Rappel du premier message :
Le 27 août 1623.
Le regard rempli d'incrédulité, Sören fixait le marchant qui lui faisait face, poings sur les hanches, visiblement très agacé.
-C'est quoi, le problème ? J'ai rempli ma part du contrat, 'faudrait voir à honorer la votre. J'ai un criminel à pister du côté de South Blue, moi !
-Ah ouai ? J't'ai pas souvent vu défendre le navire contre les pirates. Et c'était le marché.
-Pas ma faute si vot' navire était pas assez brillant pour attirer l'forban. La prochaine fois, si vous insistez, j'donn'rais le mot à toute la racaille du port. Et puis 'faudra faire dans l'clinquant et l'rutilant. Une vieille barrique flottante attire pas son voleur.
L'air passablement ennuyé, retenant un bâillement, l'homme hocha la tête, l'esprit occupé à autre chose.
-Les affaires sont les affaires. Nous avons de bonnes propositions ici, alors, notre départ attendra la quinzaine. Nous n'avons pas parlé de délais dans le contrat, petit. Si tu ne peux pas attendre, c'est ton problème.
-J'peux pas vous forcer la main. Mais comptez pas sur moi si y vous arrive une embrouille. J'me trouv'rai un autre navire. A bon entendeur.
Après avoir passé quelques mois à resserrer les liens avec ses vieux amis de North Blue, Sören s'était décidé à repartir pour un second grand voyage, dans l'espoir de trouver enfin des compagnons solides avec lesquels il pourrait espérer partir s'aventurer sur Grand Line. Il n'avait rien à espérer d'un royaume qu'il ne connaissait pas, et dont il n'avait pas entendu que du bien. Ceci dit, il n'avait pas le choix. Le navire avec lequel il était venu était le seul en présence à être étranger. Ses poches étaient vides, en plus, ce qui ne lui laissait pas le choix. Il devrait faire le spectacle pour pouvoir manger et dormir le soir venu.
Il passa donc l'enceinte de la cité, et fut accueilli, à son grand étonnement, par une odeur de crasse et de pourriture. Un parfum qui n'avait rien à voir avec ses pieds nus, pourtant porteurs de la souillure d'une semaine en mer. Partout, les gens avaient l'air de mendiants à un point tel que lui, avec ses vêtements de vagabond, donnait l'impression d'appartenir à la caste du dessus.
Les chats qui avaient commencé à s'agglutiner autour de lui étaient faméliques, et le poil leur manquait. La gale était le lot commun des uns et des autres.
Touché par tant de misère tout en demeurant pragmatique, le garçon poursuivit son chemin vers le centre de la ville. Il ne gagnerait rien à faire le spectacle en pareil endroit. Car il était bien décidé à commencer par là. Il ne connaissait pas Goa, et la musique était un excellent moyen pour amorcer le tissage d'un réseau de sympathie.
Après n'avoir vu que des ruelles sales et grises pendant près d'un quart d'heure, il parvint finalement à atteindre un quartier des plus corrects, où se pressaient des commerçants affairés, ainsi que ce qui s'apparentait à une petite bourgeoisie proprette et distinguée. Sören esquissa un bref sourire, en caressant Morgan qui ronronnait sur son épaule. Il avait trouvé l'endroit idéal. Quoique... en regardant bien, les bâtiments du dessus avaient l'air plus fastueux. Ici, les gens travaillaient. Là-haut, peut-être s'ennuyaient-ils dans le luxe. Après tout, s'il se faisait rejeter, le barde redescendrait d'un échelon et reprendrait son bouzouki. La vie d'un musicien itinérant était plutôt simple, dans ces grandes cités à castes...
Finalement, il fût heureux de constater la justesse de son jugement. Il marchait sur une grande rue pavée aux motifs floraux, en compagnie de dames en longues robes à traine et de messieurs en costumes et cannes sculptées. Tout ce beau monde feignait de ne pas le voir, mais Sören souriait. Visiblement, personne n'était pressé dans sa routine. L'endroit était vraiment parfait.
