Naoko Idoka
Physique ♥ T'as toujours vécu dans cette roulotte. Ces caravanes miteuses au bois rongé par les intempéries des dix années précédents, les crottes de pigeons accrochées aux vitres bien trop fines, dans lesquelles on vit à six. Forcément, ici, prendre soin de son corps, c'est devenu une affaire collective - en même temps, quand y'a que deux douches pour une troupe de vingt personnes qui suent à s'entraîner, tu finis par oublier ce que c'est, le bonheur de rester sous la douche pour des heures de réflexions, pendant que tes parents râlent devant la facture d'eau. Dans cet univers, quand on parle de maquillage, c'est la grosse palette verte-bleue-rouge-jaune qui apparaît devant ton nez. Directement, la vieille éponge vient de foutre un beige foncé sur l'ensemble du visage et du décolleté, avant de sublimer tes yeux et tes lèvres par un rouge vermillon, appliqué vulgairement par le pinceaux, ce qu'on demande d'acheter aux écoliers pour l'école. « C'est pour faire ressortir ton visage », on te disait. T'en avais rien à faire. Qu'on t'offre un tube de mascara, ça t'aurait plaisir. Qu'on te mette du vrai fond-teint t'aurait procuré cette même réjouissance .À cause de cette excuse misérable, tu ne t'es jamais sentie comme les autres femmes en toi. Tu te sens laide de visage, mais on te dit plaisante de corps. Qu'est-ce que tu veux, on s'en fout de ta bouille. Tant que ton deux-pièces captive, on ne se plaindra pas. A force qu'on te répète cette phrase, t'as finis par t'imaginer moche. Ça me fait vachement chier, tu sais ça, Naoko ? T'es mignonne. Y'a plus belle ouais, mais il y a toujours plus belle. Ton corps est joli mais ton visage est beau. Ce n'est pas parce qu'on ne le met pas en valeur qu'on ne l'aime pas. T'as toujours ce sourire planté sur ta bouche, pire qu'agréable, ravissant. Bon, d'accord, parfois, il donne plus l'impression d'être sadique qu'aimable, plus coquin que généreux, mais ça fait partie de ton charme. Il ne dérange personne. Mais oublions ton sourire. Il lui arrive parfois de s'effacer sauvagement. Alors nous délaissons cette bouche sans peine et nous nous focalisons sur tes yeux. Les yeux ont toujours eux un certain charme. Le regard, la forme et la taille, la couleur de l'iris varient tellement... Il est si difficile de modifier l'aspect de ses yeux. A moins d'avoir des lentilles sous la main ou une paire de lunette dans son sac, on ne peut que se faire apprécier par notre regard doux, vif, sauvage ou cafardeux. Le tiens, mélancolique, n'a rien d'engagé ou d'indompté. Et quand tu ne souries pas, la première sensation qui nous transperce est l'angoisse, profonde et troublée. Peut-être qu'en se concentrant plus, on peut percevoir une haine invisible ou une soupe de méprise, mais dans tous ces cas, le problème reste le même : tu ne souries pas. Qu'importe. Écartons les impressions et imaginons-la inanimée, afin de passer à la description brute. Tes iris, au naturel d'un marron-noisette très clair, donnent souvent l'impression que tes yeux sont jaunes. Pas très rassurant. Heureusement, tu ne ressembles pas à un chat pour autant. Tes traits doux viennent clôturer des joues légèrement bouffies, elles-mêmes encadrées par de longues mèches rouges. Attendez. Des mèches rouges ? De la teinture, bien évidemment. Tu aimes le rouge et ne l'aime pas à la fois. Certains voient cette couleur comme le symbole de l'amour, d'autre trouve la définition du sang séché ou frais à travers les teintes. Toi, Naoko, tu vois un peu de ces deux aspects. Tu es un peu comme ça, mi-tendre mi-écrue. C'est pour ça que le rouge te définis bien. C'est pour ça que tu portes beaucoup de rouge. C'est pour ça que tes cheveux, aussi abondant et fourmillant soient-ils, sont diaprés de rouge. Ta coupe donne l'impression de flamber, quand tu es sur scène. La lumière tamisée et les éclats soudains font briller ta chevelure de fauve. C'est très beau à voir. Parfois, on en