Le Deal du moment : -25%
PC Portable Gamer 16,1” HP Victus 16 – 16 ...
Voir le deal
749.99 €

Préambule

Nous voilà au Cap. Passage obligé après l'épreuve de Reverse Mountain. Nous avons quitté le navire de la Translinéenne, la situation à bord désormais clarifiée. En emportant avec nous les chaleureux remerciements des employés de bord et du Capitaine. Cool ça réchauffe mon petit cœur. J'ai passé le restant du voyage à pioncer. Ça régénère un peu, j'en avais besoin. Lina a joué du clairon à un moment donné pour que je sorte de mon hamac vivre la montée vertigineuse à flanc de montagne, puis le bond dans le vide qui lui a succédé. Je me suis pas levé. Alors elle a râlé. Ça a rien changé. J'aurais ptetre dû l'écouter parce que depuis, elle me rabâche les oreilles que j'ai loupé un truc incroyable et me tire la gueule. Ça serait pas si terrible si elle se contentait de ronchonner en silence; seulement c'est loin d'être le cas, alors j'ai ptetre perdu au change. L'était temps qu'on pose pied à terre sinon elle allait passer par dessus bord.

Deux des lascars de la bande de Mandrin ont réussi à prendre la clef des champs. On ne rappellera jamais assez combien les gens sont des incapables. Il ne leur restait qu'à surveiller un mec ligoté, et à fouiller le navire pour trouver le dernier petit malin à s'être planqué. Mais non, c'était trop compliqué. Il aurait fallu que je me charge de ça, aussi. Tant pis. Si l'occasion se présente à nouveau, je les laisserai pas filer.

En attendant, nous voilà au carrefour-péage de Grand Line. Sur les docks, y'a de l'animation. Les charpentiers sont sollicités de toute part; faut dire que certains navires ont assez mal vécu le grand plongeon. J'évite de penser au nombre de gibets de potence qui sont sans doute stationnés en ce moment sur le même lopin de terre que moi. Ils pullulent, les rats. C'est à donner des envies de meurtre. Mais on ne peut pas toujours tout résoudre par la violence. Triste vérité mais c'est ainsi. Si je lance une émeute ici, je vais devoir en découdre avec des équipages entiers, constitués de gaillards d'un bois un peu moins tendre que sur les Blues. Ça serait pas raisonnable.

J'dis ça mais j'en crois pas un traitre mot. C'est surtout Ossoï qui m'a appelé à un peu de modération. Vrai que, j'voudrais pas causer du tort au vieux sage où à cette foutue môme, malgré tout. Ils ne le méritent pas. Alors jme répète qu'il faut rester tranquille, j'essaye de me convaincre que je suis encore pas en pleine possession de mes moyens, qu'il vaut mieux se montrer patient. Difficile de se retenir.

Ossoï revient d'un guichet, au port. Il est parti s'enquérir des prochains bateaux en partance, de leur destination. La destination, justement. Elle reste à choisir. Comment retrouver mon flûtiste ? Je n'ai pas l'ombre d'un indice pour savoir où il est actuellement. On en a pas vraiment entendu parler, ici, on dirait. Et quand j'ai essayé de poser des questions avec un peu plus d'insistance, on m'a lorgné d'un œil mauvais, on m'a demandé si j'étais pas une taupe, ou un marine. J'ai serré les poings, fermé ma gueule. Mais ça s'paiera.

Nous pouvons embarquer dès ce soir sur le navire que voici, pour la première Ligne de Grand Line, à la condition de pouvoir payer le trajet.
Tch. Et avec quoi ? On est fauchés. La gratitude de la Translinéenne ne dépasse pas la poignée de mains.
Il y a une solution à tout problème, si on prend le temps de la laisser éclore.


Encore du baratin. Bah. Je hausse les épaules. Soit, pour le moment, on temporise. On va voir si la solution miracle se pointe. On part faire un semblant de ravitaillement dans une boutique, manière de tuer le temps utilement. Lina se sent plus, veut acheter tout un tas de conneries inutiles.

Tu m'achètes ça ?
Non.
Et ça ?
Non.
T'es pas sympa !
Paye le avec ton argent.
Mais ... je suis une enfant, moi j'ai pas d'argent !
T'as qu'à faire la manche.
Si tu m'achètes pas ce que je veux, je le vole.
... Tu veux ce truc, c'est ça ?
Hihiii ... Oui.
Et ma main dans la figure, tu la veux, aussi ?

...

Dialogue de sourd. Je fais signe à Ossoï que je lui confie la graine de démon. Je sors. Être seul. Au calme. C'est bien. Je remonte vers les quais, faire le point. Analyser la situation, pour trouver une solution ... Mouais. Foutaises. Je connais qu'une solution. Choper un primé, encaisser et composter le billet. Et si ça causerait trop de grabuge d'intervenir ici, alors il reste pas trente-six solutions. On va chercher les primes à la source. On remonte le courant vers Reverse. Arrivera bien un équipage à un moment donné. On croise leur route, on les frappe. Hm. Ça sonne bien. On fait ça.

Y'a une barque à l'agonie, chez un charpentier. Elle va plus servir à grand monde. Jl'avise avec intérêt, l'artisan m'oriente vers d'autres modèles, neufs.

