A la bouffe!
"Amen" - PV Rockfor -
Logue Town.... Cela faisait combien de temps déjà qu'elle voyageait sur la mer avec ce type qui l'avait gracieusement recueillie et nourrie? Deux semaines? Un peu moins ? Un peu plus ? Les nuits qui tombaient se ressemblaient un peu toutes et la seule fois qu'ils avaient essuyé une houle plus forte , le vieux barbu avait trouvé un récif plutôt malin pour s'y abriter. Ce type, en plus d'être insatiablement désagréable sans raison et gentil à ses heures, était indubitablement un bon en navigation. Ancien chasseur de prime, le vieux Oswald Delacroupe s'était affublé de sa présence, mais son comportement allait en se dégradant, et Zoé n'était pas stupide. Elle voyait venir ça gros comme un bâtiment de la Marine, qu'il allait l'éjecter comme un poids mort quelque part quand il en aurait marre. Elle devait trouver un moyen de se convertir, un moyen de ne pas dépendre de ce type, mais dans son propre intérêt , elle se devait de se la fermer jusqu'à Reverse Mountain au moins. Elle verrait ensuite la tournure des évènements. Pour le moment , il venait de la lâcher en plein foule, dans Logue Town après une demi heure de pied à terre, avec la phrase sèche: "Rendez-vous dans deux jours sur le même ponton. Sois à l'heure. J'ai à faire, je peux pas me permettre d'avoir une môme dans les pattes. "
Elle le regarda s'éloigner, sa besace à l'épaule , une main dessus, l'autre dans le vide... le regard sérieux et déçu. Ouais. Pas de soucis... Tu la remet juste à sa place qui est ... toute petite. Hum. Elle expira et leva les yeux sur l'énorme bâtiment d'albâtre. Alors c'était ça...Là où tout commence et tout finit... Ses pupilles avalèrent la longue façade aussi froide que ces enfoirés qui lui avait coupé sa vie en deux et elle se dit qu'un jour peut être elle aussi finirait ici pour ses derniers instants... En quelques semaines, son esprit s'était un peu endurci , confirmé... et elle savait qu'elle n'était plus vouée à de grands desseins purs et ordinaires. Du moins, même si cela aurait pu être le cas, elle ne s'y serait pas plié. Elle n'avait plus envie de se plier, et même ce grand baraqué qui venait de la laisser sur place comme une gamine paumée ne l'y contraindrait. Ce qui fait mal ne sont pas de ressentir une douleur suite à un évènement destructeur... mais le fait de se rendre compte qu'on devient insensible à ce genre de choses avec le temps... Alors quoi ... Était-elle comme ça à la base? Se divisait-elle en deux pour mieux accuser le coup? Se mentait-elle ?
Ses yeux passèrent en une seconde sur la bourse que lui avait lancé Oswald avant de disparaitre dans la foule, et qu'elle n'avait pas tardé à dissimuler sous sa fine cape prune. Le brouahah des passants reprit au milieu de cette grande place. Insignifiante dans cette fourmilière du diable, où les écussons de la Marine pullulaient. Baissant le regard, elle tourna les talons, pour se diriger dans des rues moins peuplées , avant qu'un abruti ne lui mette la main au mauvais endroit et qu'elle lui emplafonne la face. Sa respiration lente, comme ses pas, l'esprit ailleurs, le vent marin se faufilant entre les écarts de rues lui battait quelques mèches brunes sur le visage. Une pensée pour son bébé... pour son jumeau... pour un souvenir qui lui arrachait encore les tripes. Elle se sentit prise au ventre, à la gorge. Le soleil était bien haut. Les larmes ne lui viendraient pas. Comme d'habitude. Ça servait à quoi. Et puis certainement pas en publique. La capuche sur les épaules et la tête, elle slalomait au gré des commerces par curiosité. Deux jours? Seule ? Bah voyons. Et pour faire quoi ? Elle se dit que la plage serait une bonne chose, mais pour le moment , elle avait le cœur à manger. Le repas fut court , puis elle s'éloigna de la foule de plus en plus, dans ses rêveries noires ou blanches, un paradoxe intérieur dur à gérer depuis son enfance. Était-ce si con d'avoir l'espoir et le fait de ne plus y croire au fond de soi? Et comme à chaque fois que son moral lui jouait des tours , elle se mit à sourire, pour elle même. Pour les autres ? Pour ceux qui étaient juste réceptifs, et se refusa à déprimer. Après tout , le monde n'était pas si moche. Elle était toujours en vie , malgré tout ce que le sort lui avait foutu dans les pattes, alors autant en profiter un minimum.
