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Une Bonne Journée

Kliing' !

Bonjour ... pff'
Tiens, Sergent. Keuf Keuf. Comment ça va aujourd'hui ?
Oh, vous savez ... pff' Comment d'habitude ...
Encore des ennuis ? Qu'est ce que j'vous sers ?
Oui, on peut dire ça ... pff' une bière, bien fraîche, je viens de finir le service.
Une bière pour l'Officier.
Sous-Officier ... pff'
Allons, il faut pas vous laisser aller, comme ça, qu'est ce qui vous tracasse autant ?
Mes collègues ... pff'
Toujours les mêmes ?
Toujours les mêmes oui ... glub glub ... le Sergent Allister et le Sergent-Chef Palton ... glub glub ... tout ça parce qu'il va y avoir une promotion dans notre garnison, bientôt. Un poste de Lieutenant se libère ... pff'
Ah ? Mais, c'est plutôt bien, ça non ?
Non ...glub glub ... ils me raillent parce que la promo va me passer sous le nez, c'est un des deux qui l'aura ... glub glub .... même s'ils sont moins anciens que moi .... pff' et glub .... une autre, s'il vous plait...
Et une autre qui vient ! Comment ils peuvent être sûrs que vous ne serez pas l'heureux élu ?
Oh, ça ... pff' Ils parlent d'aller arrêter le vieux McFlamby, à sa ferme, demain à la première heure...
Le vieux McFlamby ?
Oui ...glub glub ... la vieille ferme en sortie de ville... il y distille de l'alcool de contrebande avec ses fils et en vend un peu partout illégalement... glub glub ... Et vous voulez savoir le plus drôle dans tout ça ... ? pff'
Hm, un instant, je vais servir le client, là-bas. Il tourne au whisky. Keuf Keuf. Y'a pas d'heure pour ça, vous m'direz.
... pff'
Hop. Je vous écoute.
...glub glub ...
...Keuf... Keuf...
Oui, je disais ... pff' le plus drôle, c'est que Allister et Palton lui en achètent, et le refourgent aux nôtres en s'en mettant plein les fouilles au passage...

Sans rire ?
Sans rire ... glub glub ... j'vous dis, la vie, c'est moche ... pff'
Allons, Sergent, dites pas ça. Vous êtes un mec bien. Vous avez vot' femme. Et puis vos gamins. Comment ils s'appellent déjà ?
Tommy et Julia...
Tommy et Julia, voilà.
Le petit Tommy va faire ses huit ans demain...
Huit ans ? Keuf Keuf... félicitations !
Merci ... pff'
J'vous en ressers une ?
Non, merci pff', il faut que je rentre ... Combien je vous dois ?
Oh, laissez, c'est pour moi aujourd'hui. Le bon anniversaire au petit.
Oui, merci pff' ...

Kliing' !


[...]

Kliing' !

Hope-là, salut la compagnie !
Tiens, ce bon vieux Doug'. Comment ça va, aujourd'hui ?
Hope-là, bien, et toi ? Les affaires marchent, vieux brigand ?
Ho, tu sais ce que c'est, y'a des hauts, y'a des bas.
Hope-là, me fait pas croire que t'es sur la paille hé, je te croirais pas Kyé-héhé !
Alors, qu'est ce que ce sera, aujourd'hui ?
Hope-là, comme d'habitude, va. Un Pastablues, bien de chez nous.

Crr.

