...Une brise.
Agréable et apaisante. Soufflant gentiment sur une blessure fraîche, elle fit s'agiter les mèches de Louve au gré de ses envies. Cette dernière frissonna et se couvrit un peu plus avec la veste de son père. Ce n'était pas sur ses propres blessures qu'il fallait souffler. Elle n'avait pas grand chose. Et allongée sur le bastingage en dépit de la mer agitée, elle observait et détaillait les blessures qui zébraient la grande voile. Ils avaient perdu le foc et le mât de Beaupré. Et quelques pères aussi. Peut-être cinq. Trop.
Louve dardait ses yeux de jade sur les voiles blanches, errant parfois sur les vagues hautes de cette fin d'après-midi au ciel d'un gris plus triste que les mines environnantes. Mines qu'elle s'efforçait de ne pas regarder. Elle n'avait aucune envie de voir la balafre qu'ornait son père ou de voir son capitaine claudiquer et s'appuyant sur une canne dont il n'avait jamais eu besoin avant. Alors l'écume qui se brisait contre la coque et les voiles blanches déchirées étaient encore un meilleur centre d'attention. Un craquement plus tard, une partie du bastingage se décrocha et chût à la mer sans même émouvoir Louve qui ne bougea pas en dépit du bond qu'avaient fait les pirates de bord en craignant qu'elle ne tombe à la mer. Louve ? Tomber à la mer ? Peuh.
Ils ressortaient d'une des épreuves qu'ils aimaient à surmonter. Qu'ils aimeraient raconter d'ici quelques mois dans les tavernes qu'ils fréquenteront mais qui, pour l'instant, n'était qu'une cicatrice fraiche qu'il fallait panser. Une anicroche avec un autre équipage pirate, mais qui eux ne voguaient pour l'or et les richesses, contrairement aux pirates de Louve qui se complaisaient dans la liberté qu'ils y gagnaient. Alors qu'en face deux primés à quelques petits millions les toisaient et répandaient terreur et mort du côté de Louve, ses propres pères n'avaient jamais pillé, volé tué ; uniquement ri au nez du gouvernement et fui à la barbe des marins. Alors contre ces vrais pirates, ils avaient dû innover et les couler avec leurs propres ancres. Ça n'avait pas fonctionné, mais ça leur avait permis de prendre une avance considérable et maintenant, ils se savaient hors de portée. Normalement.
Car à l'horizon, tous observaient la terre qui se dessinait et leur promettait un repos bien mérité. Louve aussi l'attendait impatiemment. ; non pas qu'elle veuille quitter la mer qu'elle aimait tant, mais elle avait envie que ses pères se reposent et se refassent une santé, sur cette île Loupiac, disait la vigie, accompagné par le médecin au chapeau rouge qui connaissait tout sur tout. Ce dernier vint d'ailleurs forcer le barrage de Louve pour lui rendre sa boite à musique dans un sourire presque paternel. Un sourire que tous avaient à son égard ou presque. Puis il s'en fut sans avoir réussi à arracher un mot de Louve pour laisser la place au véritable père de Louve, le second qui lui expliqua que c'était une terre viticultrice et qu'ils risquaient d'y rester une semaine au moins. Mais devant le mutisme de Louve, il abandonna vite et lui offrit une étreinte et un baiser avant d'aller apporter son aide aux maniement du navire qui battait de l'aile. Une aile plombée.
Une vague assez importante frappa avec force le navire. Et tandis que Louve ne cillait pas, le capitaine chût misérablement.
Louve soupira.
*****
Pavillon rentré au cas où, les pirates accostèrent dans le petit port de Loupiac. Dans le sale état où ils étaient, ils payèrent le tribut pour tenter de ne pas s'attirer les foudres des habitants locaux. Il leur restait encore quelques richesses. Peut-être deux ou trois millions en cale, de quoi se sustenter pendant un mois, mais guère plus. Assez pour ne pas peser sur la conscience des villageois ni de vivre à leurs dépens, visiblement déjà bien avancés. Eux non plus ne traversaient pas une bonne passe. Premières victime d'un nom qui ferait plus tard des ravages, ils tentaient de se remettre sur pied avec espoir et vigueur. Tout comme le faisaient actuellement les pirates.