oublie même ton corps élégant. Pourtant, les projecteurs éteints, ces mèches fourbes et cette longueur inéluctable deviennent pénibles à regarder, aussi dur à entretenir que chaotique pour l'image. Tu peines chaque matin à les tiser entre eux pour leur donner un aspect plus soigné, mais le démêlant coûte cher, quand on travaille dans un cirque en faillite. Alors ta crinière fait avec, comme toujours. Qu'il est dur de vivre avec les crins de vulcain sur la tête. Heureusement que l'homme créa l'élastique, afin de dresser ces mignonnes petites flammèches. Depuis tout à l'heure, je parle de ton corps comme d'un poids. C'est clair que c'est pas un petit discret, ce coquin. Pour plaire à ces messieurs, je vous chuchoterais dans le creux de l'oreille que ses formes sont plus que généreuse. Sans dévoiler ses mensurations exactes, je peux vous dire que cette jeune fille peu pudique n'a ni la poitrine ni les fesses minces. Si simple à mater, on te dira, quand on se trimbale en ville avec un vêtement aussi léger, ça ne fait pas d'éloges. A force de faire les représentations en maillot de bain, tu as fini par tomber amoureux de lui (le maillot de bain.). En plus d'être devenu ta tenue de travail, il s'est transformé en tenue de ville. Simplement, la culotte s'est changé en mini-short, en plus d'une écharpe qui sera là pour te réchauffer l'hiver. Luttons contre le froid, tout de même. T'aimes bien tes formes, c'est un peu les seules parties de ton corps auxquelles on s'intéresse réellement. A force que l'on pose ses yeux dessus, tu as fini par t'y aimanter, et à présent tu cultives ton corps en l'enjolivant le plus possible. « On m'a choisie pour jouer la conne aux gros nichons, qui se fait planter des couteaux autour du corps tandis que les braves flippent et applaudissent. Tant pis. Je jouerais mon rôle jusqu'au bout. Je suis une artiste. », tu te le dis souvent ça. Assister dans des numéros de ce style, ça s'apprend. Tu ne deviens pas la belle de la roue de la mort un claquement de doigt. Comme tous les autres artistes, tous les jours, t'as le droit à ce putain d’entraînement, pire qu'intensif, parfois insoutenable. Résultat des courses ? Il se trouve que t'es plutôt musclée pour une femme. Pas au point que ça devienne disgracieux à voir, mais disons que qu'on on s'approche de tes bras ou de tes jambes, on voit bien que c'est pas qu'un tube de guimauve. Finalement, derrière ta démarche féline, tu abordes une allure plus rigide que douce. Bon point pour certains, mauvais point pour d'autre. T'en fais pas Naoko. On oublie souvent ce détail. En clair, t'es quoi, toi ? Une bonasse au 90 D ? Retire le nom, et dis toi, celui qui me lit, que la belle n'est pas qu'une bombe. Plonge dans son regard et focalise toi sur ses cheveux. Tu en gommeras vite ce corps si gracieux... Psychologie ♪ « J’entends les chants des sirènes... » La vie d'un cirque, les déplacements réguliers, les amitiés si éphémères. Ceux qui ne la connaissent pas pensent que ce train-train est des plus chiatiques, les artistes qui ne possèdent que ça sont des plus indifférents face aux immeubles enracinés. Tu te pleins parfois de cette destinée, mais pourtant tu apprécies les changements d'horizons et les nouvelles expériences. La culture d'un monde sans fin où l'homme a su développer son intelligence pendant que la nature nous offrait les plus belles merveilles. Il est souvent passé à côté de cette sphère cabalistique, ce misérable, non ? Le gueux à néanmoins su t'allouer la beauté des arts du cirque, superbe façon de divertir, à laquelle tu t'es attachée alors que tu baragouinais à peine le mot « maman ». Cette richesse te fait rêver, tu ne désires que de nouvelles saisons et panorama impérieux. Les ressources et la diversité des peuples t'émerveillent, qu'on ne vienne pas salir cette fertilité, que de nouveaux chants soient créés, qu'une nouvelle plante pousse, que des fables naissent : ils ne seront là