Tortuga Arc II : Les Drake's Pirates

Grand Line, 4ème voie.
A quelques miles nautiques de Tortuga, neuvième et ultime île de la 4ème voie.
Sur le pont du Fenrir, au cœur d'une tempête naissante.

Deux ans...

Fynild, soldat première classe, Sea Wolf depuis cinq ans... deux balles en pleine poitrine.

Deux longues années à remonté Grand Line...

Capsard, soldat première classe, Sea Wolf depuis quatre ans...  le ventre ouvert par un éclat de bois.

... Dans les sang, la sueur...

Jonas, soldat première classe, Sea Wolf depuis quatre ans... Une flèche en pleine gorge.

... Les rires et les pleurs...

Blok, sergent, Sea Wolf depuis cinq ans... Une jambe tranchée par un sabre d'abordage.

... Contre vents et marées. Contre tous...

Klars, soldat première classe, Sea Wolf depuis cinq ans... La tête emportée par un boulet de canon.

... Deux ans que nous autres Sea Wolves voguons d'îles en îles tels des conquérants ivres de leurs prochaines victoires. Et voici qu'après tant d'efforts et d'attente, nous tournons enfin le dos à la dernière île de Grand Line : Tortuga.

La quitter a presque été un soulag'ment, comme si y attendre encore un peu plus le dénouement de notre épique aventure était insupportable. Drake nous a servi de prétexte, de but pour avancer toujours plus loin et plus vite. Et le voici, à quelques miles nautiques... Entre les indications de notre "balise" Argos et de ma bosco, impossible de s'tromper... bientôt la vigie nous criera apercevoir son étendard. Bientôt tout ceci aura une fin... Et le véritable début de la légende des Sea Wolves !

Willard, sergent, Sea Wolf depuis cinq ans... Tombé sous les coups de hache d'une douzaine de forbans.


Mais pour tous ces frères... l'aventure finit là. Ils n'auront pas vu la fin de notre épopée. Les hommes de Drake leur ont ôté c'plaisir... Mais qu'à c'là n'tienne ! L'histoire -Elle- leur est acquise ! Nous nous souviendrons à jamais de leurs noms et de ce que nous avons vécu ensemble ! Leurs épitaphes seront gravé d'or dans le panthéon des loups d'mer.



La houle ballote le Fenrir dans de longs mouvement irréguliers tandis que des vagues toujours plus hautes et plus violentes viennent à nous telles une armée déchainée. Le pont oscille... et mes pieds fermement campés amortissent leurs mouvements sans que je n'ai besoin de me tenir où de me concentrer dessus. Je fais un avec le navire et les éléments déchainés... nous le faisons tous... Car nous sommes des Sea Wolves ; et la mer est notre patrie ! La seule qui nous accepte tels que nous sommes, sans nous juger !


Mes mains s'ouvrent lentement... Laissant alors s'échapper un papier que le vent violent emportera avant de l'avaler dans la tempête. Un simple papier donné par Karl peu avant sous mon ordre... Six noms... Six sur les vingt-cinq que nous étions. Paiement amer pour une île qu'il a fallu briser par l'audace et la force. Six frères pour une légende...


Un piquottement léger sur mon flanc... Je le sens à peine, perdu dans mes sombres pensées tandis qu'au loin je sens la Bête qui lentement fait ré-entendre sa voix. Ces minutes de calme océanique m'ont permis de me calmer, du moins assez pour retrouver mes sens et mon contrôle. Mais je la sens là, qui ronge le souvenir de Greed comme on croquerait des os pour en extraire la moelle ; et ces souvenirs font ressortir une excitation que je peine à contenir. Six noms m'y aideront... Un recueil silencieux... une pensée... une prière à l'océan qui le gardera à jamais en son sein.

Regard sur mon flanc, qu'une paire de mains habiles finit de débarrasser d'une multitude d'épines.

- C'est bon ?
- Ouais, ça devrait aller. A condition de ne pas faire n'importe quoi.



Et comme il n'est d'bon avis médical qu'on n'saurait contrarier, j'inspire à pleins poumons tout en faisant à moitié craquer les points d'sutures de côtes à peine anesthésiées. Puis l'air renfermé et sombre qui imprégnait mon visage se recouvre comme d'habitude du masque moqueur et carnassier qu'on me connait, avant que mon cri ne traverse la tempête et le pont du Fenrir tandis qu'une vigie fait de grands signes du haut de son nichoir.


