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[1622] Le troisième tableau. (Quête)


Le troisième tableau. (Quête)


Première partie.

1569.

Quelque part sur une île de North Blue.

"Adjugé vendu à cette charmante demoiselle au fond de la salle !"

Et alors que l'heureuse propriétaire de ce magnifique service à thé en porcelaine s'occupe de le payer et de le récupérer, tout le monde dans la salle se demande quelle sera la prochaine pièce mise aux enchères.

"Notre prochain lot est un tableau représentant quatre pirates marchant au crépuscule, d'un artiste inconnu. Le prix de départ est de... 250,000 Berrys.", annonce le commissaire-priseur. D'abord, un court silence, puis ce sont les mains qui se lèvent peu à peu.

"500,000 Berrys à ma gauche ! Un million à ma droite ! Deux millions au fond ! Deux millions ? Deux millions une fois... Cinq millions à nouveau à ma gauche ! Cinq millions une fois... Cinq millions deux fois... Cinq mill..."

"Dix millions.", lance un grand bonhomme moustachu qui venait de rentrer. A l'annonce de son prix, tous les regards se tournent vers lui. Dix millions pour une toile d'un artiste même pas connu, c'est une très grosse somme.

"Dix millions... Dix millions une fois ! Dix millions deux fois ! Dix millions trois fois ! Adjugé vendu à ce riche gentleman du nom de... ?"

"Barrel. Théodore Barrel.", dit alors mon grand-père.


Dernière édition par Lloyd Barrel le Mer 20 Fév 2013 - 19:21, édité 11 fois
    1622.

    Barrel Island. North Blue.

    Pfff... Les peintures ça ne sert vraiment à rien. Une perte de temps et d'argent. Heureusement qu'au moins on les a, le temps et l'argent, chez nous les Barrel. Jusqu'alors on les gardait accrochées dans l'aile principale du manoir, mais j'ai arbitrairement décidé qu'elles n'y étaient plus à leur place. Si ça n'avait tenu qu'à moi, on les aurait jetées à la poubelle, mais bon, ma mère m'avait harcelé toute la journée en me disant que mon grand-père les avait achetées au prix fort et qu'elles faisaient désormais parti de l'héritage de famille. Je lui ai alors répété que vu que l'héritier c'était moi, j'en faisais ce que je voulais, mais je ne peux rien refuser à ma mère que j'aime et qui m'adore. Du coup, je suis en train de toutes les décrocher des murs, pour les descendre dans le coffre-fort sous la maison. Et dire que c'est à moi de faire ce boulot ingrat, faute de domestiques. Ah la la, heureusement que je suis capable de tout faire, et de le faire bien ! Sinon cet endroit serait déjà en ruines... Et dieu sait... Non, dieu c'est moi. Donc, et je sais que cet endroit doit seoir à ma grandeur et à ma magnificence. Forcément, du coup, je dois tout faire moi-même... Mais bon, au moins j'aurais fait ma bonne action de la journée. Bon ok, j'en fais tout le temps, parce que j'ai un coeur en or, mais voila... Enfin. C'est une journée tranquille sur la belle Barrel Island. Le soleil brille, les oiseaux chantent, les paysans travaillent. Et moi, je suis moi. Bref, la vie est belle.

    "Monsieur Lloyd ?", m'interrompt dans mes réflexions Willy, mon majordome.
    "Ah, Willy ! Tiens vu que t'es là, tu vas pouvoir finir de descendre au coffre toutes les toiles !"
    "Certainement monsieur, je ne puis vous laisser vous pervertir en accomplissant une tâche aussi ingrate. Il fallait aussi que je vous avertisse que les villageois réclament votre splendeur une fois de plus."
    "Ha ha ! Les roturiers me demandent ? Je vais aller les honorer de ma présence ! Bon allez Willy, je te laisse te charger de ça, hein !"
    "Très certainement monsieur Lloyd. Dois-je avancer votre carrosse avant de m'occuper de ça ?"
    "Ce n'est pas la peine, je vais y aller à pied."
    "Entendu monsieur."

    Je remonte dans ma suite pour enfiler mon blanc manteau. Je m'admire ensuite dans mon miroir. Ce que je suis beau... J'ai trop la classe, et tout le monde m'adore. Quoi de plus normal que les jeunes des villages de l'île m'acclament en leur héros ! Bon allez, je vais leur apporter ce qu'ils veulent le plus au monde... C'est à dire mon illustre personne. J'enfile mes bottes, mes gants et je sors en claquant la porte. Je vais aller faire un tour au village le plus proche du manoir. Tandis que je sors de la propriété, tous nos domestiques me saluent d'un "Bonjour monsieur Lloyd." et courbent l'échine devant ma splendeur. Après tout, ne détourne t-on pas le regard du soleil pour éviter que sa magnificence n'irradie trop nos yeux ? Et pourtant, sans sa lumière on n'est rien. Oui, je suis un peu comme le soleil. Radieux.
    Le village n'est qu'à un petit kilomètre du manoir, je n'ai donc aucun mal à m'y rendre. Et une fois arrivé sur place, c'est bien entendu l'accueil habituel, celui que je mérite. Qu'il est bon de se sentir aimé, de savoir que tout le monde nous apprécie... Enfin, m'apprécie à ma juste valeur. Dire qu'il y a des gens que l'on déteste, des gens qui sont mauvais, ou qui ont tout simplement des défauts... Je n'ai pas ce destin là. Moi, j'ai le destin d'un aventurier, mais surtout d'un meneur de troupes. Les gens se battraient presque pour être mes amis. C'est quelque chose d'inhérent à ma condition d'homme supérieur. Et puis, j'aime un peu ça quand même.

