Il est une île sur North Blue sans nul autre pareil nommée Iron Island. Pourtant cette île n'en n'est pas une. Ôla non. C'est davantage un disque. Un disque reposant en équilibre sur un immense bloc de terre semblable à une montagne. Les habitants se sont, par soucis de logistique comme de survie, efforcés de se répartir aussi équitablement qu'ils le purent sur les deux versants de l'île, afin d'en préserver l'équilibre. Vous pourriez croire que la vie était impossible là-bas. Les voisins devant se concerter à distance avant de prendre la décision de construire une maison identique de chaque coté du disque. Mais les Ironis ont toujours été des gars solides, souvent à leurs dépends, et à défaut d'en avoir connu d'autres ils aimaient éperdument la leur, d'île. Ce qu'ils aimaient moins en revanche, c'était leurs voisins. Pas les autres Ironis, non, bien que ce peuple fort et fier avait une prédisposition pour le pugilat et la picole -dangereuse combinaison- ; ils étaient tous de la même veine et miséricordieux. Ceux qu'ils pouvaient difficilement encadrer, c'étaient les nobles ayant établis leurs manoirs au centre de leur île. Rien de bien folichon, la plupart n'étaient pas des nobles de premier ordres ou même racés, mais des cousins de Sir Jétapah D. Stinay ou des filleuls de Lord Blackwood III. Mais tout de même, c'était emmerdant. Le blizzard, ça passait encore. La faune peu accueillante, on s'en accommodait. Mais ces têtes de cons pas foutus de vous assommer un jeune ratel des neiges à mains nues, on en voulait pas par ici. Et pourtant les longues soirées de beuveries intenses comme pour pallier aux non moins longues journées de dur labeur finissaient d'asseoir la bonté naturelle, voire niaise, d'une population certes belliqueuse mais pas farouche dans le fond.
Il est une île dans North Blue qui repose sur un équilibre précaire. Que ce soit dans sa géographie, ou dans les relations inter-espèces qui ne vont pas en s'arrangeant. Rien qu'un coup d’œil distrait du premier paltoquet venu permettrait de voir qu'elle est sur le point d'exploser à tout moment. Ce n'est qu'une question de temps. Ou de répartition des masses.
Mais voilà, y'a un hic voyez-vous.
Et le hic, il s'appelle Ging "BAM" Dong.
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Ging n'était pas le premier paltoquet venu. Il faisait parti de cette catégorie de personne bien précise qui, lorsqu'ils voient une île nécessitant d'escalader une montage à mains nues pour gagner un sol menaçant de se péter la gueule à tout instant, se demande ce qu'il va manger ce soir-là. Probablement un ragoût se dit-il tandis que la prise saillante à laquelle il était accroché se détachait du versant. Pendant un bref instant il se crut libre. Commença ensuite la chute. La paroi rocheuse défila devant lui, paysage blanc parsemé de tâches brunes et entrecoupé de rochers plus glissants qu'une anguille et plus affutés que des poignards. Ging n'avait ni le temps ni l'envie d'être effrayé, les vents violents lui fouettant le visage et faisant claquer sa crinière. Alors qu'il culbutait sur lui même dans les airs, il eut un bref aperçu du sol qui lui suffit pour savoir d'instinct que la chute serait mortelle. Se lovant puis se redressant violemment, Ging parvint à rapprocher suffisamment sa carcasse pour rattraper la roche. Sa dégringolade se stoppa net, avec une intensité qui lui secoua le cerveau et lui fit regretter de s'être repris. Ging se recolla contre le versant montagneux, tenta tant bien que mal que de calmer sa respiration haletante et remarqua le filet de sang perlant de sa main. C'était pas beau à voir. Le mur lui avait salement entaillé la paluche, mais il s'estimait s'en être bien sorti pour avoir dégringolé de trente bons mètres. Il jeta un coup d'oeil en bas, la terre sûre et ferme devant se trouver à une centaine de mètre, puis vers le haut. Une autre bonne centaine de mètres, à une vache près, le séparait d'un devers vertigineux et difficilement mesurable. Le lion souffla d'un air las. Puis il se remit à grimper.____________________________
"Monsieur, il y a quelqu'un à la porte.
-Qui est-ce ?
-Il m'a bien dit son nom, mais j'ai oublié.
-Et bien comment est-il alors ?
-King Majong !
