- Spoiler:
- Attention, ce sujet comporte des passages potentiellement troublants, voire choquants.
Si vous êtes sensible, si vous avez encore l'âge d'innocence ou si ce n'est simplement pas votre genre, peut-être est-il préférable que vous ne lisiez pas ce sujet.
Au commencement était le chaos, le vide originel dont tout provient.
Ils ont coupé la lumière.
Ca fait déjà un bail, il y a eu plusieurs siestes depuis. Des mini-siestes, un œil ouvert et l’autre à moitié endormi. Dormir ici n’est pas très reposant. La tension est palpable et les beuglements hystériques et incessants de l’escaméra n’aident pas à atteindre un sommeil de qualité.
Il y a eu un temps de latence après l’euphorie de la sortie. On s’est regardé dans le blanc des yeux pendant un long, long moment. On s’est jaugé, on a pris des mesures. On s’est respecté jusqu’à nouvel ordre. Et puis le noir, le noir complet comme avant et le grand silence tout lourd s’est imposé à nouveau. Le silence de l’attente. Tout ça pour ça ?
Chacun a plus ou moins repris sa place dans sa cellule. A tâtons. Tant bien que mal. Les odeurs familières, la paillasse, les poils perdus et les sangs versés dans les accès de désespoir. Il fallait y retourner parce que n’a peur que celui qui est perdu. Celui qui sait où il est peut être anxieux de la suite mais il n’aura pas peur. Il sera rassuré. Il sera chez lui et il attendra.
La joie est retombée, oui. La joie innocente des enfants revenus, qu’enfin on laissait sortir après trop d’attente, elle est retombée. Par les lézardes entre les briques et les pierres des murs, elle s’est évanouie. Pscht ! A peine l’a-t-on effleurée du doigt goutteux de celui que les articulations ont déjà lâché faute d’exercice, elle est remontée vers la surface aussi soudainement qu’elle était venue.
Il y a eu des sanglots. Dans le noir, dans le tard de l’éternité sans début ni fin, dans les coins. Etouffés dans les manches mais pas toujours. Ravalés dans les barbes et arrachés par les ongles sales et crasseux dans les rides sous les yeux fous et aux aguets. Il y a eu des énurésies honteuses, tues. Comme avant quand on pensait à l’échafaud qui était la seule porte de sortie. Il y a eu des regrets.
Des regrets sur cette porte de sortie qui n’existe plus. Pourquoi ?
Pour quoi ?
Et puis après ils ont mis en route cette sirène.
Peut-être qu’ils surveillent depuis là-haut, depuis derrière l’écran relié au preneur d’images. Peut-être qu’ils observent. Peut-être qu’ils se rient des réactions des gens d’en dessous qui ne sont plus vraiment des gens de toute façon depuis qu’ils sont en dessous. Peut-être que tout ça fait partie de leur grand plan. Peut-être est-ce là le nouveau moyen trouvé pour résoudre le problème du niveau moins six. Peut-être les nobles mondiaux sont-ils à l’origine de tout ça. Peut-être. Peut. Etre.
Se peut-il encore être, dans cette basse fosse ?
Certains ne sont plus, déjà. Certains sont devenus fous. Déjà. Certains se sont mis à hurler aussi, dans leurs refuges aux portes ouvertes. Certains ont voulu les refermer, ont voulu s’isoler. Se sont isolés. Reclus parmi les exclus. Il y a eu des barricades faites avec les fétus souples des mauvaises couches. Des barricades qu’un rien, qu’un souffle effondrerait.
Et dans la nuit qui n’est pas plus la nuit que le jour n’est le jour puisqu’il n’y a plus ni nuits ni jours depuis longtemps, et dans la nuit on les entend, ceux qui crient. On les entend et on résonne avec eux de cette folie que crée la faim, de cette folie dont naît la soif. Et il y a cette communion malgré la tension et malgré la méfiance des êtres redevenus bêtes aux abois, car tous sont égaux dans la souffrance et tous sont égaux dans le noir qui oppresse.
La nuit tous les méchants sont gris.
La nuit, la vraie, même les méchants ne le sont plus.
La nuit, la dernière, il n’y a plus que l’attente du jour prochain.