que pour la passion de ton bonheur. « Regarde autour de moi tous ces gens qui m’aiment... » C'est justement pour ta sensibilité et ton incroyable réceptivité, qu'on t'admire, qu'on t'aime. Quand on te connaît, quand on sait qui tu es, on n'ignore pas ta souffrance...ni la pitié que tu inspires. Simplement, on apprend à distinguer le malheur de l'aubaine pour te faire rire et te relaxer. Ceux qui sauront s'approprier ce réflexe deviendront tes meilleurs amis. « Les amis, c'est pour les bons et les mauvais moments », dit-on. Tu cultives une toute autre idée de la chose. Quand tes amis iront mal, tu seras là, oui. Mais tu ne veux pas d'eux dans tes moments durs. Je ne comprend pas vraiment pourquoi : veux tu les écarter de tes disgrâces ou alors préserver la figure « d'intouchable » que tu adoptes justement à cause de cette première proposition ? Sage attitude ou simple faiblesse ? La seconde domine, cet défaillance est un vrai soucis. « Je veux toucher le soleil avant que la pluie n’vienne... » Oui, on peut dire que tu te caches du mal. Attaquer ou fuir ? Tu affrontes pour ta famille mais t'éclipses pour tes pleurs les plus intimes. Combattre pour sortir les autres de la misère mais esquiver sa propre victoire pour cacher sa peur aux autres. Loin d'être parfaite, tu rêves de mettre fin à ce qui freine le délice avant même de terrasser les belligérants. Plus cette fuite permanente t'enfonce, plus tu la fuis. Un cercle est infini, il n'y a pas de point de repos, on continu de longer le bord sans jamais trouver d'ouverture. Le compas du diable a piqué sa mine dans ton cœur et a tracé son piège autour de lui. Qui peut savoir si un jour, un ange viendra le gommer... « T’inquiète pas seul les faibles se font bouffer par le système. » On ne peut pas dire que t'inspires la haine, la colère ou même l’effroi. C'est pas en te voyant débarquer qu'on se mettra à flipper ou à sonner l'alerte rouge. A travers cette pensée, n'allez tout de même pas croire qu'il faut rire ou lui jeter des tomates quand elle entre en scène. Tu n'es pas un phénomène de foire, malgré ton accoutrement remarquable, tu restes discrète en toi-même et n'es pas du genre à claquer la porte du bar en gueulant qu'on te serve l'alcool le moins cher. Mais nous n'en sommes pas là. Si tu n'inspires pas le dégoût, C'est bien parce que tu es de nature rassurante, parfois presque trop gentille. Pas incroyablement généreuse, mais tu donnes toujours un peu de toi même, aussi bien en représentation que dans la « vraie vie ». Pour ce second cas, il n'est jamais question d'une quantité incroyable d'or ou de la création d'une pièce de théâtre au nom de l'intéressé, mais simplement d'un peu de son temps, si précieux dans le métier du cirque. N'étant pas du genre à passer nuit et jour dehors, en exceptant les aides à la compagnie, tu places tout ton temps libre à la découverte des alentours si changeant, raffolant des histoires du coin et contant tes anecdotes aux passants. C'est souvent comme ça que tu te fais des amis. Amitiés « temporaires », certes, vu que tu t'écartes d'eux chaque trimestre, mais amitiés tellement fidèles. C'est toujours les mêmes que tu retrouves le soir ou l'après midi, toujours eux que tu consoles, toujours pour ces complices bienveillants que tu loues cette gentillesse. Parfois, tu les retrouves, tu as changé et eux aussi. Mais au fond de vous, votre amitié oubliée reste toujours la même : pure, riche et bien qu'éphémère, finalement si éternelle... « Où sont passées les sirènes ?... » Parfois, la vérité refait surface. Tu t'enfermes, tu te gâches, tu pleures, mais tu restes forte. Ton cœur se serre mais il n'éclate pas. T'es pensées s'assombrissent mais ne t'aveuglent pas. Tu penses à ces connards de pirates, qui t'obliges à voler pour avoir plus de trucs à piquer. Plusieurs années que ça dur. T'as jamais été pour le vol, la piraterie est ta hantise, tu as honte de pactiser avec eux. Pourtant, la