps qui tombe sur le pont lui fit rouvrir les yeux et se précipiter à corps perdu vers lui. Non loin d'eux, des miaulements retentirent. Il n'était pas tombé de haut, mais sait-on jamais, une mauvaise chute est si vite arrivée.

-Ça va ? S'époumona-t-elle avec une inquiétude soudaine.
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Sören n'avait pas remarqué la petite fille qui lui criait de descendre. Pas plus qu'il n'avait accordé d'attention à l'état de délabrement du navire, dont les cordages grinçaient dangereusement à chacun de ses mouvements. Tout ce qui lui importait, c'était de faire face à cette brise qui lui giflait les oreilles... Aller plus haut, plus haut, encore et encore. Voir par-delà l'horizon, et voir à quoi ressemblerait le domaine, vu de la mer. Une fois de plus. Ce serait comme quand il montait à la vigie, sur le navire de Brom. Mais en mieux, parce que ce bateau là n'était pas fait pour revenir.

Tout avait été trop vite. Il avait entendu une petite voix crier, aussitôt emportée par le vent marin. Puis tout avait définitivement lâché, par deux fois, et il s'était écrasé sur le pont. Oh ! Ça faisait si mal !


-...

Le garçon demeura silencieusement prostré sur le pont, pendant quelques secondes. Il était tombé sur le côté, et le choc retenait son souffle captif. Ce ne fut que lorsqu'il sentit la douleur décroitre qu'il s'autorisa un bref gémissement. En se redressant, il frotta son épaule vigoureusement. Elle n'était pas cassée... Quelle chance il avait, d'être encore un enfant ! Son père le disait toujours : c'est dans l'âge tendre que l'on peut le plus travailler, car alors, on s'endurcit d'un rien en plus de ne pas craindre le danger. Oui... Mais si jamais il revenait un jour gravement blessé au domaine, il savait qu'il le payerait cher. Il travaillerait tout autant, et ne pourrait s'en prendre qu'à lui-même s'il avait du mal à aller jusqu'au bout des choses avec un seul bras valide.

-Ouf...

Ce fût seulement à ce moment là que Sören leva les yeux vers la petite fille qui se tenait debout auprès de lui. Son regard, auparavant irrité, s'était rempli d'inquiétude. Elle avait l'air sincère. Et étrange, aussi, avec sa petite boite à musique et son allure de farfadet des océans... Tout en elle respirait les tempêtes et la douce âpreté d'une vie en mer.

« Un bébé ». Ce serait sans doute ce qu'aurait songé le garçon en toutes autres circonstances. Vrai, quoi ! Il avait onze ans révolus, il serait normal qu'il se soit mis à considérer comme fondamentalement inintéressant et inférieur quiconque aurait moins de neuf ans et demi ! Et en plus, c'était une fille ! Tout le monde savait que les filles, ça ne pensait rien qu'à cueillir des fleurs et à faire la cuisine. Et aussi à emmerder le monde. Enfin, ça, c'était ce que disait le vieux Martin... Bref, les filles, c'était nul.

Mais la circonstance n'avait rien d'ordinaire. Il était sur un bateau en chantier, marqué de traces de bataille. Une bande de joyeux loups de mer en était descendue, avec sur leurs trognes le récit de centaines de milliers d'aventures océaniques. Les tissus des voiles sentaient la poudre, et le pont était brûlé par endroits. Et au milieu de cette ruine se tenait ce « bébé » qui n'avait pas à en être un. Dans ce contexte, il s'agissait sans doute d'une nymphe des mers, ou d'une enfant captive. Ou peut-être simplement d'une étrangère mystérieuse, ce qui avait déjà quelque chose d'extraordinaire ! Les yeux du garçon brillaient fort lorsqu'il se releva.


-Oui ! Tout va bien ! J'm'appelle Sören Hurlevent ! Et toi ? C'est ton bateau ? Tu viens de loin ? Tu sais, j'ai vu tes amis à l'auberge ! Pourquoi t'es pas avec eux ? Tu veux être mon amie ? Toi aussi, tu dois garder le bateau ?

Au milieu de ce déluge de questions, Sören trouva malgré tout le moyen d'écouter les réponses qui lui étaient données, bien qu'avec moins d'enthousiasme. Tout lui semblait si merveilleux, si exotique qu'il en vint à saisir les mains de la petite fille, pour la faire danser. Mais ses sabots de paysan se firent trop lourds pour le plancher déjà souffrant, et d'un coup, il céda sous son poids. Le petit vigneron s'était rattrapé des deux mains, et parvint non sans peine à se hisser sur le pont. Il riait encore, malgré son cœur qui battait la chamade.

-C'est dangereux, ici ! Dis, tu veux voir mon île ? Hein ? P'têtre même que j'te dirais mon secret ! Mais d'abord, j'veux qu'tu m'racontes ! Tu dois connaître tell'ment plein d'histoires...

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-Heu... Louve... Non, c'est le bateau du capitaine voyons ! D'où je viens... ? de... Non, je suis restée là parce que... Ton amie ? Mais...

La pauvre petite louve, assaillie sous ce flot de question n'arrivait pas à penser à une réponse qu'il en posait déjà une autre. Il était plus facile d'arrêter sa boite à musique. Boite à musique qu'elle eut soudain très envie d'écouter, seule. Si elle n'avait pas suivi ses pères à terre c'était justement dans cette optique de pouvoir rêver seule sur le navire, à observer les lieux devenir plus glauques avec la nuit arrivant. Et bientôt il ferait nuit noire, et elle aurait aimé se balader dans les ruelles sombres de ce petit village perdu sur North Blue.
Mais ce n'était visiblement pas l'envie du garçon singe aux chats qui saisit les mains de Louve et la força à danser, à tournoyer, dans un ballet totalement improvisé qui la laissa pantoise et trébuchante. Le visage du garçon était si joyeux. Un tel contraste avec sa propre humeur était impressionnante. Tant et si bien qu'elle resta bouche bée devant cet air de joyeux bambin. Enfin, un bambin plus âgé qu'elle. Drôle de constat.

Puis le plancher céda.

-Ahhh ! Arrête ! Tu vas le casser encore plus !

Mais comme il se remettait debout en un clin d'oeil et recommence à parler et à poser des questions, Louve gonfla les joues d'agacement et l'attrapa par le bras pour le mener vers la passerelle d'embarquement. Pour le débarquer. Pour le virer, le faire descendre de son bateau, ce grand garçon qui avait oublié ce que précautionneux voulait dire. Surtout avec les affaires des autres. Mais comme il ne s'arrêtait pas de parler -comme une pie pensa-t-elle en haletant sous l'effort- elle finit par le pousser dans le dos. Pas longtemps cela-dit. Parce qu'il parla rapidement de lui faire visiter la ville, l'île même, et de lui parler de son secret. Louve n'était pas une commère pour de vrai, mais c'était toujours intéressant les secrets. Même très intéressant ! Et puis l'île. Une nouvelle île dans ce genre, c'était toujours bien. Et alors qu'elle atteignait le ponton de bois à terre, juste derrière le jeune garçon du nom de Sören, elle se dit que plutôt que de se perdre comme elle l'avait fait sur cette autre île en partant seule, ce serait mieux s'il venait avec elle. Au moins pour ne pas se faire gronder par son père et l'homme au chapeau.

Elle avait bien le droit de découvrir l'île, non ?

Comme elle regardait le jeune garçon avec un sérieux insoupçonné chez une fillette de cet âge, elle tripota sa petite boite à musique qui pendant à son côté. Le vent nocturne commençait à se lever alors que les lumière au-travers des nuages n'avaient pas finies de disparaître et charriait ses mèches anglaises. Elle prit une seconde de plus et puis un grande inspiration toujours en le fixant.

-D'accord ! Son assentiment avant raisonné avec force dans le silence qui s'était installé après le monologue du paysan. Je vais juste chercher mon manteau et tu me fais visiter ton île !

Et sans lui donner le temps de répondre, elle partit troquer sa boite à musique contre le petit couteau de son père et une veste assez chaude pour couper le vent frais sinueux qui tenterait de s'infiltrer dans son cou et sous ses vêtements. Elle prit le temps d'écouter la musique une dernière fois en prenant ses affaires, puis referma le couvercle de bois sur le petit loup de bois flotté taillé par le cuisinier. Et comme une tempête, elle ressortit retrouver Sören, non sans chasser un chat vagabond qui avait essayé de monter à bord. Pourvu qu'ils n'embêtent pas le leur qui était à bord ou ne fassent leurs besoins sur le navire, elle se ferait sûrement gronder sinon.

-On y va ? Lança-t-elle à la cantonade finalement contente de partir en voyage.

Et cette fois, la nuit s'était installée chassant toute lumière à cause des nuages. Seuls les rares halos des lampes à huile et des candélabres aux fenêtres des quelques maisons devant lesquelles ils passaient leur permettait de voir leur route. C'est pour cette raison que le garçon disparut dans une des maisons du chemin pour y prendre l'une de ces sources de lumières. Lui était peut-être à moitié nyctalope, il savait que ce n'était pas le cas de Louve. Cette dernière se laissa alors guider vers ce qui méritait le plus son attention, selon lui. Et contre ce service, elle devrait lui raconter ses histoires et aventures. Dur.

-.......Il y aussi la fois où la marine nous avait pourchassé parce mes papas avaient détruit la maison d'un vieux monsieur qui faisait du mal aux catins. C'est ce qu'ils m'ont dit. J'ai du rester dehors, mais ils ont mis le feu à la maison du vieux qu'était gros comme une baleine et alors ils ont fait sortir toutes les filles, les ont couvertes et donné un repas pour le soir, parce qu'ils sont gentils mes papas. Mais monsieur baleine était important alors les marines nous ont pourchassés et le cuisinier est allé à leur bord pour détruire le gouvernail et alors on s'est enfuis !