J'veux celle-là.
Mais... vous ne voguerez pas une heure avant de sombrer !
Pas de problème, je vais pas loin.


Il me mire, bizarre. Et lance un regard qui veut dire, si tu veux en finir, libre à toi. Y me fait même pas payer le radeau. Bon gars. Fait rare. Journal de Trinita : aujourd'hui j'ai rencontré Un Honnête Commerçant. Merci à lui.

Je quitte le port sous les regards intrigués et alarmés de quelques badauds. Qu'est ce qu'il y a ? Tss ... Et une fois à l'eau, je rame. Cinq minutes. Dix minutes. Parfois, je me sers du seau vendu avec ce modèle de collection pour désengorger le rafiot de la flotte qui s'infiltre. Et je recommence. Jusqu'à ce que ...

Un navire. Étendard noir. Voilà. Y'a plus qu'à couper leur trajectoire. À agiter un bras. Et à demander de l'aide au crétin qui pointe la tête.

Monte donc mon gars !
Merci.


Trop aimable.
    Il résonne en moi, l’appel. Boo-boom. Il est lent et régulier, l’appel. J’arrache la chope à son comptoir. Une grosse éclusions, pour une bonne infusion. J’inspire, un peu plus léger à chaque gorgée. J’ai bien merité ma dose, mon combat fut extrême. De violence et de rapidité. Une poignée de seconde, le temps que je perce sa garde et défonce ses côtes, son plexus, son corps, tout. Une avalanche frénétique. Une démangeaison, comme un manques. Elles l’entendent comme moi, l’appel. On est le premier mois de l’automne de l’année 1624, et la chasse est ouverte.
    Je repose le journal sur son banc, à l’abandon. Déposant un paquet de pièces sur le comptoir sales, je titube entre les tables. La porte s’ouvre rapidement, la nuit aussi. Des étoiles à perte de vue. Un voile cotonneux fait de la nuit noir une grisâtre bouillie obscure. En première page du journal là bas, sur le banc, une silhouette mettait à bas un sale type. Une silhouette appelée Trinita.
    La saison est ouverte. M’en vais faire une p’tite battue avec l’ami Elvis. Mes mains se tordent, je sers les poings. La nuit m’engloutit tandis que je rentre à la tanière. J’ai deux trois trucs à rassembler. Une ou deux bouches à casser. Remettre en place quelques esprits retors. Et j’arrive.
    La porte grince sur ma planque à demi éclairée. La lune filtre à travers les barreaux de l’ancien puit. Sous une tenture, je ramasse quelques affaires et un sac. J’fais le tour du matelas, tire un coffret du mur ; Un coffret massif de près de quatre mètres de long, pour deux de large. A l’intérieur, un immense merlin et son baudrier. Je la tire et la fout à la ceinture, sous ma veste. Une bourse m’attends aussi, bien remplie. Mon p’tit plan épargne retraite personnel. Jamais faire confiance aux banques, elle se font toujours braquer. Y’a aussi un escargophone du voyage, que je fourre dans mon sac.
    J’entends des bruits. Pas à ma droite. La nuit mon instinct s’aiguise. Andy, reconnaissable par sa démarche et son pas appuyé. Je me tourne vers lui, tout sourire.

    - Salut, bonhomme ! Alors ça avance tes histoires ?

    - C’quoi cette boite Judas ? Et ce sac, tu t’en vas … Genre t’as des ennuis ?

    - T’inquiète mon brave, c’est les autres qui vont en avoir, des ennuis. En attendant, ça te dit toujours de prendre ma place ?

    Un sourire féroce. Quand j’y repense, cette réponse me fait vraiment rire. Il sera parfait à la tête des combats clandestins. Ce serait un bon successeur. Je souhaite bien du courage à ceux qui voudraient le détrôner, il lâchera pas le morceau d’un croc. Je referme la porte derrière moi, la nuit m’appartient enfin. J’ai encore une ou deux explications musclées à m’farcir avec quelques bonnets. Rien d’ingérable, mais j’vais tous les faire d’un seul coup. J’attrape l’escargophone et compose le numéro de la ligne.

    - Ouai, Tony ? Rassemble tout le monde au bar, réunion générale. Oui oui je t’expliquerais tout… Juste, rassemble moi les gars. Et j’arrive.


    Je raccroche sans un mot. J’aime pas cette foutue technologie. Sa me file la migraine et c’est pas naturel. J’préfère encore une bonne explication les yeux dans les yeux. C’plus humain quoi. Ce soir va falloir que j’fasse preuve d’humanisme … enfin, d’humanité quoi. Les mecs qui squattent mes plates bandes vont pas être content de mon départ. Disons que sa va foutre un coup au tourisme du coin aussi. Bref, je déroule pavé par une nuit plus claire, le vent de la mer poussant tout sur son passage. Il me bouscule aussi, résonnant encore de l’appel. Toujours plus pressant. J’attrape une clope, et craque une allumette. J’tire trois latte sur la tige avant de tourner à droite. J’claque la moitié du tabac avant d’arriver à la fontaine. Je contourne le monument historique, y balance ma clope calcinée.
    Le Byzance s’dresse devant moi. J’entre sans frapper. Dans les bars, la soif et la monnaie t’incite pas déjà à la politesse. Elle n’est pas nécessaire. Tony m’pose pas de question avant de poser une mousse devant moi. Que je paie. Le prix fort pour une diffusion rapide de l’information dans le coin. J’écluse la moitié de la choppe. Lui renvois son sourire amical.