tête baissée, tu leur obéis. Cette lourde tâche, cette erreur, tu la sens t'appuyer dans le dos à chaque fois que tu mets la main dans la poche d'un spectateur. L'envie de t'arracher le bras te prend, mais tu ne peux que retirer le bijou ou la pièce qui vibre au bout de tes ongles. Trahissant tes valeurs, tuant ton plaisir et enterrant ton honneur, tu comptes le butin l'esprit fermé. Mais le moine en fuite n'échappe pas à son monastère. « Regarde autour de moi tous ces gens remplis d’haine... » La semaine où les pirates viennent récolter le blé, environ une fois par mois, tu deviens irritante, vulgaire. La tête pleine d'angoisses, les questions se posent : « Seront-ils satisfaits ? » « Vont-ils continuer à nous fournir ? » « Et si cette fois, ils nous faisaient faux bond ? ». L'inquiétude te gagne, et les jours qui précèdent la cueillette sont les pires du mois. Impossible te t'adresser la parole sans que tu ne gueulent des injures à en briser le verre, impossible de te demander un service sans se prendre un regard noir dans la figure. Cette période là, tu ne ressens plus aucune pitié. Tu t'irrites facilement, et alors que tu n'es pas bagarreuse, tu en viens à provoquer toi-même des combats, que ta faiblesse t'oblige toujours à fuir avant la défaite. Les gens riches deviennent moutons et les pauvres crapauds, tu penses à ce que tu leur a retiré sournoisement sans jamais frémir. A quoi ça sert de souffrir pour des gens borgnes et impropres, qui réunisse l'ensemble de la marine pour 3 berrys perdus ? « Après l’ivresse vient la migraine... » Tu peux être faible et remplie de haine, tu peux être forte mais angoissée, tu peux être cultivée mais ravagée. Ce qui défini Naoko n'est ni la méprise ni le sang-froid, mais une assurance mêlée de tristesse. Gentillesse authentique mais joie de bipolaire, les pirates lui font baisser la tête, mais ses amis la remonte et le cirque lui rouvre les yeux. Histoire d'une jeune femme qui espère retrouver le véritable espoir. « Au final je crois que j’me suis fait bouffer par le système. » Histoire ♥ La pièce est sombre. Il est tard, et le soleil a cessé d'éclairer la piaule, tout comme ton esprit. Faut se dire qu'avec une simple lampe à gaz, celle qu'on emporte pour le camping, ainsi que quelques bougies, ça ne fait pas l'éclairage d'une Tour Eiffel. Bah, ça peut te suffire. Quand tu comptes la monnaie qu'on a dérobée, même la lumière la plus puissante n'arrive pas à éclaircir ton cerveau, assombri par les remords. Nous ne sommes que deux dans cette pièce sombre. Toi, jeune fille du cirque et rongée de peine, et moi, peintre en quête de renom. Cela fait à peu près un an que je sillonne le pays des Blues avec vous. Tombé amoureux des représentations de votre petit cirque, j'ai décidé après grandes réflexions de vous suivre afin de peindre vos portraits à travers vos arts. Le dompteur de lions eut droit au dessin d'une prison fleurie, contenant, derrière ses barreaux, un splendide Gryffon ; les deux magiciens à un lapin noir coincé dans un chapeau blanc. Aujourd'hui, je m'apprêtais à dresser un tableau à ton nom, Naoko. Qu'allais-je bien pouvoir dessiner ? Penses-tu que je te connaisse assez pour me lancer dans une œuvre te décrivant ? Je connais si bien ton histoire, tu me l'a racontée si souvent. Je connais si bien ton caractère. J'ai déjà eu l'occasion d'en découvrir toutes les facettes. Privilège incontestable ? Je vous assure que non. Crayon en main et feuille posée sur la table, je prépare le brouillon de ma toile. Assis en face de toi sur la table bancale, la chaise pleine d'échardes me donne l'impression d'être assis sur un cactus. Pourtant, je n'étais pas le plus à plaindre. Tu es tellement aveugles quand tu calcules tes fauches que tu avais pris la chaise la plus piquante. Pauvre fille. Je te regarde concentrée, plongée dans tes comptes, et me noie dans l'observation de ton corps et de ton caractère. A travers tes