Dix neufs gorges me répondent à l'unisson, motivées comme jamais !





Drake... C'est bien que l'destin t'ai fait arrivé juste maint'nant... j'aurais pas pu patienter une journée d'plus. Huhuhu... Ahahahah... Mwouahahahahah !

Voici... des Knock up Stream !
Par les pustules du cul de Davy Jones, rien dans les cartes n'indiquait la formation de tels courants dans l'secteur ; et c'est pas faute de les avoir étudié en détail avant d'attaquer Tortuga bordel. J'sais qu'Grand Line s'en donne à cœur joie dans la bizarr'ie nautique, mais là on tape dans la foire au monstre version cirque de la météo ! Si près des côtes de Tortuga et en une telle abondance, ça n'veut dire qu'une chose : y a un p'tit malin qui joue dans la grande pataugeoire d'la vie et qui s'amuse à éclabousser les autres. Et moi j'aime pas qu'on m'éclabousse, sauf à la limite avec son propre sang. Et j'n'en connais qu'un ici capable de tels miracles... Maudit bouddha d'mes burnes. Mais l'en faudra plus que ça pour arrêter le grand dévoreur de monde qu'est l'Fenrir. Bien plus par mes trois couilles !



Un nouveau pan du bastingage tribord qui s'fait la malle sous la force d'un geyser qui apparait sur notre passage, et que j'ai eu l'plus grand mal à esquiver même en partie. Car faut avouer qu'si les poissons avaient un enfer, ça r'ssemblerait sur'ment à c'qu'on traverse tous les deux en c'moment même. T'ain, les copeaux d'bois et l'écume me fouettent la trogne avec plus de force qu'un coup d'trique, tandis qu'le brouhaha assourdissant des courants qui apparaissent par à coups sur notre route me tamponne les oreilles comme ils malmènent la coque du navire !

J'en ai la tête à moitié retournée, les poumons en feu et l'cerveau en bataille, mais on tient bon. Moi la barre, le Fenrir son cap. Car de toutes façons, vu les dégâts qui s'accumulent à chaque seconde un peu plus, notre fier esquif ne tolér'ra pas une manœuvre de plus. D'ailleurs, c'est surtout par notre lancée et la crête d'une immense vague que nous avançons encore vers la jonque de notre adversaire, nos voiles n'étant plus qu'un vague souvenir au même titre qu'un bon cinquième du reste du navire. Plus d'armes, plus d'équipage, tout juste un semblant d'gouvernail rafistolé... et pourtant cette envie de sauter à la gorge de sa victime toujours au plus haut.

Brave vaisseau que voilà. Brave vieux navire, on va lui en mettre plein la vue à c'soit-disant bouddha tu vas voir. Courage vieux frère, plus que quelques secondes.... serre les dents Toji, ne lâche pas la barre... ne lâche pas le Fenrir... pas maintenant... Encore un peu plus loin... Toujours plus loin... Alleeeeer...

BRROUUUUUUUF'' CRAAAaaack !

Nouveau geyser cette fois encore plus près, évité d'un coup de barre hâtif tandis que c'est toute une partie du gaillard arrière qui vole en éclat ! Et même si je n'en verrai rien -tout concentré que j'suis sur la navigation qui joue entre la vie et la mort- derrière moi c'est plus de dix ans de souvenirs divers qui se déversent dans l'océan déchainé, s'écoulant des cabines éventrées comme le sang coulerait d'une plaie béante. Le Fenrir se meurt... mais dans son dernier souffle il prendra celui de son assassin. Et je serai à ces côtés à c'moment là. Je lui dois bien ça ; cher vieux frère...

La jonque n'est plus qu'à une centaine de mètres, et notre vitesse enfle encore et toujours ! Le lourd navire du pirate ne semble plus pouvoir nous éviter, j'y ai veillé. Nous sommes trop vifs pour lui, trop incisifs... et dans le timing le plus parfais l'océan s'ouvre devant nous tandis qu'une grosse vague nous pousse en avant. C'est parfait, Drake est fait comme un... C'est parf'... La bête grogne comme une mise en garde... Trop parfait ?
Comme éveillé par un instinct de survie à fleur de peau et une connaissance parfaite de la loi du traqu'nard, je n'peux empecher mes yeux de scruter fébrill'ment tout autour à la recherche de c'qui pourrait nous arriver d'encore pire. Tin' plus que quelques secondes, mais j'ai un d'ces frissons désagréables qui m'parcoure la nuque ! Pourquoi bordel ?

