Strike!
"Je te tuerai..." -PV Valentino de la Rose-
Sa main se posa lentement sur la poignée de la porte épaisse aux planches difformes, et elle resta là plusieurs secondes, comme voulant rappuyer dessus. Trop tard. Elle entendit le loquet se fermer derrière dans un râle rouillé. Il venait de l'enfermer dehors. De sa propre chambre conjugale. Zoé tourna lentement les yeux sur le coté , le visage fermé. Enfoiré... Ouh pas beau! On ne dit pas ça de son futur mari! Ouais futur... Elle n'était plus sûr pour le coup...Des pas sur le coté et ses pupilles bleues marines se plantèrent fatiguées et mouillées sur la silhouette de son frère qui ralentit le pas, fronça les sourcils et soupira:
- Il a recommencé... C'est ça...
- ...
- J'vais m'le faire ce con...
- Arrête....
Que de poésie. La petite brune quitta son regard en silence, tout comme la poignée de la porte et s'éloigna de l'autre coté, pour déboucher dans la salle principale, alors qu'elle entendait son jumeau se mettre à gueuler dans le couloir des chambres pour faire ouvrir son fiancé. Elle n'osa même pas croiser les yeux des autres hommes de la maison , prit une grande serviette qu'elle avait posé prés du feu préalablement et la plia. Son épaule fut rapidement lourdée de sa sacoche de soins et d'études en médecine, et elle quitta la fermette familiale par la porte principale, poliment. Le soleil déclinait. Ciel menaçant, mais il faisait bon. Elle n'aimait pas les gens et son fiancé commençait à entrer dans cette fameuse catégorie. Pourquoi fallait-il que ce soit elle qui ait un problème? Elle savait pertinemment qu'elle n'était pas stérile, et son fiancé qui désirait un gosse depuis des mois déjà .... la prenait pour responsable de l'échec de procréation. La gorge serrée d'une colère et d'une tristesse amères, ses pieds nus dévalèrent le flanc de falaise par un petit sentier escarpé. Tiens celui là non plus, il ne l'aimait pas son "fiancé". Dangereux, hostile , nocif , qu'il disait : " Un jour, tu vas t'y péter la colonne" .
*Traite moi de pas aidée tant qu't'y es! Kssss.... les hommes et leur manière de ne pas assumer...*
Elle tentait de taire ses pensées et le seul remède qu'elle avait trouvé dans cet univers de mini terres, c'était de s'isoler loin de ces brames humains qu'elle entendait encore d'ici, poser son derrière sur un rochet ou sur le sable parfois douteux et étudier, rêver comme une gamine en mal d'aventure ou encore aller se baigner dans une eau salée, comme ses larmes qu'elle refoulait depuis plusieurs mois... Ce soir encore, elles ne sortiraient pas. Refoulement , emprise sur soi. Cautionner toujours et encore et se la fermer. La règle de la famille. Il n'y avait que Matthius, son jumeau qui ne cautionnait pas. Et lui , plus il vieillissait et plus Zoé commençait à se poser des questions. Avait-il des sentiments pour elle ? Encore plus glauque! En gros, mauvaise magie tout ça, GROSSE mauvaise magie!
Son sac tomba au sol. La plage sentait encore la dernière marée haute et le ciel apportait la brise humide d'une nuit houleuse à venir. Des nuages d'orage. Noirs, à l'horizon. Mais ce ne serait que pour dans plusieurs heures, voire le milieu de la nuit. Elle avait encore le temps. Droit dans une robe couleur corail , les cheveux attachées de deux pics métalliques bien serrés, elle observait pieds nus cette grande mare. Elle la craignait , elle ne pouvait pas le nier, mais elle l'attirait inexorablement depuis des années. Savoir ce qu'il y avait derrière cette courbure... sous cette houle... où était les autres îles. Mais cela ne resterait qu'un rêve. Et le cauchemar allait s'amplifier si l'autre blond dont elle portait l'alliance ne trouvait pas le moyen miraculeux de s'activer du bas ventre. Son regard se décala un peu sur les gros trois gros bouquins qui dépassait de sa besace lourde et blindée. Étudier ou ne pas étudier, telle était la torture. Son maitre ne la louperait pas le lendemain si elle ne s'avalait pas une dizaine de pages. Oui mais... Elle aurait la nuit et puis ... elle lui expliquerait... là , elle avait juste envie de se détendre... Elle grimpa sur un énorme rochet , le voile de ses frusques légères au vent et se redressa comme pour humer l'air. Ses yeux se plissèrent et elle scruta les vagues calmes de la mer... Aucun requin.. aucun bestiau étrange ou ombre visible ... et puis ici , la coté descendait doucement dans la mère. Fallait avoir sacrément la dalle pour s'enfoncer jusqu'ici...