    - Ils sont ou, les gars ?

    - Ils arrivent.

    - Ok, le bar est fermé ?

    - Bien sûr.


    Je le renvois à son cocktail et attrape mon verre et une nouvelle blonde. Elle fume dans ma main et se répand en fumée nocive autours de moi. L’appel feutré je me colle dans le fond du fauteuil et ferme les yeux. J’ai exactement un million de berrys. Jusqu’ou la transilienne peut me faire traverser avec ça ? Combien j’vais avoir besoin de l’autre coté ? Il va m’falloir un petit tas de billet, ou beaucoup d’huile de coude dans cette histoire. Même peut-être des deux. Oui, j’ai de quoi tenir mais la petite monnaie sa part vite. Va falloir ronger sur les marges et les prestations, Judas.
    J’ouvre une paupière juste à temps. Voir débarquer franky et ses troupes. Ils débarquent dans l’ptit patio, coin de paradis et de calme. La mine des mauvais jours, et les paupières lourdes. La nuit vous réussit plus comme avant les gars. Je les invite à s’asseoir et à boire un coup. Je rince. Et si faut encore que je nettoie après ce bon geste, j’le ferais de bon cœur. Ils commencent à parler, tous en même temps. Je balaye les interrogation du bras. J’ouvre la bouche.

    - Allez vous faire foutre, j’vous appartient pas ! Tas d’enculés véreux et fier de l’être. J’vais vous écraser, pour que vous remarquiez la différence entre vos rêves et la réalité.

    Depuis le manquement à l’appel d’un certain rouquin, de mauvaises manies sont revenues. Un peu comme-ci une fois le loup au bois, les agneaux dansaient. J’arme mon poing fait d’une fureur implacable, et joins le geste à la parole. Je brise les règles et file sur GrandLine. J'ai mis un poing d'honneur à cete explication ; Annoncer la couleur ; Montrer qu'au moindre manquement cela pouvait se reproduire. On laissera jamais rien passer.
    Adios, North.
    ***
    Trouver un bateau pirate qui partirait tenter sa chance sur reverse ? Pas de problème. Un peu difficile à dénicher toute fois. J’en étais résolu à devoir frapper sur deux trois d’entre eux pour les embaucher quand une voix torve fit résonnance ; Il rentrait à Tortuga, essuyé de violentes pertes dans les eaux froides du coin, et cherchait du lascar capable de mener sa barque à travers Reverse.
    Deux paluches s’posent sur sa table. Les miennes. J’ai trouver mon pigeon voyageur, et j’appose un grand X sur sa feuille d’embarquement avec sa plume. Les pirates sont moins indiscrets que la marine, leurs recrutement laisse pas de trace, et ça m’plait.
    Pas envie qu’on me confonde avec de la racaille. Pas moyen. J’m’apelle José pour eux. Un vieux pêcheur qu’en avait marre des petits poissons. Vu mon gabarit ils posent pas trop de question et ça m’arrange. J’vais pouvoir faire ma petite traverser sur mes deniers, en route pour des terres de saccages. Un bon programme. J’pourrais continuer avec eux après les eaux balnéaires du Cap. Aller directement dans la fourmilière pour commencer la purification. Tortuga, un bon port d’attache pour latter de la pourriture. Une bonne étape, ou un bon commencement ? J’laisse ses questions au diable et avance vers le navire.

    On part de nuit. Profitant du vent polaire qui descends des icebergs. Torse nue, j’suis le seul qui frissonne pas. Mon sang boue pour moi. Il clame justice et violence et jugement. Ca va tataner sec.

    ***

    - Monte donc mon gars !que j’lui dis en tendant la main. J’rigole bien dans ma barbe. On vient d’repêcher un sacré poisson. Un sacré bougre de poisson-loup. Alors, tu te sentais d’attaque pour une p’tite baignade ?Je lui glisse ses mots entre mes dents, me retournant vers l’équipage.

    Une bande de clampins vétérans qui savent pas ce qu’ils foutent là. Moi je l’ai appris au prix de quelques soufflantes du capitaine. Et grâce à celle des océans. Cloitré trois jours dans l’infirmerie à cause d’un foutu mal de mer. Pas que sa me dérange d’habitude, quand ça tangue. Mais Reverse et ses alentours s’en était trop pour mon estomac. Sans rajouter cette foutue coque de noix qui s’tord dans touts les sens à la moindre lame, à la moindre vague. Du coup j’ai exploré pour découvrir le regain d’effectif de la dernière escale. La goélette à pas besoin de trente hommes pour rouler sur les marées.
    La cale est bourrée d’une plante appellée « Opius » de la famille des Opiuminol, dont on peut extraire le suc ; Après fermentation elle en devient la drogue la plus addictives d’après ce qu’on m’en a dit. Elle est connue sous le nom d’Octopus.
    Une sacrée cochonnerie que je brulerais bien. Et voilà que l’ami Trinita croise le chemin de ce vaurien de Tuckson, a demi immergé dans la mer. Autant dire qu’il atteindra jamais sa destination. Et moi non plus. Les affaires reprennent.