Sinon, je me souviens qu'y avait une tempête très forte un jour, que le mât s'était cassé en deux, comme une brindille, et que le lendemain le vent soufflait encore très fort et qu'il a fallu le jeter à la mer pour pouvoir rentrer. On avait qu'un seul mât et j'ai même aidé à ramer après, et c'était dur ! Mais ils se moquaient de moi, comme quand j'avais du monter en haut des cordes et que je me suis coincé le pied à cause d'un.......


Louve ne savait pas ce que le jeune Sören voulait lui montrer, mais elle le suivait obligeamment en se perdant dans ses histoires. Peut-être qu'elle lui raconterait celle du cuisinier au chapeau avec le chien fou ou celle du monsieur dans la chambre toute blanche.
Tous deux s'éloignaient un peu -pas trop- des maisons et du centre du village, mais l'idée de progresser dans l'ombre et les ténèbres d'une île inconnue, entre les maisons vétustes et imposantes et vers des champs dont les silhouettes noires des vignes semblaient autant de monstres étranges... Tout cela était excitant pour la jeune Louve qui admirait le paysage avec envie, priant presque pour qu'un monstre débarque et s'attendant à ce qu'une sorcière les enlèves pour les manger. Hihi.

-Et alors toi, c'était quoi le secret dont tu me parlais ?
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S'il passait à-travers les ruelles en répondant joyeusement à sa nouvelle amie, Sören était bien trop pris par le mystère de ses histoires pour être un bon guide. Certes, la petite fille racontait mal. Elle n'avait ni la verve des troubadours qui passaient parfois sur l'île, ni le talent de Brom. Lui savait imiter des dizaines de voix, et le garçon aurait juré que toutes correspondaient à de vraies personnes qu'il avait vraiment connues. Il savait poser une ambiance comme d'autres dessinent un univers. En quelques phrases seulement, mais avec une précision et un réalisme qui absorbait tout un chacun dans un décor imaginaire fait de mots et d'aphorismes. Son ciment était l'humour, son terreau, l'exotisme.

Et c'était ce mystère, cet inconnu que Sören retrouvait dans la personne comme dans les paroles de Louve. Elle racontait mal, mais elle-même était une histoire. Peut-être resterait-elle une semaine... Deux ? Trois ? Peu importait. Ce serait un temps à part, placé sous le signe de...


-L'aventuuuure !

Il s'était emballé. Il lui avait reprit la main, et l'emportait à-présent avec lui, en-dehors du village qui lui paraissait soudain trop étroit. Il ne l'avait jamais vraiment aimé du reste, ce village... Malgré la gentillesse de Liline, la présence du port merveilleux par lequel il s'en irait un jour, les jolis réverbères qui faisaient la fierté de tous, les fêtes qui y étaient célébrées toute l'année, le sourire du forgeron. Dans sa main libre, il brandissait une torche qui repoussait les ténèbres naissantes au pied des vignes dénudées et dans le creux des ombres des grands chênes. Il avait beau déjà rêver d'ailleurs, il connaissait encore cent recoins secrets, mille manières de distordre et de décliner la réalité. Le pouvoir mystique qui animait les enfants, qui montrait la vraie nature des choses. La passion dans le moindre caillou, la liberté dans le plus humble des papillons, la démesure des paysages trop vastes.

-Ouai, on y va ! C'est sur la plage, derrière le bois !

Il se ferait gronder s'il ne rentrait pas bientôt, mais il n'y pensait plus. De toute son âme, il était ce garçon qui courait dans les bois, une meute fantastique de félins heureux à ses trousses. Ce garçon qui émergeait des broussailles ébouriffé, et qui lançait, enthousiaste :

-Bienv'nue sur la crête aux cent-miaous, l'grand dojo du style du Ron-ron !

Miaou, ronron... bof, maintenant qu'il le disait, ça ne sonnait pas si bien que ça. Il fallait dire que c'était la première fois qu'il montrait l'endroit ainsi habité à une tierce personne. Même Brom n'était pas au courant. Car Sören avait beau le tenir en haute estime, il n'oubliait pas que c'était un adulte. Et il sentait à son ton, à sa manière d'être, qu'il ne pouvait plus voir les choses comme il les voyait encore, lui. Empreintes de merveilleux, retorses, pleines de dimensions cachées. Si le spectacle de centaines de chats ronronnant de concert autour de deux enfants se tenant debout sur une colline rocheuse surplombant la mer aurait étonné un adulte, seuls ceux qui avaient gardé leur âme première pouvaient en tirer tout le suc, les bénéfices. Et en comprendre le jeu.

-... Plus connu sous l'nom de « Style du Lèche-Bottes ». Ouai, ça sonne bien... tu trouves pas ? Ici, on est tranquilles, personne sait qu'c'est mon repère ! On joue ?

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La campagne n'avait jamais été son fort. Pour être plus exact, Louve n'avait jamais mis les pieds dans une vraie forêt ou ne serait-ce qu'une source chaude avec un minimum de verdure et d'arbres sauvages. Et la voilà qui marchait dans la nuit noire en compagnie d'un garçon rencontré moins d'une heure auparavant.
Cernés par les ténèbres et l'inconnu, elle s'écorchait les jambes sur les buissons et les ronces qui parsemaient ces chemins rarement empruntés. En racontant ses histoires, elle avait ainsi pu oublier l'air frais de la nuit et les petites morsures des orties sur chaque centimètre de peau qu'ils pouvaient atteindre. Sören pouvait, lui, éviter chaque branche basse sans soucis, enjamber le moindre nid de poule sans y trébucher et éviter les cailloux qui n'attendaient que de vous tordre la cheville. Parce qu'un caillou c'est comme ça. Un caillou agresse l'homme ; parce que c'est dans sa nature. Agresse la jeune fille aussi, Louve qui régulièrement doit augmenter son rythme pour ne pas se laisser distancer par le jeune garçon et son cercle de lumière aussi protectrice que bienfaisante. Oh certes elle rêvait des miles merveilleuses horreurs qui peuplaient les ombres des vignes, mais le frisson qui la gagnait la forçait malgré tout à rester près de son guide. Même lorsque ce dernier la faisait passer dans des endroits assez difficiles d'accès. À travers cette haie par exemple, qui la retint par la manche pendant une bonne minute alors qu'il traversait les branches et les feuilles comme elle-même aurait traversé un rideau d'eau. La lumière disparut un moment, mais lorsqu'elle émergea à son tour, le spectacle qui s'offrit à elle la submergea au point de laisser glisser d'entre ses lèvres ingénues une faible exclamation d'ébahissement.

Devant eux, sur une falaise dominée par les ombres de la nuit, une centaine de chats gris tenaient une gigantesque réunion secrète au entrées VIP. Quelques miaulements de ci de là, des ronronnements de partout et quelques joueurs isolés. Sur les rocs et les pics, tantôt l'un faisait sa toilette, tantôt un autre dormait de toute sa fainéantise tandis qu'un dernier débusquait un crabe perdu à quelques mètres au-dessus du niveau de la mer. Au bas des rochers, la mer, calme, mais dont le grondement régulier et les assauts éternels contre la roche de l'île de Loupiac emplissaient le lieu d'une atmosphère plus oppressante encore, rendant la scène plus mystique. Une trouée dans les nuages laissa perler quelques instants la lumière d'une lune paresseuse, puis elle disparut de nouveau derrière la barrière de nuages. Sur cette corniche aux chats, le fameux dojo aux cent-miaous, le vent frais et sinueux redoublait de force et charriait les mèches de Louve qui s'emmitoufla dans sa veste alors que Sören finissait de présenter les lieux à son invitée de marque. Ça pour un secret, c'était un magnifique secret. Bien étrange, certes, mais magnifique. De là, elle pouvait même apercevoir le port où mouillait son navire rafistolé à la va-vite et mieux y voir l'étendue des dégâts.

La suite fut simple. Louve tourna vers Sören un regard dubitatif. De grands yeux verts aussi profonds que pouvaient l'être ceux d'une jeune fille de sept ans. Un regard illuminé qui s'étendit au visage pour qu'enfin un sourire franc et joyeux éclaire son visage morose. Car il venait de prononcer le mot magique. Et si on jouait. Jouer. Pour elle, jouer se résumait à écouter des histoires le soir, à s'endormir sur les notes de sa boite à musique ou aux cartes avec les membres de l'équipage, lorsqu'ils le voulaient bien. Ou aux dés. Jouer avec les autres enfants... Déjà, rencontrer un autre enfant était une merveille. Mais pouvoir jouer avec lui. Elle en avait vu, d'autres, des enfants. Mais souvent de loin ou alors dans de drôles de circonstances comme la petite fille de l'an dernier. Alors que là, le jeune paysan, le garçon de ferme, le viticulteur en devenir... Le héros de la soirée lui proposait de jouer. De joie, elle frappa dans ses mains avant de joindre ensemble ses petits doigts blancs. Notre poupée de porcelaine sautilla sur place à l'idée d'enfin découvrir les joies d'avoir un ami, même de passage, avec lequel s'amuser.

-Quand on trouve une souris à bord, nous, ça veut dire que notre chat a mal fait son travail. Alors on a un jeu : « Paf le chat ». Tu connais ? On y joue maintenant ?

