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Entre quatre z'yeux


    De tous les instructeurs du BAN, le plus « normal » restait Bobby Hoobermind. Normal comme ne ressemblait ou n'agissant pas comme une machine à tuer. Il était fort, sans aucun doute, et un seul regard laissait facilement supposer qu'il l'était plus que la moyenne. Il était intelligent aussi, et c'était cette lueur qui semblait se diffuser à son être. Quand il marchait, il ne donnait pas l'impression d'un tank ou d'un tigre assoiffé de sang. Plutôt d'un homme décidé qui vous jugeait d'un seul coup d'oeil et dont le cerveau était capable d'analyse et d'associations quasi instantanées.

    En d'autres circonstances, c'était ce genre de compagnie que je recherchais et j'aurais réellement adoré pourvoir le fréquenter plus en avant, pour confronter mes idées aux siennes et nous perdre dans ses interminables joutes de mots et d'arguments, quel que fut le sujet. Bobby était capable de défendre une position avec le plus grand brio un jour, pour uniquement détruire son argumentaire en prenant la position opposée le lendemain.
    Ce qui forçait l'admiration – et l'envie – chez moi faisait aussi de lui mon pire ennemi. S'il y avait une personne capable de voir au-delà de mon identité d'agent Cipher Pol, au-delà des mes différents masques qui s'empilaient et s'interposaient, jusqu'à mon engagement révolutionnaire, c'était lui.
    Autant dire que je m'en méfiai comme de la peste, et alors que je faisais un maximum d'effort dans les autres classes – maintenant que j'avais survécu à leur satané épreuve de survie – je me faisais discrète, très discrète... pas trop non plus, parce que je savais que ça, c'était le meilleur moyen de me faire remarquer.

    Mais difficile de berner des vieux loups de mer qui avaient l'habitude de voir des troupeaux défiler entre leurs mains, année après année. Il ne me restait plus qu'une poignée de jours avant mon départ, non, mon retour, retour vers une vie « normale » d'agent CP. Ça et un grand pomponage en bonne et due forme. Bref, la liberté m'ouvrait déjà ses bras quand le sol se déroba devant moi. Le Sergent Instructeur m'interpella, soit disant à propos d'un argument que j'avais avancé lors de la dernière discussion sur un texte de loi. Mais je savais bien qu'il tentait de m'asticoter. Il savait que je savais. Je savais qu'il savait que je savais. En un mot comme dans un autre, j'étais dans la merde absolue. Comment, pourquoi, ce type avait-il eu des soupçons à mon encontre ? Aucune idée. Car pour moi, ce n'était que des soupçons. Je ne voyais pas pour quel autre motif Hoobermind viendrait me parler.
    Ça ne pouvait pas être pour mon savoir, vu qu'il me dépassait, déclassait largement. Je n'imaginais pas plus qu'il pouvait avoir déceler plus de potentiel en moi que je ne lui en montrais, et qu'il voulait savoir exactement ce que je cachais derrière mon masque de poupée. Le « pourquoi » ne le préoccupait pas plus que ça. En fait, il pensait connaître la solution : une femme, notamment une « dame » issue de bonne famille, était généralement victime d'un lavage de cerveau selon lequel elle n'était qu'une jument reproductrice.  Pour lui, je souffrais donc d'un manque de confiance en moi, que j'avais partiellement levé en venant ici, au BAN, mais que je n'arrivais pas à surmonter entièrement. C'était gentil de sa part, de s'inquiéter ainsi.
    Extrêmement ennuyant aussi, parce que je ne pouvais plus me réfugier dans le rôle de l'adorable idiote qui ne savait vrai-ment pas de quoi on parlait. J'appris cette leçon de la façon la plus expéditionnaire possible. « Puisque que j'avais envie de jouer les dindons, que j'aille donc glousser devant le chef, histoire de lui expliquer pourquoi je prends l'instruction du BAN par dessus la jambe, et que sans bonne explication de ma part, il n'allait pas mettre une bonne appréciation à mon dossier ».

    Comme quoi, on peut être intelligent, et être un sale con en même temps.

    Je fus donc reçue quelques temps après cela par Kaiser Jugo, dit Prométhée, Commandant du BAN. O joie, bonheur. Déjà que je ne lui avais pas fait spécifiquement bonne impression pendant notre première entrevue – il y avait de quoi, ceci dit, vu mon dossier et le forcing que j'avais fait pour être reçue dans cette formation – voilà maintenant qu'un de ses plus fidèles « copains » m'accusait de ne pas m'investir.
    -  « Bonsoir Commandant. » Je saluai d'une voix calme et posée, tentant de prendre une attitude neutre. Avec un peu de chance, il aurait autre chose de plus urgent à faire et je m'en tendrais dite pour une beuglante de trois minutes. Après, s'il me sommait de m'expliquer, je devais avouer que je n'avais pas encore trouvé de ligne de défense qui se tenait. Est-ce que cette fois, j'aurais de la chance ?
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Dans son bureau, Jugo est un seigneur. Son bureau est une démonstration de discipline : parfaitement rangé. Deux colonnes de dossier sur le côté gauche, quatre escargophones sur le côté droit. Derrière lui sont encadrés les différents textes fondateurs du Ban ainsi que des photos d'illustres anciens élèves du BAN. Pour la plupart, il s'agit d'officier supérieur ayant prouvé leur supériorité à tous les niveaux. L'élite parmi l'Élite. Ils sont comme les veilleuses que les membres du BAN se doivent d'atteindre une fois sortis des murs impitoyables de l'institution. Toujours derrière, une solide commode en bois précieux contient les documents les plus secrets de l'organisation. Seul le commandant en possède la clé. Personne ne sait ce qu'elle contient, mais ces informations se vendraient à prix d'or à n'importe qui ayant de mauvaises intentions.

Assis sur une chaise de bois simple et peu confortable, Promethée transpire l'autorité. Jeune homme, il n'en est pas moins sévère. Ses traits ne laissent échapper aucune marque de bonté. Tout son être est entièrement consacré à être l'incarnation du BAN, l'organisation formant les marines d'Élites, véritable fer de lance de la marine. Respectée par tous, la rigueur qu'il applique est légendaire. Seuls les instructeurs peuvent se vanter de bénéficier d'un traitement de faveur. Jugo a entièrement confiance dans les officiers instructeurs. Il n'a pas hésité, par le passé, à virer ceux dont il n'était pas satisfait. Ainsi, chacun est entièrement apte à former les marines dans leur domaine respectif et sa confiance est totale.
Toutefois, cela ne l'empêche pas d'être colérique, même avec ses instructeurs. Alors que Shainess entrait dans son bureau, le commandant du BAN était en pleine discussion avec le sergent d'Élite Jango chargé, en particulier des interrogatoires. Moins qu'un interrogatoire, il s'agissait plus d'une mise au point musclé.


Non mais Jango … Tu sais ? J'en ai rien à faire de savoir si les bleusailles de la 7e escouades sont des bébés qui se sentent pas humainement capable de faire un interrogatoire efficace. Je veux qu'à la fin qu'ils soient capables de faire un interrogatoire efficace ! Démerde-toi pour en arriver là. Si t'es en charge de ça, c'est bien parce que je sais que t'en es capable, alors bouge ta sale trogne et fait ce que tu sais faire de mieux.

Ouais. Mais tu ne les casses pas. Ça fait de la paperasse et ça me les brise.

J'vais pas te materner, débrouille-toi !


Et il raccroche. Il regarde ses papiers quelques instants alors que Shainess se tient droit comme un piquet devant lui. Et puis, soudainement, il lève ses yeux. Et son regard transperce l'agent du Ciphel Pol, comme si en un instant, il pouvait savoir tous les secrets cacher de Shainess. Puis il détourne le regard vers ses papiers et l'atmosphère semble se réchauffer quelque peu.

Shainess …. Raven-Cooper.

Un semblant de sourire semble se dessiner. Puis un escargophone se met à sonner. D'un geste rapide, Prométhée décroche.

Ouais ?


Son visage redevient un instant colérique.

Rien à faire de ces conneries. Démerde-toi. T'es pas second pour rien.

Et il raccroche.
Il revient à Shainess, le visage redevenu imperturbable. Presque d'une voix douce en comparaison du ton qu'il a employé précédemment, il commence.

Le sergent Hoobermind m'a rapporté quelques discussions que vous avez eues. Je pense que vous devez savoir de quoi je parle...
Que pouvez-vous m'en dire ? J'aime avoir l'avis de chacun.


Sous-entendu que si la version de Shainess n'était pas la même que celle du Sergent instructeur, ça n'allait pas bien se passer.

      Bon sang, ce que je pouvais détester les gens comme ça. Tellement... énervant. Des claques qui se perdent ! Comment pouvait-on être aussi sûr de soi, autoritaire et je-m’en-foutiste en même temps ? Si encore il était une brute sans cervelle, mais non, il fallait que Môsieur le Commandant ait décidé de faire de la psychologie et fût un fin gardon. Là, c'est dit, je déteste le BAN !! nah !
      Et pourtant, je ne pouvais que les admirer. Si tous les marines étaient comme eux, ça irait mieux de part le monde. Difficile de croire que certaines des pourritures les plus putrides de la hiérarchie aient été formées ici. Mais qu'est-ce qu'il avait bien pu se passer entre le moment où elles quittaient l'ombre de ces murs, et celui où elles posaient leur main sur des galons dorés scintillants ? Ah, les mystères de la vie … M'ouais. Ben, là, maintenant, si les cieux pouvaient s'ouvrir et déverser leurs lumières sur les voies impénétrables, ça serait sympa.
      Parce que, là, maintenant, Kaiser attendait une réponse.
      Une bonne de préférence.
      - « Il se trouve que je n'ai fait qu'appliquer les leçons du Sergent Hoobermind : « ne jamais dévoiler son potentiel » et « ne pas attirer l'attention sur soi ».  » Je répondis d'un ton tout aussi calme que lui. « J'ai pu expérimenter ce que le BAN appelle formation. Je ne doute pas une seconde que nous sommes testés à chaque seconde, et ce jusqu'au dernier moment avant notre départ. Donc, oui, je suis d'accord avec le Sergent Hoobermind, je ne « donne pas le meilleur de moi-même ». Ou du moins, j'en donne l'impression. Avec succès, j'ai l'impression, puisque je suis ici, dans votre bureau. Et je viendrai même à douter que vous ne soyez pas dans le coup pour me tendre un piège et que vous avouer ma tactique revient à échouer le module. Tout ce que je peux dire, c'est que jouer les innocentes et naïves écervelées ne fonctionne pas avec le Sergent. »
      Pas besoin de rajouter 'et je prends l'instruction du BAN au sérieux'. Non seulement même-moi je trouvais ça pathétiquement lèche-cul – sur ce point, je peux être d'une hypocrisie totale et j'avais maintes fois eu la preuve que brosser l'égo des hauts dirigeants était une technique au rendement très rentable – mais aussi c'était totalement redondant. Si je n'avais pas été immergée dans mon entraînement, je ne serai pas en train de m'imaginer je ne sais quelle conspiration entre les instructeurs. Ou faire croire que je m'imaginais une conspiration. Huuum, sûrement encore trop simple pour le p'tit gars Prométhé. Il risquait très fortement de lire ce premier niveau. Dans ce cas, mettons-donc en place une seconde couche.