    Spoiler:
      La voix sonne familière. Curieux. Je monte. Un bras en visière, la faute à un soleil trop lumineux, agressif, je mire de plus près le mec qui me tend la main pour me faire atterrir sur le pont. Tiens, une vieille connaissance. Qu'est ce qu'il fout ici ? S'il a viré pirate, pas de quartier, je suis pas d'humeur. La phrase lâchée à demi-mot tend à me faire penser que ce n'est pas le cas. Tant mieux. On ne frappe jamais un ex collègue de boulot avec plaisir. Hm, si, en fait. On peut y prendre son pied. Mais là, à tout prendre, si on pouvait éviter.

      Je prends pas la peine de lui répondre de suite. Pas grand chose à dire de toute façon. Comment ça va, depuis le temps ? Toujours fourré dans les emmerdes ? Tu tapes plus fort ? Oui ? Dingue ça, moi aussi. ... Non, ça fait pas sérieux; on peut s'abstenir. Au lieu de ça, j'envisage le reste des matelots présents sur le pont. Des gars de seconde zone, à priori; avec le teint bronzé par le soleil et la peau fripée par la salinité de l'eau de mer qu'ils côtoient depuis trop longtemps. On me lorgne un peu surpris, me lance une réflexion ou une sorte de bienvenue dans un éclat de rire. Jl'ai échappé belle, qu'on me dit. Mouais. Question de point de vue. L'embarcation n'est pas impressionnante. Une douzaine de paires de bras suffisent à la manœuvrer. Il ne reste qu'une cabine, sous le gaillard, dont je ne peux apercevoir les éventuels occupants. Pour le reste, pas de client d'envergure qui sorte du lot, à ce que j'en vois. Bah, je n'ai besoin que de un ou deux millions pour m'orienter vers la prochaine île, je vais pas me plaindre de ne pas tomber sur du gros calibre.

      Derrière moi, le radeau finit d'être doucement englouti par les flots, comme le serait une bête prise au piège par les sables mouvants. Il n'aurait pas fallu attendre plus longtemps avant de tomber sur un équipage, en fin de compte. Maintenant, il faut s'occuper de nos affaires avant d'atteindre le port. Et mine de rien, on y sera sous peu. Un vieil édenté à la voix désagréablement aigüe s'approche de moi, tout sourire; un innofensif vieillard, presque en haillons, au nez un peu trop rouge pour être totalement sobre et trop mal coiffé pour avoir toute sa tête.


      Pyéhéhé... Alors, mon gars, une chance qu'on t'est trouvé pas vrai ? Qu'est ce qui t'amène par i...

      Pof.

      Il parait que cogner les personnes âgées, c'est mal. Mais il le mérite sûrement, et mon quota courtoisie est dépassé. Le grand-père encaisse la baffe que je lui aligne du revers de ma pogne dans un petit couinement. Les trente-six chandelles tournent autour de sa tête, sa langue pendouille bêtement; il tombe. Inconscient. Mah, il s'en remettra.

      Bonjour, Pirates.

      Le ton est menaçant. L'atmosphère chaleureuse se disperse bien vite, balayée aux quatre vents. On est surpris, on se méfie et on a bien raison.

      Je vous laisse le choix. Ou vous vous rendez sans faire d'histoire, ou je vous réduis au silence à la méthode forte.

      L'exposé ne séduit pas des masses. On montre les dents. Un moussaillon plus jeune que les autres gémit que leur petite bande n'a rien fait de mal, que je n'ai aucune raison de leur en vouloir. Oui, vous ne me connaissez pas, et avant cet instant, j'ignorais jusqu'à votre existence. Mais la vie, c'est moche. C'est comme ça. Le gamin pleurniche presque. D'autres hésitent franchement à me chercher, se plaignent, regrettent déjà d'avoir mis cap sur Grand Line. Hin. Une voix fanfaronne dans son dos coupe court aux jérémiades.

      Un homme dans la force de l'âge s'extirpe de la cabine. Dans une tenue qui rappellerait de loin celle de cher Mandrin. C'est la saison des comédiens. Celui-là a en plus le défaut d'être trop propret, d'avoir un sourire trop blanc, d'être trop bien coiffé, les cheveux luisants, enduits de gomina.

      Allons, messieurs, ce ne sont pas des manières devant notre invité.
      Capitaine !!
      C'est toi le chef ?
      Certes. Capitaine Tuckson, et vous êtes ...?
      Pressé.
      Po-hoho, je vois. Hé bien, cher monsieur, nous allons vous montrer comment nous traitons avec les indésirables. Emparez vous de lui!!

      La présence du chef procure à tous un sursaut de courage. Soit, battons nous. Le temps qu'ils dégainent et s'approchent je me retourne vers l'ex partenaire. Il s'est tranquillement tenu sur ma gauche tout ce temps, sans piper mot. Y'a plus explicite, comme attitude. J'aime pas les situations floues, ça fait mauvais genre. Il faut mettre les choses au clair.

      Si t'es avec eux, ce sera l'même tarif ...