Ses orteils fins s'enfoncèrent dans le sable encore tiède quand elle sauta. Elle jeta un coup d'oeil par dessus son épaule. Non. Mieux valait attendre. Hors de question qu'un hurluberlu se rince l'oeil. C'était encore un coup à décrocher la tête à quelqu'un et son père qui lui sortirait : " Je t'ai déjà dit ! Une femme se doit de se tenir en toute circonstance!" . Ça ne devait pas être dans ses gênes et ce n'était pas faute d'essayer. Elle s'enfonça donc toute habillée dans les vagues régulières, l'écume lui léchant les chevilles, puis les mollets. Ses paumes à plat suivirent la surface doucement . Les cuisses. Le bassin. La taille ... Elle s'enfonça d'elle même, pliant sur ses jambes, et passa la tête sous l'eau sans se détacher les cheveux. Elle ne supportait pas les avoir dans les yeux sous l'eau. C'était un coup à ne pas voir arriver le pire, rochet y compris. la côte n'était pas vierge. Les récifs étaient pénibles sur cette plage, mais Zoé y était accoutumée depuis sa naissance et se déplaçait en s'en servant sous l'eau. Ses mains passèrent sous le tissu et elle balança d'un geste vif sa robe sur un des rochets à proximité pour pouvoir la reprendre avant de sortir. Bikini en dessous, elle avait déjà prévu d'aller se baigner avant la querelle. Elle l'avait refusé d'ailleurs. Marre de subir ses caprices à l'autre blond balaise... Aujourd'hhui du moins. C'était la raison pour laquelle il l'avait jeté de la chambre... Sale gamin capricieux.
Elle commença alors à slalomer sous l'eau, au gré des vagues, laissant les élans de la houle la bercer entre les coraux et les rochets, qu'elle prenait en appui pour se propulser plus loin, remontant à la surface pour respirer lentement. Ses mains agrippaient doucement la matière rugueuse pour laisser les algues s'enrouler autour de ses courbes fines.... Les yeux ouverts, plissés pour distinguer les détails qu'elle connaissait si bien, contrôlant chaque ombre du regard, et prenant un chemin différent selon ses pressentiments, comme un instinct , une habitude sur des années. Par sûr qu'elle soit si habile dans un autre endroit, même absolument certain qu'elle nage comme un pied ailleurs, mais ici , c'était son chez elle, son petit coin de décharge nerveuse... Elle dansait juste avec les courants, frôlant les poissons habitués à sa présence.
Au dessus le ciel s'alourdissait lentement ... Le temps passait. Le soleil descendait encore, étouffant la lumière dans un halo plus chaud. Même la couleur du fond commençait à changer. Elle savait pertinemment qu'elle allait devoir ressortir... Après deux bonnes heures et quand même une sensation étrange comme celle d'être épier, elle ressortit le nez de l'eau et se redressa , l'eau au niveau de la taille, à environ une centaine de mètres du premier sable. La marée avait montée. Elle retrouva sa robe sur le même rochet, et tendit le bras pour l'attraper, quand quelque chose lui frôla la jambe. Elle se retourna en fronçant les sourcils, et ne bougea plus, cherchant quelque chose... Une ombre... un poisson. Elle se plia , genoux dans le fond, et observa sous l'eau. L'eau était plus sombre. Bizarre . Rien... Elle remonta alors en surface...et se retourna pour attraper sa robe et la sangle de scalpel qu'elle avait constamment autour de la cuisse. On sait jamais... il était temps qu'elle rentre.