      - « Et puis, peut-être que je mets en application vos enseignements. Après tout, je suis une Cipher Pol. Moi aussi, l'information et l'enquête, la désinformation et l'enfumage, c'est mon domaine. Qui vous dit que je ne suis pas en train de tester la qualité de votre enseignement... sur vous, le BAN. Voir si j'arrive à vous tromper, et voir si ce que vous m'apprenez est réellement efficace. Qu'en dites-vous ?  »
      In fine... c'était un jeu dangereux, mais c'était à peu près le seul coup jouable. Essentiellement parce qu'il était fondé sur la vérité : j'étais une CP. A ce titre, j'avais des capacités que seul un idiot ignorerait. Ou alors, j'avais eu mon diplôme par piston, mais je n'aurai jamais tenu sur le terrain, et encore moins face au BAN. Je n'étais pas un jeune recruté encore mal dégrossi. J'étais aguerrie sur bien des domaines généralement étrangers aux membres lambda des forces d'élite. Mon explication tenait la route, et en fait, plus j'y pensais, plus je me disais que je venais d'avoir une bonne idée. Faire un rapport à la CP sur le BAN, à destination de mes chefs. Histoire de bien noyer le poisson sur le réel « pourquoi » de ma venue ici, et faire la bonne petite élève désireuse de cafarder les autres camarades. Quand j'avais dit que la flatterie n'était une méthode que je désapprouvais...

      Allez, soyons bonne joueuse, lançons même une troisième zone.
      - « Il se peut aussi je n'apprécie pas spécialement l'homme derrière le Sergent et que j'ai malgré moi laisser paraître mes émotions personnelles sur le champ professionnel... Bien entendu, je ne suis qu'une femme et une CP, donc je suis toute excusée ? Sauf que je suis une femme et une CP, et pas une débutante. Donc, peut-être que j'ai fait ça en toute conscience des conséquences, et ce pour me retrouver ici, dans ce bureau. Dans quel but, ça... »
      Et mon regard se fit autant pétillant que calculateur. Je venais de relancer de dix. Allait-il suivre ?


    Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Ven 8 Fév 2013 - 19:16, édité 1 fois
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    Ça parle. Ça parle beaucoup. Trois longue tirades s'étirant en longueur et rythmé avec une minutie toute militaire. Les arguments sont envoyés. Les sous entendus aussi. Les petites attaques. Tout y passe. Prométhée les reçoit sans broncher. Il les assimile une par une et les traite à la vitesse de l'éclair. En tant que Commandant du BAN, il sait juger aux mieux des discours et défricher la forme pour mieux cerner le fond. Il ne fait pas face à Shainess. Pendant qu'elle parlait, il s'est tourné vers la gauche, comme pour regarder l'extérieur par la fenêtre. Son visage, pourtant impénétrable, semble absent. Négligemment, il frotte les doigts de sa main droite contre son dossier comme si quelque chose le tracassait. Un instant, sa langue darde en direction de cet extérieur qui semble l'appeler. Alors que Shainess termine, Jugo regarde un instant la femme. Intensément. Une lueur étrange passe dans ses yeux. Puis il détourne encore son regard, de nouveau braqué vers l'extérieur.

    Intéressant...

    Les secondes s'écoulent. Une minute même. Personne ne parle. Personne ne bouge. Du fait de son enseignement récent, elle sait qu'il ne faut pas briser ce silence. C'est une des nombreuses règles du BAN. Ne jamais parler sans y être invité par l'officier en place, surtout quand celui-ci est le commandant. Sa promptitude à se mettre en colère fait passer l'envie aux petits rigolos de le tirer de ses pensées. Finalement, il revient vers Shainess, les mains croisées sous son menton.

    Ne jamais dévoiler son potentiel. Un précepte qui colle bien à Bobby. Toutefois, il est préférable qu'un subordonné dévoile tout son potentiel pour qu'il puisse être utilisé à son maximum par son supérieur, agent Raven-Cooper. C'est à ceux qui ne se dévoilent pas qu'on reconnaît les tirs au flanc qui se complaise à l'arrière alors qu'ils sont parfaitement capables d'être en première ligne. C'est une façon de penser qui ne va pas du tout avec l'esprit de l'élite. Ni même de la marine, cela va de soit.

    Et pour ce qui est de ne pas attirer l'attention sur soi, votre présence ici même montre bien que vous avez échoué.

    Pour le reste, fine analyse... Surtout que votre statut d'agent du Ciphel Pol ne colle pas exactement à l'idée qu'on se fait d'une jeune femme naïve. Je note vos piètres qualités dans les domaines du raisonnement. Un domaine dont le ciphel Pol semble n'avoir que faire.


    Une pique aisément reconnaissable à l'institution de renseignement du Gouvernement mondial. L'Élite et le Ciphel Pol sont davantage en concurrence que les autres institutions du fait d'une sélection accrue aux recrutements et de résultats demandés beaucoup plus importants. Le Commandant ne fait pas exceptions à la règle.

    Pour ce qui est de vos suppositions … fantaisistes...
    Je vais y revenir.


    Jugo décroche subitement l'un de ses escargophones. Mettant une jambe sur le coin de son bureau, il fait comme si Shainess n'existait plus.

    Henry ?
    J'sais pas si Garry t'as mis au courant, mais n'utilise pas le champ de tir numéro trois. La maintenance s'occupe de changer le matos. Prends le champ de tir numéro deux.

    Entrainement au bazooka ? Je prends note.

    En parlant de ça, j't'envoie la semaine prochaine un peloton à spécialiser en armes lourdes. Tu pourras prendre ta perm' après. C'est une demande urgente.

    C'est entendu. Bon Courage.


    Et il raccroche. Il reste encore un instant silencieux avant de se lever brusquement et de tourner un visage colérique, limite emplie de reproche vers Shainess. Il se dirige vers la fenêtre, les mains croisées dans le dos.

    J'ai davantage de poids que vous n'en aurez jamais. Une enquête sur le BAN ? Pathétique. Vérifiez vos informations avant de vous lancer dans des mensonges aussi gros. C'est moi qui organise ses enquêtes. C'est moi-même qui les demande. J'ai toute latitude pour faire exécuter les traitres supposés et les Ciphel Pol ne sont pas assez bêtes, je vous l'accorde, pour envoyer ces agents se faire torturer et exécuter par le sergent Jango.

    Il se retourne et revient à son bureau pour prendre un dossier dans l'un de ces tiroirs. Le nom de Shainess est clairement visible dessus. Le ton de Jugo devient sec.

    Vous n'êtes pas une femme. Vous êtes un agent. Vous êtes même une arme dévouée au Gouvernement. Je prends donc note de vos sensibilités exacerbées qui n'a pas sa place ici. Ma parole est d'or et je suis sûre que vos supérieurs seront d'accord avec moi pour vous faire passer quelques tests supplémentaires pour voir si vous êtes toujours opérationnel et sûr aux yeux du Gouvernement.

    Il note quelques mots sur une feuille avant de refermer le dossier.

    Ça sera envoyé demain.
    À moins que vous vous décidiez à me révéler les motivations qui poussent un agent du Gouvernement à se prétendre être ce qu'il n'est pas et jouer un jeu qui le desserve totalement.


    Le Commandant d'Élite passe de l'autre côté du bureau et vient se placer juste devant Shainess. Un mince sourire vient se glisser sur son visage.

    Qu'est ce que vous en dites, agent Raven-Cooper ?


    Dernière édition par PNJ Requiem le Mar 12 Mar 2013 - 19:20, édité 2 fois
        - « .. »

        Comme si sa stratégie de « je suis capable de faire plusieurs trucs en même temps et je ne t'accorde qu'un pourcentage minime de mon attention, sous-entendant que c'est juste ce que tu mérites » allait me faire friser. Au contraire. C'était... chou... Je me payai le culot de le regarder calmement, avec un petit sourire entendu aux lèvres, avant de faussement sursauter – en lui faisant bien comprendre que ce n'était qu'un faux sursaut, naturellement.

        - « oh, ah, c'est à moi, là ? Et bien entendu, il est attendu de moi de m'offusquer parce que vous avez insulté mon service et ma personne, tout en remettant en cause mes capacités ? » Je portai une main à mon cœur, comme si j'étais choquée. Mon regard de biche apeuré se fit soudain blasé. « Comme si vous étiez le premier à me tenir ce discours. D'autres ont fait bien pire. » J'eus une moue sceptique. « Je vais mettre ceci sur votre galanterie, car je m'attendais à mieux de votre part. » Et là, je vins m'asseoir dans l'un des sièges en face de lui, chose impensable sans autorisation de sa part. Je ne m'affalais pas pour autant, pas plus que je ne pris une pose de pin-up. Non, je fis appel à mes leçons de « dame ». Assise sur la moitié du siège, le dos bien droit, les épaules légèrement en arrière, les chevilles soigneusement croisées, avec juste les mains qui esquissaient des mouvements pour accompagner mes paroles.