Par-c'que ! Là ! Au travers des vagues et de la pluie, le remous caractéristique des kock-up stream en devenirs ! Invisible pour la plupart des marins, mais pas pour mes sens d'homme-poisson et d'vieux loups d'mer paranoïaque ! En plein sur notre trajet, comme un couperet attendant patiemment qu'on vienne y tendre soi-même le cou. 'Foiré de Drake, tu n'nous auras pas comme ça ! Barre à Bâbord toute, j'ai tout juste le temps de rebondir sur cette crête pour revenir t'éperonner ensuite.

Tourne vite Toji, pas une seconde à perdr... ? Raaah, le gouvernail ne répond plus ! Arraché en même temps qu'nos cabines faut croire ; mais bordel pas l'temps pour ça, déjà j'peux voir la surface gonfler de puissance tandis que nous fonçons droit dans c'piège. Pas l'temps d'paniquer non plus, ni même de maudire ou d'jurer ; j'agis. Et dans un grand bond je me jette sur le plus haut mat auquel je m'agrippe fermement, avant de tirer dessus de tout mon poid pour le faire pencher sur le côté !
Les geppou s'enchainent à un rythme infernal comme si je prenais appui sur l'air lui même pour infléchir la course du Fenrir ! Le mat craque, grince, gémit sous la tension... Penche toi vieux salaud, penche toi par tous les enfers d'Impel down ! Me laisse pas tomber maintenant, Raaaah ! Il faut que tu tournes où on va y passer, raaaaaah !




Le Fenrir s'incline peu à peu, déviant ainsi sa course sur le côté... Mais si lentement... Marine et vaisseau redoublent d'effort... alors que dans un grondement qui emplit tout le courant remonte à la surface...

BROOOOOOOOOUUUUF' !!!

L'eau éclate enfin, tandis que des centaines de tonnes d'eau de mer sont projetées dans les airs !

Mais alors que ces volutes filent vers le ciel d'orage, une gueule de loups traverse l’extrême limite du courant ascendant, ou plutôt frôle comme par miracle la brume saline soulevée à ses bords ! Juste au dessus, une silhouette grogne en serrant des dents, jurant de tout son vocabulaire et luttant de toutes ces forces tandis que les masses d'eau sous pression manquent de l'arracher vers les cieux sous le simple souffle de leur déplacement. Mais la silhouette comme le navire tiennent bon ! Et une fois le pilier d'eau dépassé ne manquent pas de s'incliner une fois de plus mais cette fois-ci de l'autre côté, n'ayant rien perdu de leurs intentions belliqueuses. Bien au contraire.

Puis le mât cède enfin, laissant le marine retomber lourdement sur le pont encombré de débris tandis que lui-même s'enfonce dans la mer avant d'y disparaitre. L'homme se relève ensuite difficilement sous la pression de la tempête et de attaques, mais son regard quant à lui perce la pluie avec une intensité rare. Le navire lui n'est plus que blessures et coups : sans mats, gouvernail, armes... pourtant, tous les deux n'ont jamais semblé si brulant de vie ! La vitesse et les courants les projettent en avant une ultime fois sans qu'ils ne puissent plus rien y faire ; mais qu'à cela ne tienne : Drake est droit devant.

Les secondes défilent ainsi à une vitesse folle tandis que le marine se hisse péniblement sur la tête géante de loup qui orne la proue du fier navire des Sea Wolves... La jonque grossit alors à vue d’œil ; le choc semble inévitable... Et au travers de la pluie et des flashs lumineux de la foudre, un cri retentit :


La bête se rue alors sur la Jonque du pirate, s'encastrant de toute sa masse sur son flanc découvert ! S’enfonçant dans le bois tendre du navire de la flibuste, les crocs du loups font voler dans les airs canons, marins et éclats de bois ! Choc terrible qui manque de couper en deux le pourtant robuste navire de Drake, tandis que pour sa part le Fenrir se fend lui même sous la puissance de sa propre attaque. Trop de dégâts subis, trop de coups encaissés... et pourtant, le voilà encastré au plus profond des entrailles de son adversaire, semblant de rien lâcher comme pour l'entrainer avec lui dans la mort. Le "Lotus Carmin" grince à tour de tous côtés tandis que toute sa structure semble mise à l'épreuve, les vagues semblent alors le faire se débattre... mais à aucun moment le Fenrir à l'agonie ne lâche prise.