    "Monsieur Lloyd, nous vous attendions !"
    "Ah ! Monsieur Lloyd est enfin arrivé ! Je mourrais d'impatience !"
    "Monsieur Lloyd, vous illuminez ma journée !"

    Hmmm... Oui, en fait c'est vraiment trop trop bon de se faire rappeler à quel point on est génial, à quel point on est parfait. Non, non, je ne me fais pas mousser. Ce n'est que la stricte, simple et pure vérité.

    "Voyons, vous m'attendiez, et je suis venu ! Lloyd Barrel tient ses promesses !", leur dis-je. Tous ont le sourire aux lèvres. Mais qu'est-ce qu'on allait bien pouvoir faire ? Surement comme d'habitude. On va aller à la vielle souche, près du ruisseau, et je vais m'asseoir dessus. Tous vont se mettre en cercle autour de moi et m'écouter réciter mes palpitantes aventures. Cela va être une journée tranquille, en somme, si je n'oublie pas d'aller rosser celui avec qui je pratique les arts martiaux, bien sur ! Et je ne suis pas du genre à ne pas me souvenir.
    Nous nous mettons en route vers le fameux endroit, nous nous y installons, et l'après-midi ne fait que commencer.


    Dernière édition par Lloyd Barrel le Mer 20 Fév 2013 - 13:47, édité 1 fois
      Environ deux heures plus tard.

      "Et là, je lui dis : "Non mais, pour qui te prends-tu ? Je suis le grand Lloyd Barrel ! Tu ne peux pas me vaincre !"."
      "Et qu'est-ce qu'il a fait après, monsieur Lloyd ?"
      "Eh bien, le bougre s'est offusqué, et s'est jeté sur moi ! J'aurais pu l'attaquer en premier, mais par fair-play, je lui ai laissé de l'avance."
      "Vous êtes vraiment un grand homme monsieur Lloyd !"
      "Oui, je sais..."
      "Et alors ? Qu'avez vous fait ensuite ?"
      "J'y arrive, j'y arrive. J'ai esquivé son coup et lui ai fait un balayage. Il s'est écrasé au sol comme un vulgaire insecte."
      "Vous êtes vraiment très fort !"
      "Oui, je sais... Mais il n'en avait pas eu assez. Vous vous rendez compte ? Il se relève et se jette à nouveau sur moi, en essayant de me surprendre !"
      "Il n'a quand même pas touché votre beau visage, n'est-ce pas, monsieur Lloyd ?"
      "Bien sur que non quand même ! Il a reçu un uppercut dans l'estomac, qui l'a mis au tapis, et ce bien avant qu'il ne puisse m'effleurer !"
      "D'un seul coup ?!"
      "D'un coup, d'un seul."
      "Incroyable, monsieur Lloyd !"
      "Oui vous êtes vraiment fantastique !"
      "D'un seul coup ? Quelle puissance, dis moi, gamin..."

      Tout le monde se retourne vers la personne qui vient de parler. L'homme sort des buissons. Il mesure environ un mètre quatre-vingt, mais est assez large et trapu. Plutôt baraqué en fait. Mais bien moins que moi. Il porte une sorte de marcel rayé, un pantalon baggy et un bandana. A sa taille, une large ceinture de tissu à laquelle est accrochée un sabre et plusieurs bouteilles opaques remplies de liquide. Surement de l'alcool. Ses bras arborent de multiples tatouages colorés, représentant principalement des flammes et des cartes à jouer. L'homme a un regard sur de lui et railleur, et affiche un regard prétentieux. Je ne l'ai jamais vu sur l'île. Je n'ai d'ailleurs jamais vu quelqu'un habillé de la sorte sur l'île. Toujours est-il que sa phrase m'a l'air bien irrespectueuse et ironique.

      "Qui es-tu, toi ?"
      "Moi, je suis un pirate."

      Tout le monde lâche un cri. Celui des villageois de l'île est de stupeur, et le mien d'excitation. Un pirate, sur cette île ? Génial ! J'adore les pirates, ce sont des aventuriers assoiffés de gloire et d'avenir, qui parcourent toutes les mers du globe pour accomplir leur destin. Je suis sur d'avoir un destin fabuleux, moi aussi. C'est pourquoi mon rêve est de devenir un pirate comme cet homme. Un fier combattant des mers...

      "Sérieusement, un pirate ?"
      "Si j'te le dis, gamin."
      "... Gamin ?", dis-je lentement. Pour qui se prend t-il pour me manquer de respect, à moi ?
      "Monsieur Lloyd, vous devriez faire attention..."
      "Ouais, t'es un gamin pour moi. Et tu devrais écouter ton pote, et pas faire le mariole avec moi."
      "Personne t'a jamais appris à respecter ceux qui te sont supérieurs ?"
      "Qui t'es pour me dire ce que je dois faire, p'tit con ?", répond t-il.
      "Tu as forcément entendu parler de moi, enfoiré. Je suis le grand Lloyd Barrel."
      "Lloyd... Barrel ? Barrel, Barrel... Comme Abraham Barrel ?"
      "Tu connais mon père ?"
      "Ton père ?", dit-il, alors que ses yeux s'écarquillent. Un large sourire s'affiche sur son visage, puis il continue : "Eh bien ! On pourra dire que ç'aura été plus facile que prévu !"
      "Quoi ?"
      "Que se passe t-il, monsieur Lloyd ? Comment cet homme connait monsieur votre père ?"
      "Ha ha ha ha ha ! Ecoute un peu comment ils t'appellent, pauv'naze ! "Monsieur Lloyd" ! C'est ridicule ! Ha ha ha !", s'écrie t-il en riant aux éclats. Ce bâtard inférieur se moque de moi...
      "Je te donne 10 secondes pour t'excuser, gros con..."
      "Je te donne 10 secondes pour me suivre."
      "Te suivre ?"
      "Ouais, on va rendre une petite visite à ton père...", dit-il en s'approchant de moi. Il tente de m'attraper le bras. Un bon crochet du gauche le remet à sa place. Il virevolte dans les buissons desquels il est sorti quelques minutes auparavant. Voila qui lui apprendra à déblatérer de telles inepties. Tiens, étonnant, il n'a pas dit son dernier mot : le voila qui revient, ayant tiré son sabre et une des bouteilles qui balançaient à sa ceinture. Il a la belle marque de mon fort poing sur sa sale joue.