Hope-là, il craque mon tabouret ! Qu'est ce que tu lui as fait, à mon petit tabouret ?
Il se fait vieux, un peu comme moi.
Hope-là, c'est pas une vie ça. On est un peu défraichis maintenant. Tu te souviens, la jeunesse, c'était quelque chose heh ?
Ah, ça, on en a fait, des conneries ensemble.
Hope-là, tu l'as dit. Et les virées en mer. On te pêchait des sardines à t'en boucher le port d'Hinu Town !
Yéhéh... Keuf Keuf ... KEUF !!
Hope-là, me claque pas entre les doigts, peuchère.
Hm, ça va, c'est pas pour tout de suite.
Hope-là, dis-moi, je pensais; t'es toujours en contact avec ton client de marine, là ?
Sergent Tapeur ? Sûr, il est même passé un peu plus tôt, pourquoi ?
Hope-là, figure-toi, j'aurais bien besoin qu'il m'aide. J'ai été cambriolé, à ma boutique su la Grande Rue.
Cambriolé ?
Hope-là ! Comme je te le dis ! Vitrine en morceaux, mes meilleurs costards envolés, la totale ! Et vois t-y pas que le lendemain même, je te vois un zigue en train de faire le coq devant mon commerce, dans un de mes costumes !
Non ?
Hope-là, si ! Comme je te le dis. Il est venu fanfaronner pile devant chez moi, l'asticot.
Et ... Keuf Keuf ... qu'est ce que tu as fait alors ?
Hope-là, tu te doutes. Moi, ni une ni deux, je vois rouge. Je m'en vais pour lui coller une tartine à lui en décrocher les yeux de la tête.
Oui, j'imagine bien la scène.
Hope-là, oui. Seulement, on se fait vieux. J'ai fini sur le cul, avec ce petit con à dire, que si je voulais récupérer mes affaires, j'avais qu'à passer chez lui. Il m'a même donné son adresse.
Sans rire ?
Hope-là, comme je te le dis, regarde, y m'a filé sa carte : 8 Boulevard Dezain Pot.
Il manque pas de toupet.
Hope-là, tu l'as dit. Teh, je te laisse la carte, tu la passeras à ton pote le marine là, qu'il arrange mes affaires.
Compte sur moi.
Hope-là. Allez, cul-sec et je file. J'ai une livraison d'étoffes en arrivage au port.
Les affaires s'arrêtent jamais.
Hope...buurps-là, exactement. Allez, à la prochaine.
Salut, Marius.

Kliing' !


[...]


Un autre whisky, mon bon monsieur ?
Hm.
Un autre whisky qui marche. ... floc floc floc...
Merci.
Ahlala, vous savez que, la vie, c'est pas facile de nos jours. Quand je vois certains des clients qui viennent ici ...
Des ennuis ?
Oui, de ces histoires à vous en ficher le cafard.
Je voulais dire, vous avez des ennuis ?
Moi ? Baah ... Keuf ... Keuf !! ... Qu'est ce qui vous fait dire ça ?
Allez savoir. J'ai un don.
Yé-hé, c'est que ça serait bien possible oui.
Ah ?
Oui, y'aurait bien cette bande de jeunes voyous. La bande à Nounce. Des braves petits, avant. Depuis quelques temps maintenant, il se prennent pour des gros durs. Ils sont violents, ils font chanter les pauvres gens, même, à ce qu'on dit... Et ils me doivent une sacrée ardoise.
A ce point ?
Longue comme le bras ! Keuf ... Keuf ... Mais, j'ai un peu peur de la leur réclamer, comprenez. J'ai bien essayé une fois, de leur faire comprendre qu'il fallait payer, mais ils ont saccagé mon vieux Bar.
Y'a plus d'respect, hein ...
Vous l'avez dit. Je vous en remets un ?
Pourquoi pas.
Tenez, j'vais vous faire goûter à une réserve personnelle. Keuf Keuf ... vous m'en direz des nouvelles...
Et pourquoi ils viennent chez vous ?
Hmm ?
Pourquoi ils viennent chez vous, Nounce et ses potes ?
Oh, bah, ils habitent à deux pâtés de maison d'ici. Ils ont investi une vieille baraque abandonnée et mon établissement est le plus près de chez eux.
Baraque abandonnée ? À deux rues d'ici ? Je vois. Combien je vous dois ?
Heu, 300 Berrys.
Tenez, en voilà 500.
Hé, mais ... et votre whisky ?
Buvez-le, vous en avez plus besoin que moi.

Kliing' !


[...]


Nuit noire. Un homme marche, mains dans les poches, tête rentrée dans le col de sa veste. Il remonte en direction de la ferme des McFlamby, réputée dans les milieux troubles du coin pour fournir en échange de quelques billets verts une généreuse ration d'éthanol pratiquement pur. À vous en faire flamber l'estomac et toute la tuyauterie. Il est tard, pour acheter de l'alcool. Mais le vieux renard et ses fils ne crachent jamais sur une bonne opportunité. Quand il toque à la porte, on lui aboie d'abord un "C'est pour quoi ?" désagréable. C'est la vieille grand-mère de la famille. Mais bien vite, on lui ouvre. L'ainé des trois fils le fouille, souriant mais tout de même un peu méfiant. Il lui demande ce qui est arrivé à son œil. Baston de taverne, qu'il répond, grogne presque.