Et dans les débris qui parsèment le pont du vaisseau pirate, une silhouette massive se relève lentement en s'extirpant de monceaux de voile et de bastingage arrachés sous le choc. Une pression semblable à nulle autre s'instaure alors implacablement sur le navire, se répandant tels d'abominables tentacules dans toutes les directions. La silhouette semble ainsi enfler seconde après seconde... Et dans les ténèbres qui cachent encore son visage, une petite tête d'épingle brillant d'un éclat funeste. Puis une voix.


- A nous deux... Drake.

Poc....

Poc...

Poc... Poc...


Le bruit de ses bottes battant le pont de la jonque emplissent l'espace, inhibant jusqu'au chaos de la tempête qui pourtant n'a fait que redoubler d'effort. Et à chacun des chocs mats du talon sur le bois l'atmosphère qui se tend comme la corde d'un arc. Je me retourne, comme appelé. Sans me pressé ; sans hâte... comme si la pression propriétaire des lieux empêchait tout mouvement brusque. Des gestes dignes d'un démineur en plein travail donc, minutieux, prudent, sur le qui-vive.

Poc... Poc... POC.

Puis je lève le regard sur la silhouette majestueuse qui me surplombe du haut du gaillard arrière... A contre jour malgré l'absence totale de soleil ; découpage sur fond de lotus d'or, nimbant tout la zone d'un éclat éblouissant. Drake aime lui aussi soigner ses entrées... comme une façon de m'dire qu'il n'a pas peur de c'qui va se passer. Comme une façon de m'dire qu'il m'attendait. Tout comme le simple fait de s'être délibérément montré plutôt que d'avoir profité du terrain pour une attaque surprise.

Car tout comme moi, Drake veut assoir sa suprématie ainsi que sa réputation. Et pour cela, ce n'est pas avec l'encre de la mesquinerie qu'on fait les meilleurs pages. Proprement et aux yeux de tous se doit d'être la victoire pour assoir une légende digne des Yonkou ou de l'amirauté. L'accord tacite est donc facile à faire et à prévoir... La suite également.





Les deux mains posées sur la balustrade, L'homme me toise avec une force dans le regard qui devrait m'inspirer le plus profond respect. Sans la moindre trace de moquerie ou même de vantardise. Uniquement la détermination à clore une histoire en suspend depuis trop longtemps, et à ouvrir celle qui fera de lui un des hommes les plus redoutés de ce monde.

Cependant, là où ses confrères de la flibuste affichent généralement une malveillance digne du pavillon du crâne, je ne vois pas sur le visage calme de mon futur adversaire la moindre trace de haine ou de cruauté non plus. Pourtant il aurait matière-à.... Depuis notre arrivée sur Grand Line, nous n'avons eu de cesse de réduire à néant ses plans longuement mis en place, ainsi que de tuer ou capturer tous ses plus fidèles alliés. Ses ambitions de conquête du nouveau monde sont ainsi déjà réduites à néant ; ne lui reste plus que la vengeance comme tremplin vers le pouvoir tant désiré. A sa sérénité se juxtapose donc une détermination implacable, car bien qu'affichant une attitude posée Drake brule tout comme moi d'une puissance prête à exploser. Nous vibrons ainsi tous deux intérieur'ment de toute notre âme au grès des secondes qui défilent et qui ne font que remonter nos pulsions belliqueuses !

Les puissances de nos auras se confrontent alors à mi-chemin entre nos deux êtres, luttant déjà comme une introduction à notre combat ; les ténèbres des abysses que j'ai su dompter essayant de gagner du terrain sur les ondes de lumières dorées de celui qui s'affiche comme le nouveau bouddha, sans pour autant y parvenir. La lutte a déjà commencé... et avant même que nos corps ou même nos esprits ne s'affrontent, c'est nos forces de caractère qui ont commencé la lutte. Au moindre geste de l'un d'entre nous, c'est un petit monde qui est sur le point d'exploser, tant les forces prêtes à être lancées dans la bataille sont immenses.
Deux hommes tout entiers dans ce combat. Dans NOTRE combat.