      "Ça, t'aurais mieux fait de pas le faire, mongolien...", dit-il, visiblement l'air énervé. Il débouche avec les dents sa bouteille, et y porte le goulot à la bouche. Il boit une rasade, et la recrache aussitôt. Le liquide orangé s'enflamme immédiatement. Une gerbe de flammes est projetée sur moi. Je bondis sur le côté pour esquiver cette bave brûlante. Un cracheur de flammes ? Comme celui que j'avais vu la fois où mon père avait fait venir un cirque sur l'île ? Non, lui, c'est un pirate. Mais pas un pirate aventurier. Un enfoiré de pirate, un sale forban qui pille les mers et raide les villages remplis d'innocents. Aucune pitié pour une larve comme lui. Je me jette sur lui. Il tente de me donner un coup de sabre comme une gifle. Je lui donne un coup du tranchant de la main dans le poignet, et un dans le biceps. Son bras est repoussé. Je lui assène un coup de poing en plein dans le larynx. Il lâche son arme, et recule en toussant. Quand il lève à nouveau les yeux vers moi, sa seule vision est celle de mon poing qui s'approche de son visage. En plein dans les dents. Dents qu'il lui manquera bientôt. Son corps inerte retombe lentement au sol. Son regard est vide. Il est bien sonné.

      "Incroyable monsieur Lloyd, vous l'avez éclaté !"
      "Oui, vous n'avez pas cillé malgré le fait qu'il soit armé !"
      "Quand même, ne suis-je pas le grand Lloyd Barrel ?"
      "Bien sur !"
      "Mais je me demande toujours... Comment connaissait t-il monsieur votre père ?"
      "Je ne sais pas, mais il voulait aller le voir et...", commencé-je. Je m'interromps soudainement.

      Merde. Il voulait aller voir mon père. Ce petit pirate malhonnête et délinquant. Mais un pirate de cette espèce, c'est jamais seul. Il a sans doute un équipage. Merde. Le manoir. Ma famille sans défense est en danger. Seul moi, le grand Lloyd Barrel, peut les sauver.

      "Et quoi, monsieur Lloyd ?"
      "Je dois partir ! Restez là, et assurez vous que ce connard ne se réveille pas !"
      "Non, monsieur Lloyd ! Laissez nous vous accompagner, vous êtes notre idole !"
      "Oui, laissez nous vous suivre !"
      "Bon d'accord, mais faut se dépêcher !"

      Nous partons vers le manoir en courant. J'espère qu'il n'est pas trop tard.


      Dernière édition par Lloyd Barrel le Mer 20 Fév 2013 - 14:14, édité 4 fois
        Environ trente minutes plus tard.

        Nous avons suivi la route jusqu'au village ou nous étions toute à l'heure, à savoir celui qui était à environ un kilomètre du manoir. Je m'arrête quelques mètres avant l'entrée du village, et me plaque dos à une maison. Mes amis m'imitent très vite. Il faut être extrêmement prudent, car si l'équipage de ce pirate à investi le village, ça peut-être très dangereux. Tout semble calme, apparemment il n'y a rien à signaler. Mais je fais bien de prendre toutes ces précautions, car justement quelque chose ne tourne pas rond : c'est bien trop calme. Je me risque à jeter un coup d'oeil derrière le bâtiment contre lequel nous sommes appuyés. Rien. Le village n'est pas souvent plein d'animation la journée, les hommes travaillant aux champs et les femmes restant bien au chaud à l'intérieur à s'occuper de leur famille ou au manoir à s'occuper de la mienne. Toujours est-il que ça cloche, qu'on entende pas un bruit. Dans les histoires que me comptait ma nourrice lorsque j'étais enfant, c'était toujours dans de telles situations que quelque chose d'affreux se produisait. Et merde, j'ai bien peur que quelque chose soit arrivé. J'entends alors un bruit venant plus du centre du village, vers l'endroit où se trouve la grande place. Enfin, la grande place, c'est vite dit, rien que ma première chambre est plus grande. Mais qu'est-ce que je raconte, moi ? Je dois me concentrer sur ce qui se passe, parce que si je fais confiance à mes compagnons, on n'est pas sortis de l'auberge.

        "Qu'attend t-on monsieur Lloyd ?", perce alors le silence ma camarade.
        "Chut ! Ne faites aucun bruit, j'entends quelque chose !"