L'ambiance est électrique. D'habitude, le business se fait dans une poignée de main franche, on entérine la négociation d'un verre de vrai whisky et on repart chacun à sa vie. Mais l'étranger n'a pas la tête du client avenant. C'est tout l'inverse. Lentement, le grand-père Flamby empoigne sa carabine à canon sciée, planquée sous son fauteuil roulant. L'inconnu ne le voit pas faire, la table du séjour lui masque les gestes de l'ancien. Mais, il y a ce clic. Caractéristique. Un chien que l'on arme. Ça dégénère.

Le premier des trois garçons de la famille crache ses tripes quand le poing du visiteur s'écrase sur sa bedaine molle. Les deux plus jeunes, plus coriaces, sonnent la charge. Les poings rougissent, les chaises volent, les meubles se renversent, et le mobilier de vaisselle qu'ils contiennent avec eux. Et puis, les os craquent. Croc. Croc. La famille Flamby mord la poussière. Ne reste que l'aïeul, qui tient en joue l'étranger. Qui l'insulte et réclame l'identité de l'intrus.


Vous vouliez savoir ce qui est arrivé à mon œil ? Regardez. It's so easy !!

Grand'Pa lâche son arme, se prostre dans un silence malsain, écume aux lèvres. Grand'Ma va à son chevet. L'étranger part. Quand la marine arrive, menée par le Sergent Tapeur, qu'une lettre anonyme aura prévenu deux heures plus tôt d'organiser le coup de filet, elle ne trouvera que les trois fils McFlamby, sonnés, et le grand-père tout tremblant, agonisant de trouille, soutenue par sa douce et tendre mégère.

Sur la table, un livre de transactions, avec les noms des acheteurs. Soulignés au sang, les noms des officiers Allister et Palton. Pièce à conviction plus que précieuse. Et, à côté, une paire de gants de boxe, anciennement fierté du vieux McFlamby dont la carrière sur le ring aura été une belle réussite en son temps, avec une note. Pour Tommy.


[...]

Huit Boulevard Dezain Pot. Une soirée de poker clandestin est organisée. Appartement luxueux, table de professionnels. Ça sent le bon cigare, les bouteilles sont de sortie. Les participants ont tous revêtu une tenue d'apparat; costard trois pièces pour tout le monde. Le dernier joueur arrive à l'instant. Veste de cuir noir, son look dénote. Un inconnu. Les autres ici, se connaissent tous de près ou de loin. Mais pas lui. On ne sait pas d'où il sort. On le lorgne, mais on ne pose pas de question. Il a les cinquante mille Berrys pour rejoindre la table, c'est tout ce qui compte. Au pire, s'il fait trop d'histoires au moment de cracher son pognon, ils lui expliqueront à la méthode forte. La partie s'engage.

Première main. L'étranger part à tapis; on rit bien fort, lui demande s'il est bien sûr de lui. J'ai pas de temps à perdre, qu'il rétorque en toisant l'assemblée entière. On hésite. Bluff ? Probable. Ils sont six. L'un des cinq autres se risque à le payer, l'hôte des lieux, qui dévoile sa main, fier comme un paon. As-Roi. L'autre a un Valet-Dix de Pique. On se moque, les railleries et les tapes dans le dos se succèdent. La frayeur est digérée, on considère la suite comme un pur divertissement.

Il vient un trois, un quatre et une dame au Flop. Deux cartes de Pique. Tirage couleur pour la suite. Un neuf tombe au Turn. Ne manque qu'un huit ou un roi pour la quinte. Tirage quinte et couleur à venir. On rit jaune devant la menace qui se précise. L'étranger est calme, le propriétaire beaucoup moins. Il s'essaye à un trait d'humour.

Vous acceptez que je règle autrement qu'en argent comptant ? J'ai quelques montres remarquables vous savez ...
Vos costumes.
Haha, non, ils valent bien plus que la mise en jeu.
Augmentons la mise. On joue vos vies.
Hein ?