Mais dans cette tension, nulle place pour les mots. Nulle place pour un simulacre de conversation. Car l'un comme l'autre savons que tout a déjà été dit auparavant. Par nos passifs, nos luttes, nos plans et les batailles menées. Je n'attends plus rien de Drake autre qu'un combat digne des annales. Et il ne doit surement plus rien attendre d'autre de moi. Parler ne ferait que diluer sa saveur, et donner une opportunité d'attaque à l'autre combattant. Alors nous échangeons par le regard, par les émotions qui pulsent de nos auras et qui se confrontent et se mélangent. Nos esprits sont liés...


Et au fond de mon cœur, la bête jubile et se tord. Rassasiée par Greed, elle s'était apaisée pour un temps. Suffisamment pour reprendre mes esprits et mener le Fenrir à son but. Mais je la sens de nouveau ressortir du fond de mon âme ; se réveiller tout aussi affamée qu’auparavant. Car la bête ne sera jamais repue ; j'ai appris à le savoir, à l'accepter. Alors je lui dois de nouvelles proies pour étancher sa soif de sang et d'excitation. Je NOUS le dois.
Et de cela Drake en est la parfaite incarnation. Son fumé et la promesse des délices et des douleurs qu'il apportera sont tels que la bête en hurle d'impatience. Et si mon corps n'a toujours pas fait le moindre geste, je le sens qui essaye d'échapper à mon contrôle pour se ruer dans la bataille comme encore jamais il ne l'avait fait ! Mais je tiens bon. J'ai appris à le faire là aussi. Drake mérite mieux... Et puis il s'agit là d'un adversaire dangereux... Peut être même du niveau de Mandrake.... Mon œil me lance fugacement. Mes côtes aussi. Patience ma belle, patience... Savoure... Prépare... Calcule.... Mourir ici serait trop bête ; ne fonce pas tête baissée. Plus tard. Le plus tard possible...






L'excitation est à son apogée... la tension aussi... Sur nos deux visages s'affichent alors autant de sourires de mauvais aloi. Nous nous comprenons d'une simple étincelle dans le regard ; il est temps de passer aux choses sérieuses.

... il est temps de passer aux choses sérieuses.

Sauf que. Pas un geste, pas un signe pouvant signifier le début des hostilités. Car s'il y a bien quelque chose qu'on peut r'sentir dans l'air entre nous deux, c'est cette foutue tension qui pourrait griller des sourcils aussi facil'ment qu'un lance flamme grillerai un toast. Elle est palpable, poisseuse... Et au travers d'toute la flotte que j'trimballe sur mon dos et dans mes fringues, j'peux sentir malgré tout la sueur froide qui commence à couler à grosses gouttes sur mes écailles.

Pas question donc de s'jeter crâne en avant dans l'tas même si mes plus vils instincts me commandent de l'faire ; j'y perdrai la tête à coup sûr. C'est mon autre instinct qui m'dit ça ; ou qui me l'hurle plutôt, comme si ma vie en dépendait. Ça c'n'est pas la bête ; juste plus d'trente ans d'baroudage et d'dépiautage à l'unilatérale, comme j'me suis toujours efforcer d'cuisiner. Ça garde les vitamines qu'on dit, et la santé dans l'cas présent. Bref, le temps n'est plus à la bestialité, mais à la stratégie ; et ça Drake semble l'avoir bien compris lui aussi.
Sinon pourquoi ne m'attaquerait-il pas en premier ? Pourquoi refréner lui aussi ses pouvoirs si ce n'est de peur qu'un premier geste maladroit ne l'envoie directement au cim'tierre ? Oui... Drake l'a senti lui aussi... le premier geste pourrait très bien être le dernier pour le moins adroit d'nous deux.

Alors on s'jauge... on s'évalue... Et derrière nous la tempête réclame une attention qu'on est loin d'lui accorder, toute déchainée qu'elle puisse être. Un regard de côté, un simple clignement d’œil de trop et c'est un aller simple pour les fonds obscurs sans passer par la case départ, vous n'touchez pas votre gloire et vos berrys. Mais même si j'ai comme l'impression d'avoir la moindre parcelle de mon corps à moitié écrasée par une tonne de plomb, mon esprit n'a rien perdu d'sa détermination... Non...
Putain ça m'foutrait même une sacré pêche qu'ça n'métonner'ait pas ! Tudieu d'mes trois couilles pour sûr qu'ça m'fouètte le sang ces conn'ries ! J'en ai la chair de poule tant c'type dégage un mojo à vous en briser les os mais bon dieu c'que j'peux aimer cette sensation ! Et y a peu d'types qui peuvent se vanter d'm'avoir fait vibrer comme ça sans une bonne demi-douzaine de mandales, c'est moi qui vous l'dit ! Putain drake, j'te promets qu'vais prendre mon temps pour t'avoiner, mais qu'ce sera d'toutes beautés crois-moi... foi d'père tempête on s'en souviendra !