À un amoureux des chats, dire que l'un des sports de l'équipage est de donner un coup de pied dans les derrière des félins domestiques n'est pas la meilleure façon de lier une amitié durable et construite. Surtout lorsque la jeune fille, persuadée que ce jeu doit être très drôle avec un petit garçon, s'est déjà précipitée vers le chat le plus proche. Inconsciente qu'à un chat sauvage, on ne mord pas la queue, ou quelque chose dans le genre. Qui plus est à l'intérieur du dojo au style du lèche-botte.



Hrp: Pas fameux, tu en conviendras. ^^'
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D'abord intrigué, puis carrément curieux, Sören observa sa nouvelle amie s'approcher d'un chat en sautillant joyeusement. Plutôt placide, celui-ci l'observait sans ciller. Une belle bête au pelage fauve toujours ébouriffé et aux yeux d'émeraude que le garçon connaissait bien. C'était un bon chasseur, et s'il ne cherchait pas souvent la bagarre, il savait se défendre. A croire que sa propre agilité l'avait détourné d'une violence pourtant si profondément féline pour l'orienter vers une forme de sagesse pacifiste.
Arrivée à portée, Louve riait. Elle avait armé sa jambe droite, et se préparait à administrer à l'animal un coup de pied magistral. Pour autant qu'une enfant de sept ans puisse être capable de quelque chose de magistral, cela s'entend.


-Eeh... J'crois pas qu'ce soit une bonne...

Trop tard. Le coup partit. Vif comme l'éclair, le chat esquiva, et se jeta sur le pied d'appel de la petite fille. Il ne fit que lui mordiller la cheville sans méchanceté ni intention de blesser. Mais la surprise et le léger déséquilibre causé suffit à la faire basculer dans un lit de fougères. Un moindre mal, pour ce qui s'apparentait à une technique exécutée à la perfection. Sören soupira en achevant sa phrase.

-... idée. Eh. T'sais c'que c'est, un dojo ? J't'ai dit qu'c'en était un... Les aventuriers qui viennent sur l'île - enfin, quand y viennent, hein, c'pas tous les jours – y disent que c'est un endroit où on peut apprendre plein d'trucs pour bien s'défendre. Avant, j'app'lais ça une « école ». Mais y paraît qu'dojo, c'est mieux. Alors voilà, c'est un dojo. Euh...

Tandis que Sören se perdait quelque peu dans ses explications, le félin victorieux s'était juché sur le ventre de Louve, et s'y pelotonnait en ronronnant comme un moteur. Pas rancunier pour un sou. Le spectacle était touchant. Sauf que cela avait l'air de la surprendre, sinon de la terrifier. Voyant que le moment était peu propice aux explications, Sören s'approcha et caressa le pelage frémissant de la bête.

-Lui, c'est Belgor. L'est brave, mais 'faut pas trop l'embêter... C'est un des maîtres du dojo du Style du Lèche-Bottes ! Il attaque jamais l'premier, et quand c'est possible, y gagne toujours sans faire de mal... moi j'l'aime ben. J'le trouve...

Soudain, le garçon ne trouvait plus ses mots. Il se rappelait la nuit sordide au cours de laquelle le domaine de son père avait manqué de disparaître. La violence de l'étranger, le sang mêlé à la poussière, mêlé à ses cheveux. Il voulait devenir fort, au moins un peu, pour pouvoir parcourir le monde sans avoir à craindre qui que ce fût... mais il détestait l'idée du meurtre, la souillure de la haine. Thunder F. avait instauré en lui, sans le vouloir c'était certain, un véritable amour pour les solutions pacifiques. Et pour cela, il venait depuis peu s'entraîner en cachette avec certains de ses chats, dont Belgor. Certains étaient plus offensifs que d'autres dans leurs mouvements, mais en les observant, Sören apprenait, modelait son corps, peu à peu. Il était encore un enfant, mais de longs muscles filandreux et souples commençaient à faire leur apparition sous sa peau déjà burinée à force de travail et de soleil. Sans hâte il se faisait chat, futur seigneur des chasseurs. En tous les cas, c'était ce qu'il aimait se dire et s'imaginer.

-Enfin, j'aime ben comment il est, quoi. Dis, on pourrait jouer à chat-perché, plutôt ? Tout l'monde sait y jouer, ici ! Et puis sinon... Sont pas méchants, mais pas toujours très très patients. Alors les cherche pas trop non plus. Surtout lui, tout là-bas. Le gros, Golgoth. C't'une brute...

Un craquement venant des sous-bois fit se retourner brutalement le garçon. Il se glaça en s'apercevant que la silhouette de l'homme qui venait de se profiler dans les ténèbres, il ne la connaissait que trop bien.

-... Sacrebleu de vaurien ! Deux heures que je te cherche, Jean-Foutre ! M'en va te ramener dans le droit chemin comme y faut ! Ah !

N'obéissant qu'à son courage et au désir qu'il éprouvait de rester un peu plus longtemps dehors avec sa nouvelle amie, Sören tendit la main, et la referma autour de celle de la petite fille.

-Viens !

Et sur ce, il prit ses jambes à son cou et s'engouffra dans un réseau de plantes basses épineuses, qui ralentiraient copieusement l'adulte qui allait s'y engager. Le garçon riait à gorge déployée. Il savait qu'il n'échapperait pas à la punition, alors, à ce compte là... autant que cela vaille la peine.
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Il fallait avouer que le matou était lourd. Pour Louve, jeune fille frêle de sept printemps, une locomotive à vapeur juchée sur la poitrine était aussi confortable que de dormir à la belle étoile su'l'pont du navire par une nuit d'hiver. Et d'expérience, c'était définitivement pas agréable. Elle tenta de l'enlever, mais plus elle essayait de le pousser, plus l'imposant félin ronronnait, et laissait tomber ses paupières comme de lourdes stèles de pierres. Bloquée sous son poids, elle commença à paniquer. C'est qu'il était inquiétant avec cet air indifférent.

Mais le jeune vigneron lui vint en aide. Et comme il caressait le dos rond d'un chat qui n'en pouvait plus de ronronner, ce dernier se déplaça subtilement permettant à Louve de le faire déguerpir. D'un saut agile, il s'éloigna, non sans un dernier regard étrange qu'il lui décocha. Louve resta interdite un instant. C'était peut-être le chat d'un sorcière du coin. Ils étaient peut-être tous à une sorcière locale.

-Tous ces chats, ils chassent les souris chez qui ?

Une sorcière ? Deux sorcières ? Allez Sören, dis-lui qu'ils sont tous à la sorcière dans la forêt.

-... Sacrebleu de vaurien ! Deux heures que je te cherche, Jean-Foutre ! M'en va te ramener dans le droit chemin comme y faut ! Ah !

Ah, c'est donc un sorcier !

-Viens !

À peine remise sur pieds, Louve se vit entraîner par le jeune garçon et sa lampe loin du camp secret pour chats. Et en un éclair, presque traînée, ils disparurent entre les branches basses d'arbres touffus. Le maquis local : une muraille d'épines, de ronces et de racines enchevêtrées. À tel point que Sören fut forcé de lâcher les petits doigts de Louve et de ralentir pour qu'elle puisse le suivre à travers les accès qu'il coupait juste pour elle. Il était plus grand, mais lui se faufilait où elle-même n'aurait su passer la tête seule. Il s'en fallut de peu pour qu'elle trébuchât, mais ici, les racines sont différentes des cailloux de là-bas. Elles sont pas si méchantes. Même si ce n'était pas le cas des épineux locaux. En clair, elle le ralentissait grandement.

Pendant une longueur de temps impressionnante, les seuls bruits furent ceux des pas des jeunes enfants et des branches qui craquent. Puis, soudainement, Louve perçut la voix bourrue du Sorcier qui les poursuivait comme il le pouvait entre les arbres et les branches quand eux se faufilaient entre buissons et sous-bois. Ce qu'elle écartait, lui le piétinait et ainsi, malgré les épines, il gagnerait beaucoup de terrain. Et malgré tout, cette aventure semblait réjouir Sören.

Alors si c'était un jeu...

Louve se mit à rire de bon cœur sur les talons du paysan qu'elle suivait avec plus d'aisance à mesure que son pas se faisait aux cahots de la campagne et aux pièges de la forêt. Et lui put alors allonger le pas pour espérer distancer ce père aux horaires gastriques calés sur ceux des repas. Et tout à coup, ils débouchèrent sur un petit sentier au cœur même de la forêt. Enfin du bois, mais pour Louve qui, rappelons-le, vivait au rythme des flots et aux bons vouloir des dieux marins, ressemblait à une forêt des plus gigantesques. Là seulement, elle prit conscience du hibou qui hululait au fond d'un arbre creux, des crissements dans les feuilles mortes, et de tous ces petits bruits qui faisaient d'une forêt un lieu de frissons et de peurs. Et dans cette nuit sombre au ciel masqué par d'épais nuages, la lumière bienfaitrice du jeune garçon n'éclairait pas à plus de dix arbres à la ronde. Et encore, on pouvait imaginer des ombres rampantes à cinq arbres de distance. Un craquement tout proche et toujours cette voix grave, pestant contre son salopiot de gosse, qui les pourchassait et se faisait de plus en plus forte. Louve sentit un frisson la gagner en laissant glisser un regard à la ronde, puis un sourire naquit sur son visage comme Sören se mettait en mouvement en suivant tant bien que mal le sentier des sangliers. Sûrement qu'il y aurait la maison de la sorcière au bout. Elle lui emboita le pas en riant pour malgré tout éloigner les quelques terreurs qui auraient -éventuellement- pu la prendre.