        "Tout avance comme prévu ?"
        "Presque. Le bateau est en train de contourner l'île pour se mettre sur la côte ouest."
        "Et le gamin ?"
        "Il serait parti dans la forêt, avec quatre autres gamins. On à déjà envoyé des hommes pour ratisser les bois et le trouver."
        "Il faut qu'on se presse. Si les paysans se rendent compte de quelque chose et débarquent, on sera vite submergés sous leur nombre. Submergés et tués. Ou pire."
        "T'inquiète pas, vieux. Marcus à tout prévu, l'oublie pas. Mazaret va bientôt arriver."
        "Mazaret, carrément ? Moi qui pensait que c'était une mission facile..."
        "Marcus veut qu'elle soit sans bavures, il veut prendre aucun risque. Il est parti lui-même au manoir. Et il "l'a" avec lui."
        "D'accord, d'accord ! Avec Mazaret ici et Marcus et son "arme" là-bas, c'est comme si c'était fait."
        "Tu l'as dit... Bon, allez vient, faut qu'on finisse de capturer les villageois."
        "Capturer les villageois ?! Quelle horreur !", lance alors mon ami, en lâchant un cri d'effroi. L'idiot ! Incapable de se contenir !
        "Hein ? C'était quoi ça ?"
        "Allons voir !"

        Et merde ! Les deux pirates se rapprochent dangereusement de notre position. Je n'ai pas le choix, je vais devoir leur coller une bonne raclée ! Le seul problème c'est que mes amis ne savent ni se battre, ni se protéger. C'est à moi de tout faire, comme d'habitude...

        "Les gamins! Qu'est-ce qu'ils foutent là ?!"
        "On s'en branle, attrapons les !", crient-ils, l'un en dégainant des couteaux de lancer, et l'autre une sorte d'arbalète fixée sur son poignet. Je dois impérativement neutraliser celui qui a l'arbalète en premier, celui avec les lames passera après, même si c'est très dangereux. Je me rue sur lui, me rapprochant au corps à corps. Ça l'empêchera de manoeuvrer son arme. Je me prends une mandale dans la joue. Son collègue aux poignards m'à intercepté dans ma lancée. L'enfoiré. C'est un putain d'acrobate. Il fait changer sa lame de sens dans sa main, et tente de me la planter dans la cuisse. Je lui bloque le coude, et lui donne un coup de genou dans son articulation, puis un coup de boule dans le nez. Je me retourne immédiatement sur le pirate à l'arbalète.

        Il fait feu.
        Je me décale sur le côté, et le carreau me manque. Bien, sauf qu'il recharge avec une vitesse incroyable, et me met clairement en joue. Cette fois, je ne m'en sortirai pas avec une vulgaire dérobade. Même s'il est bon acrobate, le pirate aux poignards n'est pas habitué à prendre des coups, et est encore en train d'accuser le choc de mon coup de front. Je l'attrape par le cou et l'arrache à l'endroit où il titubait pour le placer en bouclier devant moi. Bingo, le carreau se plante dans son poitrail. J'espère qu'il ne va pas mourir, je suis pas un assassin. On m'a juste appris à me défendre, à toujours survivre. Je jette le blessé au sol d'un mouvement d'un bras, et me rue sur l'homme qui est encore debout. Un uppercut dans le menton l'empêche de faire un autre de ces rechargements éclair. Il fait semblant de tomber au sol, et prenant appui sur ses deux mains m'envoie un premier coup de talon dans le bras, puis un second dans la nuque.

        Ils commencent à m'énerver avec leurs galipettes, sérieusement ! Moi, je fais pas dans les fioritures, et je lui fais une balayette pour le déséquilibrer. Ça t'apprendra, enfoiré. Il chute lourdement au sol, et se prend mon dernier coup de pied en plein dans les côtes. Le voila knock-out.

        "Et voila le trava..."

        Je m'interromps en me retournant et en apercevant le spectacle qui se dresse devant moi. Un de mes amis à un carreau planté dans la jambe. Et merde, j'aurais du m'en douter, ils sont loin d'être aussi compétents que moi.

        "Ça fait un mal de chien... Aaaah..."
        "Tiens le coup, Barry, ça va aller !"

        Tiens, je savais pas qu'il s'appelait Barry. En même temps, leurs prénoms m'importent peu, c'est pour ça que je ne leur ai jamais demandé. Toujours est-il qu'il est blessé, et qu'il git au sol avec une flèche plantée dans la jambe. Mais il y a plus important. Ma famille ou mes biens sont peut-être en danger, je n'ai pas le temps de m'occuper de ce genre de bêtises !

        "Toi occupe toi de lui ! Et toi, file prévenir les paysans ! Dites leur de s'armer et de débarasser le village des pirates ! Je file au manoir moi !", dis-je en pointant respectivement du doigt mes interlocuteurs.
        "Mais, monsieur Lloyd... Barry est blessé et..."
        "Vous discutez ce que je vous dis ?"
        "Non, non, ce n'est pas ce qu'il voulait dire ! Allez-y et éclatez les, monsieur Lloyd !"

        Je pars en courant en contournant le village. Il doit être bondé de pirates. Ce "Marcus" dont ils parlaient doit être leur capitaine, et donc le plus puissant d'entre eux. Si je lui règle son compte, j'aurais gagné. L'île sera sauvée. Car c'est de moi que le sort de Barrel Island toute entière dépend maintenant. Les villageois pourront se débarrasser eux-mêmes des petits pirates du village. A dix contre un, cela ne leur sera pas difficile.
        Ça y est, je dépasse enfin la limite du village, je peux désormais courir jusqu'au manoir. Enfin, si rien ne m'en empêche, car à peine trois cent mètres plus loin, j'aperçois une silhouette menaçante à l'horizon, et qui s'approche de moi. Un gros, que dis-je, énorme, bloc de chair et de muscles armé d'un gigantesque marteau. Il arrive juste à côté de moi, marchant d'un pas lourd, très lourd.