        - « Premier point, je ne suis pas votre subordonnée, et donc votre ''Toutefois, il est préférable qu'un subordonné dévoile tout son potentiel pour qu'il puisse être utilisé à son maximum par son supérieur, agent Raven-Cooper''... » Par là-même, je cherchai à lui faire comprendre que je me souvenais de l'intégralité de nos échanges, à la virgule près, et qu'il ne devait vraiment pas me sous-estimer. « Oui, votre discours en devient totalement caduque. D'autant plus, je me suis donnée à fond, vous le savez parfaitement – vous y avez veillé, sans discrimination, mais nous savons que je n'ai survécu à la formation qu'en me donnant à fond. Donc je ne suis pas une tire-au-flanc. Et j'ai été sur le front. J'ai même capturé un dangereux révolutionnaire. Quant à l'esprit de la marine ou de l'élite... »

        J'agitai ma main comme si je chassais une mouche, une chose non essentielle.
        - « Il se trouve que je ne suis ni l'une, ni l'autre. Juste un agent Cipher Pol. Un agent du renseignement, spécialisée dans les affaires de la section 5. » Je haussai un sourcil d'un air blasé. Ça voulait tout dire, et en rajouter serait redondant. C'est comme dire d'un loup qu'il aime la viande ou d'un pigeon qu'il savait voler. Mais puisque le jeu du moment était d'enfoncer les portes ouvertes... Enfonçons... « Donc, nous sommes bien d'accord, je n'ai pas fait ça par hasard, mais exactement parce que je voulais me retrouver dans votre bureau, avec une excuse valable pour. Sur ce coup, même vous devez avouer que j'ai réussi à piéger le Sergent, à moins qu'il ne soit dans le coup lui-aussi, ce qui veut dire que vous avez une raison de me voir ici. Donc que nos premières passe d'armes sont des tests et qu'on est en train de perdre du temps. »

        Petite pause pour reprendre mon souffle et le laisser digérer tout ça. Et me laisser le temps de construire mon prochain coup. Puisqu'on était en train de perdre du temps, pourquoi rechigner à l'effort. Ah, et il y avait eu de la colère en lui. Oh colère.. Un bon point pour Shaïness ! Bientôt j'aurai droit à une image ! Et son jeu de menace, instrumentalisé à la perfection, avec mon dossier, la note mystère – combien je vous parie qu'il a inscrit un truc du genre « ne pas oublier le lait » ou « elle parle trop » - et le sourire convenu. Admirablement bien fait. Un timing impeccable. Pour un peu, j'aurais applaudi. Entre maîtres du grand art, il faut s'encourager. A partir de là, ma stratégie était claire.

        - « Je ne relève de tout votre discours que vous ignorez bien des choses sur le Cipher Pol. La Marine n'intervient en aucune façon dans le fonctionnement des CP. A moins que vous ne pensiez être au dessus de tout contrôle ? Intouchable ? Ou tellement parfait ? » Œillade glissée de ma part, pour lui signifier que je n'avais pas fini, mais qu'au jeu de « je t'insulte sans le faire », moi aussi, je connaissais les règles. « Je suis un agent assermenté de terrain. J'ai toute liberté d'agir comme bon me semble. J'appartiens à la section 5. C'est ma mission, que d'être un électron libre. Je peux techniquement exiger de passer en revue cette base et vous devriez m'ouvrir toutes les portes, y compris celui de votre armoire et de votre tiroir à chaussettes. Je suis responsable de mes actions, et je n'ai de compte à rendre qu'à mon supérieur, qui n'est absolument pas vous. Rei Yakutsuki sera ravi d'apprendre qu'il est sous vos ordres. Ceci dit, je confesse volontiers que je me ferai taper sur les doigts et plus encore si je devais abuser de mon autorité en « abusant » de votre hospitalité. C'est toute la nuance entre « pouvoir » et « faire ». Un petit quelque chose appelé « connaître sa place », « ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre ». Certains appelleraient ça aussi « un sens aigu de la justice qui ne se contente pas d'accepter le poids d'une hiérarchie et d'un système vérolé par la corruption, les passe-droits et les égo ». A moins que vous ne me testiez encore pour savoir si j'étais réellement assez stupide pour ne pas connaître l'organigramme de mon propre service, bien entendu. »

        Là, j'avais lancé l'hameçon. Et plus encore.
        - « Et à mon grand chagrin de vous décevoir, je vais devoir insister : je suis une femme. Entre bien d'autres choses. Je ne suis pas juste « un agent ». Je ne deviendrai pas une machine sans cerveau qui obéit et rien que ça. C'est ce qui fait la différence entre beaucoup d'agents. Ceux qui obéissent, parce qu'ils ne savent rien faire d'autre, et ceux qui obéissent parce qu'ils savent que l'ordre est juste et légitime. Sinon... on peut se retrouver avec des cas de marines ou d'agents qui trucident un village entier sous les ordres d'un supérieur, qui n'agit que pour se venger d'une femme qui lui aurait résisté dans ses tentatives de séduction. »

        Je faisais clairement allusion à un des scandales internes les plus récents (1).  « L'incident » - personnellement, j’appelais ça un drame – avait été soigneusement étouffé. En sa qualité de chef du BAN, il était forcément au courant. D'ailleurs, je m'interrogeai pour savoir si ses équipes n'avaient pas trempé dans les suites données : punition des coupables, effacement des preuves, etc. Par contre, moi... A mon niveau, il était assez peu probable que j'eusse eu accès à ces données. Sauf si j'avais un réseau personnel d'information – ce qui était un prérequis pour n'importe quel agent dans le renseignement, CP, Marine ou autre – ou si j'étais bien considérée par ma propre hiérarchie. Hiérarchie qui croirait tellement en moi et en mon potentiel qu'elle m'enverrait ici, au BAN, pour recevoir le nec-plus-ultra des formations terrain.

        Mon regard se fit décidé, mais toujours doux. Je voulais qu'il comprît que son petit jeu ne m'émouvait pas plus que ça, mais j'y participais de bon cœur.
        Chacun de mes mots était fondé sur suffisamment de vérité et de réelle conviction pour que la part de mensonge passât inaperçue, ou plutôt, intraçable. Tout ça, simplement pour le convaincre que oui, je portais un masque, que je jouais un jeu, que j'avais un objectif précis en tête, que je savais qu'il avait lu clair dans mon jeu et moi dans le sien. Hé, oui, il fallait toujours respecter les règles, sous peine d'être disqualifié. Tout ceci nous faisait tourner en rond, mais c'était comme ça. Mais maintenant que le prélude avait été joué – avec brio, grâce au talent de mon opposant – nous allions attaquer le gros du sujet.


        - « Nous avons donc un agent compétent et sûr de lui, femme – belle et intelligente de surcroît – motivée, plutôt dur à cuire dans son genre. En face, le chef du BAN avec une réputation irréprochable de force et de détermination, doté d'une intelligence supérieure, bien supérieure à ses congénères de la bande des gros bras... Non, je ne vous complimente pas, j'expose un fait, et nous le savons tous les deux. Nous savons que je veux quelque chose de vous. Je ne pense pas que vous avez encore compris quoi, même si vous avez une bonne idée de la direction que je voudrai que cette conversation prenne. »
        A mon tour, je tournai le regard vers la fenêtre, alors que je l'avais pour le moment, toujours fixé. Et je repris la parole sans revenir sur lui, comme si l'individu ne m'intéressait pas.
        - « Je vous teste, Commandant. Je vous l'ai pourtant dit dès mon arrivée. J'ai besoin d'obtenir la réponse à une question vitale au succès de ma mission, et pour cela, j'avais besoin de vous me preniez réellement au sérieux. La question que je vous pose est désormais simple : « savez-vous ce que je voulais tester chez vous ? » Bien entendu, vous pourriez me rugir de sortir de votre bureau et me saquer avec une note assassine sur mon dossier. J'aurais échoué dans ma mission, mais aussi ma carrière. Mais je crois que j'ai réussi à vous intriguer – à défaut, vous énerver – et vous n'êtes pas homme à refuser un défi. Surtout que, et je le répète, vous êtes en position de force par rapport à moi. Commandant du BAN, simple agent terrain... une parole pèse plus que l'autre... » J'avais fait un mime de balance avec mes mains, avant de m'enfoncer pour de bon dans mon siège, les coudes sur les accoudoirs, et les doigts qui se rejoignaient à leur extrémité.

        - « Ah, et je sais que je ne vous apprends rien, mais je pense que vous le dire permet d'ôter encore une couche de doute et de méfiance, j'agis de ma propre initiative. C'est une mission personnelle, et non un ordre de ma hiérarchie. Quelques me diraient bête de l'admettre, mais comme vous le savez parfaitement, autant jouer cartes sur table. Ce n'est pas comme si vous aviez beaucoup à perdre, contrairement à moi. J'ai quasiment fait tapis. Il ne me reste qu'assez de jetons pour que d'un commun accord, nous décidions que cette conversation n'a jamais eu lieu. Sinon, je gagne, ou je perds... Donc, malgré mes dires, ce n'est pas un jeu. Je suis mortellement sérieuse. »

        (1) [HRP : totalement inventé de ma part].
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      Jugo, confortablement assis dans son fauteuil, note. Un crayon à la main, il griffonne sur un petit carnet qu'il a sorti de l'un de ses tiroirs. Il note avec frénésie. Il n'a pas besoin de tout noter. Il garde en mémoire tout ce qu'elle dit. Il garde même en mémoire les déductions qu'il fait de ces paroles. Une lueur macabre s'est allumée dans le fond de son regard ; le destin lui a mis un défi sur sa route. Il se doit de le relever. Frappé dans son orgueil, il se doit d'être brillant. Comme toujours. Pendant tout ce temps, son visage change à plusieurs reprises d'expressions. La colère. La joie. Le mépris. L'interrogation. L'indifférence. Qu'importe les visages, son regard est resté le même. Prométhée est en éveil. Shainess a réussi à attirer son regard et à le sortir de sa semi-torpeur de commandant engoncé dans le morne quotidien de la direction du Ban.