De là, ils purent accélérer le pas, et c'est ce qu'ils firent. Il l’exhortait avec le sourire pour qu'elle avançât plus vite. Elle finit par marcher sur ses talons comme il laissait passer une biche pressée, et ils repartirent de plus belle.
Leurs pérégrinations dans les bois durèrent peut-être dix minutes, et il semblât que leur poursuivant du moment se fut fait plus éloigné. Son guide, avisant cette situation, sortit soudain du sentier attirant Louve avec lui avant de s'installer subitement dans l'humus froid de la nuit. Là, il éteignit la lampe qu'il transportait à bout de bras depuis un bout de temps maintenant et lui intima le silence. Sa bonne humeur était contagieuse et elle rit avant de lui obéir.

-Cache-cache et roi du silence ? D'accord !

Elle s'enfonça dans un mutisme complet.
Au cœur du bois de Loupiac, de nuit, tout était lugubre et sombre. Une atmosphère parfaite pour une Louve désireuse d'aventure. Diable savait ce qu'il allait sortir de ce trou dans l'arbre contre lequel Sören s'appuyait. Dame envisageait quelle paire d'yeux ce buisson laisserait filtrer entre ses fruits rouges. Fortune se doutait sur quelle colonie de fourmi Louve avait élu résidence. Au-dessus d'eux, la cime des arbres bruissait sous un vent marin toujours plus fort alors qu'étrangement, eux, sous le couvert ligneux, restaient à l'abri de la froideur sinueuse de la bise fraiche. Résonna brutalement le cri d'un quelconque habitant de la faune locale, détournant l'attention de Louve de cette atmosphère figée. Rien. Rien... Toujours rien. Même la voix étrange s'était tue et s'en était allée. S'était perdue.

Elle savoura encore l'instant, encore un peu, puis elle croisa le regard éclatant du jeune garçon faisant échos au sien. Et si lui semblait y voir comme en plein jour, elle ne pouvait que déceler cette lumière dans son regard qui l'amusa et la fit rire.

-Elle est où la maison de la sorcière alors ?
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Ce soir était un grand soir, car Sören se sentait vivre plus que jamais. Son cœur cognait si fort dans sa poitrine d'enfant qu'il lui semblait qu'il allait se détacher pour partir lui aussi vagabonder dans la forêt. Il y porta une main, et sourit. Il se sentait grand guerrier protégeant sa dame. Une connerie, qu'il faisait ? Qu'importait, il en était très fier. Et puis, il avait bien mérité une petite digression. Le vin, tout le vin vendu dans la journée, c'était grâce à lui. Une vraie fortune.

Et puis, il y avait Louve, qu'il regardait maintenant dans les yeux. Ses yeux qui brillaient dans le noir, comme ceux d'un des chats qui se tenaient sans doute cachés, ronronnant, grognant, ou feulant dans les broussailles. Le garçon sourit encore plus largement à cette idée.


-Tout là-haut, sur la colline ! Juste au-d'ssus des vignes. C'est là qu'j'habite aussi. Parc'que j'suis l'un des fils du sorcier et d'la sorcière. Mes frères et mes sœurs sont leurs disciples. Moi, j'veux pas. J'préfère rester dans la forêt 'vec les chats. Et puis toi. On s'amuse bien !

Un craquement. Le juron étouffé d'un homme qui essayait d'être discret. Sören se crispa, et se jeta en avant en saisissant son amie par l'épaule. Il courait de nouveau en direction des falaises qui bordaient l'île. Il connaissait de multiples recoins secrets, de petites grottes sèches dans lesquelles il entreposait autrefois ses trésors : morceaux de viande sèche, biscuits, cigarettes, boutons, tout ce qu'on lui offrait au village, et tout ce qu'il trouvait par terre.
Sauf qu'avec la misère des derniers mois, il avait bien été obligé de vendre ce qu'il pouvait, et de ramener à sa famille ce qui était comestible. La malhonnêteté n'avait jamais eu libre cours chez lui. La honte l'aurait étouffé s'il avait agit autrement. Il n'empêchait qu'il s'était tout de même trouvé un peu frustré d'avoir à sacrifier la récompense d'heures de promenade et de dizaines de petits services rendus. D'autant plus qu'il n'avait eu, en guise de remerciement, qu'un long regard suspicieux de la part de sa mère, et qu'un mot de reproche venu de son père. Ses frères avaient été plus indulgents, mais c'était une façade.
Sören ne s'était jamais vraiment senti de leur monde à eux. Il avait sa vie à côté de l'exploitation. Secrète et limitée, certes, mais c'était malgré tout un vrai monde à part qu'il avait su se broder en marge de ses longues et difficiles journées.

Et pour une fois, il avait quelqu'un pour partager tout ça avec lui ! Il avait droit à un temps mort. Il l'avait mérité. Et ce n'était pas un vieux vigneron grincheux aux allures de Gargamel qui allait l'en empêcher. Respect du père ou pas !


-Saute !

Un chêne à moitié déraciné dissimulait un trou entre deux racines. Sören s'y jeta sans hésiter, en espérant que Louve n'ait pas peur de suivre. Il savait que ce n'était pas très profond, et que le sol était couvert d'une espèce de mousse très dense et épaisse, courante en bordure d'océan. Ceci dit, sa chute fut amortie par quelque chose de beaucoup plus mou... de beaucoup plus chaud... de beaucoup plus... vivant qu'un végétal supposé profiter grassement et paisiblement de l'humidité du lieu.

-Waaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !

C'était un raton-laveur, le plus gros qu'il n'ait jamais vu ! D'ailleurs... que faisait un animal pareil sur une île aussi nordique ? Les colporteurs en ramenaient parfois, mais ils faisaient bien attention à ne pas en laisser s'échapper. Et puis, il y avait autre chose... Celui-ci portait une drôle de ceinture avec des tournevis, des marteaux, et d'autres petits outils. Et maintenant, il brandissait un cutter en glapissant tandis que Sören reculait, les poings levés, en essayant d'être brave.

Une ombre se dessinait derrière l'animal. Celle d'un vieil homme. Que venait-il faire dans l'un de ses innombrables repères ? Et surtout, pourquoi se cachait-il alors que les villageois étaient si gentils et accueillants ? Ce ne pouvait être qu'un forban de la pire espèce. Comme dans les histoires de Brom. L'excitation parcourut le corps du garçon. Une aventure ! Restait à savoir comment celle-ci allait tourner...
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Sören disparut dans un trou au pied d'un arbre aux racines noueuses et apparentes, laissant seule et haletante une Louve qui n'en pouvait plus de courir et qui hésitait à suivre le petit garçon sous terre. Elle n'était pas un lièvre à vivre dans un terrier. Autour d'elle, le bois bruissait de tous ces bruits étranges qui ne lui étaient pas familiers et plus loin s'approchaient la famille de sorciers dont le garçon faisait partie. Ils tonnaient, ils criaient, ils juraient, ils grommelaient. Des sortilèges peut-êtres ? Se tournant à nouveau vers le trou en souriant à ces pensées, penchée par dessus excessivement, elle avisa que l'arbre déraciné lui souriant étrangement. Elle rit. C'était une invitation. Alors elle sauta.

Et dans sa chute, qui lui parut beaucoup plus longue qu'elle ne le fut en vérité, des choses et d'autres défilèrent. Un paillasson sur lequel était écrit « Bienvenue » en écureuil. Un porte-manteau pour écharpe d'hermines. Une paire de chaussures à gland pour les blaireaux. Tombait-elle chez quelqu'un ? Bim. Elle tombait sur quelqu'un. Sören. Si un raton-bricoleur avait attendri sa propre chute, il avait attendri celle de Louve qui posa les pieds sur la terre du terrier comme une fleur dans le vent.

La cavité dans laquelle elle se tenait droite et ébahie ressemblait plus à une caverne ou à une mine, mais consolidée naturellement par des racines aussi grosses qu'elle était grande et parsemée de bouquets de mauvaises herbes sauvages. La terre humide exhalait ces odeurs si délectables d'humus et de fraicheur caractéristiques. Où donc avait-elle atterrie ? Le sol était extrêmement lisse est propre, comme s'il était nettoyé régulièrement. Une maison ? Celle au monsieur juste devant elle ?
Louve releva lentement le visage vers cette silhouette qui se détachait à peine dans la pénombre et que de ce fait elle avait manqué jusque là. Sören y voyait bien mieux qu'elle dans le noir aussi, rappelons-le. La silhouette était voutée autant par le plafonds bas que par l'usure du temps et la moitié de son visage était masqué par une barbe et des cheveux tressés en dreadlocs. Enfin tressés... Il toisait les deux nouveaux arrivants comme les étrangers qu'ils étaient alors que le raton-bricoleur les assaillait de crissements irrités, bien à l'abri derrière les genoux cagneux de l'homme. Et pour un homme des cavernes, il avait le bras fort et le regard vif. D'ailleurs, dans ses yeux scintillait cette lueur que l'on pouvait voir dans ceux de Sören. L'excitation de la surprise, le plaisir de l'inattendu, le désir de la nouveauté.

Tandis que tout le monde se dévisageait dans une atmosphère studieuse, l'homme sortit une pipe en bois d'ébène et arracha quelques touffes d'herbes qui poussaient non loin de sa tête. Il les tassa dedans et y mit le feu avec une allumette pour en tirer quelques bouffées réconfortantes. Et bien avant que quiconque n'ait eu l'envie d'ouvrir la bouche, une lourde et opaque fumée bleue fit tousser les deux jeunes aventuriers. Le Raton avait pour l'occasion sorti un masque à gaz rudimentaire mais efficace.

-Nom d'une nappe phréatique, il est bien rare que j'aie de la vi...
-T'es un sorcier toi aussi ! S'exclama soudain Louve avec entrain en se débarrassant de sa quinte de toux.