        "Qui t'es toi ?", me dit-il avec une voix d'ahuri.
        "Je suis... Je suis le grand Lloyd Barrel !"
        "Barrel... ?", commence t-il. Il continue : "Marcus, y t'veut vivant, je crois. Moi j'aime pas quand les gens ils restent vivants. Mais bon, c'Marcus l'patron, c'lui qui décide. Par contre, il m'a pas dit de pas t'arracher d'bras ou t'exploser d'jambe !"
        "Qui c'est Marcus ? Et toi t'es qui ?"
        "Marcus Delacroix, c'est not' cap'taine ! De l'équipage des Bazartistes ! Et moi, j'suis M'zaret Picasso, son lieut'nant !"

        Les Bazartistes ? Quel nom de merde. Marcus Delacroix ? Voila qui je dois vaincre si je veux sauver mon île et ma famille. Mais d'abord, je dois triompher de son lieutenant, Mazaret Picasso. Enfin, non. Je VAIS triompher de son lieutenant ! C'est parti !


        Dernière édition par Lloyd Barrel le Mer 20 Fév 2013 - 14:49, édité 1 fois
          Mazaret Picasso. Une sorte de colosse, d'au moins deux mètres-dix, tout en muscle, et pesant à vue de nez cent-quarante kilos. Tout son énorme corps est parcouru de larges veines apparentes, y compris son visage déformé. Et encore, déformé est un euphémisme. Sa bouche difforme laisse voir deux rangées de dents jaunies et tordues. Avec une telle dentition, son nez aplati comme un groin de porc, ses cheveux ébouriffés et ses yeux injectés de sang dont l'un à une pupille plus dilatée que l'autre, il ressemble moins à un humain qu'à... Je ne sais pas du tout, à vrai dire. C'est pas qu'il est juste laid. Parce que quand quelqu'un est laid, on arrive toujours à trouver un animal qui lui ressemble un peu, ou au moins partage quelques traits physiques avec lui. Mais là, c'est pas qu'un manque de beauté. Il n'est ni humain, ni bestial. A ce niveau là, je me dis que c'est plus un monstre qu'autre chose. Surtout quand je vois ce filet de bave et de morve qui dégouline jusqu'au bout de son menton.

          Avec un physique pareil, il est clairement impossible que son intellect soit d'une quelconque façon développé. Et la façon qu'il a de s'exprimer ne peut que confirmer mon hypothèse. Je me demande d'ailleurs si là n'est pas la raison d'une telle apparence. Est-ce que l'un a découlé de l'autre, ou l'autre a découlé de l'un ? Difficile à dire. En fait, c'est peut-être les deux en même temps qui en ont fait ce qu'il est devenu. Toujours est-il que ce combat, je le gagne haut la main. Un idiot pareil est incapable de me vaincre, c'est tout bonnement impossible. Je détourne alors le regard vers sa main gauche, dans laquelle se trouve un immense marteau en métal, qu'il tient fermement. Vu sa corpulence, si je me prends un seul de ses coups, c'est le membre arraché à coup sur, ou bien la mort. Dans la mesure où j'aimerais conserver mon intégrité physique, il vaut mieux qu'il ne me touche pas. Mais alors pas du tout du tout.
          Il faut que je fasse donc preuve de souplesse et de rapidité. Que je l'attaque sans cesse pour l'empêcher de me rendre mes coups. Le truc bien avec un adversaire aussi volumineux, c'est qu'il doit être extrêmement lent. Le truc moins bien, c'est qu'il doit être extrêmement résistant.

          Je ne lui laisse pas le temps de réfléchir, et lui envoie un coup de poing, direction le visage. Avec toute ma force. Son bras droit se déplace avec une rapidité étonnante, et de sa main énorme il attrape mon poing au vol. Non, non, Mazaret. Tu vas quand même pas faire ce que je pense... Eh bien si. Aie. Il ferme sa main sur la mienne. Ça fait un mal de... ! Non, non ça fait pas mal du tout, j'ai rien senti, mes mains c'est du titane. Je lui décoche un crochet du droit dans la tronche. Voila qui va le faire lâcher. Etant donné qu'il tient son marteau avec son autre main, il est incapable de bloquer. Mon poing atteint sa cible. En plein dans le mille. Vu la force que j'ai mis dedans ça va sacrément amocher son visage. Quoi que je me demande si sur lui cela ne contribuera pas à le rendre plus beau. Faut voir. Mon coup a l'effet escompté. Il relâche son étreinte sur ma main gauche. Je me dégage vite fait du corps à corps, et j'affiche un petit rictus narquois sur mon visage. Rictus qui s'efface aussitôt, quand je me rends compte que le coup que je lui ai porté ne l'a pas fait ciller. Merde, merde et re-merde. Je frictionne ma main blessée. Ok, j'ai super mal, je l'avoue.

          "Gueuh... Tu tapes fort pour ta taille... Mais c'est pas assez... !", dit-il, toujours avec cet air ahuri.

          Putain, c'est une vraie brute ce Picasso. Il faut que je trouve un moyen de le vaincre. Réfléchis, Lloyd, réfléchis. Il faut que je gagne du temps. Je vais essayer de le cuisiner un peu. Avec son quotient intellectuel, ça va être facile.

          "Qu'est-ce que vous faites sur cette île, putain ?"
          "Nous ? Euh bah... On cherche un tableau !"
          "Un tableau ? Une peinture ?"
          "Bah ouais ! T'es bête ou quoi ?", dit-il. Je ne réponds pas, même si c'est pas l'envie qui m'en manque.
          "Mais pourquoi vous attaquez une île pour un tableau ?"
          "Eh bien, c'parce qu'l'tableau il a un secret : y permet d'trouver un trésor. Mais chuuuut. Faut pas l'dire, sinon Marcus y va s'énerver ! Y tient vraiment à c'tableau. Comme moi et mes sculptures !"