      La verve fantastique. Les arguments jetés implacablement. Les sous entendus. Les menaces. Le ton présomptueux, parfois doux, mais toujours convaincu. L'agent du Ciphel Pol cumule de nombreuses qualités comme autant de défauts. Le mensonge. La stupidité liée à son absence de connaissance, ou plutôt, sa faible connaissance des choses comparées aux moyens de Kaiser Jugo. C'est comique. Et c'est dans ces instants que le commandant se fend d'un sourire moqueur. Si elle savait… Mais elle ne sait pas. Et c'est là qui donne tout le plaisir de cette situation. La voir s'avancer sur un fil, plongeant dans les ténèbres où un seul faux pas peut mener à la fin. Le marine s'en délecte. Fugacement, le bout de sa langue passe sur ses lèvres tandis que son regard se fixe sur une Shainess complètement exposée, avouant à la face du commandant que tout est de son fait. Rien n'est de ses supérieurs.

      Lentement, Jugo se lève. Il fait le tour du bureau, prenant le dossier de Shainess dans l'une de ces mains et le fait passer dans l'autre tandis qu'il se place face à Shainess, la contemplant d'un air supérieur et autoritaire.

      Votre dossier... je peux y accéder.
      Par contre, vous ne pourrez jamais accéder au mien.


      Il dépose le dossier sur son bureau et se penche vers Shainess. Ses mains viennent se poser sur les poignées de l'agent et les entourent de ses longs doigts. Il serre. Suffisamment pour qu'elle ne puisse rien faire. Il se penche. Son regard a pris une teinte sournoise. Son visage s'approche de celui de Shainess ; encore un peu et son nez auraient pu toucher celui de la jeune femme. Yeux dans les yeux, Jugo susurre tout doucement.

      Vous… ne savez pas… qui je suis…


      Il y a quelque chose d'étrange dans ses mots, comme s'il avoue son inhumanité. Ou plutôt, qu'il avoue lui même ne pas savoir qu'il est. Son regard s'abaisse, un instant ; son sourire s'élargit. Il relâche la pression de ses mains et se relève. Rapidement, il revient à sa place. À la manière d'un adolescent, Jugo pose ses pieds sur son bureau tandis que sa main plonge dans l'un de ses tiroirs pour en sortir quelques bonbons.

      Tapis ?
      Un véritable tapis, alors.
      Parlez.

      Si vous arrivez à vos fins, que j'arrive à accepter vos motivations personnelles ; rien ne figurera sur votre dossier. Ce sera… comme si rien ne s'était passé.
      Par contre, à l'inverse, je serais malheureusement obligé de prendre des mesures envers votre délicate personne. Ce serait… fort dommage.

      Quand on joue tapis, on met tout. Si vous pensez vraiment me convaincre, vous n'avez rien à perdre. Si vous en doutez, je ne vois même pas pourquoi vous avez tenté la chose…


      Il se mit à rire. Un ricanement.

      Je vous écoute.

      Les mains jointes sous le menton, Jugo observe. Oh que oui, il est intrigué. Il n'attend qu'une seule chose. Qu'elle y aille à fond. Le contraire serait une telle déception pour lui ...
          Je vais avouer que là, j'avais eu une des plus belles peurs de ma vie. Non pas la peur qui fait battre le cœur à toute vitesse, la panique qui vous pousse à partir en courant et en glapissant comme un lapin. Non pas la peur que tout soldat connaît sur le champ de bataille, celle qui inhibe toute pensée autre que l’instinct de survie. Cette peur, je l'avais expérimenté lors des deux attaques des QG.
          Non, là, dans le confort relatif du bureau de « Prométhée », j'avais éprouvé la peur terrifiante, celle qui fige la biche dans les hautes herbes lorsque prise dans le faisceau de la lampe. Celle qui fait que tout se résume uniquement à la menace mortelle devant vous, coupant le son, réduisant le champ de vision. Je suivais des yeux chaque mouvement fait par Jugo, avec un air sûrement idiot. La peur m'anesthésiait.

          Lorsqu'il se pencha pour prendre mes poignets, je crus un moment qu'il allait m'attaquer, m'attraper physiquement pour me balancer par la fenêtre. Et cette menace, beaucoup plus précise et immédiate que le sentiment de puissance qu'il m'avait imposé quelques instants plus tôt, canalisa le trouble en moi. Après une respiration un peu plus profonde que les autres et une déglutition nerveuse – nul doute que Kaiser n'en eût raté la moindre miette – j'étais de nouveau maîtresse de moi-même. Mon cœur qui s'était arrêté revint à rythme normal et je pris le temps de juger en de bonnes conditions les options qui s'offraient à moi suite à la réponse du Grand Chef.

          - « En effet, je ne sais pas qui vous êtes. Pas plus que vous savez qui je suis. Si la lecture d'un dossier suffisait à connaître quelqu'un, ça se saurait depuis bien longtemps. Et vous avez raison : je ne peux pas avoir accès à votre dossier. Vous n'êtes pas suffisamment gradé pour. »
          Et toc. Bien entendu, je faisais référence à mon frère aîné, chargé de la gestion des carrières des officiers supérieurs de la Marine. La famille Raven-Cooper se serrait des coudes, et je savais que Jeremiah ne verrait aucun inconvénient à me fournir toutes les informations que je demanderai, pour que cela excluait d'envoyer la copie intégrale d'un dossier. Un peu de déontologie bien entendu. Personnellement, j'étais prête à lui rendre la pareille, à l'exception notable de la « protection » que j'accordais à certaines données sensibles. Du type révolutionnaire.
          Et je n'imaginais pas un instant que Kaizer ignorait l'existence de Jeremiah. Sinon, il ne méritait pas sa place ici. J'enfonçais donc une porte ouverte, et j'aurais pu garder le silence car parfois, le non-dit avait autant de poids que les mots. Toutefois, Jugo m'avait demandé de dire la vérité, toute la vérité... Enfin, presque...

          - « Bon, je vais tout de même pinailler. Plus pour l'esprit qu'autre chose. Faire tapis, ce n'est pas monter ses cartes. Vous n'avez pas payer pour voir. Vous m'avez menacé... mais soyons franc... qu'allez-vous mettre sur mon dossier, si jamais je devais me lever et quitter votre bureau à cet instant ? Que je suis louche ? Que je cache quelque chose ? Qu'il faut me surveiller ? Croyez-vous vraiment que ces informations sont de nature à surprendre qui que ce soit ? Je suis un agent Cipher Pol, dois-je encore le répéter ? C'est dans mes attributions que d'être louche, de cacher de l'info et d'être à surveillé. Nommez-moi un seul CP, toutes unités confondues, qui ne corresponde pas à cette description, je vous prie. »
          Il ne le pouvait pas. De mémoire d'homme et même un peu plus, les Cipher Pols étaient tous au mieux bizarres. C'était sûrement pour ça que, à tout bien considéré, je m'y sentais si bien. Quoi ? Je n'avais jamais dis être normale. Vous en connaissez beaucoup, des personnes aussi belles qu'intelligentes, aussi chiantes et manipulatrices, que moi ? Non, pas vraiment. Ben voilà, vous savez tous. Et Kaiser aussi.

          - « Mais je ne suis pas comme nombre de personnes du Gouvernement. J'inclus les marines et les administratifs dans mon discours, pas que les CP. Contrairement à beaucoup de « la grande famille », j'ai des valeurs. Inculquées par ma famille en partie, forgée sur le terrain pour la plupart. Vous pouvez me traiter de petite fille idéaliste croyant au chevalier en armure étincelante sur canasson blanc, mais je crois en la nécessité d'un corps mondial entièrement dédié à ses missions de protection et de régularisation. Par exemple, j'envisage de rejoindre le CP3 ou CP4. » Là, c'était dit. On ne pouvait pas être plus clair. Sans me départir de mon attitude calme, presque nonchalante, je rejetai une longue mèche de cheveux par dessus mon épaule – sans regarder l'état de mes points, sous peine de défaillir après avoir poussé des cris d’orfraie – et plantai mon regard dans le sien. - « Mais si j'ai des valeurs, je confesse que je souffre d'un mal très commun parmi nous tous. J'ai un ego assez sur-dimmensionné. J'aime terriblement qui je suis et ce que je suis devenue, sans parler de ce que je vais devenir. Et il me repugne fortement – très fortement – de devoir cohabiter avec des hommes et des femmes sans valeur, sans morale, qui n'hésitent pas à trahir et à se parjurer. Encore une fois, je dois vivre au pays du bonheur, mais quand j'ai prêté serment lors de ma cérémonie d'entrée puis à celle de ma titularisation, je pensais chacun des mots prononcés. Je le pense toujours. Et je ne suis pas assez hypocrite pour fermer les yeux sur le paradoxe que nourrit le Gouvernement «  traquer des pirates ou des révolutionnaires, pour les crimes commis, sans commencer par arrêter ceux qui en commettent en son sein. » Si j'ai demandé à faire un entraînement BAN, c'est essentiellement pour être capable de faire le ménage. Et peut-être trouver des alliés dans cette croisade sûrement insensée. Car voyez-vous, je ne vois pas l'intérêt de commencer à nettoyer devant moi, si derrière moi, la pourriture revient sitôt engagée ou formée... »
          Je m'arrêtai là. Tapis, avait-il dit. Un coup, peut-être deux. Pas « je veux voir l'intégralité de votre stratégie ». Ce qui m'arrangeait, parce que pour le moment, je n'avais que les grandes lignes, les principes. Je savais juste que j'avais deux volets : le premier concernait l'interne, le second, l'intégration de la révolution actuelle dans un mouvement moins violent. C'était parce que je manquais de fondements et d'informations que je recherchais le soutien du BAN. Pas folle la guêpe... même si j'étais plus dans le style papillon, récemment... M'enfin, c'était la vie et c'était surtout à Jugo Kaiser de me répondre... et de décider du reste de mon existence...
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        Un égo assez surdimensionner. Jugo ricane un instant à ces mots. C'est une analyse très juste. Il ajouterait même l'insolence pour que ça corresponde parfaitement. Les mains jointes, le commandant écoute et assimile. Les petits pics de Shainess ? Il ne les entend même plus. Ce n'est que des réactions puériles dignes de la petite fille insolente qu'est l'agente. C'est l'idée que Prométhée s'était fait jusque-là. Au travers de visage attentif, il cherche principalement à cerner les motivations secrètes de Shainess. Au travers des mots, que veut-elle dire ? Qu'avoue-t-elle sans le vouloir ? Les yeux aussi minces que des fentes, le commandant du BAN observe. Et puis il observe, plus grand est le nombre de détails à s'empiler pour motiver une petite séance d'endoctrinement. Au cas où.