      Une lame se rapproche dangereusement de mes côtes. Un premier coup de poing claque. Le malheureux agresseur roule sur cinq bons mètres avant de s'écrouler. Il ne se relève pas. Bonne nouvelle, j'ai bien récupéré depuis l'épisode Reverse Mountain, on dirait. On va pouvoir s'en donner à cœur joie.

      ... si pas, on peut reformer l'tandem.

      L'occasion est belle, pourquoi la laisser passer ?
        La première fois que j’ai croisé Tuckson, il m’a fait l’impression d’un fieffé branleur doublé d’une sacrée crapule. Le genre de mec qui a toujours joué avec la ligne, et n’a jamais su quoi faire de ses dix doigts. Une impression renforcée par ce sourire racoleur de catin et cette manie de se récurer les ongles. C’est pour ça que pendant qu’il se peinturlurait comme un gros porteur, histoire d’être plus belle pour aller sur le ring, deux mecs se sont fait étaler.

        - Oh bah merde, ils sont tout cassés maintenant.


        Sans racune. T’as la tête des mauvais jours et le poing qui te démange ? Ils sont là pour ça, quelques sacs de frappes prêt à l’emploi ; Un tas de rebus entre les rebus, employés par un marchand de rêve pour junkie à la manque. Pendant que Trinita frotte le pont et décrasse les cordages, j’me pose contre le bastingage. Observateur. J’aime bien cette brutalité, cette vivacité, ce brio ! Un véritable feu follet qui écrase son poing moribond sans jamais faiblir. Une méthode chirurgicale, une véritable mise en pli complètement délirante. Le bonhomme à de l’experience et du bras, une puissance qu’il revendique sans pudeur ; Et ça se fait sentir.
        L’envie m’en prendrait presque d’intervenir, mais j’me fais couper la vedette par le Cap’tain qui débarque. Fraichement. Une goutte d’eau de rosée sur un brin d’herbe. Les joues rosées d’un bambin et ses fidèles rasoirs toujours à la ceinture. La langue aussi agile que ses doigts, il tire sur une cigarette aussi nonchalement qu’un brigand dans un tripot. Le bon-diable est dans son bain, cogner est un réflexe naturel pour ce genre d’homme. Pas de chance tu vas connaître le retour sur poing de la Fracasse.


        Si t'es avec eux, ce sera l'même tarif ...


        L’occasion est belle. La proposition tentante. Mais c’est pas un bon jour pour combattre Trinita. Le soleil est à son zénith, il fait chaud. L’air est lourd, comme poisseux et collant à la bouche quand t’expire. J’regarde les anciens compagnons de route. Je le regretterai pas. La seule chose qui m’fout la rage c’est d'pas choper celui qui chapote ce trafic. Mais chaque chose en son temps. On doit d’abords défaire les vieux rouages, remettre en marche la mécanique. J’mire Trinita avec un sourire tandis qu’un pirate entre deux âges avec un bandeau sur le crâne m’interpelle.


        -De quoi il parle, josé ? T’es un putain de traite et t’es dans son camp hein !?


        Le bastingage toujours dans l’dos, j’me propulse sèchement sur l’intrépide racaille qui ose me rendre des comptes. L’infâme se prend une droite dans l’estomac avant de s’effondrer sous un direct du gauche. Son arcade cédant sous mes phalanges en croustillant. La mêlée est lancée, on y voit plus très clair. Deux groupes se forment ; Les corps s’entrechoquent ; C’est comme être le pot de fer contre le pot de terre. Sentir sous son poing les os vibrer et les hommes trembler. Sentir derrière chaque coup l’alchimie de son corps changer, et prendre le dessus. Ne pas laisser un seul coup impuni.
        Chacun écopera de sa peine.

        - Vous pouvez m’appeler Judas.

        Un deuxième homme tombe sous les coups d’Elvis, j’attrape mon vis-à-vis par la cheville alors qu’il tentait un chassé. Tournant sur moi-même, le figurant termine à la mer, directement avec les poissons.

        - Et notre tandem vous fracasse.