-Vous êtes sûr ?
-Je n'arrive pas à me rappeler. Voulez-vous que je lui chante une chanson ?
-Pourquoi diable voudrais-je cela ?
-Bon écoutez moi bien monsieur-j'insinue-que-ma-boniche-est-autiste, moi je suis une Ironie de naissance, et de la plus basse extraction je vous ferais dire ! Toute mon enfance j'ai dû partager ma chambre avec une bande de dorades dont mon père s'était pris d'affection ! Alors croyez-bien que je ne suis pas entrée à votre service pour répondre à la moindre de vos questions et accomplir vos sept volontés ! Chez moi les chansons, ça se mérite !"
Et la servante partit comme une furie avec le plat, laissant Karma sur le carreau et accessoirement sans son repas. Il était sur le cul, au propre comme au figuré, présidant l'immense table de la non-moins immense salle à manger. Seul. Comme toujours. Fourchette dans la main droite, couteau dans la gauche, et serviette pliée dans son col ; il n'avait pas bougé d'un iota, comme s'il espérait encore. Son estomac venant de comprendre, lui, qu'il ne dinerait pas ce soir se mit à gargouiller. Un peu comme s'il n'avait pas non plus eu sa ration ce midi. Si son ventre criait famine ses yeux imploraient le sommeil. Cernés sur tout le pourtour, on aurait pu le confondre avec un raton-laveur s'ils n'avaient été d'un bleu à faire jalouser les abysses. Ses cheveux ébènes semblaient quant à eux mettre un point d'honneur à partir chacun de leur coté, tandis que sa barbe rasée uniquement sur le coté droit de son visage finissait de peindre le tableau décrépit d'une ivrogne, voire d'un pirate, mais certainement pas d'un noble. Et pourtant c'était bien du sang bleu qui coulait dans les veines de Karma Von Blanquette, et peut être d'un azur plus pur que celui de tous les autres nobles de l'île. L'aristocrate d'une trentaine d'année se mit à marmonner quelque chose comme quoi ses domestiques lui devaient pourtant le respect. Il n'avait pas fini qu'on entendit le bruit de la vaisselle qu'on casse. Cela lui fit grincer les dents et il quitta la table comme une tornade, dans le sens opposé à celui d'où provenait le bruit ; ce qui, par un merveilleux concours de circonstances l'éloignait de sa cuisinière quelque peu soupe au lait, mais par un fâcheux coup du sort le rapprochait de la porte d'entrée.____________________________
Ging, l'air hagard avait non seulement frappé courtoisement à la porte -une première- mais avait aussi attendu sagement lorsqu'on le lui avait demandé. Il n'avait été très bien braillé, se baladant la plupart du temps avec un ersatz de pantalon pour tout attirail, mais il était pour l'heure en guenilles. Et encore pas de celles qui donnent l'impression que passé toute cette crasse se cache peut être un chic type qui n'a simplement pas eu de bol. Parce que s'il était évident que Ging n'était pas un homme à bol, il fallait avoir une foi inébranlable non seulement en l'espèce humaine mais aussi chez les semi-géants pour penser avoir affaire à un chic type. Tout son corps était emperlé d'ecchymoses indigo et de sa main s'écouler de grosses gerbes de sang par intermittence qu'on pouvait suivre jusqu'à l'horizon sur le paysage enneigé. C'était manifestement pas la joie. Le colosse avait le regard vide et semblait tourner de l’œil. Il risquait de s'effondrer à tout moment et ne se réveillerait probablement pas. Il commença à partir en avant et tomb...
La porte s'entrouvrit subitement dans un grincement sinistre, ramenant Ging à lui."Puis-je vous aider ?"
Ging devait se concentrer pour distinguer quoi que ce soit dans la pénombre régnant derrière cette porte. Néanmoins il crut apercevoir un adolescent en smoking qui avait les cheveux gris et une fausse moustache collée sous le nez. Le capitaine était un homme qui acceptait très rarement de ne pas se faire confiance, mais dans l'état où il était, il se dit que l'erreur n'était peut être finalement pas qu'humaine. Il sourit à ses propres pensées, puis se rendit compte qu'il n'avait toujours pas répondu à la question de son interlocuteur. Il balbutia"COMME SI J'AVAIS BESOIN DE TON AIDE. JE SUIS GING BAM DONG GAMIN !"