Et comme rester comme deux ronds d'flan n'est pas dans nos habitudes et qu'le contexte ou notre naturel n'est pas du genre à aimer les tableaux trop figés, on commence à bouger. L'ent'ment... très lent'ment... Comme sur l'départ d'une course où l'arbitre n'aurait pas l'flingue pointé en l'air mais plutôt sur votre nuque. On attend l'signal du départ, et pourtant on l'redoute. J'ai dit redoute ? Merde m'semble bien ouais... L'redoute, mais n'fuiera pas pour autant ça non. Un duel mental s’engage donc, ou plutôt de stratégie.


Mon pied se décale très légèrement sur la droite... cinq centimètres... puis dix... Juste de quoi me mettre en position pour un "Soru" qui m'permettrai d'traverser la balustrade pour lui planter mon poing dans l'aine. Déjà le haki commence à affluer dans mon poing toujours caché dans mon dos.
Instantanément Drake décale son thorax. Quelques degrés... juste c'qui faut pour se mettre en position pour contrer mon "Obsidian balista" probablement d'un coup d'paume remontant. Le pirate fixe fugacement ma trachée. Juste assez pour que j'le remarque... Tsss... un piège ? Probable...

Ma main gauche sort donc de derrière mon dos pour lentement déboutonner l'attache qui maintient mon poignard à ma ceinture... le clip du bouton métallique s'entendra malgré le vent et les trombes d'eau... Recul fugace de Drake qui commence douc'ment à marcher en crabe vers la barre, comme pour se protéger du projectile empli de haki qui pourrait fuser... Juste là ou je l'voudrais. A mon tour, je l'suis avec la vitesse des continents en dérive vers le mat à moitié arraché qui reste à mes côtés. Un coup de pied d'plus et l'voilà qui s'effondrera sur le couvert d'mon adversaire, qui devra alors esquiver d'un bond vers la droite, juste là où je l'attendrai.
Mais au moment où mon pied se décolle d'un minuscule millimètre... à peine ai-je transféré mon poids sur l'autre pied que Drake ouvre légèrement ses paumes où il me semble percevoir des ondes dorées de mauvaises augures... J'vois alors la scène mieux qu'si j'y étais.... Deux ondes de choc pulvérisant le mat et ma nouvelle position. Je m'immobilise, en équilibre... le temps s'arrête...

Drake décale inconsciemment sa tête vers la droite, juste ce qu'il faut pour que j'le remarque.... Ma main gauche s'avance alors pour anticiper un bouclier de haki qui stoppera net son attaque, afin de l'traverser d'une manchette du droit aussitôt après. Le pirate change aussi-sec de garde en réaction, mouvement vif mais au combien minime qui l’accroupi juste c'qu'il faut pour un saut qui l'placera alors en parfaite position pour m'écraser de toute la force de son pouvoir ! Je m'recule d'un bond, juste assez pour avoir le temps de changer à mon tour de garde afin de l'intercepter d'une "Roue karmique" toute aussi fatale ! On s'immobilise, comme faces à des murs... La pluie nous fouette sans qu'on n's'en rende compte...




Et la tension qui monte encore et encore... je sens la bête qui se tord au supplice. Elle voudrait se ruer, mordre, ravager la chair savoureuse du pirate ! Mais je la tiens en respect... Bien trop concentré pour céder à ses caprices. Non il est temps de monter encore d'un cran. Si tu crois que je n'tai pas vu porter ton attention sur ce tas de boulets près à m'être expédiés dans la tronche... Vas-y mon gars, j'te les retournerai d'une "Paume du dieu sombre".
Il s'arrête... Et j'en profite pour amorcer ce qui sera sa perte : Le "Tyrant's claws" balayera les débris devant nous, arrachant son couvert comme la tempête soufflerai des cabanes en bois ! Puis un assaut -rapide comme l'éclair- par deux "Soru" de feinte complétés d'un "Geppou" me permettant d'arriver dans son angle mort... qu'il gardera ouvert comme un piège évidemment. Sa lame me frappera à un point vital... en théorie... Sauf que ma "Parade offensive" le prendra de vitesse, lui décollant la tête des épaules. Le haki baignant ma lame y veillera.