        Il sourit et son regard se fait perçant.

        Une leçon de morale au Gouvernement Mondial ? Rien que ça ?
        Ce n'est plus un égo surdimensionner que vous avez là. Faites attention.


        Vous ne voulez pas fermer les yeux… Et sinon quoi ? Vous allez crier et taper du pied ? Si vous avez quelques commentaires à émettre sur la façon de faire du Gouvernement Mondial, je vous propose d'aller les voir directement. Je suis sûr que vous et vos relations serez d'un poids énorme pour les convaincre de leurs erreurs. Si si ! Je vous assure.

        Rah. Et voilà que Prométhée continue à user de pics et d'ironie. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. Cela semble l'irriter. Il se remet debout d'un coup et ses poings frappent son bureau. Le visage vers le bas et les yeux hauts, il fixe.

        Dites-m’en un peu plus ? Qu'est ce que vous reprochez à l'Institution ? Au Gouvernement ? Des crimes ? Quels genres de crimes ? Je serais ravie de pouvoir en savoir plus. Qu'est-ce qui te met hors de toi, ma petite ?


        Le tutoiement lui échappe. Il n'y fait pas attention. Ses yeux se font avides. Avide de connaître les détails de son exposé. Avide de pouvoir statuer sur son sort, d'abuser de son pouvoir. Mais pas que. Son orgueil est touché. On accuse le BAN ? On accuse l'élite ? On l'accuse donc. Prométhée a une telle estime de l'élite qu'il ne peut concevoir qu'elle soit criminelle.
        À ses yeux.
            Je pris une grande inspiration, pour contrôler les nouvelles vagues de peur qui déferlaient sur moi. Tudieu, ce que M. Kaiser pouvait être susceptible, et il avait la susceptibilité effrayante. A se demander comment il avait hérité du surnom de « Prométhée » et non pas de « Carnage » ou « Fury » ou je ne sais quoi encore. Raaah, pourquoi est-ce que je pensais à ça, moi ? J'avais autrement plus pressé, comme considération actuelle.

            Prenant une poignée de seconde pour me rappeler ce qui avait été dit et sous-entendu, au risque de provoquer un nouvel accès de colère de la part de Pro-pro l'excité devant mon petit silence, je décidai de répondre avec autant d'affront que de force. Il voulait des réponses, non ? Et il ne m'avait pas encore foutu dehors ? Alors, il allait avoir droit à la vérité. Pas forcément toute la vérité, mais une bonne partie.

            - « Là, maintenant, tout de suite, ce qui me met hors de moi, Commandant, c'est le dénigrement de mon action. Comme si un individu ne suffisait pas à faire changer les choses. Je sais très bien que toute seule, je peux rien contre les faiblesses du système. Pour autant, vous voudriez que je ne fis rien, détournant mon regard, sous prétexte que je ne suis pas assez gradée ? Pas assez forte ? Hé bien, je vais vous dire : vous me dégoûtez, Commandant. Vous êtes donc bien et bien un lâche et un individu bien veule, tapi bien tranquillement depuis son fauteuil, tournant un œil aveugle sur la déchéance de l'Institution. C'est à cause de gens comme vous que les erreurs et les faiblesses de quelques se sont multipliés.  »

            Oh, là, il était sur le point d'imploser. Mais je ne lui laissais pas le temps de parler. Je haussai un tout petit peu le ton, toujours carrée dans mon fauteuil. Seuls les tremblements de mes genoux – et de mes jambes, je suppose – trahissait la peur et la colère qui m'abritaient, et me poussaient à agir aussi effrontément.
            - « Je vous ai déjà dit, ce que je voulais faire ! Et non, ce n'est pas taper du pied et faire un caprice, ou même me plaindre auprès de ma famille. Je vais devenir forte. C'est bien pour ça que je suis venue ici, non ? M’aguerrir ? A moins que vous n'avouiez de vous-même que ce sont des tas de lopettes qui sortent de vos rangs. Donc, oui, je vais devenir forte. Et je vais monter en grade. Je ne cache que cette ambition n'est pas forcément totalement altruiste. Je ne suis pas une égérie de droiture, une passionnata d'une croisade idéaliste. Mais je crois suffisamment en la notion de « bien » et de « morale » pour qu'au moins, moi, je fasse un boulot acceptable. Quitte à avoir des chefs, autant que cela soit moi. Après tout, on n'est jamais mieux servir que par soi-même. »

            Je m'arrêtai là, à bout de souffle et surtout, peu désireuse de continuer à débiter des proverbes et autres petites phrases de moindre intérêt. Je rajoutai cependant, presque en un murmure :
            - « Forte et ambitieuse, mais pas seule. Je vous ai dit que je cherchais à m'entourer d'alliés. »

            Cette fois, je me levai, pour venir me servir un verre d'eau depuis la bouteille posée sur une petite table dans un coin du bureau. Un décanter à vins et une carafe qui semblait contenir du cognac ou du whisky – en tous les cas, un liquide ambré – se tenaient à côté, sans la moindre trace de poussière sur la surface des verres. Soit une utilisation régulière, soit un service de ménage efficace. Après avoir soulagé ma gorge un peu à feu force de tant de paroles, je me tournai vers lui, l'air un peu moqueur.
            - « Comment ça, ce que je reproche au Gouvernement ? Êtes-vous débile en plus d'être aveugle ? Comment pouvez-vous, vous le Marine d'élite, ne pas être révolté par le fait que le Gouvernement soit obligé de recourir à des Capitaines-Corsaires pour régler la question de la piraterie !! L'idée même d'une amnistie de vous révulse-t-elle donc pas ? Le fait que nos propres chefs préfèrent donner le droit de massacre à des criminels notoires plutôt que de renforcer les moyens donnés à la Marine et aux Cipher Pol ? Les pirates... peut-être une centaine ou deux, qui naviguent sur les Blues et Grand Line. Oublions le nouveau monde. Mais ici, dans « notre » territoire... Comment ne pas être honteux de voir que jour après jours, ces hors-la-loi nous mènent par le bout de notre nez. J'ai vraiment du mal à croire que depuis tout ce temps, le Gouvernement n'est pas réussi à éradiquer cette menace. A se demander s'il le désire réellement. Les pirates, ça détourne l'attention de beaucoup de choses. Ou pire encore... le fait qu'après tant d'années, il existe encore un noyau de pirates aussi dur. Certes, il existera toujours des hommes fous à lier et des sanguinaires, autant des utopistes aventuriers. Mais la plupart des hommes et des femmes aspirent à une vie douce et tranquille. Or, quand on lit les rapports d'Impel Down... combien de ces pirates ont confessé avoir renié toute patrie et morale parce que le Gouvernement les avait trompés et meurtris ? Comment ne pas prêter foi à ces cris de détresse qui montent de plus en plus ? »

            Posant mon verre, je marchai jusqu'à son bureau, où j'appuyai mes mains pour venir me pencher vers lui. Nos visages étaient à peut-être moins de cinquante centimètres l'un de l'autre. Ma voix se baissa à n'en devenir qu'un chuchotis.
            - « Vous voulez des preuves ? Je suppose que mes paroles d'avant n'ont pas suffi. Alors écoutez-moi bien. Moi, Shaïness, petite CP mal gradé, ait vu de mes propres yeux la trahison et la cupidité. A Shell Town, une base d'East Blue. Un ancien commandant a juste exploité une partie de la population pour ses propres fins et a laissé le premier prototype du Lévianthan être détruit. Au QG de North Blue, j'ai assisté à la défaite de tout un QG contre une simple bande de pirates. Ils étaient peut-être forts, mais nous aurions dû l'être plus encore. A se demander comment les Guns ont pu si facilement s'échapper, si ce n'était qu'avec une complicité extérieure... Deux des membres du CP5 ont trahi à ce moment. Comment est-ce possible ? Le CP devrait être d'une loyauté sans faille. Comment aussi ne pas se demander comment le mouvement de la révolution a réussi à échapper au traquenard de South Blue, alors qu'il y avait une concentration de Marine au mètre carré défiant toute concurrence. Des faits, il y en a tous les matins. L'action des Sea Wolfs sur la quatrième voie, avec la corruption des hauts-placés par Drake. Toutes ces rumeurs sur la marine d'élite qui recruterait sans distinguo de passé. Nous savons très bien que passé un cap, les ragots sont forcément écho d'une certaine vérité. Et encore une fois, je vous rappelle le massacre de Grasshoper Town (1). »