yeux, je peux voir la tristesse, à travers tes cheveux, je sens la fougue. Combiner les deux ne risque pas d'être simple. En quelques minutes, j'analyse ce que sais de toi et le livre à mon imagination. Un premier déclic se fait. Je suis prêt. A l'aide de deux courbes, je coupe ma toile en trois : la première partie dans le coin en haut à gauche, que j’appellerais « nuit », la seconde, qui comble quasiment le reste de ma feuille sera, logiquement, nommée « jour », puis la troisième, le petit coin en bas à droite, aussi appelée « nuit ». Au final, jour couvre la moitié du tableau, l'autre étant prise par les deux nuits. Concentrons-nous sur la première partie. Tu es née une nuit d'automne pluvieuse, où les nuages cachaient la lune. Ton arrivée fut un véritable bonheur. Tes parents, très heureux de ce premier enfant, te firent passer une enfance de rêve, pleine d'aventures en montagnes, de batailles de boules de neige et des numéros drôlissimes que t'offrait ton père, le principale clown auguste du tout nouveau cirque. Vous étiez tous très heureux, d'ailleurs, tes parents sont toujours heureux, et toi aussi, en quelque sorte. Jamais un événement typique comme la mort d'un proche ou la démolition de votre « maison » n'est venu ébranler le cour comblé de votre existence. Rapidement, je coloriais le fond de la nuit du haut en noir et y griffonnait le début de la tige d'une plante, qui venait s'arrêter à la séparation avec le jour. Autour je traçais de belles étoiles, parfaitement droites, mais aussi nombreuses qu'une colonie de fourmis. Finalement, ton enfance paraissait si simple et banale face à l'espace vide qu'il fallait encore combler. Sceptique, je toisais l'espace blanc avec une moue générale. Pour que tu sois heureuse, il aurait fallut le tableau ne soit fait que de nuit. La tige pénétra le jour. C'est à l'adolescence, vers tes 14 ans, que les pirates vinrent tout saccager. Le cirque, qui commençait à devenir populaire, perdit son chapiteau dans une énorme tempête qui en déglingua même les cages à fauves. Or, ce matériel coûte cher. Afin de racheter un chapiteau et des cages solides, les amis du cirque invitèrent les habitants proche à se cotiser. Des pirates qui passaient par-là furent alertés par l'annonce, c'est aussitôt qu'il cherchèrent à prendre contact avec le directeur du cirque. Des beaux bâtards, ces pirates, les pires feignasses des mers. Ils vous contèrent leur histoire sans ressentir la moindre honte. D'après tes sources, ces cloches étaient dirigés par un capitaine friand de bijoux et de pièces de monnaie. Simplement, les paresseux ne trouvaient pas de poches à vider, le capitaine se lassait de leur travail mal fait et commençait à les menacer de les chasser du bateau. A cet époque et dans la région, il était dur de trouver un travail, alors les fripons, craignant de se retrouver au chômage, proposèrent un marcher avec la troupe : si elle acceptait de piller les spectateurs du théâtre en bijoux, pour les offrir ensuite aux pirates, ces derniers livreraient une bonne partie de leur salaire à l'achat du matériel. Évidemment, le gérant du cirque ne tarda pas à les chasser dehors, honteux d'avoir parler avec ces mendiants sans honneurs. Malheureusement, la réalité revint au galop. Les habitants étaient généreux, mais pas assez encore. Avec les recettes engendrées, vous arriviez à moins d'un cinquième du prix de départ. Déçu, le directeur convoqua votre troupe et vous exposa le sujet : soit vous refusiez définitivement la proposition des pirates, de ce fait le cirque rendrait l'âme, soit vous les recontactiez afin de revoir la décision. C'est presque à l’unanimité que la seconde proposition fut votée. Sur mon croquis, la tige s'agrandit un peu, elle devenait de plus en plus brouillonne, sale, tandis que tout autour le vide était rempli par d’incalculable paysages et de nombreux visages joyeux. Longtemps, tu en voulus à ta famille d'avoir adhéré