Et il s'affaissa.____________________________
"Vous voyez ! Je vous l'avais bien dit que ça servait à rien de le laisser se reposer ! Il a suffit qu'il sente l'odeur de la viande et il est revenu à lui.
-Monsieur, je continue à croire que ce n'est pas une bonne idée de le garder ici. On ne sait même pas qui c'est !
-Calmez-vous Terry. J'ai coutume de dire qu'un homme dont le tour de bras équivaut aux cous de deux taureaux ne peut pas être un mauvais bougre.
-Quand est-ce que vous avez dit ça ?
-Je vous répète de m'appeler Alfred.
-Bhe c'était pas mardi ?
-Ca me dit rien.
-Haha vous savez Ariette, j'ai parfois l'impression que votre mémoire n'est plus ce qu'elle était.
-Pourquoi vous dites ça ?
-Euh... Pour rien. Et vous Terry, ça ne vous dit rien ?
-Alfred. M'enfin monsieur, vous savez bien que mardi j'étais à mon stage de perfectionnement comme majordome.
-Vous savez Alfry, je pense toujours que ces stages ne sont qu'une combine de certains habitants pour vous extorquer de l'argent.
-Mais enfin arrêtez de bouger, je n'arrive pas à faire le bandage !
-FAUFCH CHBIEN FCHQUJE CHMANFE !
-Ca me parait peu probable monsieur, sinon je ne vois pas comment j'aurai pu réussir en quatre leçons à peine à créer ma propre moustache.
-Oui bah mangez avec l'autre main !
-C'est vrai qu'elle est bien votre moustache. "
Une heure et un tas d'assiettes vides plus tard, il ne restait plus à table qu'un Ging rassasié et un Karma souriant.
"Et donc le jeune garçon avec la perruque grise et la fausse moustache c'est Terry, le fils de mon regretté majordome. Il a promis à son père de prendre la relève et fait ça très sérieusement. Un peu trop peut être. Il veut qu'on l'appelle Alfred parce que selon lui ça fait plus "majordome". Et la petite mignonne qui s’énerve facilement c'est Ariette. Elle n'a pas une très bonne mémoire, refuse une fois sur deux de me servir mes repas ; mais elle a d'autres qualités..."
Il regarda le vide d'un air pensif un instant, puis fronça les sourcils avec l'air de celui qui réalise ce que tout le monde sait déjà.
"...En fait non. Mais c'est la seule qui pense à me souhaiter mon anniversaire." Nouvel instant de réflexion. Nouveau froncement de sourcils. "C'est curieux d'ailleurs..."
Les choses s'étaient en fait déroulées avec un naturel quasi-suspect, le lion se rassasiant tout son saoul, son hôte en profitant lui-aussi avec un intérêt non feint, et avant même d'arriver au dessert le forban avait en plus été soigné. Bandage rudimentaire avec désinfection mais c'était mieux que de dégueulasser tous les environs jusqu'à finalement tomber raide. Pour tout dire, notre bonhomme s'était pris d'affection pour ce curieux personnage à moitié rasé. Il pensait même réellement à lui proposer le poste de second de son équipage, jusqu'à ce que finalement...
-Dis moi Ging, comment es-tu arrivé sur cette île ? Karma s'était lentement penché en avant comme pour renforcer ses paroles et son regard avait quelque chose de différent.
-C’ÉTAIT SUR MON CHEMIN.
Le noble se pencha un peu plus en avant.
-Non, tu ne m'as pas compris. Je te demande comment es-tu arrivé ici ?
Karma se mit à sourire de toutes ses dents.
-Tu n'as quand même pas escaladé la montagne ?
-POURQUOI ?! Y'AVAIT UN AUTRE MOYEN DE FAIRE ?! BWAHAHAHA.
-Yahahaha. Je m'en doutais ! Karma rigola de bon cœur en se redressant sur sa chaise.
-Dis moi Ging, est-ce que ça te dérangerait de me rendre un service ?
-SEULEMENT SI TU M'EN RENDS UN AUSSI !
-Ca me parait équitable. En quoi puis-je t'aider ?
-JE VEUX QUE TU M'APPRENNES A ETRE UN BON CAPITAINE !
Troisième froncement de sourcils.
Dernière édition par Ging "BAM" Dong le Lun 25 Fév 2013 - 21:27, édité 1 fois