          Un tableau qui permettrait de trouver un trésor ? Au manoir Barrel ? Et je ne suis pas au courant ? Ouais, ça doit être une de ces peintures dans laquelle une carte est bien bien cachée, ou quelque chose comme ça. Mais laquelle ? Putain, je les ai vues ce matin en plus, quand je les ai descendues au coffre fort. Ah non, Willy en a descendu une grosse partie. Et puis il y a celles qui se trouvent dans la chambre principale de ma mère, qu'elle tient de mon grand-père, et qu'elle n'a pas voulu descendre avec les autres. Marcus Delacroix ne doit pas être au courant de ça. Je dois pouvoir me servir de cette information. Si j'arrive à découvrir quel tableau ce malade cherche, et à mettre la main dessus avant lui, ce sera gagné. Et puis réfléchissons un peu. Dans cet équipage de pirates, ils ont tous cette lubie de l'art. Ils en sont complètement obnubilés. Je dois pouvoir me servir de ça contre eux. Mazaret Picasso à parlé de "ses sculptures". Intéressant. Très intéressant.

          "Et donc... Euh... Toi tu fais de la sculpture ?", dis-je innocemment.
          "Comment t'sais ça toi ?! Ouais, j'suis un sculpteur, moi !"
          "Oh, eh bien... Ça se voit tout de suite que tu es un grand sculpteur !", dis-je hypocritement. Quelle horreur, je déteste l'hypocrisie. Heureusement que personne ne l'est avec moi ! De toute manière, je n'en ai pas besoin, tout le monde sait que je suis parfait !
          "Oh, c'est vrai ?!"
          "Si je te le dis ! Ça se voit que tu as énormément de talent !"
          "Personne m'avait jamais dit ça... T'es un gentil, toi ! Mais ça, c'tait avant. Maint'nant, j'peux plus..."
          "Pourquoi ?"
          "C't'à cause de c'que Marcus y m'a fait... Y m'à rendu grand et fort, mais j'arrive plus à sculpter..."
          "... Ce qu'il t'a fait ?"
          "Oui, avant j'tais pas comme ça moi... C'est la peinture, ça... Le tatouage...", commence t-il, avant que des larmes ne viennent se mêler au filet de bave et de morve, et qu'il se mette à se lamenter : "Mais maintenant je peux plus... Bouhouhouhou... Je suis très malheureux..."

          Ce mec est complètement débile, je n'ai aucune pitié envers lui. Je vais me servir de son état pour le vaincre. Je vais remuer le couteau dans la plaie. Le tuer psychologiquement. Je sais pas que ce Marcus lui à fait, ce "tatouage", et je m'en fous. Ça me concerne pas. Tout ce que je veux, c'est sauver ma peau et celle de ma précieuse famille. Personne d'autre sur cette île ne mérite de vivre. Je m'approche de Mazaret Picasso, qui s'est assis parterre, et pleurniche comme un bébé. Je lui tapote l'épaule avec la main. Et je remarque qu'il a lâché son marteau à côté de lui.

          "Ça va aller, Mazaret. Tu sais ce qu'on va faire ? Je vais t'aider à sculpter !"
          "Oooooh. C'est vrai ? Toi, t'es un ami ! Pas comme Marcus !"

          Je lui souris, et me saisis lentement de son arme. La vache, elle est lourde. Je suis obligé de la prendre à deux mains. Il se relève lentement, en essuyant ses larmes. Désolé, mon gars, mais je vais pas t'aider à casser des cailloux. Je vais plutôt te casser les genoux. J'ai aucune émotion pour toi, je ressens rien pour un pirate comme toi. T'es qu'une simple merde pour moi. Mazaret ne me voit pas armer ma frappe. Et bam. Un coup sec dans la rotule, qui lui brise les os. Il tombe à terre, en se tordant de douleur, en prenant sa jambe entre ses mains.

          "Pourquoi t'as fait ça ?! T'étais mon ami, non ?!"

          Non, je l'étais pas, pauvre douille. Maintenant ferme ta gueule. Je lui abats désormais son maillet dans le dos, en plein sur la colonne vertébrale. Ça fait le bruit d'une boite d'oeufs qu'on écrase. Mazaret lâche un cri de douleur à faire peur. Enfin, pas à moi. Ses jambes arrêtent de faire le moindre mouvement. Je laisse tomber le marteau ensanglanté au sol. Je ne vais pas m'abaisser à le tuer. Je suis pas un meurtrier. Et Marcus Delacroix est surement au manoir à l'heure qu'il est. Il faut que je me dépêche de le rejoindre, et de l'arrêter. Vu ce qu'il aurait fait à Mazaret, ce type est dangereux. Pas pour moi, qui suis merveilleux et parfait, mais pour ma famille et mes biens, bien sur. Je laisse l'abruti handicapé au sol, et pars en courant vers le manoir. Je touche au but. Ma main me fait un mal de chien, maintenant qu'elle commence à enfler. C'est surement les coups avec le marteau, ça à pas du m'arranger, ça. Putain, je dois avoir des métacarpes fracturés... Cet enfoiré a bien failli me broyer la main... Mais comment vais-je battre Marcus sans ma main gauche ? Non, non, Lloyd. Non, surtout pas. Je vais le vaincre, même si je dois ruser, comme là. Je reculerai devant rien pour me sauver.