à ce deal. Ce pacte fut la pelle qui creusa la falaise qui te séparait de l'enfer. Parfois, j'ai l'impression que la falaise est infiniment haute, par d'autre moment, elle me semble aussi basse qu'une mauvaise blague. De toute façon, tu es toujours en train de tomber de son point dominant. Tu dévales la tige de cette fleur, qui descend en ondulant vers la nuit, celle du bas. Plus elle s'allonge plus plus elle dérive, devient semée d’embûches, parsemée d'épines vénéneuses aussi grosse que le poids de la malédiction qui te ronge. Je te souhaite une fin heureuse. Un jour, tu retomberas dans la nuit. Ce jour est-il proche ou lointain ? Prière qu'il avoisine le mois prochain, et non qu'il en soit écarté. Mon crayon se détacha du papier, interrompant la continuité de la tige. Qui sait quels détours prendrait-elle encore ? Qu'elle continue en ligne droite ou qu'elle s'égare vers de nouveaux horizons, la nuit restera toujours à portée de main. Pour ce jour où tu sauras jouir d'un bonheur sans merci, je dessine dans cette seconde nuit de nouvelles étoiles, ancrées autour d'une fleur éclose et rayonnante de pureté. Être heureux ne s'apprend pas, mais le bonheur se mérite, la joie se travaille. Trouve les ingrédients qui composent le rêve et créer toi une destinée toute autre que celle-ci. Change les règles, combats avec hargne mais sans trop d'horreurs. Alors que je finalisais mon croquis, je jetais un coup d’œil à ta personne, ce que tu ne tardas pas à remarquer. « Quoi ? » « Rien. » « Qu'est-ce que tu dessines ? » « Toi. » Tu m'ignoras. Je me sentais aimé. « Naoko ? » « Oui ? » « Je crois que tu as oublier de compter ces six ou sept pièces, là. » Tu me fusillas du regard. En fait, je ne me sentais pas aimé. Je venais simplement de signer mon arrêt de mort. Bonne chance Naoko. Bonne chance. Test RP ♪ « Putain... » Comme chaque matin, je tournais en rond dans mon bocal, attendant impatiemment que la pluie de granulés vienne salir mon eau claire. Levée de bonne heure, les premiers rayons ne transperçaient pas encore les volets que tu pestiférais déjà insultes et menaces à l'égard des pirates. Que ma mémoire soit celle d'un poisson rouge ou non, je ne pouvais que me souvenir de l'air déconfit que ton visage abordait depuis maintenant une bonne semaine. Pas un sourire ni une parole pour ton pauvre animal. Si j'expirais par la bouche, mes soupirs se seraient faits entendre. Sapée comme toujours, tu enfilais une sorte d'écharpe close, passée en mode « col-roulé de grand-mère ». Il faisait pourtant si chaud, dehors, on peinait à provoquer de bons courants d'airs, et les échoppes étaient constamment ravitaillées en eau. Pourquoi donc prendre l'initiative de t'étouffer encore plus ? Peut-être que si tu avais été plus ouverte d'esprit, ces jours-ci, tu te serais accoudée devant l'aquarium comme tu fais si souvent, pour m'expliquer que cette écharpe n'était là que pour camoufler ta honte, dissimuler ton humiliation. Cependant, un t-shirt à manches longues et un simple jean auraient bien mieux rusés, car c'est sur ton corps parsemé d'une chair de poule qu'on lisait la crainte et la méfiance. Coiffée à la va-vite, tu avais enfilé vulgairement une barrette tête de mort dans une mèches de ta frange. Par moment, je ne comprenais pas l’ambiguïté de tes actes. Allez dire à n'importe qui les mots « tête de mort », c'est le terme « pirate » qui lui viendra à l'esprit. C'est un fait encore plus flagrant, à notre époque où la piraterie envahie les mers alors que la marine condamne ces malfrats à la pelle. Si dans ce monde barbare, il y a bien une femme contre cette forme d’impureté, je l'avais devant les yeux. Quelle diable t'as pris de te mettre un tel signe , qui plus est en telle évidence, au devant de ta tête, juste au-dessus des yeux ? Simple décoration ? Je pense surtout que tu cherches à ravir les pirates, afin d'obtenir une plus grosse somme et d'arriver plus rapidement au terme