« Je ne sais pas ce que ta mère t’a dit sur moi, mais je suis une vieille femme à qui on veut du mal. Ne m’abandonne pas, je t’en supplie, j’ai peur, tellement peur ! »
Voilà ce qu’elle lui avait dit. Somme toute, deux phrases assez simples qui résumaient entièrement sa situation. Pendant qu’elle regardait son petit-fils, désormais seul refuge, elle se remémorait tous les moments passés avec sa fille. Son départ soudain, sa haine farouche. Décidément, cet enfant ne lui ressemblait pas, son sang d’humain, probablement.
Elle avait voyagé une année durant, du moins, l’estimait-elle. Une longue errance plutôt qu’une recherche véritablement active. Elle avait tant vécu et tant oublié, tant gagné et tant sacrifié. Tout ça pour arriver à ce moment si important qu’il déciderait de la suite de sa vie.
À nouveau, les angoisses. Comme une lame de fond qui faisait surface. Mordantes, pétrifiantes. Une malédiction sans cesse renouvelée. La tentation de noyer ce chagrin dans une bouteille de vodka ou de whisky. Mais, elle était trop lucide pour ne pas comprendre les enjeux de cette discussion.
Elle avait suivi son intuition quand elle entendit parler de cette île. Ils lui avaient dit qu’il était là. Eux, les humains, les autres. Ces courts sur pattes, vulgaires et nombreux comme les poux sur un hippocampe pourri. Et ils eurent raison.
Jouvence luttait sincèrement contre elle-même. Dans l’espoir de convaincre Ishii de sa détresse, elle se laissait souffrir et en avait l’air. Son visage était plus pâle qu’à l’ordinaire, ses traits tirés. Ses mains se baladaient fébrilement sur son tronc et sa nuque. En se contorsionnant de cette manière, ils exprimaient toute l’anxiété vécue par la mamie.
Ils étaient seuls. Il faisait nuit. Une vieille femme et son petit-fils se tenaient face à face. La grand-mère, totalement désarmée, regardait, implorante, le renommé capitaine. Que pouvait-elle lui dire de plus que cela ? Elle n’avait rien à lui apporter. Si, son collier et sa montre. Son alliance aussi. Cette séparation lui faisait mal, mais elle était destinée à avoir mal comme à en donner. On n’arrivait pas à son âge sans la conscience morbide de la fin inéluctable de toute chose.
Elle sortit de son sac ce qu’elle avait de plus précieux. Et le lui tendit en insistant pour qu’il accepte. Puis, pleurer, à nouveau pleurer. Parce qu’elle en avait gros sur le cœur. Une longue quête qui s’achevait enfin. Du moins, elle n’avait plus la force de faire un pas de plus. Soit elle obtiendrait sa protection, soit elle en finirait. Trop de lassitude pour envisager quoi que ce soit d’autre.
Et tu crois vraiment qu’il va vouloir de toi ?
Vielle folle !
Sangsue !
Hibou moisi !
Crève !
Seule. Toujours seule.
Personne n’a besoin de toi.
Personne.
Tu sais ce qu’il te reste à faire, tu le sais.
Tes cachetons, ta bouteille.
Jouvence cherchait dans le regard de cet inconnu une source de réconfort. Était-il capable de prendre pitié d’elle, malgré sa conduite ignoble avec sa mère ?
Voilà ce qu’elle lui avait dit. Somme toute, deux phrases assez simples qui résumaient entièrement sa situation. Pendant qu’elle regardait son petit-fils, désormais seul refuge, elle se remémorait tous les moments passés avec sa fille. Son départ soudain, sa haine farouche. Décidément, cet enfant ne lui ressemblait pas, son sang d’humain, probablement.
Elle avait voyagé une année durant, du moins, l’estimait-elle. Une longue errance plutôt qu’une recherche véritablement active. Elle avait tant vécu et tant oublié, tant gagné et tant sacrifié. Tout ça pour arriver à ce moment si important qu’il déciderait de la suite de sa vie.
À nouveau, les angoisses. Comme une lame de fond qui faisait surface. Mordantes, pétrifiantes. Une malédiction sans cesse renouvelée. La tentation de noyer ce chagrin dans une bouteille de vodka ou de whisky. Mais, elle était trop lucide pour ne pas comprendre les enjeux de cette discussion.
Elle avait suivi son intuition quand elle entendit parler de cette île. Ils lui avaient dit qu’il était là. Eux, les humains, les autres. Ces courts sur pattes, vulgaires et nombreux comme les poux sur un hippocampe pourri. Et ils eurent raison.
Jouvence luttait sincèrement contre elle-même. Dans l’espoir de convaincre Ishii de sa détresse, elle se laissait souffrir et en avait l’air. Son visage était plus pâle qu’à l’ordinaire, ses traits tirés. Ses mains se baladaient fébrilement sur son tronc et sa nuque. En se contorsionnant de cette manière, ils exprimaient toute l’anxiété vécue par la mamie.
Ils étaient seuls. Il faisait nuit. Une vieille femme et son petit-fils se tenaient face à face. La grand-mère, totalement désarmée, regardait, implorante, le renommé capitaine. Que pouvait-elle lui dire de plus que cela ? Elle n’avait rien à lui apporter. Si, son collier et sa montre. Son alliance aussi. Cette séparation lui faisait mal, mais elle était destinée à avoir mal comme à en donner. On n’arrivait pas à son âge sans la conscience morbide de la fin inéluctable de toute chose.
Elle sortit de son sac ce qu’elle avait de plus précieux. Et le lui tendit en insistant pour qu’il accepte. Puis, pleurer, à nouveau pleurer. Parce qu’elle en avait gros sur le cœur. Une longue quête qui s’achevait enfin. Du moins, elle n’avait plus la force de faire un pas de plus. Soit elle obtiendrait sa protection, soit elle en finirait. Trop de lassitude pour envisager quoi que ce soit d’autre.
Et tu crois vraiment qu’il va vouloir de toi ?
Vielle folle !
Sangsue !
Hibou moisi !
Crève !
Seule. Toujours seule.
Personne n’a besoin de toi.
Personne.
Tu sais ce qu’il te reste à faire, tu le sais.
Tes cachetons, ta bouteille.
Jouvence cherchait dans le regard de cet inconnu une source de réconfort. Était-il capable de prendre pitié d’elle, malgré sa conduite ignoble avec sa mère ?