          Dernière édition par Lloyd Barrel le Mer 20 Fév 2013 - 15:27, édité 1 fois
            Dix minutes plus tard.

            J'arrive enfin devant le grand portail du terrain qui entoure le manoir Barrel. J'ai mis un peu de temps, parce que je voulais pas être essoufflé en arrivant. Si jamais Marcus Delacroix s'était trouvé là et que j'avais été encore physiquement ou psychologiquement dans mon combat précédent contre Mazaret Picasso, j'aurais pas été dans la merde. Surtout que vu la puissance de son lieutenant, le capitaine de cet équipage au nom fumeux ne doit pas être la moitié d'un nul. Bon, je suis sur qu'il est moins fort que moi, mais bon, je veux dire... Il doit quand même être très fort ! Et puis, il part avec un avantage : ma main gauche me fait désormais beaucoup souffrir, et je commence à sérieusement croire que j'ai plusieurs os cassés. Heureusement, ce qui m'arrange c'est que Marcus ne détruira pas le manoir et ceux qui s'y trouvent. Du moins, pas pour l'instant. Tant qu'il n'aura pas trouvé le fameux tableau, il épargnera au moins ma famille. Tant mieux, car s'il ose toucher à un seul cheveux de mes parents, je ne retiendrai pas mes coups... Mes domestiques et servants, passe encore, mais mes parents...

            Tiens, en parlant de domestiques... Où sont-ils ? Il n'y a personne dans le jardin. Et pourtant, il est grand et demande beaucoup d'entretien, donc il est toujours bondé de jardiniers, de paysagistes et de servants divers. Et là rien. Pas un bruit, pas d'âme qui vive. C'est très inquiétant, car ça doit malheureusement être la preuve que Marcus Delacroix est bien passé par là. Remarque, s'il n'y a pas de cadavres, c'est plutôt bon signe. A moins qu'il puisse faire disparaître les corps d'une quelconque manière. Non, plus sérieusement, je ne pense pas que ce soit le cas. Je me risque à rentrer dans la propriété, en longeant les murs avec grande discrétion. Qui sait où ce malade peut être caché ? Normalement, il ne doit pas s'attendre à me voir débarquer, et il est vrai que j'aurais pu façonner un plan plus ingénieux, comme me déguiser en un de ses membres ou autre chose, mais bon... Le temps joue contre moi. Oui, il faut vite que je trouve le tableau avant lui. Comme ça, je prends la peinture en otage, et je le force à se tirer de l'île. Bon allez, qui ne tente rien n'a rien. Et je me mets à courir dans la jardin, traversant les rangées de haies jusqu'à la porte de l'aile centrale.

            J'ouvre la porte, et ose jeter un oeil à l'intérieur du bâtiment, que je connais comme ma poche. La non plus, il n'y a personne. C'est très inquiétant. Soudain, j'entends un bruit. Une porte servant aux domestiques qui s'ouvre, en laissant s'échapper un léger grincement. Je me mets immédiatement en garde.

            "Qui est la ? Je..."
            "Chut, monsieur Lloyd ! Il ne faut pas faire de bruit, il est encore à l'intérieur !", murmure une voix familière. La porte s'ouvre entièrement sur Willy, mon majordome, qui me fait signe de la main d'entrer avec lui.
            "Willy ? Tu parles de Marcus Delacroix ? Que s'est il passé ici ? Où est il exactement ?"
            "Monsieur Lloyd, quel soulagement de vous voir en vie ! Je craignais que vous n'ayez été attaqué en chemin !"
            "Je l'ai été... Mais je triomphe toujours, ne l'oublie jamais ! Je suis le meilleur.", dis-je en lui montrant ma main gonflée.
            "Bien sur, monsieur. Oh seigneur, votre main ! Laissez moi m'occuper de ça !", me répond-il avant de se mettre à panser ma main.
            "Oui oui... Bref, donc. Cet homme ? Est-ce qu'il s'appelait Marcus Delacroix ?"
            "Oui, c'est bien ainsi que ce monsieur dont vous parlez s'est présenté. Il a fait rentrer tout le monde à l'intérieur en nous menaçant avec une sorte de fusil terrifiant ! Et puis, il a demandé si on avait des peintures, et Alfred lui a dit qu'elles étaient toutes dans le coffre-fort sous la cave. Du coup, il a fait descendre tout le monde dans la cave."
            "Et toi ?"
            "Moi j'ai réussi à me faufiler pendant qu'il ne faisait pas attention. Nous étions nombreux donc il n'a rien remarqué."
            "Et là, il est toujours à la cave ?"
            "Oui, j'imagine qu'il à du mal à violer la porte blindée de notre coffre ! Surtout qu'il n'avait pas l'air d'avoir le matériel adéquat pour la forcer."
            "Parfait, ça me laisse un peu de temps.", dis-je, satisfait. Il faut que je trouve l'oeuvre en question. Mais je n'ai aucun indice sur ce fameux tableau...
            "Un peu de temps pour quoi faire, monsieur Lloyd ?"
            "Willy, essaie de te souvenir. Est-ce qu'il y a un tableau spécial dans ce manoir ? Une peinture un peu particulière, ou très étrange ?"
            "Pas que je me souvienne, monsieur Lloyd. Mais puis-je vous suggérer de vérifier dans la chambre de madame votre mère ? C'est là qu'elle à gardé les plus belles pièces achetées par monsieur votre grand-père."
            "Oui, j'imagine que je n'ai pas trop le choix. Il faut que je sauve le manoir ! Ah, et père et mère où sont ils ?"
            "Les maîtres sont en bas, avec les autres."