du remboursement. Tu places toujours un signe comme cela, en évidence, un détail qui saurait attirer l’œil et corrompre. Naoko, ce ne serait pas un peu de la piraterie ? Ne te serais-tu pas faite corrompre par les corrompus ? L'heure de l'échange approche. Tu n'es pas en retard, mais tu trouves quand même le moyen de t'affoler. La somme que tu annonceras seras-t-elle la bonne ? Aurais-tu fais une erreur de calcul ? Pour être sure de ne pas faire d'erreur, tu refais souvent tes comptes, trois fois, quatre fois, et même cinq fois pour être certaine de la quantité. Malgré ça, tu n'es jamais tranquille. Si tu te doutais que les pirates ne prenaient même pas la peine de recompter derrière vous... Un coup d’œil par la fenêtre et tu les vois d'avancer. Il est l'heure de sortir et de déposer les bagages. Peu sûre de toi, tu attrapes le sac à deux mains et le transporte sans trop de difficulté, jusqu'à atteindre l'entrée du chapiteau, nouveau de cinq petits ans, où tu le poses mollement sur le sol. Un tas des mêmes sacs est déjà monté, certains ont déjà été emportés. A côté de toi se tiennent quatre de tes compagnons, dont la contorsionniste, qui arrive à te foutre des mots de tête même assise sur une chaise, et le jongleur, s'entraînant aux jongles, que tu crains toujours de voir retomber sur sa petite tête. Ces deux là n'ont jamais l'air désenchantés par l'arrivée des bandits, même en ces temps de crises où leurs comptes se font de plus en plus rapidement. C'est presque honteuse que tu te places à côté d'eux, sourcils froncés, mais les yeux tellement fatigués par les angoisses répétitives, que même si les deux venaient à former un angle aigu, tu ne serais que partiellement crédible. Les bras tendus et les joues cachées dans l'écharpe, tu attends que les ordures viennent te chercher pour déposer dans leurs mains les feuilles ressassant la monnaie volée. Habituée à cet air de coincée, le chenapan vient relever ta tête en pinçant la peau de ton cou. Humiliée, tu choppas brusquement son bras, et, avec toute la force que tu pu mettre, le repoussa loin de toi, entraînant le pirate dans une décadence. Très vite, un regard obscur vient te fendre la pupille. C'est mécontent qu'il se dirigeais vers toi, les joues rouges et le torse gonflé. Affolée, tu mets tes bras vers l'avant, criant qu'il s'écarte. Bien trop énervé pour entendre ta détresse, il se précipite vers toi, levant la main au-dessus de ton front. Les yeux levés vers cette main menaçante, tu bondis vers l'arrière et trébuche dans une des balles du jongleurs, t'écroule sur le sol. Ne sachant que faire, tu patines dans la terre sèche, cherchant à t'écarter au plus vite de l'ombre figée. Tu te relèves, et t'enfuis lâchement vers ta roulottes Humiliée, vexée, offensée, tu plonges dans les draps et regarde dans la glace les larmes de misère qui coulent sur tes joues. Pauvre fille. Si j'avais été un chat, je me serais blotti contre toi pour que tu entendes mon ronronnement chaleureux. Si j'avais été un humain, je me serais servi de mes membres pour te réchauffer. Tes larmes auraient pu s'évaporer comme une fine pluie sur un goudron bouillant. Mais moi, je ne suis qu'un poisson. Alors, bouche grande ouverte, je sortais de grosses bulles d'air qui explosaient bruyamment en touchant la surface. Alertée par ma façon anormal de me tenir, tu me faisais des gros yeux et commençait à compter les bulles que je façonnais sournoisement. Le peintre avait tellement raison. Il est si simple d'atteindre le jour et la nuit. Une plante ne choisit pas ses racines mais elle sait comment faire pousser sa tige. Peut-être qu'un beau matin, en te réveillant, tu remarqueras sa toile, posée contre le côté caché de ton armoire. Et se jour là, ta vie sera remplit d'étoiles. Comme celles d'une merveilleuse nuit. IRL ♥
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Dernière édition par Naoko Idoka le Mar 22 Jan 2013 - 18:13, édité 6 fois