Ce n'était pas une question. Elle jeta par dessus son épaule un regard émerveillé à un Sören dubitatif par le perplexe de la situation et s'engagea plus avant dans la nappe de brouillard bleue qui laissait transparaître un regard étonné. Bille en tête. Elle voulait juste voir ces choses qui font peur et que l'on trouvait chez les sorciers. Et alors qu'elle allait le dépasser pour continuer son chemin et découvrir un salon, une cuisine, des rideaux ou un canapé-piano, un bruissement d'ailes se fit entendre, un cri aiguë fit fuir le raton-bricoleur pour un temps puis une ombre passa devant tout le monde.

Tout le monde se figea. Rien ne bougeait, tout était sombre. Jusqu'à ce que deux yeux jaunes apparaissent et que sur une racine l'on put soudainement apercevoir une Chouette au ramage d'un noir d'encre. Son bec luisait d'un éclat étrange, comme si elle était satisfaite de son entrée. Mais après avoir dévisagé pendant ce qui sembla être une éternité Sören et Louve, la chouette se dévissa le cou pour fixer à 180° l'ombre derrière le nuage de fumée.

-Il revient.
-Qui donc ? Demanda l'homme interloqué
-Le loir.
-Vrai ? Avec mon sac de farine ?
-Il semblerait.
-Tu en es sûre ?
-De quoi ?
-Qu'il avait le sac de farine.
-Qui donc ?
-Le Loir !
-Quel loir ?

Devant cet étrange spectacle d'une chouette parlant à un nuage de fumée bleue, Louve rebroussa lentement chemin, suivi par le raton-bricoleur, pour revenir vers le jeune garçon. Elle était émerveillée et elle se tordait les doigts des mains en se collant à lui. Ni le vieil homme et sa pipe ni la chouette effraie ne semblaient plus leur porter attention pour l'instant, mais ça ne saurait tarder. Dès que leur dialogue loufoque prendrait fin.

-J'adore ton île ! Ne put-elle s'empêcher de souffler à la seule intention de Sören en le tirant par la manche.


Dernière édition par Blacrow L. Rachel le Lun 1 Avr 2013 - 0:33, édité 1 fois
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Pris dans une scène au sein de laquelle il se sentait déjà un peu étranger de par son âge, Sören se pinça. Une fois, puis une autre, un peu plus cruellement. Non, non, c'était bien là. Le raton bricoleur, la chouette qui parlait, le vieil homme dans son nuage de fumée bleue. Les histoires de sac de farine et de loir, aussi. Et la petite Louve qui avait le sourire de ceux qui viennent de découvrir quelque chose de merveilleux.

-Bon, bref. Les Hansel et Gretel, là, vous vous présentez, ou bien ? Ce n'est pas une maison de pain d'épices, ici.
-Euh... non m'sieur, c't'une caverne. Et z'êtes sur mon île d'puis combien d'temps ? J'vous ai jamais vu, moi !

Le garçon essayait de conserver son assurance, luttant de toutes ses forces pour ne pas trop écouter son amie qui lui glissait une série de « c'est le sorcier ! » à l'oreille. Le vieil homme garda le silence un bref instant, et vida sa pipe en la cognant trois fois contre son talon. Il avait les pieds nus, et les braises lui avaient peu à peu constitué un cuir noir qui avait quelque chose d'aussi improbable que le reste. Mais ce qu'il y avait de plus flagrant, c'était sa barbe. Couleur du ciel.

-Je suis Barbe Bleue. Voilà sept ans que je suis venu me réfugier ici.
-Vous réfugier ?
-Ma femme est très en colère contre moi, et elle dispose de puissants alliés. Moi, je n'ai qu'un raton-laveur bricoleur et une vieille chouette.
-Ça tient pas d'bout, morbleu !
-C'est très vilain de jurer devant une petite fille.

Avant même de commencer à comprendre ce qui se passait, Sören se retrouva la tête enfoncée dans une bassine, la bouche dégoulinante d'eau savonneuse qu'il s'appliquait à recracher. L'amertume lui brûlait la langue, il toussait et haletait comme il pouvait. Et Louve riait.

-Voilà, tu ne le feras plus maintenant.
-Vind... euh... bon sang. Z'êtes qui vous, encore ?

Celle qui avait accompli le rite punitif du savon à une vitesse à peine humaine n'était qu'une petite mamie que le garçon avait déjà croisée au village, une ou deux fois. L'une des rares à qui il n'avait jamais osé parler. On lui attribuait souvent les mauvais présages, parce qu'on ne la voyait sortir de chez elle qu'avant qu'une catastrophe se produise. Il fallait dire que c'était si rare que les gens avaient tendance à paniquer et à faire des bêtises.
Cette fois, Sören eut le temps de penser « sorcière ! » avant que Louve ne vienne le lui confirmer à voix basse. Comme si dans son esprit de petite fille, tout ce qui se passait était parfaitement logique et cohérent.


-Qui je suis ? Gnéhéhé. Tes manières sont décidément bien mauvaises, mon garçon. On se présente en premier, quand on vient chez les gens.

Sören pesa rapidement le pour et le contre. Il était sur son île, fils d'un homme qui en avait le plus beau domaine viticole. Avec celui des Ouranos, mais mieux ne valait pas trop y penser. Les fils Ouranos étaient méchants, et profitaient allègrement des avantages commerciaux liés à la chute des Hurlevent, depuis le passage de Thunder F. Ils se pavanaient souvent à la limite de la propriété, tout fiers de leur belle graisse rose nouvellement acquise. Trois petits cochons, qui mériteraient bien que le loup vienne détruire leur maison et les croquer ensuite.

Il devait devenir fou, pour avoir de telles pensées dans un moment pareil.


-Sören Hurlevent. Et v'là Louve.
-Voilà qui est bien mieux. Babar', va donc faire un peu de thé. Et nettoie donc les fientes d'Alceste, tant que tu y es... Bien, bien. Que venez-vous donc faire ici ? Mon fils aime les visites, mais il est un peu fou...
-M'man !
-Non, non, mon chéri, tu ne me feras pas croire que ta septième femme t'en veux au point de vouloir te tuer pour une simple histoire de chambre mal entretenue.

L'homme grommela dans sa barbe, et ralluma sa pipe. Aussitôt, le nuage de fumée dissimula sa colère à la vue de la vieille femme. Et l'eau commença à bouillir, sur une cuisinière à bois qu'alimentait le raton-laveur. Raton-laveur ? Pas vraiment. Vrai qu'il portait un masque qui prêtait à confusion, mais sa queue écailleuse ne laissait guère de doute sur sa nature véritable

-Eh, mais c'est un castor !
-Arrête de raconter des histoires, petit père. Et dis nous un peu ce que tu viens faire ici. A moins que tu ne préfères le savon ?


Dernière édition par Sören Hurlevent le Lun 1 Avr 2013 - 0:34, édité 1 fois
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Le sorcier tourna les talons sous les ordres de la sorcière. Et comme le nuage de fumée bleue percée de centaines d'étoiles jaunes se propageait dans le couloir de cette maison, la petite file aux yeux verts y disparut à la suite du sorcier à la peau noire.

Pourquoi ? Parce que sa barbe était bleue comme son nom. Et ses talons aussi noirs que le fond du gouffre dans lequel elle était tombée. Et que la fumée bleue foncée jaillissait de sa pipe comme d'une cheminée.

Parce que c'était Le Sorcier. Tout simplement.

Avançant à tâtons dans un couloir sombre aux odeurs d'humus, elle se dirigeait à l'écho des pas de l'homme dont les talons claquaient sur la terre molle et se répercutait dans tous les sens au rythme d'une montre à gousset.

Toc. Toc. Toc.

Sur les parois fraiches, les vers de terre laissèrent place à des bibelots et des breloques. Un cerf-volant était planté dans la terre meuble. Un bilboquet partageait le trou d'une taupe avec une toupie. Une corde à sauter. Un coucou détraqué. Et ce Toc. Toc. Toc.

Le sol était de plus en plus parsemé de cailloux. Louve devait maintenant enjamber ces rochers qui poussaient dans la galerie comme des blés. De plus en plus gros. Et ce Toc. Toc. Toc.

Une marche, puis deux. Louve parcourait du regard ces dizaines de charmes plantés dans les murs, qui l'observaient. Ici un jeu de fléchettes. Là une marmite pleine de soupe aux lardons. Et ce Toc. Toc. Toc.

Au loin, une chouette ulula. Louve descendait. Descendait. Descendait. Les entrailles de la terre s’étrécissaient au fur et à mesure qu'elle descendait dans les étages. Le tic tac d'un lapin en peluche lui fit détourner le regard, mais devant la frêle jeune fille, le Raton-bricoleur. N'était-il pas avec Sören et la sorcière ? À petits pas, Louve avança lentement vers le fond de la cavité où le raton bricoleur avait troqué son marteau contre une pioche. À pas lents, elle se rapprocha. Ici, la terre meuble et humide avait laissé place à de la roche dure qui germait sur les parois comme des plaques d'exéma. Dans un coin de ce qui ressemblait à une alcôve, la fumée bleu nuit clairsemée d'étoiles encensait l'air et lui rendait cette odeur de frais que seul l'humus recelait. La qualité de la pipe à l'herbe souterraine. Et seul face à la gigantesque paroi de pierre et de terre, le raton-bricoleur. Raton-bricoleur ? Toc. Toc. Toc. Ah non, il avait cette casquette étrange qu'ont les mineurs. C'était donc un raton-mineur. Et pas un castor, stupide Sören.