Devant l'absence de menace, les pirates laissèrent là le navire et cherchèrent un endroit où boire à la santé de leurs camarades tombés. L'humeur n'était pas à la fête, mais ils avaient tous besoin de se réunir autour d'une boisson alcoolisée. Tous sauf Louve qui refusa obstinément de descendre de son bastingage. Malgré les exhortations de son père, du capitaine, et même du cuisinier au chapeau rouge qui en venaient presque à la menacer, Louve ne bougea pas et mangeait une pomme rouge comme pour les toiser. Elle ne dit mot, ne les regard pas ni même ne bougea lorsqu'ils abdiquèrent pour rejoindre les autres déjà occupés à descendre bière sur bière.
Il faisait encore jour, mais le ciel gris semblait plus pesant encore que ne pouvait l'être le crépuscule qui ne tarderait pas à arriver. Alors Louve se redressa et, en position assise, les jambes se balançant au dessus des quelques vagues qui arrivaient jusqu'à cet endroit du port, elle laissa errer ses pensées moroses vers d'autres horizons. Ceux, nouveaux, qu'elle avait sous les yeux. À perte de vue des champs, des vignes même, montant à flanc de colline jusque haut sur les plateaux. Là où quelques corbeaux épars croassaient allègrement dans ce lieu qui était fait pour eux. Ses yeux émeraude glissaient sur ce décor pour s'en imprégner, un décor aux tons de gris et au jour de cette journée maussade, presque lugubre. Au loin résonnaient les voix de ses pères mais elle finit par reconnaître un miaulement de chat. Et alors elle se surprit à rire.
En pleine nuit, ce village devait vraiment être glauque.
Peut-être qu'elle saurait l'apprécier dans ce cas.
Agréable et apaisante. Soufflant gentiment sur une blessure fraîche, elle fit s'agiter les mèches de Louve au gré de ses envies. Cette dernière frissonna et se couvrit un peu plus avec la veste de son père. Ce n'était pas sur ses propres blessures qu'il fallait souffler. Elle n'avait pas grand chose. Et allongée sur le bastingage en dépit de la mer agitée, elle observait et détaillait les blessures qui zébraient la grande voile. Ils avaient perdu le foc et le mât de Beaupré. Et quelques pères aussi. Peut-être cinq. Trop.
Louve dardait ses yeux de jade sur les voiles blanches, errant parfois sur les vagues hautes de cette fin d'après-midi au ciel d'un gris plus triste que les mines environnantes. Mines qu'elle s'efforçait de ne pas regarder. Elle n'avait aucune envie de voir la balafre qu'ornait son père ou de voir son capitaine claudiquer et s'appuyant sur une canne dont il n'avait jamais eu besoin avant. Alors l'écume qui se brisait contre la coque et les voiles blanches déchirées étaient encore un meilleur centre d'attention. Un craquement plus tard, une partie du bastingage se décrocha et chût à la mer sans même émouvoir Louve qui ne bougea pas en dépit du bond qu'avaient fait les pirates de bord en craignant qu'elle ne tombe à la mer. Louve ? Tomber à la mer ? Peuh.
Ils ressortaient d'une des épreuves qu'ils aimaient à surmonter. Qu'ils aimeraient raconter d'ici quelques mois dans les tavernes qu'ils fréquenteront mais qui, pour l'instant, n'était qu'une cicatrice fraiche qu'il fallait panser. Une anicroche avec un autre équipage pirate, mais qui eux ne voguaient pour l'or et les richesses, contrairement aux pirates de Louve qui se complaisaient dans la liberté qu'ils y gagnaient. Alors qu'en face deux primés à quelques petits millions les toisaient et répandaient terreur et mort du côté de Louve, ses propres pères n'avaient jamais pillé, volé tué ; uniquement ri au nez du gouvernement et fui à la barbe des marins. Alors contre ces vrais pirates, ils avaient dû innover et les couler avec leurs propres ancres. Ça n'avait pas fonctionné, mais ça leur avait permis de prendre une avance considérable et maintenant, ils se savaient hors de portée. Normalement.