            Je le fixai droit dans les yeux, m'étonnant en moi-même d'être encore capable de parler. On aurait imaginer qu'à ce point, je me serais évanouie de peur , ou de honte d'avoir faire pipi dans ma culotte ou juste d'un magistral pain dans la figure. Finalement, il se contrôlait bien, le coco Pro-pro.
            - « Après avoir mené mon enquête ici, et survécu à votre entraînement de taré, je pense que vous n'êtes pas un traître, ni un lâche. Personne ne vous avait réellement parlé de ce qui se passe hors de ces murs, lorsque les années ont passés et que vos leçons ont été oubliées. Je ne remets pas en cause la qualité de votre enseignement, ni votre discipline. Mais j'ai besoin que vous arrêtiez de vous mentir ou d'avoir peur. Il faut s'y faire : la Marine et le Gouvernement sont corrompus. C'est un fait. Certains éléments ont « juste » succombé aux vices les plus humains, comme la cupidité ou l'ivresse du pouvoir. Ceux-là, ils existeront toujours. Mais parce que d'autres ont sciemment trahi le code moral du Gouvernement, ils ont pu survivre et prospérer. Des hommes et des femmes, à tous niveaux, travaillent pour pourrir les rouages de l'institution, pour leur propre bénéfice en se souciant aucunement des conséquences de leurs actes. Pire encore, certains luttent depuis l'intérieur pour changer ce en quoi je crois en une tyrannie, où l'uniforme devient un outil d'oppression, d'abus et de torture. Et on s'étonne après que des révolutionnaires veulent la fin du Gouvernement ? Moi, je ne m'étonne plus. Mais je ne vais détourner les yeux, ou craindre pour ma carrière ou ma vie. Je vais lutter, même si je dois m'opposer à la hiérarchie, même si je dois découvrir que mes frères et mon père sont de ceux contre qui je lutte. Mais je sais aussi que si j'y vais comme ça, droit devant, je vais être une morte anonyme de plus. J'ai besoin d'hommes et de femmes vaillants, qui partagent mes convictions et la vision d'un Gouvernement, d'une Justice et d'une Marine droite et égalitaire. Des gens qui pourront enquêter sur les travers, qui feront ce que je fais, mais de leur côté. Oui, j'ai besoin de votre aide, Kaiser. En tant que Commandant du BAN, mais aussi en tant qu'individu. Vous formez les futures générations de l'élite. Vos paroles ont un poids et sont écoutées. Alors oui, je le redis, j'ai besoin de l'aide du BAN et spécifiquement de la vôtre. Allez-vous m'aider ?  »


            (1) : cf. les rumeurs « La Marine de la 4è Voie de Grand Line » et « L'élite et les forbans » + toujours le même événement que j'ai inventé pour le besoin du RP, mais qui a « réellement » existé, quelque part dans un village des Blues.
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          Il est resté impassible. Seuls ses yeux ont changé. Froid. Sans pitié. Une fois que la parole lui est laissée, Promethée pose les mains sur son bureau.

          Vous aider ?
          Je vais d'abord vous aider à recentrer ma position actuelle.


          Il la regarde, droit dans les yeux.

          Actuellement, je ne vous laisserais pas sortir vivant de cette salle. Ou plutôt de cette base. Je ne vais pas me prétendre supérieur au point de vous tuer en un instant.


          Il sourit. Un sourire macabre, comme si la pensée de la tuer le réjouit.

          Assaillez-vous. Je ne vous ai pas autorisé à vous lever et quoiqu'il se soit dit en cette salle, je reste le commandant de cette base et vous devez obéir à mes ordres. À moins que vous ne jugiez que cette décision va totalement à l'encontre de vos principes et qu'il démontre parfaitement la profonde corruption qui m'habite, car j'abuse de mon pouvoir ?

          N'est-ce pas ?


          D'un geste, il montre son siège. Son visage n'exprime qu'une seule chose. Elle désobéit. Il tue. Shainess n'est pas suicidaire. Satisfait, Prométhée prend un temps pour la réflexion. D'une main, il regarde quelques feuilles d'un air distrait. Il prend un coupe-papier et le manipule dans ses mains. Brièvement, une lueur assassine brille dans son regard tandis qu'il empoigne l'arme. Mais il la repose.

          Je pourrais vous dire « mais encore », histoire de pouvoir connaître tous vos arguments, mais j'ai déjà suffisamment de choses à dire.
          Par où commencer ? ?


          Je pourrais vous rétorquer que si vous me trouvez dégoutant ; ce qui me gêne un peu, il faut l'avouer, puisque je fais tout de même attention à être élégant ; moi, je vous trouve admirable. Si si. Vraiment. Magnifique. Grandiose. La situation ne serait pas si problématique, je me serais permis d'applaudir.

          Être si franche avec un discours qui ferait pâlir de jalousie un Maréchal de la révolution. Ça me fait quelque chose.


          Un instant de pause. Puis Jugo est pris d'un tressautement et se penche davantage vers Shainess, la tête penchée sur le côté. Malgré le comique de la situation, il est sérieux. Il n'a jamais été autant sérieux.

          Le gouvernement mondial est corrompu ?
          Vous vous trompez.
          Il n'est pas corrompu. Il est juste ce qu'il a toujours été. Le Gouvernement mondial n'est pas parfait. Aucune organisation aussi importante ne sera parfaite. C'est une organisation ancienne qui domine et régit de nombreux royaumes. Mais les hommes restent des hommes. Les hommes sont attirés par le pouvoir. Quand je dis hommes, je dis aussi femme. Nous sommes tous pareils. Rares sont ceux à mener entièrement leur vie sans satisfaire leur désir et faire preuve d'injustice. Ce sont des cas uniques. Ne notez que je ne dis pas jamais. Il y'en a. certainement. Même le plus innocent des individus fera ce que bon lui semble au détriment de ce qui est bon pour la société. C'est un fait. Nous sommes faits ainsi.

          La corruption que vous décrivez, ce n'est que les travers d'un gouvernement qui repose sur ces principes. Après, il faut voir le bon côté des choses. Certes, il peut avoir quelques débordements. Quelques petites choses guère appréciables. Mais le gouvernement agit pour un monde en paix. Les pirates et les révolutionnaires le desservent. Il veut vraiment les détruire. Et en détruisant ces nuisances, le monde s'en portera mieux, avouez-le.

          Par contre, la marine n'est pas corrompue. Il y a certainement des agents qui sont corrompus. Comme tout homme. Mais pas dans son ensemble. En disant qu'elle est corrompue, vous insultez l'honneur de dizaines de milliers d'engagés volontaires qui ont fait cela pour protéger leur famille, leurs amis et leurs valeurs. Tous corrompu ? Non. Les marines ont des valeurs. Les marines luttent contre la piraterie. À tort, ils sont parfois instrumentés par le gouvernement. Mais leur mission principale est la sécurité des gens. Tout le monde n'a pas les mains aussi tachées que vous le dites. Nombreux sont ceux à avoir des valeurs. Protéger les populations. Eliminer les nuisibles. Ce sont des valeurs qu'il faut défendre. Ce sont les valeurs que je défends.

          Mettez-vous ça dans le crâne. Lutter contre la corruption du Gouvernement Mondial, c'est impossible. C'est une partie naturelle du gouvernement. L'éliminer, c'est éliminer le gouvernement. Et sans ce gouvernement, ce sera l'anarchie. Les guerres entre royaumes ; la fin du gouvernement mondial entrainera davantage de souffrance et de mort que tout ce qu'il a pu causer par le passé. C'est ça, la plus grande erreur des révolutionnaires. Ils veulent un gouvernement parfait ? L'actuel ne l'est pas, alors ils luttent contre lui. Mais ils n'ont rien pour sauver le monde de l'anarchie une fois leur folle quête accomplie. Et puis, à voir les méthodes des révolutionnaires, je doute qu'ils puissent former un gouvernement plus juste que l'actuel. Ça sera même pire. J'en suis persuadé.


          Il s'arrête un temps pour marquer la pause dans son discours en deux parties. Un temps pour que chacun réfléchisse et médite sur la question. Il finit par reprendre, se redressant contre le dossier de son fauteuil. Son visage est maintenant fier. Il est question de la marine.

          Oui. Il y a des marines corrompus. Ce sont des traitres. Il n'y a pas d'autres mots. Attention, toutefois. Ne pas mélanger les corrompus à ceux ayant des méthodes discutables. Les premiers font ça pour le pouvoir et la cupidité, les seconds gardent à l'esprit la protection des peuples et la paix. Des trahisons au Ciphel Pol ? Ça ne m'étonne pas. En même temps, vous avez trahi par vos propos, aux yeux du Gouvernement Mondial. Comme quoi, cela tient à peu de choses. Et les traitres se dissimulent aussi. L'affaire du QG de South Blue est une sacrée épine dans le pied. Je connais bien le commandant Aizen. Je sais qu'il est compétent. Son plan était implacable. Seules des trahisons auraient pu faire capoter son plan.

          Vous y étiez, non, à cette bataille ?


          Un mince sourire. Un léger sous-entendu.

          Ce qu'il faut garder à l'esprit, c'est que nous pouvons les combattre. Le contre-amiral Arashibourei a purifié la voie des traitres et j'en suis heureux. Ce n’est pas des hommes tels que lui que l'on peut laver la marine des traitres. Par contre, vos rumeurs quant à des recrutements des bandits parmi l'élite sont imprécises. Les cas sont rares. Très rare. J'y veille personnellement. Le dernier cas en date est celui de la prétendue pirate Sarah Crow. Elle aussi a participé à la bataille de South Blue, mais elle a été capturée rapidement. De plus, ces faits en tant que « pirate » était assez faible. D'après le commandant en charge de son cas, on peut lui faire confiance. Elle est en période probatoire. De mon point de vue, j'attends de réelles preuves dans les mois à venir pour certifier de son engagement. Je pense que le haut commandement pense de la même façon. L'idée que des pirates puissent se repentir ne vous séduit pas ? Ceux méritant la prison la mériteront. Ceux qui n'ont pas totalement sombré dans la déchéance peuvent être sauvés. Bien sûr, ça n'a rien à voir avec les corsaires. Entre vous et moi, les corsaires ne sont que là pour l'équilibre des forces. J'aimerais bien que la marine s'en passe. Je serais le premier à le vouloir ! Mais depuis des dizaines d'années, on ne peut faire sans eux. Et ce n'est pas faute d'avoir de valeureux marines tenter l'impossible pour apporter la paix. Il faut prendre sur soi. C'est ce que je fais.

