- - FOU ?!!! QU’EST-CE QUE VOUS ME RACONTEZ-LA ?!
La voix de stentor du vice-amiral Keegan avait ébranlé toute la salle dans laquelle plusieurs officiers se tenaient. Des officiers blessés et abattus moralement pour la plupart. Tous ou presque avaient perdu des amis et des proches parents, suite à l’attaque surprise des révolutionnaires sur le QG d’East Blue. Et ces mêmes gens venaient d’apprendre une terrible nouvelle : Le commandant Fenyang frisait dangereusement la folie. Les médecins qui avaient réussi à l’approcher grâce à l’intervention du plus haut gradé présent au sein de la base de Logue Town, étaient complètement unanimes. Salem devenait un fou furieux. Si certains se mirent tout bonnement à sangloter surtout les femmes présentes, d’autres baissaient la tête en fronçant les sourcils ou en fermant les yeux, le cœur saignant terriblement. Ils avaient pu voir par eux même le changement de Salem. Un changement qui soulignait l’horrible rupture dans son esprit. Un changement totalement et radical. Sur le chemin de retour à East Blue, le commandant avait presque détruit le bateau dans lequel il était, après avoir vu le corps inanimé de sa femme, entreposé dans un cercueil improvisé. Dans sa folie bestiale, l’homme avait fait un mort et plus d’une dizaine de blessés. Seul le vice-amiral avait réussi à contenir sa nouvelle force démentielle. Mais une fois sur place à Logue Town, sa crise reprit de plus belle et il rasa près de trois à quatre bâtiments dans la base de la mythique ville d’East Blue. Et dans la ville, les rumeurs au sujet de l’état psychologique du dandy commençaient à circuler comme une trainée de poudre…
- Fou… ? Demanda une jeune officière en sanglotant et remuant sa tête de gauche à droite… Impossible… Pas lui… Pas le commandant Fenyang…
- Salem… Murmura Tom, le visage serré, également dépassé par le diagnostic final des toubibs de la base, toubibs auparavant sous les ordres de feu Aisling…
- VOUS ALLEZ REPRENDRE UN AUTRE EX…
- C’est inutile ! Trancha un jeune médecin qui se mit lui-même à pleurer devant tout le monde. VOUS NE VOYEZ DONC PAS QUE SA SITUATION AFFECTE TOUT LE MONDE ?!!!
Le plus jeune stagiaire qui avait été sous les ordres d’Aisling, avait complètement hurlé sur le vice-amiral avant de quitter la pièce comme une furie, les larmes aux yeux. Et il n’avait pas tort. Tous ou presque étaient touchés autant par la folie de leur collègue, que par la mort de sa femme et de ses deux enfants. Keegan, lui, resta choqué, les yeux et la bouche grande ouverte. Il n’arrivait pas à le croire. Son fils qui faisait sa fierté naguère, devenait un fou ! Était-ce un rêve ? Ou plutôt un cauchemar ? Non… Il fallait que cela cesse. Il fallait que cela cesse et tout de suite ! Le gradé faillit lui aussi pleurer. Savoir que son fils atteignait le point de non-retour était difficile, très difficile à accepter. Il respira profondément, histoire de garder son calme et se leva avant de sortir de la salle en silence. Tom eut le même réflexe et le suivit faiblement. Le reste du groupe se dispersa doucement, jusqu’à ce que la salle soit complètement vide quelques minutes plus tard. La réunion n’avait plus eut de suite. Dehors, c’était des travaux de rénovations. Le commandant avait tellement saccagé les environs, qu’on estimait que c’était le tiers de la base qui avait été tout bonnement détruit. Un capharnaüm sans précédent. Des marines de divers horizons avaient convergé vers la base pour assister aux différents funérailles et aider les quelques officiers qui avaient survécu. La vie reprenait doucement ses couleurs un peu partout, sauf au fin fond des cellules de la base. Là où le vice-amiral avait été obligé d’enfermer son fils. Là où une voix méconnaissance, gutturale, caverneuse et sinistre répétait tout le temps…
- Aisling… Aisling… Rendez-moi ma femme… RENDEZ-LA-MOI !!!
Dans les débuts de mon isolement, de grands bruits semblables à des coups de marteaux sur un fer chaud, s’en suivaient après une telle phrase. Le monstre que j’étais devenu tapait sur la porte qui m’enfermait. Au bout de quelques jours, ladite porte avait été largement cabossée, si bien que mon père fut obligé de me battre une nouvelle fois encore et de m’enchainer à un mur, de peur que je ne m’échappe et qu’un carnage ne s’en suive. Et la situation resta ainsi figée pendant quelques jours. Enchainé à un mur comme un vulgaire animal, je ne parlais plus. Plus du tout. Mes seules initiatives se résumaient à deux choses lorsqu’on venait me voir pour converser ou pour me donner à manger : Cracher sur la personne, ou essayer de la défoncer tout bonnement. Femmes, hommes, enfants, pirates, marines, révolutionnaires… Pour moi, il n’y avait plus de différence. Fut une journée où j’avais failli tuer une jeune infirmière venue m’apporter à manger. Son salut, elle ne le dut qu’aux chaines qui me retenaient au mur. Ces dernières faites en granit marin, étaient très courtes. Elle ne me permettait que deux ou trois pas devant moi, mais c’était tout. Néanmoins, elle se prit le plat en plein visage puisque je l’avais shooté avec véhémence, refusant toute alimentation. Mais même la colère avait ses limites, et c’est ainsi que je maigrissais à vue d’œil jusqu’à perdre toutes mes forces. Seule mon apparence faisait encore peur aux autres puisque j’arborai toujours ce physique bestial qui m’avait permis de tuer le meurtrier de ma femme…
Aujourd’hui ? J’étais faible… Déboussolé… Affamé… Mais toujours aussi désireux de vengeance… Et toujours aussi effrayant malgré mon aspect presque famélique…