Car à l'horizon, tous observaient la terre qui se dessinait et leur promettait un repos bien mérité. Louve aussi l'attendait impatiemment. ; non pas qu'elle veuille quitter la mer qu'elle aimait tant, mais elle avait envie que ses pères se reposent et se refassent une santé, sur cette île Loupiac, disait la vigie, accompagné par le médecin au chapeau rouge qui connaissait tout sur tout. Ce dernier vint d'ailleurs forcer le barrage de Louve pour lui rendre sa boite à musique dans un sourire presque paternel. Un sourire que tous avaient à son égard ou presque. Puis il s'en fut sans avoir réussi à arracher un mot de Louve pour laisser la place au véritable père de Louve, le second qui lui expliqua que c'était une terre viticultrice et qu'ils risquaient d'y rester une semaine au moins. Mais devant le mutisme de Louve, il abandonna vite et lui offrit une étreinte et un baiser avant d'aller apporter son aide aux maniement du navire qui battait de l'aile. Une aile plombée.
Une vague assez importante frappa avec force le navire. Et tandis que Louve ne cillait pas, le capitaine chût misérablement.
Louve soupira.
*****
Pavillon rentré au cas où, les pirates accostèrent dans le petit port de Loupiac. Dans le sale état où ils étaient, ils payèrent le tribut pour tenter de ne pas s'attirer les foudres des habitants locaux. Il leur restait encore quelques richesses. Peut-être deux ou trois millions en cale, de quoi se sustenter pendant un mois, mais guère plus. Assez pour ne pas peser sur la conscience des villageois ni de vivre à leurs dépens, visiblement déjà bien avancés. Eux non plus ne traversaient pas une bonne passe. Premières victime d'un nom qui ferait plus tard des ravages, ils tentaient de se remettre sur pied avec espoir et vigueur. Tout comme le faisaient actuellement les pirates.
Devant l'absence de menace, les pirates laissèrent là le navire et cherchèrent un endroit où boire à la santé de leurs camarades tombés. L'humeur n'était pas à la fête, mais ils avaient tous besoin de se réunir autour d'une boisson alcoolisée. Tous sauf Louve qui refusa obstinément de descendre de son bastingage. Malgré les exhortations de son père, du capitaine, et même du cuisinier au chapeau rouge qui en venaient presque à la menacer, Louve ne bougea pas et mangeait une pomme rouge comme pour les toiser. Elle ne dit mot, ne les regard pas ni même ne bougea lorsqu'ils abdiquèrent pour rejoindre les autres déjà occupés à descendre bière sur bière.
Il faisait encore jour, mais le ciel gris semblait plus pesant encore que ne pouvait l'être le crépuscule qui ne tarderait pas à arriver. Alors Louve se redressa et, en position assise, les jambes se balançant au dessus des quelques vagues qui arrivaient jusqu'à cet endroit du port, elle laissa errer ses pensées moroses vers d'autres horizons. Ceux, nouveaux, qu'elle avait sous les yeux. À perte de vue des champs, des vignes même, montant à flanc de colline jusque haut sur les plateaux. Là où quelques corbeaux épars croassaient allègrement dans ce lieu qui était fait pour eux. Ses yeux émeraude glissaient sur ce décor pour s'en imprégner, un décor aux tons de gris et au jour de cette journée maussade, presque lugubre. Au loin résonnaient les voix de ses pères mais elle finit par reconnaître un miaulement de chat. Et alors elle se surprit à rire.
En pleine nuit, ce village devait vraiment être glauque.
Peut-être qu'elle saurait l'apprécier dans ce cas.