Un malaise général s'empare des convives. L'étranger continue, joue bas les masques.

Ramenez l'objet du vol à son propriétaire, ou mourrez.

On ne rit plus du tout. Les regards fusent, que faire ? Ils sont cinq, l'inconnu seul. Il est diablement effrayant, avec son œil unique chargé de colère, mais ce n'est peut-être qu'un effet de style. Et on ne s'impose pas dans leur branche sans prendre de menus risques. D'un seul coup, deux des joueurs sortent un couteau de lancer. Le premier, au contact, n'a pas le temps d'en faire usage. Une droite le foudroie, lui fait lâcher son arme, sonné. Le second tire, pour n'atteindre que son camarade, dont l'inconnu s'est servi comme bouclier. On crie. D'abord de colère, puis de douleur, tandis que les coups pleuvent.

L'échange est un concentré de violence, brutal et bref. Chacun s'emploie à faire mordre la poussière au fauteur de troubles. Inutile. En trois minutes à peine, il ne reste plus que l'étranger debout. Arcade ouverte, respiration saccadée. Le seul rescapé de l'affrontement, le croupier, qui a jugé bon de ne pas s'en mêler. Choix judicieux. Il tremble comme une feuille morte, indique du doigt une direction dans l'appartement pour désigner le coffre-fort.

L'étranger revient, les bras chargés de billets, demande à ce qu'on tire la dernière carte, celle de la River. Un deux de Trèfle.

[...]

Drring.

Une merveille, cette sonnette. Nounce l'a fait installer il y a peu, pour donner un aspect un peu plus présentable à la baraque qui avait tout du squatt jusqu'à il y a encore une semaine. Et puis, il a un peu retapé l'endroit. Et ajouté une sonnette. À force de voir tout le monde débarquer à l'improviste chez lui, ça pouvait donner lieu à des situations gênantes. Qui ça peut bien être à cette heure ? Une ancienne conquête ? Ça serait pas du luxe, il est tout seul ce soir.

J'arriv....
Crok.

La porte sort de ces gongs, vient s'écraser sur le malheureux Nounce, lequel se tient maintenant le nez pissant le sang à flots.

Aye, putain, ma sonnette ! Hé mais, t'es qui toi, d'ab...
Crok.
C'est toi Nounce ?
Oui, bordel et t...
Crok.

En deux coups de poing, le jeune homme se retrouve réduit à l'état de punchingball.

Tais toi. Ou je te cogne. Tu vas faire exactement ce que je te dis. Sinon, jte cogne . Si tu n'obéis pas, essaye de jouer au plus malin, ou file pas droit à partir de maintenant. Jte cogne. Pigé ?

... 'ff ... pigé pigé !
Bien, alors écoute attentivement.

...


[...]

Kliing' !

Tiens, .. Keuf Keuf ... c'est vous. Vous êtes venu pour votre whisky.
Si l'offre tient toujours.
Si l'offre tient toujours ? Plus que jamais ! Hé tout le monde, la maison vous offre une tournée, à tous.
Vous, vous allez mieux qu'hier.
Ça, on peut le dire ! Figurez-vous que, le petit Nounce est venu régler ses dettes.
En totalité ?
En totalité ! Au berry près !
Bien.
Bien ? Merveilleux, inouï, inespéré, vous voulez dire ! Et avec ça, y'a aussi mon plus vieux client, qui s'était fait cambrioler y'a de ça une paire de jours, qui a retrouvé plus d'un Million en liasses dans sa boite aux lettres, ce matin !
Ah ben.
Ça vous en bouche un coin, hein ? Keuf ... keuf ... c'est pas tout. Le Marine que vous avez vu venir, hier, a été nommé Lieutenant. Le plus gros coup de filet de l'année chez les McFlamby ! Et ses collègues ripoux au trou !
Dingue ça.
Oui, totalement. Et vous, alors, je vois que vous vous êtes cogné la tête. Ça a été, votre soirée ?
Ça a été oui. Par contre, faut que j'y aille.
Mais, et Keuf Keuf !! ... et vot' Whisky ?
Buvez-le, vous avez quelque chose à fêter, on dirait.

Kliing' !

Une bonne journée.