Mes doigts se contractent, près à déchirer le vent et l'espace... Je me concentre pour ne pas bouger d'un cil le reste de mon corps... Voilà ; plus que quelques secondes de*... Attendez. Putain depuis quand sa main droite est-elle là ? Sans prendre le temps de refléchir le "Tekkai" s'empare de mon corps ! Juste à temps pour dissuader Drake de gaspiller une cartouche. Laquelle ? Putain j'en ai pas la moindre idée mais vu sa mine renfrognée je viens d'échapper au pire. Connard, l'a bien failli m'avoir et il s'en mord les doigts.




Les secondes défilent et nos forces fondent comme neige au soleil tant la concentration que nous exerçons est immense. Nos esprits luttent, nos corps subissent, et ni l'un ni l'autre ne semblons décidés à bien vouloir le montrer... Alors abandonner, n'en parlons pas. Bon sang mais en quoi est fait ce mec ?! Pour un peu j'en d'viendrais presque admiratif si seul'ment j'avais pas cette foutue obnubilation qui m'pousse à vouloir le séparer en pleins d'morceaux d'différentes tailles et d'formes toutes aussi variées. Drake mon gars... j'sais pas comment tu fais, mais t'es pas la moitié d'une couille de loutre pour n'pas tomber dans mes feintes et mes pièges. Tu pourras t'en vanter durant les quelques s'condes qui précèd'ront ta mort.
Nan sans dèc' c'est comme s'il lisait dans mon esprit. Plus encore que ma vieille expérience en coup d'pute et en tactique ; car là j'lui prépare des mélanges de feintes d'enchain'ment et de puissance qui rendraient fou d'incompréhension le plus perspicace des magiciens. Mais non... Drake est imperturbable, du moins de c'que j'peux en voir. Bordel ça m'frait sacrément chier qu'ce gus s'amuse à ce p'tit jeu avec moi en grand gagnant. Y a un truc pas net là d'ssous...

Nouvelle fluctuation du haki dans mes cellules pour se préparer à contrer un des plans du pirate qui doit se résoudre à abandonner son idée pour ne pas déguster de la contre attaque qui suivrait. Huhu, tu peux pas lutter contre mon haki, tu peux pas test contre le ha... ki...
Le haki... Putain et si lui aussi maitrisait ce don ? Mais pas la même forme que moi... plutôt une variante... comme celle que l'lieut'nant Red met au point sur le Fenrir depuis quelques semaines par exemple. Bordel mais bien sur ! L'empathie ! Tu parles d'un handicape dans un duel comme le notre, le gars connait mes coups à l'avance ! Une chance qu'il me pense, ou plutôt me sait plus fort et plus rapide que lui, sinon je s'rais déjà mort plus d'une fois ! Raaaah f'chier !

Mais pas question d'abandonner pour autant nom d'une couille en granit marin ! La puissance seule nous conduirait l'un et l'autre à notre perte, et j'ai horreur de m'avouer battu dans un domaine ! Drake je te briserai sur ton terrain, là où te crois invincible. Et là, ta volonté sera brisée ; et avec elle tes chances de victoire. Là je pourrais alors laisser parler ma fureur. Là la bête te dévorera le cœur. Mais pas avant... Il faut que je trouve une solution...




Au loin une tornade ravage tout sur son passage, emportant des tonnes d'eau et de débris avec les quelques malheureux présents. Un mat entier passe ainsi en trombe entre Drake et moi sans qu'aucun d'entre nous n'esquisse le moindre geste en réaction malgré qu'il arrache au passage une bonne part du bastingage est de la mature encore intacte du Lotus carmin. Nous sommes en dehors du monde... Une seconde d'inattention et c'est la mort ; la fin du voyage. Nous restons donc là immobile une fois de plus... L'eau coule par vagues entières sur mon visage et mes muscles tendus à l’extrême... Un éclair illumine fugac'ment la scène...




Puis dans le regard de Drake un message qui semble passer sans qu'un seul mot ne soit nécessaire. Ce jeu ne l'amuse plus. Il nous sait dans l'impasse, et ne semble pas décidé à vouloir courir le risque d'un dénouement incertain. Alors je vois dans l'éclat qui habite ses yeux qu'il s'est décidé à agir ; à monter encore d'un cran dans notre duel mental. Et il peut alors voir dans ma propre prunelle ma réponse : *Vas-y. Tu ne m'fais pas peur ; je t'attends.*