        Sans laisser une seule seconde de répit aux vingt quatre hommes d’équipage, je fonce. Ma course inexorable percute le mur de chaire humaine de l’épaule ; Deux s’envolent, le troisième trésaille et ferme les yeux. Ajustant ma taille à la sienne, je mets un genoux à terre en frappant du poing. Une frappe par les hanches et les épaules.
        Crack. Sa figure se déforme sous l’impact, tandis qu’il roule plus loin. On a trouvé quoi faire de nos dix doigts avec Trinita. Vous les mettre sur la tronche. Mon poing devient cramoisi a force de fourrager. J’le fais tourner comme un moulin et récolte les mentons ; Deux de moins sur la liste des criminels.
        C’est le chaos à bords, des hommes sortent de touts les coins, et de touts niveaux. Les coups volent et bientôt les plombs voleront. On doit saper le pouvoir à la baser, décourager la force numéraire. J’attrape un vieux potes, et m’en sers de machette, débroussaillant ma vue de cette mauvaise herbe. D’en haut Tuckson médite encore à un mauvais plan, histoire de bien nous prendre par derrière. On l’attends. On l’attends bien gentiment, touts les deux.
        J’retourne à ma mêlée en attrapant un mec par le cou, transformant mes deux bras en une clef bien serrée. De mon autre main j’contre un direct, tords le bras de l’impudent d’un mouvement de poignet, avant d’me tordre et de l’faire basculer cul par dessus tête, les neurones éparpillés sur le pont. J’bascule en un avant pour briser la mâchoire du captif, et m’assure de briser toutes formes de résistance en me relevant.
        Faut s’bouger de détruire se mur d’abrutis pour atteindre le trésor qui s’cache derrière. L’argent scintille à la limite de ma périphérie, instinctivement j’mets la mains devant mon visage et un rasoir m’entaille l’auriculaire. Foutu connard. J’vais venir chercher ton scalp’ pour de bon. J’attrape mon merlin. Crache dans mes main et fonce droit au centre de la mêlée, là ou Trinita fait son office. J’connais pas de chemin plus court que la ligne droite pour atteindre ses objectifs. La ligne de mire est obstruée ? Tant pis, on pariera sur peu de dommages collatéraux. Avec un peu de chance. Cinq mecs ont l’intelligence d’essayer de protéger le mec qui payera leurs primes, et mon merlin tourne dans une gigue endiablée. J’ai un peu le tournis en arrêtant de tourner, mais plus personne n’ose encore ouvrir sa putain de geule en me disant de m’arrêter. Sérieux, t’as cru que j’m’apellais José pour de vrai ? Qu’il est gentil.
        la piraterie c’est une monde obscure, et ce genre de drame peut t’arriver touts les jours une fois que t’as signé pour y être. C’est que la loi du monde qui te transperce l’estomac pour t’apprendre à être gourmand. Fallait pas être un pirate, du gland.

        Trinita a fini de jouer avec l’hors-d’œuvre. Il nous reste encore la chasse de résistance. Une véritable traque, connaissant les singeries dont est capable Meery Tuckson. Il nous fixe là. Plein de ressentiment. Tout cela va lui couter cher, et il deteste plus que tout perdre de l’argent. Il va bientôt sortir son épée et nous faire des cabrioles.
        J’ compte sur Trinita pour le faire redescendre sur terre. Les pigeons, sa reste de la nourriture, alors arrête de te rebeller.
          Le doute quant à l'orientation du partner ne dure pas. La réponse me vient, chaleureuse, cordiale, dans la praline sèche et froide qui achève la grande gueule du lot. Ça fait deux mauvaises nouvelles d'un coup pour le bon Tuckson, qui exhorte comme un beau diable sa petite troupe à nous croquer; seulement, faut bien avouer, on a pas l'air franchement comestibles. C'est seulement quand on lance les hostilités que nos joyeux sacs de frappe se résignent à entrer dans la danse.

          À partir de là, la physionomie des échanges musclés ne laisse planer aucun doute sur l'issue du combat. En face de la vingtaine de gars, il y a deux rocs. Deux bêtes. Qui ont la baston dans le sang depuis le jour de leur naissance et qui rivalisent de zèle pour faire étalage de leur force devant l'autre. Il ne faut jamais manquer une occasion de rappeler combien on est puissant. Même si, ce n'est pas aujourd'hui qu'on en viendra aux mains lui et moi, on dirait. C'est pas plus mal. On forme une bonne paire; réduire au silence une bande de piailleurs en guise d'introduction de Grand Line, avec lui, c'est sympa. C'est festif, ça marque le coup. Enfin, ça va surtout marquer leur gueule. Hm, j'ai fait un jeu de mots.

          Et puis, ce mec est particulier. Judas. C'est pas tous les jours qu'on peut entretenir une franche rivalité, pure, entière, sans aucun autre motif qui incite à combattre pour interférer. La plupart des gars qui occupent la colonne des "à cogner" ne doivent cet honneur qu'aux méfaits qui jalonnent leur parcours. Lui, jusqu'ici, m'a semblé réglo. Si un jour, l'envie me démange plus que d'habitude de savoir qui de nous deux tape le plus fort, je creuserai plus attentivement dans son passé. Et j'y trouverai peut-être un bon motif déclencheur. Mais avant tout, on se cognera parce qu'on est comme ça. On se collera une avoinée mémorable, on y mettra toute notre énergie. Et si on a pas de raison valable, ce sera seulement pour s'affirmer. Parce qu'on est des guerriers. On n'en est pas encore là, non; mais un jour, on se battra.

          En attendant, on régularise la situation à bord. On gomme les excédents de poids. Mon bras en manchette, je pivote sur moi-même, pour expédier par dessus bord deux malheureux trop au contact. Un bond plus tard, mes deux pognes agrippent chacune une caboche, et s'en servent pour frapper celle de la voisine. Douloureux. Mais pas fatal. Je ne ressens pas la fureur du combat, celui qui vous confronte à votre propre mortalité, qui dégage une odeur macabre.Il y a juste le plaisir de goûter à l'adrénaline qui circule dans mes veines, en ce moment comme lors de chaque situation rugueuse. Une chance pour ces gars, ils ne suscitent pas cette faim d'en découdre coûte que coûte que l'on peut ressentir face à un adversaire de gros calibre. Ils en réchapperont, à priori. Mais ça ne m'empêche pas de leur flanquer une sérieuse banjolée, pour le principe. Tout est là; ajuster le châtiment au coupable que l'on punit. Ça tombe bien, je sais m'adapter .