          Lutter contre le gouvernement ? C'est une hérésie. Surout s'il faut lutter contre sa vraie nature. Lutter contre la marine ? Elle est l'organe qui apporte la paix et la majorité croit en ses valeurs. Tous ceux-là sont cachés par les corrompus, le sommet de l'iceberg éclipsant toutes les bonnes actions. On parle toujours de tout ce qui va de travers. Mais on ne parle jamais de tout ce qui va bien. Il s'en passe, des choses bien. Et nos marines sont valeureux. Je vous défends de les insulter, de bafouer leurs valeurs, marines comme élite. Le BAN a toujours fait en sorte d'inculquer les valeurs qui comptent pour un marine. La corruption, c'est le vice de l'homme. On ne peut pas grand-chose contre lui. À moins de traiter les zones contaminées avec la plus grande fermeté.

          C'est à vous maintenant.
          Vous avez votre vie entre vos mains.


          Dernière édition par PNJ Requiem le Lun 22 Avr 2013 - 21:52, édité 1 fois
              - « Bien, Monsieur. »
              J'avais commencé par retourner sur mon siège, toujours assise proprement. Je lui accordai tout le respect qu'il méritait. Puisqu'il avait assuré sa position de « chef », je le traitai comme tel. S'il avait laissé glissé mon attitude polie mais désinvolte, j'aurais tiré les conclusions qui s'imposaient. Mais non, Kaiser était l'Alpha et le démontrait.
              Sauf... qu'il n'était pas « mon » Alpha. Il était commandant de base, mais il n'était pas « mon » commandant. Je n'étais pas Marine, je n'avais pas à utiliser son grade. Monsieur était correct, poli. Et même conseillé. L'appeler « commandant » aurait été à la limite de l'hypocrisie.

              … OK. Enlever toute pensée par rapport à « mon » alpha. Yakutsuki Rei, dans le rôle du dominant. Mwaourf, quelle erreur de casting grossière.
              Mais bon, ce n'était pas le moment de penser à ça.
              Fichu fruit du démon. Ce côté là, je m'en serais bien passé.
              Mais bon...

              Aaah, l'art d'enfoncer les portes ouvertes. Et oooh, une menace. De mort. Comme c'est original. Il commençait à se répéter. Mais j'écoutais, presque religieusement, sans même hocher de la tête. Une véritable petite fille modèle. Si quelqu'un était rentré dans le bureau à cet instant, il aurait eu du mal à comprendre pourquoi grand gros méchant Prométhée s'en prenait à innocente petite fleur. Ah ! En d'autres circonstances, j'aurai été en pleine crise de fou rire. Lui et moi savions que nous n'étions pas le reflet de l'image qu'on donnait.

              Puis ce fut mon tour de parler. Non, pas de parler. De jouer une grosse partie de mon destin. Je ne croyais pas à la menace intrinsèque de Jugo. Il ne me tuerait pas. Pas littéralement parlant. Déjà, parce qu'il ne pourrait pas justifier mon exécution – mon meurtre. Même s'il dévoilait le contenu de notre conversation à nos hiérarchies supérieures, in fine, la conclusion serait qu'il ne lui appartenait pas de décider de ma mise à mort. J'aurais dû être jugée. Mon passé serait inspecté dans les moindres détails. Ma famille impliquée. Mon engagement révolutionnaire révélé et mon nom souillé. Au pire des cas.
              Sinon, je serais face à une perte totale de crédibilité et je faisais face à une carrière réduite à des postes minables. Une pression ? Mais où allez-vous chercher cette idée ?

              - « Je ne sais pas quoi répondre, Monsieur. D'un côté, vous avez raison. Vos paroles découlent d'une logique, d'un bon sens, d'un fatalisme posé par rapport à la nature humaine... D'un autre côté, mon instinct, mes entrailles, là... » et j'appuyais mon poing serré sur mon ventre « je sais que j'ai raison. C'est un défi, que d'expliquer pourquoi, comment, alors que c'est une conviction intime. Tout comme vous avez la conviction intime que la Marine n'est pas corrompue et que je me plante sur toute la ligne... »

              Je plantai mon regard dans ses yeux, sans ciller, le défiant presque de soutenir mon oeillade décidée. Volonté contre volonté. Je devais au mieux le convaincre de m'aider, au pire, que j'étais une jeune idéaliste naïve à la limite de l'absolutisme religieux.

              - « La Marine et le Gouvernement... Une organisation par les Hommes, pour les Hommes – avec un grand H, majuscule. Et les Hommes sont soumis à la tentation. Je suis d'accord. Je suis aussi sur le même plan que vous, quand vous dites que la révolution n'est pas une solution. Détruire le Gouvernement et donner la « liberté » à chaque peuple ou royaume... C'est signer un arrêt de mort général, une guerre mondiale dans les dix ans à venir. Je crois profondément au concept fondateur du Gouvernement Mondial, et de ses bras armés que sont la Marine et les Cipher Pol. Vous le savez : pourquoi serais-je ici si je m'en contre-foutais ? Ici au BAN, tout comme ici dans votre bureau. »

              Gros soupir. On attaquait le gros sujet, celui qui allait faire mal.
              - « Mais dites-moi... Où se situe la limite du convenable ? Où s'arrête la faute qu'on pardonne chez l'Homme ? On fermerait les yeux sur une erreur de classement de papier qui mute un agent du point A au point C au lieu du B. Rien de bien méchant. Mais...et si c'est cet agent qui aurait fait la différence dans un combat contre des brigands, qui aurait fait qu'un paysan ne voit pas sa récolte pillée... que sa famille ne souffre pas de la faim. Mais si on ferme les yeux sur cette erreur purement administrative, il faut aussi ne pas tenir compte d'une erreur du même style qui ordonne une flotte entièrement de quitter son mouillage. Et là, je ne parle que d'erreurs commises de bon droit, pas celles commises en tout état de cause, volontairement, consciemment.
              Les hommes du Gouvernement. Certains sont des héros, d'autres des faibles, des canailles ou des poltrons. La plupart ne sont que des hommes – plus vifs et plus forts que le commun des mortels, plus habiles avec un sabre que Mihawk mais toujours vulnérables à l'orgueil, à l'ambition, au désir, à l'amour, à la colère, à la jalousie, à la cupidité, à la soif de l'or, au pouvoir et à tous les autres défauts qui affligent les moindres d'entre nous. Les meilleurs surmontent leurs défauts, accomplissent leur devoir et meurent épée à la main ou paix protégée. Les pires... on sait ce qu'il advient aux pires. Quand on arrive à mettre la main dessus.

              Mais ne sommes-nous pas tous censés être les meilleurs ? Ne sommes-nous pas censés êtres irréprochables ?
              Alors, dites-moi, où se situe la limite, entre ce qui est acceptable, ce qu'on pardonne... et de ce qui n'est pas pardonnable ? Comment faire la différence entre deux gouttes d'eau ? Et c'est bien avec une goutte d'eau que commence l'océan.
              C'est peut-être la fougue de la jeunesse. Peut-être que lorsque j'aurai votre âge – je ne dis pas que vous êtes vieux... juste plus que moi – donc, un jour peut-être j'aurais la sagesse de ne pas être aussi extrémiste. Mais si je ne le suis pas, qui le sera ? N'est-ce pas une de ses gouttes que de me renverser dans mon fauteuil en me disant « bah, quelqu'un de mieux placé, plus fort, va s'en charger ». Vous voyez, je commence par m'appliquer mes propres règles.
              Donc, de quoi suis-je fautive ? De croire que les hommes puissent s'améliorer ? De prêcher que les agents du Gouvernement se doivent d'être irréprochables, du style purs et vertueux, ou du moins de tout faire pour tendre à cet idéal ? De ne pas se satisfaire du simple « bah, je suis à la base cassé et capable d'erreur, donc je vais m'en contenter, ou pire, me mettre à l'aise avec cette idée que tôt ou tard, je vais me planter » ?
              Je maintiens chacun de mes mots. Il y a quelque chose de pourri au Royaume de Marie-Joie, et ne vous en déplaise, il est de ma responsabilité de faire quelque chose. Des rumeurs, c'est déjà trop. Nous ne devrions pas laisser la place à une rumeur, à la possibilité même de mettre en doute notre intégrité. Comment pouvons-nous espérer être pris au sérieux quand nous nous présentons comme les gardiens de la paix du monde, défenseurs de la veuve et l'orphelin, combattants des injustices, quand nous avons des remugles pour le moins gênant à notre traîne. »


              Et là, il ne pouvait rien dire, sauf justement me reprocher ce que je me reprochais moi-même.
              - « Je ne crois pas en « l'irrémédiable ». Je ne crois pas au « destin ». Nous pouvons agir et améliorer le socle de notre civilisation. C'est notre devoir. Vous dites que le BAN forme des officiers d'élite intègres. C'est bien. C'est votre boulot, ceci dit. Vous demander d'en faire plus, de veiller au grain pour que ces leçons restent quelques années après, vous demander d'être ferme, tout le temps, à chaque occasion, et de laisser le tribunal interne la charge de juger, plutôt que d'être accusateur et juge à la fois... est-ce que cela mérite la peine de mort dont vous me menacer ? Sûrement pas, mais si c'est le prix à payer pour que mes convictions percent enfin ce coton opaque qui entoure perpétuellement ce sujet. Ça me ferait mal de mourir maintenant, mais oui, je suis prête à vous faire face, jusqu'au sang s'il le faut. Je ne reprendrai aucune de mes paroles, et je les réitère. Tout comme je réitère ma demande d'aide.  »
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            Il soutient le regard, imperturbable. Dans son regard, il lit la détermination. Il ne lit pas de peur. Elle ne craint rien ? Elle se croit invincible ? Ce n'est pas le cas. Ou alors, elle se sait intouchable. Car son discours ne peut pas lui apporter d'ennui. Prométhée écoute. Prométhée laisse vagabonder son regard. Prométhée se gratte la tête.