Tremblement de terre soudain qui ébranla la caverne. Louve fit un pas de côté pour éviter une pluie de débris. Elle leva les yeux sur le Sorcier à la peau noire et à la barbe bleue qui était étrangement à côté d'elle. Au milieu de cet écran de fumée qui le masquait par intermittence comme un ciel chargé aurait masqué la lune, une main noire apparut qui tendit à la jeune louve la tasse de thé commandée par la Sorcière. Elle s'en saisit et l'observa avec circonspection. Quel genre de décoction avait-il bien pu mettre dedans ? Des yeux de grenouilles ? De la bave d'escargot ? Des ailes de chauve-souris ? Toc. Toc. Toc.

-Basilic, feuille de vigne, thé bleu et un peu de sucre pour aller avec l'eau turquoise de la nappe phréatique.

Louve huma le breuvage et choisit de ne pas y toucher. Elle resta interdite à fixer le raton-mineur tandis que Barbe-Bleue sirotait sa tasse de thé. Sa pipe toujours calée entre ses dents. La chouette ulula une nouvelle fois et son regard apparut à travers le manteau de fumée avant que Alceste, la chouette, ne fut entièrement visible aux yeux de la petit fille. Dont elle ne lâchait le regard.

-Pourquoi il fait ça ? Il cherche un trésor ?
-Oh oui ! Si on peut dire ça. Derrière ce mur, il y a sa promise. Et bientôt nous la récupèrerons. Grâce au loir.
-Quel loir ?
-C'est une chouette magique... ?

Le Sorcier la dévisagea avec des yeux rieurs mais ne répondit pas. Louve se rembrunit et pensa qu'elle était peut-être démoniaque. Et comme pour répondre à ses questions, la chouette disparut progressivement comme elle apparaissait, ne laissant derrière elle que des yeux jaunes fixés sur la jeune fille.

-Elle est drôle... J'avais jamais vu des yeux sans chouette.

Le Sorcier rit de bon cœur et s'éloigna de la jeune Louve. Il retourna dans son alcôve et se saisit d'une autre tasse. Qu'il entreprit d'amener à Sören comme sa mère le lui avait demandé. Tout comme elle-même obéissait à ses pères. Il s'éloigna et très vite il eut disparu dans la noirceur d'une grotte mystérieusement éclairée. Mais elle ne se demanda pas comment la lumière passait dans cette galerie car, après tout, ils étaient dans la maison d'un Sorcier et de sa mère.
Posant la tasse à ses pieds, Louve s'avança vers le raton-mineur. Le pauvre s'épuisait à la tache et frappait avec une pioche contre un mur de pierre aux dimensions impressionnantes. Elle leva la main et attrapa l'outil de l'animal sans que ce dernier ne s'y attende. Il sursauta, fit un bon sur le côté, poussa un petit cri plaintif et s'enfuit ventre à terre.

Un tremblement de terre remua la galerie. Louve rit. Soupesant la pioche comme elle le faisait avec des épées en bois, elle la prit en main et voulut frapper la roche face à elle comme une motte de terre s'écrasait à ses pieds à cause des vibrations de la terre. Alors en bonne fille bornée, elle le fit, sans entendre les supplications d'un animal chétif. Elle frappa et la pioche s'enfonça dans le mur en pierre. Trop facilement. Comme s'il n'avait attendu que ça.

La fissure qui s'en suivit courut sur toute la hauteur de la façade dans un craquement sourd. S'ensuivit alors une plainte, une clameur qui enfla depuis les profondeurs du monde comme les tambours d'un puits sans fond. Et par réflexe, alors qu'arrivaient en courant dans son dos la panoplie complète des personnages secondaires attirés par ce vacarme, elle laissa choir l'outil du crime. Et comme le Raton-mineur se précipitait vers le raton-bricoleur aux côtés de Sören pour se plaindre, elle le pointa du doigt avec l'air innocent des petites filles aux grands yeux verts.

-C'est lui !
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-Oh, non, pas le savon... vous savez, y'a rein de ben sorc... euh, d'original. On jouait, et on est tombé dans un trou. On pensait pas arriver chez des gens...
-Il se fait tard, n'est-ce pas ?
-Un peu, oui.
-Ton père te cherchait et tu n'avais pas envie de rentrer.

A cela, il n'avait rien à répondre. Finalement, la vieille femme était peut-être de mèche avec son père. Il allait débarquer d'une minute à l'autre et le tirer de cette situation aussi bizarre que fascinante. Le cœur du garçon battait la chamade. Il n'arrivait pas à se justifier. Et pendant qu'il cherchait, Louve était partie rejoindre Barbe Bleue en sautillant.

-Gnéhéhé, ne t'en fais pas pour ça. Si j'étais du genre à dénoncer, cela ferait longtemps que mon fils serait en prison, ou pire. Assied-toi donc, petit. Ah, ce n'est pas trop tôt !

L'homme à la pipe était revenu, laissant derrière lui son perpétuel nuage de fumée bleue. Un moment, Sören s'étonna. Pour les petites choses, il n'avait pas encore pris le temps de le faire. Au village, beaucoup d'hommes fumaient la pipe, mais aucun ne parvenaient à générer un brouillard semblable.
Il accepta la tasse avec politesse, et but. C'était bon, et il ne devait rien avoir à craindre. La couleur était étrange, mais tout le monde avait l'air de s'en régaler.


-Merci monsieur. Dites, Pourquoi vot' pipe elle fume comme ça ? Et puis c'est tout bleu...
-Oui, oui. Herbe à pipe des souterrains et myrtilles, petit. Et il faut qu'elle fume beaucoup. L'homme qui vivait ici avant moi me l'a donnée avec la recette. Euh... M'man ?
-Vas-y, il ne te croira pas de toutes façons.
-Bon. Il disait que c'était une pipe à brouillard. Si je ne la fumais pas, il n'y aurait plus jamais de brume blanche le matin, ni de purée de pois, ni rien du tout.
-... alors pourquoi vous la fumez ? Vous arrêteriez qu'on s'rait contents !
-Parce que... parce qu'il doit y avoir du brouillard. C'est comme les tremblements de terre.
-... m'dites pas qu'c'est vous qui causez tous les malheurs de l'île ?

Les tremblements de terre, Sören savait ce que c'était. Aussi peu probable cela puisse paraître, l'île du Loupiac était la proie régulière de séismes terribles, ce qui lui avait donné au fil des âges sa géographie si singulière. Rares étaient les îles de taille aussi modeste à posséder des collines, des plateaux, des montagnes et des falaises. En songeant cela, malgré son incrédulité mêlée de crainte, le garçon anticipa d'instinct la réponse du fumeur de brume.

-Sans eux, il n'y aurait pas cette qualité de sol qui donne du travail à ton père. Et puis de toutes façons, ce n'est pas moi qui fait ça. C'est le poisson-chat.
-... le quoi ?
-Le grand poisson qui vit sous l'île, et qui la fait trembler à chaque fois qu'il éternue, benêt.
-Mais c'est n'importe quoi !
-Que ceux qui ont des oreilles entendent.

Mais un terrible remue-ménage vint démystifier cette belle citation pourtant si bien placée. Louve venait de débouler en agitant sa tasse dont le contenu se répandait sur le sol enfariné, un index accusateur pointé sur un raton qui couinait éperdument.
Mais il y avait bien pire, car dans leur sillage, un titan se dessinait. Tout blanc, immense, son long corps annelé se pliant et se dépliant dans un « slouic, slouic » qui ne laissait rien présager de bon. Sa gueule entrouverte, toute ronde, était garnie de dents qui tournaient façon broyeur tandis que de drôles de flammes en jaillissaient.


-La farine ! La farine !
-Le loir l'a prise, je te l'ai dit !
-Quel loir ?
-Idiot, tu crois que je suis rentrée les mains vides ?

La vieille femme brandissait deux énormes sacs de dix kilos chacun, avec une aisance qui avait quelque chose de surnaturel. Aussitôt, Barbe Bleue éteignit sa pipe en la pressant dans le creux de sa main, et la rangea dans sa veste. Et dans un seul geste qui ne manquait ni de force ni de grâce, il envoya les sacs sur le sol. Ils éclatèrent, et un nuage blanc s'éleva dans la pièce. Le lombric géant marqua un temps d'arrêt, et sans rien voir, Sören entendit que l'on versait de l'eau un peu partout.

-Poussez-vous, les enfants.

Et dans un « Pfouf » monumental, elles sortirent du sol. Peu à peu révélées par la farine qui se déposait.

Les pizzas.

Oui, les pizzas. Un rugissement de rage, et le ver fit volte face, bloqué par la masse pâteuse et collante qui encrassaient ses crocs. Des champignons trônaient sur le dessus, sans doute arrachés à la terre. Le raton et le castor masqué soupirèrent exagérément.


-... vous allez m'dire que le sol est en fait une colonie d'levures comme jamais on en verra ailleurs ?
-Tu commences enfin à comprendre, c'est bien.
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-J'aurais apprécié que tu me dise avoir apporté de la farine un peu avant, m'man. J'aurais pas envoyé Alceste chercher le loir.
-Quel Loir ?
-Tu me l'avais pas demandé Babar.

Tous deux avaient l'air soulagés. Et s'ils étaient maintenant décontractés, sorciers ou pas, ils avaient craint pour les deux enfants lorsque la gueule béante digne d'un film de science fiction désertique était apparu au détour d'un couloir aux trousses de Louve. Louve qui, joyeuse et presque rieuse, s'était élancée sur les pas du Mile-pattes blanc. Elle avait remarqué à quel point chacune de ses pattes étaient autonomes et ça l'avait fasciné. Elles s'étaient même faites quelques croches pattes entre elles. Mais surtout, toutes étaient bottées ! Elle aurait voulu suivre cette monstrueuse créature dans les dédales dont elle avait la science infuse, mais Sören la rattrapa par la manche alors qu'elle allait disparaître. Il en profita pour la réprimander.