Il n'y a pas de hasard.
Yoda sur l'épaule, elle ne passait pas trop inaperçu pour certains petits curieux, surtout que cet abruti de Tarsier faisait une fixation sur un entonnoir à vinasse couleur turquoise depuis plusieurs jours , un objet qu'il avait chouré à Delacroupe et qu'il ne voulait pas ôter de sa tête. Zoé avait plusieurs fois essayé et elle s'était retrouvée toute décoiffée par un petit primate en furie, qui voulait lui arracher les yeux pour retrouver son copain de jeu. Splendide couple et il attirait autant les gamins qu'un petit groupe de mecs, qui la suivait depuis deux bonnes heures. Au début, elle ne les avait pas remarqué, mais en sortant d'un magasin de fruit et légumes, elle les avait vaguement vu assis sur des tonneaux. Puis en remontant un escalier. Puis en longeant la plage. Mauvaise idée la plage. Si ces types en avaient après elle, elle ne pourrait rien faire, surtout si personne n'était témoin.... Lucide et peu rassurée, elle rebroussa chemin pour tenter de rejoindre le port et le bateau plus tôt que prévu mais... en route, un type avec un gros chien blanc plein de bave se mit en travers de son chemin lentement. Elle finit par se stopper en douceur. Son gros chapeau rayé noir et jaune lui cachait la plupart de son visage et son corps filiforme, vêtu de même style fit hausser le sourcil à la petite brune. Des pas résonnèrent derrière elle se dessinèrent peu à peu , et elle jeta un regard derrière elle... Un soupir. Des rires fourbes de leurs rires. Les trois types qui la suivaient depuis un moment. Pourquoi semblaient-ils si fiers? Bande de cloportes misogynes. Elle se massa le haut du nez de deux doigts et jeta un rapide coup d’œil à droite avant de prendre la tangente dans une ruelle très étroite. Est-ce qu'elle allait réussir à leur échapper ? Pas sûr mais pour le gros obèse en rose du tas , c'était sûr. Cela ferait au moins un en moins.
Ses jambes fines se mirent à fendre les courants d'air , alors qu'on gueulait de la rattraper derrière , et qu'un aboiement rageur résonna à sa poursuite. Ah nan pas le chien !!! Triche ! Scandale! Ses semelles battirent les pavés, elle sauta sur un tas de caisses pour grimper sur un petit toit aussi adroitement que possible, serrant les dents. Un bref regard derrière, le souffle déjà court. Puti l'endurance , c'était carrément pas son truc. Ses pieds atterrirent de l'autre coté sans dommage et elle se propulsa à l'aide du mur pour reprendre sa course, alors qu'un type balançait le chien sur le toit pour ensuite le suivre. Trois abrutis et un clébard. Elle détestait de plus en plus les hommes. Elle manqua de trébucher sur un pavé mal foutu, et se rattrapa en choppant une caisse sur le coté pour la renverser avec la pile en travers du chemin. A ce moment , le commerçant du bâtiment sortait par l'arrière pour vider des détritus, et l'injuria: " Vandale! Reviens ici sale gamine !"
Clamant un "j'suis désolé!!" sincère et paniquée, elle reprit sa course sans autre cérémonial d'excuses, apercevant au loin un type brun, vêtements clairs et espéra de tout son coeur qu'il puisse l'aider. De toute façon , c'était ça où elle se faisait bouffer par ce con de ... trop tard.
Dans un "Aidez-moi!" à moitié craché , le souffle coupé par un monstre de 70 cm au garot qui lui sautait dessus, elle s'écroula au sol, aprés avoir agrippé la veste du type plutôt balaise. Sa petite main lâcha la prise sous la poids monstre du bestiau et les rires des trois salauds essoufflés vinrent compléter la vision plutôt injuste de la scène. Zoé se retourna à temps sous les pattes du chien et sa besace s'écrase au sol, sa sigle de médecine de Syrup bien visible dessus. Retenant d'une main ferme et de toute sa force le chien par la jugulaire serrant aussi fort que possible comme pour lui arracher, elle tentait d'éviter les coups de dents du molosse, qui lui vomissait sa bave sur le cou et la poitrine. Hyper glamour.
"Degage ... kh... Gro... dégueulas... "
Pas trés poli non plus.