Avisant un grand portail en fer forgé, le chasseur posa son unique bagage, et entreprit d'accorder son instrument. Autour de lui, une cohorte de chats appartenant aux trois différents niveaux de la cité faisait masse. Le ronronnement était tel que certains curieux, en passant, jetaient un regard inquiet vers le ciel bleu et lourd. Août, le mois des orages...
-Très bien ! Approchez, approchez ! Les petits devant, les grands derrière, approchez !
Mais personne ne s'était approché, au contraire. Les passants en beaux atours avaient même accéléré le pas, en s'efforçant bien de ne pas regarder le barde dans les yeux. Un brin perplexe, mais nullement décontenancé, celui-ci se mit à aligner quelques accords de base sur son bouzouki. Le point de départ d'une ballade aux nobles paroles, qui ne pouvait que séduire la faune locale. Quelque chose à propos d'un bel amour réunissant deux grandes familles qui se querellaient depuis des générations... Mais si les chats se balançaient langoureusement au rythme de la musique (ce qui, en soit, constituait déjà un spectacle), la foule restait de marbre. Certains s'étaient figés, mais leurs yeux étaient trop occupés à détailler l'apparence du malheureux barde pour que leurs oreilles puissent rapporter à leurs cerveaux la présence continue d'une vibration musicale.
Sören persévéra encore sur un morceau, puis un autre. Une foule aussi compacte que dégoutée s'était constituée autour de lui. Certains auraient pris cela pour une victoire, mais il était difficile de ne pas sentir la gêne monter des rangs en même temps qu'une certaine agressivité. Mais soudain, un bruit assourdissant domina la musique. On aurait cru celui d'une carriole de foire avec rubans, clochettes et grelots, menée par trois percherons.
En fait, ça n'était pas loin d'être cela, puisqu'il s'agissait d'un carrosse de conte de fée qui tentait de se frayer un chemin sous les exhortations d'un grand personnage maigre à la moustache taillée en pointe.
-Diantre, mais enfin, poussez-vous ! On ne peut même plus rentrer chez soi ? Aller, aller ! Enfin, pour qui vous prenez-vous ? Place ! Place !
Mu par un seul et même mouvement, l'ensemble des chats se retourna en direction de la source du tumulte qui venait d'arrêter net une chanson qu'ils avaient l'air d'apprécier particulièrement. Quelques fourrures se gonflèrent sous les feulements et les crachats, tandis que le carrosse dispersait les badauds endimanchés. Chacun s'en retourna chez soi, en essayant de préserver le maximum de dignité dans son maintien. Sören avait reposé son instrument, et s'apprêtait à décaler ses affaires pour laisser l'équipage passer la grille. Mais celui-ci ne lui en laissa pas le temps. Le barde eut tout juste le temps de se jeter sur le côté avec son précieux instrument tandis que les chevaux piétinaient ses affaires. Rien de bien précieux, mais en revanche, l'un des chats de la ville basse s'était retrouvé sous les roues du carrosse, et miaulait plaintivement en laissant son poil frémir une dernière fois sur son corps efflanqué. Le sang de Sören ne fit qu'un tour, et il peina à masquer la colère de sa voix.
-Eh, là ! Faudrait voir à surveiller vos sacrénom de manières ! Oh...
L'homme ne daigna même pas le regarder, lorsqu'il lui répondit. Mais Sören n'écoutait pas. Il était allé rechercher le cadavre du félin, bien décidé à aller l'enterrer quelque part. Seulement, ce faisant, il bouscula accidentellement le noble qui venait de descendre de calèche, pour ouvrir les grilles de sa propriété. Un acte d'autosatisfaction, dont il n'accordait le bénéfice qu'à lui-même.
Le 27 août 1623.