La nuit, l’universelle, il n’y a plus que l’espoir qui fond, qui fond avec les cris.
Ils ont coupé la lumière.
Ca fait déjà un bail, il y a eu plusieurs siestes depuis. Des mini-siestes, un œil ouvert et l’autre à moitié endormi. Dormir ici n’est pas très reposant. La tension est palpable et les beuglements hystériques et incessants de l’escaméra n’aident pas à atteindre un sommeil de qualité.
Il y a eu un temps de latence après l’euphorie de la sortie. On s’est regardé dans le blanc des yeux pendant un long, long moment. On s’est jaugé, on a pris des mesures. On s’est respecté jusqu’à nouvel ordre. Et puis le noir, le noir complet comme avant et le grand silence tout lourd s’est imposé à nouveau. Le silence de l’attente. Tout ça pour ça ?
Chacun a plus ou moins repris sa place dans sa cellule. A tâtons. Tant bien que mal. Les odeurs familières, la paillasse, les poils perdus et les sangs versés dans les accès de désespoir. Il fallait y retourner parce que n’a peur que celui qui est perdu. Celui qui sait où il est peut être anxieux de la suite mais il n’aura pas peur. Il sera rassuré. Il sera chez lui et il attendra.
La joie est retombée, oui. La joie innocente des enfants revenus, qu’enfin on laissait sortir après trop d’attente, elle est retombée. Par les lézardes entre les briques et les pierres des murs, elle s’est évanouie. Pscht ! A peine l’a-t-on effleurée du doigt goutteux de celui que les articulations ont déjà lâché faute d’exercice, elle est remontée vers la surface aussi soudainement qu’elle était venue.
Il y a eu des sanglots. Dans le noir, dans le tard de l’éternité sans début ni fin, dans les coins. Etouffés dans les manches mais pas toujours. Ravalés dans les barbes et arrachés par les ongles sales et crasseux dans les rides sous les yeux fous et aux aguets. Il y a eu des énurésies honteuses, tues. Comme avant quand on pensait à l’échafaud qui était la seule porte de sortie. Il y a eu des regrets.
Des regrets sur cette porte de sortie qui n’existe plus. Pourquoi ?
Pour quoi ?
Et puis après ils ont mis en route cette sirène.
Peut-être qu’ils surveillent depuis là-haut, depuis derrière l’écran relié au preneur d’images. Peut-être qu’ils observent. Peut-être qu’ils se rient des réactions des gens d’en dessous qui ne sont plus vraiment des gens de toute façon depuis qu’ils sont en dessous. Peut-être que tout ça fait partie de leur grand plan. Peut-être est-ce là le nouveau moyen trouvé pour résoudre le problème du niveau moins six. Peut-être les nobles mondiaux sont-ils à l’origine de tout ça. Peut-être. Peut. Etre.
Se peut-il encore être, dans cette basse fosse ?
Certains ne sont plus, déjà. Certains sont devenus fous. Déjà. Certains se sont mis à hurler aussi, dans leurs refuges aux portes ouvertes. Certains ont voulu les refermer, ont voulu s’isoler. Se sont isolés. Reclus parmi les exclus. Il y a eu des barricades faites avec les fétus souples des mauvaises couches. Des barricades qu’un rien, qu’un souffle effondrerait.
Et dans la nuit qui n’est pas plus la nuit que le jour n’est le jour puisqu’il n’y a plus ni nuits ni jours depuis longtemps, et dans la nuit on les entend, ceux qui crient. On les entend et on résonne avec eux de cette folie que crée la faim, de cette folie dont naît la soif. Et il y a cette communion malgré la tension et malgré la méfiance des êtres redevenus bêtes aux abois, car tous sont égaux dans la souffrance et tous sont égaux dans le noir qui oppresse.
La nuit tous les méchants sont gris.
La nuit, la vraie, même les méchants ne le sont plus.
La nuit, la dernière, il n’y a plus que l’attente du jour prochain.
La nuit, l’universelle, il n’y a plus que l’espoir qui fond, qui fond avec les cris.
Dernière édition par Tahar Tahgel le Lun 24 Mar 2014 - 16:43, édité 4 fois