Et en parlant d'infuse, la vieille grand mère sortit de derrière son dos un service à thé et servit quatre tasses.

-C'est une occasion inespérée de récupérer la promise du raton. Je sais pas comment tu t'y es prise petite fille, mais peut-être que nous pourrons entrer dans le domaine d'Emile pendant qu'il va digérer la pâte à pizza qui ne doit pas manquer d'être à son goût.
-Emile ?
-Le Grand Scolopendre Blanc.
-Oui, enfin... inespérée...
-Tu as beau être contre le mariage, Babar, laisse donc ces deux pauvres bêtes vivre leur idylle ! Sans mariage, tu ne serais pas là.

Barbe bleue accusa le coup sous le regard pesant de sa mère. Il fit la moue puis fourra sa pipe avec l'herbe souterraine pour disparaître dans le brouillard bleu étoilé. Il attrapa l'une des tasses et la but cul-sec. Aussitôt, la fumée prit des teintes plus claires, tirant légèrement sur le vert.

-Beau mélange.

Et il tourna les talons vers le fond de la grotte, là où Louve venait de libérer le monstre. Cette dernière observait le manège, serrée contre Sören qui avait peur de la lâcher au vu de ce qu'elle provoquait et de toutes les étrangetés qu'ils rencontraient depuis qu'ils étaient partis seuls dans la forêt. La petite pirate, elle, ne craignait rien. Elle était juste fascinée par toutes ces choses étranges qui se passaient autour d'elle. La grand mère suivait maintenant son fils et mystérieusement, son plateau de thé avait disparu. Sûre que c'était de la magie ! Elle n'attendit donc pas qu'ils les appellent pour s'élancer à leur poursuite, tirant le jeune garçon par la main. Elle ne comprenait pas plus que lui tout ce qui se passait, mais la différence notable c'était qu'elle s'en fichait. Tout ce qu'elle voulait, maintenant, c'était croiser un géant avec des bottes gigantesques, découvrir une princesse dans sa tour ou un prince charmant endormi dans la glace.

Ils arrivèrent rapidement devant le mur gigantesque en grès. Autour d'eux, il semblait à Rachel que les rochers avaient poussé de plus belle et les angles qu'ils formaient les mettaient en joue. Elle s'attendait à ce qu'ils s'animent en golems. Mais il n'en fut rien.
Barbe Bleue, quand à lui, éteignit une nouvelle fois sa pipe et fouilla activement dans ses poches. Le mur était la porte vers la grotte où logeait Emile, leur apprit alors la grand mère. Elle ne laissa aucune chance à Sören de s'offusquer de la logique d'une porte de pierre sous terre, et continua en disant qu'ils ne pouvaient pas passer par la fissure gigantesque qui la zébrait. Le granit d'ici était trop friable et, en plus d'être précieux pour l'éco-système, il pouvait se glisser sous les ongles et dans les cheveux si l'on passait trop près. Il faudrait donc passer sans toucher le marbre.

C'est là qu'intervinrent Barbe Bleue et les graines qu'il trouva finalement au fond d'une de ses poches dans une exclamation de satisfaction. Des graines ? Louve se hissa sur la pointe des pieds pour observer le manège de Barbe Bleue plantant grossièrement les graines dans le sol, à l'endroit de la fissure. Il se retourna, se saisit d'une théière que sa mère lui tendait et arrosa copieusement son office.

-Reculez... Sésame ? Ouvre toi.

Dès cet instant, le sol vibra. Doucement d'abord, plus avec plus de vigueur. Louve crut tout d'abord que le « squelet'tendre » revenait, qu'il avait fini de digérer les champignons des pizzas, mais très vite, des racines poignirent du sol. Oui, poignirent. Un néologisme. Ou comment se donner le droit de conjuguer le verbe poindre à la troisième personne du pluriel au passé simple.
Des racines poignirent donc du sol, disais-je. De plus en plus grosses, de plus en plus nombreuses, jusqu'à ce que les troncs verts noueux qui jaillissaient du sol rocailleux n'écartent les portes de pierre dans des craquement sinistres et des éboulis réguliers de roche, de terre et de poussière. Une pluie qui s'abattit sur la petite assemblée groupée sous le parapluie de la sorcière. Et lorsque tout s'arrêta enfin, la voie était libre pour entamer cette expédition.

-Rien ne vaudra jamais l'eau de la nappe phréatique.
-Tu es vraiment sorcier alors !
-Bien sûr ! Je suis le plus terrible des sorciers de cette île !
-Gnéhéhé! C'est moi qui dit ça d'ordinaire...
-C'est pas beau de mentir à votre âge.
-Le savon ne t'a pas suffi la première fois ?
-Quel Loir ?

Et c'est dans cette discussion sans queue ni tête qu'ils s'engouffrèrent dans la grotte. La magnifique grotte...

Spoiler:


Dernière édition par Blacrow L. Rachel le Lun 24 Juin 2013 - 3:08, édité 1 fois
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Ce coup-ci, il était mouché pour de bon, le Sören. La bouche ouverte, les yeux ronds, figé dans un mélange de joie et d'étonnement à l'entrée de la grotte.
Tout lui évoquait les histoires et les légendes, mais en mieux. Parce que l'ambiance dont il avait l'habitude dans les contes, il la sentait, il la touchait. Il était baigné par l'atmosphère mystérieuse, et s'y trouvait comme un oiseau dans son nid. Vraiment chez lui.
Il était comme les poissons, qui sont faits pour nager. Sauf que lui était fait pour rêver, et vivre des choses un peu folles. Sa vie serait éternelle, car chargée de mille surprises, de mille peines, de mille merveilles, et de mille expériences. Jamais il n'aurait assez de temps pour tout raconter. A trente ans, il porterait en lui l'histoire d'un dieu ou d'un héros.

Son cœur battait fort, tandis qu'il sentait cela confusément en serrant la main de Louve. La fillette ne tenait plus en place, et dansait d'un pied sur l'autre en riant doucement.


-Alors, y'a vraiment un poisson qui fait trembler l'île ?

Oui, ça lui semblait tout bonnement évident, à présent. Mais la mère et le fils ouvraient déjà la voie. Ils marchaient dans l'eau, anormalement et délicieusement chaude. Barbe Bleue avait l'air ravi. Sören et Louve se prirent vite au jeu de courir en projetant de grandes gerbes de cette eau si douce et si bonne. Ils avaient retiré leurs chaussures qui pendaient de chaque côté de leurs épaules, attachées ensemble par les lacets. Et leurs pieds effleuraient une roche lisse et brillante qui éclairait toute la grotte.

-C'est une grotte à sel. Il y a longtemps, elle devait être sous la mer, mais le poisson chat l'a faite remonter brutalement un jour qu'il était enrhumé. Au fond de la mer, il faisait très froid. Et la grotte est venue percer une source chaude, qui s'y est déversée, et qui continue de le faire aujourd'hui.
-Et pourquoi y'a tant d'lumière ?
-Je sais pas bien. Il y a pas mal de roches curieuses, dans les abysses.
-Trainez pas derrière !

La troupe avançait de plus en plus vite, pressée par la grand mère qui marchait d'un petit pas preste et vif. Elle ne cessait de jeter des coups d'œil conspirateurs, de droite et de gauche. Ce qui ne manquait pas de provoquer la suspicion de Louve, qui chantonnait joyeusement : « sorcière, sorcière, sorcièreuh ! »

Le fond de la paroi rocheuse était percé à hauteur de scolopendre géant. Soit à environ un mètre de hauteur. Les deux adultes allaient se mettre à quatre pattes, mais Sören qui reprenait peu à peu confiance au fur et à mesure qu'il se mettait à retrouver une logique à la situation, s'interposa.


-Avec Louve, on aura presque pas à s'baisser ! On va y'aller. Restez là, on r'vient, d'accord ?

Et sans vraiment attendre la réponse, le garçon saisit la main de sa nouvelle amie, et s'engouffra dans l'ouverture.

Le sol était coupé par le milieu par une longue trainée fluorescente. Sans doute les déjections du monstre, qui devait avoir un système digestif adapté aux mystères du sol. A moins que ce ne fussent les ravages de la pâte à pizza. Mais les deux enfants étaient trop occupés à courir, les épaules basses, pour y penser vraiment.

Lorsque soudain, ils trébuchèrent et s'étalèrent de tout leur long. Le sol était devenu soudainement glissant, du fait du changement de terrain. La terre humide avait brutalement laissé place à la roche volcanique, sur laquelle un tapis de cendre s'étalait sur une dizaine de mètres. Et sur ce tapis de cendres...


-Crrrrri ! C'est le loir !
-... Mais non ! C'est la ratonne, s'pèce d'vieille chouette !

En effet, la ratonne se tenait là, les membres à moitié enfouis dans la cendre grise. Ses petites pattes agiles étaient toutes entières dévouées à leur ouvrage : le tri des lentilles. Et un vieux fichu lui retenait le poil de la tête, qu'elle avait long et dru.
Mais un détail retint l'attention de Sören : Alceste, qui avait suivi le mouvement, bavait par-dessus son bec acéré.


-Ah, non, hein !
-Iiiiiiik !