          Je reste en plein centre du pont, pot de miel du genre très collant, mes petites abeilles bourdonnent autour de moi. Les frappes fusent. Pas un pour percer ma garde. Une alerte ou deux, dans mon dos. Une batte qui vient se briser sur ma veste en cuir, et sur la carcasse qu'elle abrite. Et c'est à peu près tout. Un moment, je reconnais le benjamin de la bande, qui a l'air aussi pressé d'en finir qu'un pendu devant son échafaud. Il faut être beau joueur, je lui laisse l'honneur de porter le premier coup. Ça a l'air de lui flanquer encore plus la frousse de devoir me frapper. Ahlala, jeunesse...


          Paf.

          Zou, couché. Tant pis pour toi, petit. T'aurais au moins pu te vanter de m'avoir touché à ton réveil, c'est pas le cas de bon nombre de tes compadres.

          Ne reste plus grand monde. Voire même plus personne, en fait. Judas a savamment nettoyé l'endroit. Il me mire dans un rictus satisfait; son regard me renvoie vers le gaillard où l'ami Tuckson en aurait l'écume aux lèvres s'il ne s'imposait pas à un minimum de maîtrise de soi. "José" - ils ont vraiment cru qu'il s'appelait José ? - semble pas pressé de lui faire ravaler le prix de la traversée. En ce cas, il est à moi. Le pirate descend lentement les marches vers le pont, théâtral.


          Po-hoho. Je vous félicite. Mais ces hommes ne valaient grand chose. Moi en revanche ...
          Approche.
          Hm. Deux contre un ? On aurait peur de se battre à la loyale ?
          Juste moi.
          Peuh', je vois. On joue au fier, on a du muscle à revendre, hein ? Mais prends garde, l'inconnu, je suis le terr...
          On commence ?


          J'attends pas sa réponse, fonce sur lui. Une première frappe pour jauger le bestiau. D'un saut par dessus la rampe qui seule, craque sous le choc, il esquive. Je me retourne, une brûlure me saisit dans le bas du dos, un rasoir vient se ficher dans le bois de la structure, derrière. Hmm. Je vois. On aime se la jouer sournois. C'est pas bien, ça.

          Le phénomène amorce une course en boucle , dont je suis le centre. Une course d'élan circulaire toujours plus rapide. Difficile de l'ajuster, je lui accorde bien ça. Et soudain, ça commence. Les lames fusent vers moi. Fines, silencieuses, pratiquement invisibles. La première vient se ficher dans ma jambe. Ça pique; mais s'il croit m'avoir à coup d'aiguille, il a intérêt à avoir du stock. Vingt secondes passent, trois nouvelles tiges sont plantées dans mes avants bras. Ça commence à être emmerdant.


          Alors, l'ami ? On commence déjà à fatiguer. Moi, je ne fais que m'échauffer. Et voilà, mon coup fétiche. La Pique du Diable !

          Il sort un espèce de fleuret; passe au calibre supérieur, ça devient intéressant. Et, dans son style ô combien détestable, se lance dans une série de petits bonds successifs et désordonnés, pour se rapprocher de moi. Jusqu'à arriver au contact, en masquant parfaitement sa garde et le coup porté.

          Adieu, baaaka !

          Sa lame scintille, une demi-seconde. ... Une demi-seconde de trop. Je lis l'attaque, ma pogne droite bloque la sienne, armée, au niveau du poignet. Et la gauche frappe.

          CRRROOOCK.
          ...'gg.

          Et voilà. Une patate. Une seule. Une vraie. Fauché en plein vol, le colibri. Si on pouvait dissiper tous les conflits aussi simplement.

          Quand on veut jouer au dur, on s'habille pas en collants.

          J'arrache sans faire de manière les petites aiguilles qui se sont fichées un peu partout dans ma veste. Superficiel. Je checke Judas; il a l'air content. Un truc très bizarre, ce mec est souvent de bonne humeur. Ça ne s'explique pas. On en a fini avec les distractions, je prends vaguement des nouvelles. Même pas pour faire enquête. Encore que.

          Alors. Grand Line. Tu fais quoi dans l'coin ?
            Sa sent le sang et la poudre. L’air craque de cette atmosphère si virile, ô combien familière et accueillante, du champ de bataille fraichement dégagé. Propre. On a nettoyé le bastingage façon experts de la surface, dix minutes chrono montre en main. Je range mon Merlin, histoire de signifier mon désir d’arrêter là sa magie. Bien sûr que j’y est prit du plaisir, s’échauffer les phalanges sur quelques méchants avec Trinita, ça à toujours su réveiller mon côté festif. Sauf que l’autre blondinet, me coupe toute joie des retrouvailles à l’ancienne. Tout goût passé pour le pique-nique entre amis et encore moins pour le tête à tête, je laisse les rênes à Elvis.
            Qu’il vous montre un peu le sort qu’on réserve aux mesquins de son espèce. Aux vils rabouinots qui se glissent dans notre société pour mieux la corrompre. De ce genre d’individus dont on s’occupe, histoire de taper sur celui qui manquera pas. Jamais. Une glorieuse façon de se faire les crocs avant d'aller chercher les plus gros poissons. On dit qu’All Blue est le paradis du pêcheur, GrandLine c’est celui du chasseur.
            Regardez-le. Il évolue dans une optique si différente des hommes. Les proies. Désireux de passer au plus pressé, habitués à la facilité. Des hommes comme Tuckson. Elvis lui il prend son temps… Doucement, il le laisse venir à lui. Imperturbable. Il se terre et oublie la douleur et le fracas de son adversaire, concentré sur le seul objectif qui vaille la peine. Limitant les dégâts par une garde minimale et fermant les portes à toutes tentatives trop virulente.
            Son adversaire en est obligé de le distraire en permanence pour limiter cette oppression. Cette défense qui fatigue son bras et creuse sa tombe. Lentement, inexorablement. BRAAAK. Une frappe éclaire. Première patate, écrasée en pleine poire comme une enclume. C’est comme heurter un mur, et son propre élan lui coute le combat. Au pied de Trinita, qui lui remet les points sur les i.