            Prométhée se déconcentre.

            Sur la fin, il agite la main, pour la faire taire, comme un moustique qui l'importune. Il fronce les sourcils, se perdant un instant dans ses pensées. Il ne sourit pas. Il finit par dire à voix basse.

            Tout cela… ne vaut pas mieux que les beaux discours des politiciens. À vendre que le monde est beau, les gens sont gentils, la vie est belle. Les gens sont faits ainsi. C'est une loi naturelle qui ne sera jamais remise en cause. Et même si un monde parfait était établi, il y aurait toujours des éléments pernicieux qui replongeraient le monde dans l'imparfait. Il y a toujours du plus et du moins lumineux dans la lumière. Ça ne cesse jamais. C'est comme combattre le vent. C'est futile. Il y aura toujours des gens pour faire le mal, tout comme des gens qui seront persuadés de devoir de s'y opposer. Vous faites partie du système. De la logique naturelle.


            Il lève la main comme pour lui intimer de ne pas continuer. Il serre le poing et le desserre. Il exécute l'opération plusieurs fois avant de reprendre.

            Je vous apprécie. Comme j'apprécie bon nombre de gens qui se sont entrainés au BAN. Vous n'êtes pas la première. Il y en a eu d'autres. Comme vous. Idéaliste. Passionné. Ils ont continué leur chemin. Ils sont même allés trop loin.
            Cela fait longtemps que je n'ai pas eu de leurs nouvelles.


            Le message est très clair.

            Rappelez-vous. On ne gagne pas contre le vent. On y résiste seulement.
            Mais tout cela n'est pas très important, n'est ce pas ?


            Sa voix est montée crescendo. Il se redresse et son regard se fait de nouveau plus incisif. Il se verse avec une agilité maitrisée un verre tandis qu'il prend le dossier de Shainess dans son autre main. Il la feuillette, après avoir bu une gorgée.

            Qu'avons-nous là au final ? De l'aide ? De l'aide pour quoi ? Ma tâche est de former des marines d'élite. Mon équipe et moi leur inculquons ce que les marines d'élite doivent savoir faire, à nos yeux. Ceux qui sortent d'ici ont ma bénédiction. Je suis convaincu qu'ils savent ce qu'ils doivent savoir. Pour les cas suspects, tout est notifié, mais je n'agis pas. Pourquoi ? Quelqu'un ne sera pas forcément mauvais même s'il laisse présager le contraire ici même. L'inverse marche aussi. Beaucoup peuvent se révéler une fois sortis. Nous formons tellement de marines que l'on ne peut se permettre de suivre ceux qui en sortent. Ce que je fais, je le crois juste et c'est tout ce qui m'importe, tout comme vous croyez faire ce que vous pensez juste.

            J'ai du pouvoir ? Pourtant, vous semblez bien montrer que j'ai aucun pouvoir contre vous, une simple agente du Ciphel Pol, cocasse, non ?

            Il rit. Il éclate de rire. Puis il se tait, d'un coup.

            Mon temps est précieux et j'en ai dépensé une certaine quantité à vous écouter. C'était fort… divertissant. Autre chose avant que je retourne à des préoccupations plus… terre à terre ?
                - « Je vous mets au défi de ne jamais voir un politicien dans votre bureau pour autre chose que des questions de politique. Je vous parle d'actions terrains, de choses concrètes... C'est bien d'une préoccupation terriblement terre à terre dont je vous entretenais... Mais vous avez fait votre choix... »

                Si ma voix avait frémi un petit peu, mon regard s'enflammait de colère provoquée par la conclusion qu'il donnait à notre échange. J'avais l'impression d'être traitée comme une enfant, à se voir tapoter sur la tête avec un « mais qu'elle est mignonne » et un « mais oui, mais oui, c'est cela. » A peine s'il ne m'offrait pas un bonbon à mon départ.
                Il pouvait ne pas être d'accord avec moi, mais se moquer ainsi de mes convictions ?
                Et on s'étonne après que j'ai tourné révolutionnaire. Enfin, une sorte de révolutionnaire...

                Puis, lentement – mais sûrement – ses mots me revinrent et s'agglutinèrent en un tout, avec des couches et des sous-couches. Ceci dit, je me méfiais. A trop vouloir lire des sous-entendus, on finissait par les imaginer. Alors, Promothée avait-il tenté de me dire quelque chose à mots couverts ? Ou est-ce que je devais prendre son discours au pied de la lettre.
                Je serais en tort de le croire incapable de finesse.
                Je le savais à même de condescendance. « j'avais été divertissante », n'est-ce pas ?

                Je finis par soupirer.
                - « Vous avez fait votre choix, et moi le mien. Je vous remercie de vos conseils et avertissements. Aller avec le vent, plutôt que contre. »
                M'indiquait-il ainsi d'être plus discrète, m'encourageait-il à aller de l'avant ? Ne m'avait-il pas à plusieurs reprises parler du lien qu'il l'attachait à chacun des hommes et femmes passés entre ses mains. N'avait-il pas lui-même avoué qu'il m'appréciait ?

                Je me levai, le saluant, prête à prendre de congés. Mais je ne pouvais pas rester sur cette indécision, pas avec la menace qu'il lançât contre moi une inspection en bonne et due forme. J'avais fait front, comme un agent n'ayant rien à se reprocher aurait dû le faire. Mais mon moi révolutionnaire tremblait.
                - « Je vous suis reconnaissante du temps que vous avez bien voulu m'accorder. Je vous libère et vous laisse retourner à vos occupations, et moi je retournerais aux miennes. Celles qui me permettent justement de veiller à ces éléments potentiellement perturbateurs que vous avez mentionnés. Je pourrai ainsi continuer ce que vous avez commencé. Chacun son métier, après tout. Serait-ce trop espérer de demander que vous me communiquiez ces notifications ?

                S'il disait oui, c'est que la partie était gagnée. Ça ne l'empêcherait pas de remplir mon dossier d'un avertissement ou justement, d'une notification. Mais elle ne serait pas aussi assassine qu'il pourrait la faire. S'il me disait non, je savais que j'avais fait une énorme erreur de jugement et qu'à partir de moment, je glissai en terrain terriblement trouble. Hum, ne parle-t-on pas d'eau trouble ? Je ne savais plus.
                Une immense vague de fatigue déferla sur moi. L'adrénaline de la joute verbale avait fini de nourrir le feu sacré dans mes veines. Je n'aspirai plus qu'à me coucher et dormir pendant quarante-huit heures.


                - « Sans jouer les grandes hypocrites, je suis tout de même fière d'avoir survécu au BAN. J'en ai trop bavé ici pour laisser quiconque remettre en question la valeur de l'entraînement que vous m'avez prodigué. Que ça me plaise ou non, je suis liée à ces murs. Que ça vous plaise ou non, vous ne pourrez plus jamais vous débarrasser de moi, sauf si mon entière existence est passée au Karcher. Aussi ai-je besoin de savoir, sans aucun doute possible, si je dois me méfier de mon passé. »

                J'avais peut-être tort, d'être aussi directe. Mais Kaiser n'avait pas lâché mon dossier. Maintenant même, il avait encore la main dessus.
                - « Vous êtes capable de me tuer, mais vous ne le ferez pas. Vous ne pouvez pas décider immédiatement de ma chute ou pas, mais nous savons tous les deux qu'une remarque de votre part, formulée de telle ou telle façon, fera son chemin et que tôt ou tard, elle va me nuire. J'aimerai savoir quel est votre verdict.. »
                Les jeux sont faits et rien ne va plus.

              [HRP : de mon côté, le RP est terminé et nous pouvons conclure le RP maintenant, avec la réponse de Kaiser en HRP ou lors de la demande de récompense. Tu peux aussi conclure par un RP, et quelque soit la réponse, Shaï quittera le bureau de façon calme. Toutefois, en cas de menace ou autre, je ferai peut-être un Rp solo pour connecter avec la suite des aventures, histoire d'être raccord.
              En tous les cas, merci d'avoir joué avec moi !]
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              Jugo la sent troublée. Ou fatigué. Il ne laisse rien paraître et conserve cette attitude désinvolte. Non, ce n'est pas fait exprès. Il est comme ça. Il voudrait bien changer d'air rapidement. Elle continue à papoter ? Il fronce les sourcils.

              Mes notes ? J'en ai fait des tas. Et une fois que c'est transmis aux services concernés, j'oublie. Pas que ça foutre de mes journées. J'dois bien avoir les notes des dix derniers avis. Enfin, je doute qu'ils craignent, eux.
              Il faudra chercher ailleurs, même si je doute que ça soit très bénéfique.


              Un autre échange. Il sourit. Un sourire réprimandeur.

              Se méfier de son passé ? Vous n'avez pas écouté les conseils de Garry ? Vigilance constante. Un truc dans le genre. Toujours se méfier de tout. C'est la base. J'lui dirais de vous faire passer un rattrapage. Histoire de pas l'oublier.


              Les derniers mots sont échangés. D'un geste, il lui enjoint de partir.

              Oui, oui. On s'est bien amusé. J'vous referai quelques menaces la prochaine fois. En souvenir de cette petite conversation. Au revoir.


              On le sent qu'il a envie de passer à autre chose. Avant même que Shainess ne quitte la pièce, il prend son dossier et le pose sur la pile la plus éloignée de lui. Il en prend un autre, soufflant et montrant ainsi que la tâche qu'il doit faire n'est pas des plus amusante.

              Ce n'est que le lendemain matin, après une bonne nuit de réflexion, qu'il se décida à reprendre le dossier. Il resta un long moment assis devant le dossier avant de noter quelques mots. Juste une mise en garde. Un soupçon. Le genre de phrase qu'il avait mis des centaines de fois. Juste un doute.

              Il aurait pu écrire autre chose. Il avait été formé à écrire autre chose. Il aurait pu le dire à ce moment-là, à Shainess. Mais il s'était tu. Seul, il le murmura tout doucement, un léger sourire en coin.

              Et par-dessus tout … se méfier de soi-même.