Il y eut une débandade de plumes dans la galerie, tandis que le garçon opposait sa force à celle du rapace. Il reçut une belle balafre en croix sous l'œil gauche, mais après cinq bonnes minutes de lutte acharnée, il put s'estimer victorieux. En même temps, c'était logique : il était de la grande famille des chats, et les chats, c'est plus fort que les oiseaux...

Mais la chouette affichait une moue revancharde. Et ce fut en battant des ailes rageusement qu'elle suivit les deux enfants qui poussaient la ratonne au cul cendré devant eux.

Quoique, à la réflexion, « Cendrillon », c'était plus joli.



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Plus de plumes que de pattes sortirent de ce trou dans le mur. Une fissure à peine assez haute pour laisser passer les deux jeunes enfants et juste assez large pour permettre à Alceste de battre des ailes pour s'extirper de la faille sans en perdre une. Sören sortit, la tête basse pour ne pas s'y gratter le cuir chevelu. Louve, elle, juste à la bonne taille, suivait le garçon en marchant dans ses traces de pas. Il portait la petite cendrillon et arborait la cicatrice qu'il avait acquise alors qu'en bon chevalier il sauvait la princesse du monstre à serres. Juste au-dehors de la brèche, derrière le rideau de plumes que laissait Alceste dans son sillage, Les deux sorciers attendaient. L'une semblait heureuse, l'autre beaucoup moins et se cachait derrière une opaque fumée bleue qui laissait à peine voir son expression morose. Pourtant, la situation était plutôt à la joie. La preuve, Cendrillon n'attendit pas que Sören la pose pour se jeter dans les bras du Raton-Mineur sous les fleurs jetées par le Raton-Bricoleur. Sören et la sorcière semblaient très fiers d'eux. Seule Barbe Bleue restait sceptique. Louve resta un peu en arrière et l'observa de cette mine candide qui font naître le malaise dans un cœur tourmenté. Il se renfrogna alors et souffla avec force dans sa pipe. La fumée en jaillit comme d'un locomotive à vapeur et l'engloba complètement.

-Ne faîtes pas attention à lui. Il est buté, borné et tout bonnement têtu comme un âne !

La grand mère sorcière but son fond de thé directement à la théière et la jeta par dessus son épaule.

-Ne pas faire profiter à ces poissons des arômes de mon infusion serait criminel. Fit-elle pour répondre au regard interrogateur de Sören. Louve, elle, ne s'étonnait plus de rien.

Puis elle ouvrit de nouveau la marche, suivie de près par les trois ratons. Barbe Bleue regardait le couple avec un regard mi inquiet, mi dégoûté. Louve, qui venait derrière avec Sören, rit.

La grotte était magnifique. Louve sentait sous ses pieds nus l'eau tiède, la roche lisse et brillante. Elle avait l'impression de marcher dans un bassin de cristal dans lequel nageaient de tout petits poissons qui se glissaient entre ses orteils lorsqu'elle s'arrêtait de marcher pour les observer, accroupie, avant que Sören ou la grand mère ne la rappelle à l'ordre. Les murs étaient clairsemés de roches blanches comme des cocons et partout des petits cailloux brillaient à l'image des étoiles dans le ciel. Ici, Orion. Là, la casserole. Là-bas le Scorpion. Ce dernier détalla dès que Louve le regarda. Et l'étoile filante se révéla être un tout petit scolopendre-luisant. La fraicheur du lieu gagnait Louve qui frissonna mais le jeune garçon attentif lui offrit sa veste. À la surface, il pleuvait. C'est ce qu'elle pensa puisque de nombreuses gouttes tombaient du plafond dans le bassin cristallin dans un concert de plics et de plocs qui rendaient le lieu plus mystérieux. Plus mystique. Et ainsi à observer, admirer, Louve prit un peu de retard sur le groupe. Elle les rattrapa en courant comme il s'approchait d'une nouvelle entrée.

-Vous allez sortir par là. Il est plus que temps que tu retrouves ton père, petit.
-Il n'avait pas l'air heureux que tu te sois échappé.
-Surtout pour elle...
-Babar... fit-elle menaçante.

Renfrogné, il tira une nouvelle fois sur sa pipe qui allait finir par s'embraser tant il semblait contrarié.

-J'ai rien dit m'man...

Bruit d'ailes.
Louve se retourna.
Alceste piquait vers cendrillon. Sören bondit, mais se prit les pieds dans une racine qui sortait du sol, proche de Babar. Dans un battement d'ailes brusque, la sorcière hurla le nom de la chouette, une pluie de graines s'abattit sur le petit groupe et Cendrillon disparut. Le volatile s'enfuit à tire d'ailes, poursuivi par un raton-mineur désespéré sous le regard médusé d'une Louve immobile et désemparé ainsi que d'un Sören nez dans le dans le bassin. La faute à Joe dassin
La grand mère se retourna vers son fils visiblement en colère.

-Babar !!!
-Quelle tristesse. Pauvre fille. Alors qu'ils étaient promis à un si bel avenir. C'est vraiment pas de chance. Dit-il masqué derrière un nuage bleu. Pour ne pas qu'on voie son sourire se dit Louve.

La grand mère sortit une tasse de thé brûlante ,la jeta sur son fils, puis poussa un juron, se lava la bouche avec la bassine de savon sortie de nulle part et fit volte face en tempêtant à la poursuite de la chouette et des ratons.
À peine avait-elle tourné les talons que le visage de Barbe bleue jaillit soudainement d'au travers le mur de brume. Il ramassa les graines tombées du plumage de la chouette et les fourra dans les mains candides de Louve. Il aida Sören à se relever, insensible à son regard courroucé et leur intima d'un air de conspirateur:

-Avec ces graines, vous ressortirez facilement. Passez par ce petit tunnel, et quand vous ne pourrez plus avancer, levez les yeux et plantez-les. Avec un peu d'eau de la nappe phréatique, vous devriez être dehors en un instant.

Ils eurent à peine le temps de comprendre ce que leur demandait le sorcier que ce dernier les poussait dans le dos par la brèche du mur du fond. Il leur murmura un bon courage et alors qu'ils se retournaient, de grosses racines noueuses, pleines d'épines s'entremêlaient pour leur couper toute retraite. Quelques roses noires y poussaient et leur souriait d'un air narquois. Louve voulut toucher une épine du bout du doigt, mais le jeune garçon l'en dissuada. Tous deux restèrent un instant devant ce mur de ronces, au milieu des restes d'effluves bleues. Puis, après s'être longuement regardés, et sur un sourire de Louve comme signal de départ, ils lui tournèrent le dos et s'engouffrèrent dans ce tunnel aux lueurs bleutés. Comme si les murs de la galerie étaient recouverts de topaze. C'était peut-être d'ailleurs le cas. Louve s'arrêta un instant pour admirer une souris aux pattes bleues d'avoir trop marché dans cette terre et ramassa une pierre phosphorescente qu'elle fourra dans sa poche avant de rattraper Sören qui l’exhortait à avancer. Et lorsqu'enfin ils finirent leur route devant le mur de terre, d'humus et de rochers toupies, ils levèrent les yeux vers le puits de lumière qui les inondait de clarté, occultant celle surnaturelle de la grotte.

Soudain, venant du bout du couloir, une clameur et un grondement coupa court au bâillement de Louve. Émile les poursuivait. C'est du moins ce que l'horrible cliquetis de mile et une pattes leur annonçait. Sous les ordres de l'autochtone, Louve dispersa au sol les graines qu'avait utilisé Barbe Bleue plus tôt pour ouvrir la voie vers le bassin phréatique. Et alors que son jeune ami les arrosait d'une tasse d'eau de la nappe offerte par Babar' comme dernier cadeau d'adieu, Louve aperçut les pinces géantes du scolopendre poindre au fond du couloir. Elle poussa une exclamation entre peur et surprise, brusquement coupée par la poigne du courageux Sören qui l'attira à lui dans une étreinte presque romantique si, dans le même moment, une feuille gigantesque n'avait pas surgi d'entre les mottes de terre pour soulever le jeune couple d'enfants et, dans un grondement et des vibrations plus fortes que celles du scolopendre, leur faire gravir les dix mètres de fosse en quelques secondes.


La lumière de la lune les inonda. Ils étaient tout à coup revenus à la surface, éblouis par un astre qui se joua des nuages juste pour les accueillir. Car à peine Louve leva-t-elle ses petits yeux vers elle qu'elle fut de nouveau masquée. Les laissant seuls dans une obscurité et un silence presque aussi surnaturels que les fumées bleues, les chouettes magiques et les poissons chats enrhumés.

Il leur fallut quelques secondes pour se rendre compte où ils étaient. Quelques secondes pour que leurs yeux s'habituent au nouveau décor. Quelques secondes pour remarquer que le trou était entièrement bouché par des troncs  de haricots, grouillant comme un nid de serpents.
Devant eux, un décor fait de vallées à perte de vue dans une desquelles se trouvait le village natal du jeune Sören, à deux lieues à vol d'oiseau. Eux deux se trouvaient sur une colline verdoyante, abandonnée des villageois pour une raison inconnue, vierge de toute culture de vignes ou de pommes.
Enfin, la raison était maintenant connue. Car en se retournant de ce spectacle, Sören découvrit devant ses yeux ébahis une tour en ruine qui se dressait fièrement vers le ciel comme une sorte d'avant-poste surplombant toute l'île. Un avant poste aux pierres énormes et visiblement abandonné. Solitaire. Silencieux. Austère.

Notre petite pirate, elle, s'assit pour remettre ses chaussures et aperçut alors un écriteau à quelques pas d'elle. Se relevant, elle s'en approcha. Et sur le panneau de bois en forme de croix était écrit :

« Ici se repose Quaistyon »


Spoiler:
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