Le regard rempli d'incrédulité, Sören fixait le marchant qui lui faisait face, poings sur les hanches, visiblement très agacé.
-C'est quoi, le problème ? J'ai rempli ma part du contrat, 'faudrait voir à honorer la votre. J'ai un criminel à pister du côté de South Blue, moi !
-Ah ouai ? J't'ai pas souvent vu défendre le navire contre les pirates. Et c'était le marché.
-Pas ma faute si vot' navire était pas assez brillant pour attirer l'forban. La prochaine fois, si vous insistez, j'donn'rais le mot à toute la racaille du port. Et puis 'faudra faire dans l'clinquant et l'rutilant. Une vieille barrique flottante attire pas son voleur.
L'air passablement ennuyé, retenant un bâillement, l'homme hocha la tête, l'esprit occupé à autre chose.
-Les affaires sont les affaires. Nous avons de bonnes propositions ici, alors, notre départ attendra la quinzaine. Nous n'avons pas parlé de délais dans le contrat, petit. Si tu ne peux pas attendre, c'est ton problème.
-J'peux pas vous forcer la main. Mais comptez pas sur moi si y vous arrive une embrouille. J'me trouv'rai un autre navire. A bon entendeur.
Après avoir passé quelques mois à resserrer les liens avec ses vieux amis de North Blue, Sören s'était décidé à repartir pour un second grand voyage, dans l'espoir de trouver enfin des compagnons solides avec lesquels il pourrait espérer partir s'aventurer sur Grand Line. Il n'avait rien à espérer d'un royaume qu'il ne connaissait pas, et dont il n'avait pas entendu que du bien. Ceci dit, il n'avait pas le choix. Le navire avec lequel il était venu était le seul en présence à être étranger. Ses poches étaient vides, en plus, ce qui ne lui laissait pas le choix. Il devrait faire le spectacle pour pouvoir manger et dormir le soir venu.
Il passa donc l'enceinte de la cité, et fut accueilli, à son grand étonnement, par une odeur de crasse et de pourriture. Un parfum qui n'avait rien à voir avec ses pieds nus, pourtant porteurs de la souillure d'une semaine en mer. Partout, les gens avaient l'air de mendiants à un point tel que lui, avec ses vêtements de vagabond, donnait l'impression d'appartenir à la caste du dessus.
Les chats qui avaient commencé à s'agglutiner autour de lui étaient faméliques, et le poil leur manquait. La gale était le lot commun des uns et des autres.
Touché par tant de misère tout en demeurant pragmatique, le garçon poursuivit son chemin vers le centre de la ville. Il ne gagnerait rien à faire le spectacle en pareil endroit. Car il était bien décidé à commencer par là. Il ne connaissait pas Goa, et la musique était un excellent moyen pour amorcer le tissage d'un réseau de sympathie.
Après n'avoir vu que des ruelles sales et grises pendant près d'un quart d'heure, il parvint finalement à atteindre un quartier des plus corrects, où se pressaient des commerçants affairés, ainsi que ce qui s'apparentait à une petite bourgeoisie proprette et distinguée. Sören esquissa un bref sourire, en caressant Morgan qui ronronnait sur son épaule. Il avait trouvé l'endroit idéal. Quoique... en regardant bien, les bâtiments du dessus avaient l'air plus fastueux. Ici, les gens travaillaient. Là-haut, peut-être s'ennuyaient-ils dans le luxe. Après tout, s'il se faisait rejeter, le barde redescendrait d'un échelon et reprendrait son bouzouki. La vie d'un musicien itinérant était plutôt simple, dans ces grandes cités à castes...
Finalement, il fût heureux de constater la justesse de son jugement. Il marchait sur une grande rue pavée aux motifs floraux, en compagnie de dames en longues robes à traine et de messieurs en costumes et cannes sculptées. Tout ce beau monde feignait de ne pas le voir, mais Sören souriait. Visiblement, personne n'était pressé dans sa routine. L'endroit était vraiment parfait.