            - Change de métier et reconvertis toi, essaye la coiffure par exemple… t’es minable comme pirate.

            Et après ça on m’demande de pas être de bonne humeur ? Mais qu’est-ce que j’y peux !? Sa sent le sang et la poudre. J’entendrais presque encore résonner le combat qu’on a mené. J’ai solidement attaché touts les bonhommes à une corde. Va falloir improvisé une geôle. Surtout si on ramasse plus d’un drôle dans leurs genres.
            Trinita m’interpelle, question banale. Sauf que y’a jamais rien de banal avec Trinita ; Tout est sujet à sa folie. Et même si elle nous pousse sur l’escalade d’une violence irraisonnable, c’est notre carburant.
            Sans un mot, j’sors un journal acheté avant de partir. Sur la première page on pouvait reconnaître la patte du collègue, et sa barbiche inimitable.

            - Pour ça. Et pour pleins d’autres raisons.

            J’le regarde. Pas vraiment l’intention de me confesser à Trinita. T’as pas trop la gueule d’un prêtre, et encore c’est pour le mieux. J’me retourne vers le tas de guignol réunit sur le pont.

            - Et ce serait quoi la suite de ton programme ? On mire ce qui passe et on tabasse ?
              La réponse de Judas reste évasive, j'en attendais pas beaucoup plus. On se connait un peu trop bien pour que le lascar me laisse lire en lui comme dans un livre ouvert. Je guette la feuille de chou qu'il me balance, on me reconnait en Première. Le cliché date d'il y a un moment; d'Hinu Town, je parierais. J'y étais parti faire une mise au point avec un certain Dürum-aniki, bandit minable qui causait du tort à Ossoï. J'suis intervenu, ça n'arrivera plus.

              La suite du programme ? Mah, on a fait le boulot ici, proprement, la suite logique, c'est de passer à la caisse. Deux ou trois des pèlerins qui viennent de goûter à notre profession de violence sont encore à peu près conscients. Jm'en vais voir l'un d'eux, il tremble comme une feuille morte et fait semblant d'être sonné. Jlui dis que si c'est vraiment ce qu'il cherche, je peux corriger le tir tout de suite, ça lui donne des ailes, il se met à déverser tout un bataillon de mots dans un ordre brouillon.


              Non, m'sieur ! Je suis en pleine forme m'sieur ... Prêt à remettre ça ... héhéhé. Enfin, non je veux dire ... vous voyez .... euh ... pitié, ne me tapez pas !
              Ça va, ça va. Bon, combien vous valez ?
              Combien on ... euh, c'est à dire que ...
              Quoi, tu comprends pas la question ? Prime, argent, pognon. Combien ?
              Mais monsieur, on ... on n'est pas recherchés, nous ...
              Répète ça ?
              Aye, non, arrêtez, s'il vous plait !
              J'ai pas commencé. Votre chef là, il vaut pas deux-trois billets ?
              C'est que ... c'était avant tout une grande gueule ... je crois pas qu'il ...


              Bordel. Pas une cacahuètes pour ce ramassis de vauriens. On tombe sur les seuls péquenots de tout le Cap qui ne valent rien. Le plan simple du on file au guichet de la marine prend du plomb dans l'aile. J'assomme pour le principe le bavard, qui serait franchement irritant à bien y repenser. Le collègue me mire, attend une réponse à sa question. Je grogne.

              Me faut du blé. Vite.

              Et là, une réponse à ma prière. Comme quoi, avec un peu d'amabilité, on obtient tout. Un couple de navires plongent à leur tour depuis le sommet de Reverse Mountain. Y'a une sérieuse activité à bord, on dirait. Limite, ça se battrait. Intéressant. Il faut aller voir ça de plus près. Manœuvrer notre rafiot sera pas du luxe, à deux, mais avec un peu d'huile de coude, on y arrivera pour le temps qu'il faudra. J'vise de l'index les intrus qui viennent s'écraser coque la première contre l'océan de Grand Line. La suite du programme, hein ?

              Je propose ça.

              Il sourit. Pas moi, mais si j'savais faire, ptetre bien que je sourirais là. Parce que, ces gars-là, ils tombent vraiment à pic. Tiens. J'ai encore fait un jeu de mots.