Avisant un grand portail en fer forgé, le chasseur posa son unique bagage, et entreprit d'accorder son instrument. Autour de lui, une cohorte de chats appartenant aux trois différents niveaux de la cité faisait masse. Le ronronnement était tel que certains curieux, en passant, jetaient un regard inquiet vers le ciel bleu et lourd. Août, le mois des orages...
-Très bien ! Approchez, approchez ! Les petits devant, les grands derrière, approchez !
Mais personne ne s'était approché, au contraire. Les passants en beaux atours avaient même accéléré le pas, en s'efforçant bien de ne pas regarder le barde dans les yeux. Un brin perplexe, mais nullement décontenancé, celui-ci se mit à aligner quelques accords de base sur son bouzouki. Le point de départ d'une ballade aux nobles paroles, qui ne pouvait que séduire la faune locale. Quelque chose à propos d'un bel amour réunissant deux grandes familles qui se querellaient depuis des générations... Mais si les chats se balançaient langoureusement au rythme de la musique (ce qui, en soit, constituait déjà un spectacle), la foule restait de marbre. Certains s'étaient figés, mais leurs yeux étaient trop occupés à détailler l'apparence du malheureux barde pour que leurs oreilles puissent rapporter à leurs cerveaux la présence continue d'une vibration musicale.
Sören persévéra encore sur un morceau, puis un autre. Une foule aussi compacte que dégoutée s'était constituée autour de lui. Certains auraient pris cela pour une victoire, mais il était difficile de ne pas sentir la gêne monter des rangs en même temps qu'une certaine agressivité. Mais soudain, un bruit assourdissant domina la musique. On aurait cru celui d'une carriole de foire avec rubans, clochettes et grelots, menée par trois percherons.
En fait, ça n'était pas loin d'être cela, puisqu'il s'agissait d'un carrosse de conte de fée qui tentait de se frayer un chemin sous les exhortations d'un grand personnage maigre à la moustache taillée en pointe.
-Diantre, mais enfin, poussez-vous ! On ne peut même plus rentrer chez soi ? Aller, aller ! Enfin, pour qui vous prenez-vous ? Place ! Place !
Mu par un seul et même mouvement, l'ensemble des chats se retourna en direction de la source du tumulte qui venait d'arrêter net une chanson qu'ils avaient l'air d'apprécier particulièrement. Quelques fourrures se gonflèrent sous les feulements et les crachats, tandis que le carrosse dispersait les badauds endimanchés. Chacun s'en retourna chez soi, en essayant de préserver le maximum de dignité dans son maintien. Sören avait reposé son instrument, et s'apprêtait à décaler ses affaires pour laisser l'équipage passer la grille. Mais celui-ci ne lui en laissa pas le temps. Le barde eut tout juste le temps de se jeter sur le côté avec son précieux instrument tandis que les chevaux piétinaient ses affaires. Rien de bien précieux, mais en revanche, l'un des chats de la ville basse s'était retrouvé sous les roues du carrosse, et miaulait plaintivement en laissant son poil frémir une dernière fois sur son corps efflanqué. Le sang de Sören ne fit qu'un tour, et il peina à masquer la colère de sa voix.
-Eh, là ! Faudrait voir à surveiller vos sacrénom de manières ! Oh...
L'homme ne daigna même pas le regarder, lorsqu'il lui répondit. Mais Sören n'écoutait pas. Il était allé rechercher le cadavre du félin, bien décidé à aller l'enterrer quelque part. Seulement, ce faisant, il bouscula accidentellement le noble qui venait de descendre de calèche, pour ouvrir les grilles de sa propriété. Un acte d'autosatisfaction, dont il n'accordait le bénéfice qu'à lui-même.
Dernière édition par Sören Hurlevent le Sam 24 Nov 2012 - 13:31, édité 1 fois