            Et merde. C'est pas bon, comme situation. Je ne peux pas risquer de mettre la vie de mes parents en danger. Il va falloir ruser. J'ai une idée. Risquée, mais qui peut marcher si je devine bien la personnalité de ce Marcus Delacroix. Il à l'air intelligent, et avait un bon plan. Je vais jouer la dessus.

            "J'ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi, Willy. On va sauver tout le monde."
            "Que puis-je faire pour vous monsieur Lloyd ?"
            "On va mettre le feu au manoir. Je veux que tu asperges l'aile principale d'alcool. J'en veux de partout."
            "Vous êtes sérieux, monsieur Lloyd ?"
            "Bien sur que je le suis."
            "Mais... Mais... Et tous ceux qui sont détenus dans la cave ?"
            "Ne t'inquiètes pas. Je vais me charger de les libérer. Mais d'abord je vais filer jeter un coup d'oeil dans la chambre principale de ma mère, voir si je ne trouve pas le fameux tableau. Tu ferras ce que je t'ai dit ?"
            "Oui... Oui monsieur Lloyd."
            "Parfait. Je reviens dans cinq minutes."
            "Entendu, monsieur Lloyd."

            Je monte d'un pas félin et léger dans la chambre principale de ma mère, sans faire le moindre bruit. Willy s'occupe de la même manière de la tache que je lui ai assigné. Si nous sommes repérés par Marcus Delacroix, tout sera à l'eau, tout sera fichu. Et mon plan est tellement génial, ce qui est normal puisqu'il vient de moi, que ce serait bête que Willy gâche tout par de la maladresse ! Il est incorrigible ce Willy ! J'ouvre la porte de la chambre avec le passe-partout de mon majordome. Je rentre. La chambre de ma mère est très bien rangée. Tout est toujours bien rangé de toute manière, dans le manoir Barrel. Je jette de rapides coups d'oeil aux murs. Les tableaux qui sont accrochés dans la pièce ont tous l'air ordinaires. Aucun n'est encadré différemment, aucun n'à quelque détail particulier qui le change des autres. Voila qui ne va pas me faciliter la tâche. Réfléchis, Lloyd, réfléchis. Avec ma main dans cet état, et le fait qu'il ait des otages, je ne peux pas risquer l'affrontement direct. Je suis obligé d'emprunter un moyen détourné. Si seulement je pouvais savoir quel tableau Marcus Delacroix cherchait... Mais est-ce que lui sait aussi exactement quel tableau il cherche ? Peut-être que oui, peut-être que non. Ah, il y a trop d'inconnues pour échafauder un plan qui marcherait à coup sur ! Je vais devoir abattre toutes mes cartes en même temps pour gagner. Je préférerais largement le combattre, car je serais sur de ma victoire, à moi, le grand Lloyd Barrel, mais tout se jouera au bluff dans cet affrontement. Lloyd Barrel contre Marcus Delacroix. Je peux pas me permettre de perdre. Je perdrai pas. Je gagnerai.

            Je redescends les escaliers vers le rez-de-chaussée, une toile enveloppée dans un linge blanc sous le bras. J'ai pris une toile au hasard, une belle toile avec quatre pirates marchant, un crépuscule derrière eux. J'aimais bien les pirates, alors entre une toile avec quatre aventuriers des mers, une toile abstraite et une toile représentant une mouette, le choix était vite fait. Arrivé au rez-de-chaussée, je fais le point avec Willy. Il à aspergé les trois étages d'alcool, vidant toutes les réserves du bar et de la cuisine.

            "Il ne reste presque plus d'alcool en stock, monsieur Lloyd."
            "Parfait, je vais prendre tout ce qu'il reste. Maintenant, tu reste ici. Et tu attends. Si tout se passe comme prévu, ceux qui sont retenus à la cave devraient remonter. Fais évacuer tout le monde."
            "Et vous, monsieur Lloyd ?"
            "Depuis quand devez vous vous inquiéter pour moi ?"
            "Vous êtes le grand Lloyd Barrel, monsieur. Je ne m'inquiète pas.", me dit t-il en souriant. Willy est décidément le majordome parfait. Je m'approche de la porte de la cave, et en tourne lentement la poignée. Je rentre, en expirant un coup. J'entends des voix, juste à côté. Caché contre un mur, je parviens à entendre ce qui se passe, sans pour autant pouvoir apercevoir quoi que ce soit.

            "Putain ! Mais elle est incassable cette porte ou quoi ? Qu'est-ce qu'il fout, ce débile de Mazaret ? Pour une fois que ce mutant peut m'être utile, avec son marteau ! Le tableau est tout proche, et pourtant il m'est inaccessible ! Putain !"; hurle une grosse voix grave en cognant à plusieurs reprises la lourde porte. Marcus Delacroix. Il reprend : "Et elle est où la clef ? Elle est où la putain de clef de cette porte ? Toi, parle !"
            "C... C-C'est... C'est Wi... C'est Wi-wi..."
            "Oui-oui ? Tu te fous de moi ? Tu veux peut-être que je me serve de "ça" sur toi ?"
            "N-non non... C-C'est Willy, le majordome !", dit alors terrifié un de mes domestiques, pris en otage.
            "Willy ? Willy es-tu la ?", demande alors Marcus. Il n'y a bien évidemment aucune réponse. Il continue : "Tu ne veux pas me répondre, Willy ? Tu es sur ? C'est quoi ton nom ?"
            "B-Bobby..."
            "Bon, Willy, je te préviens. Si tu te manifestes pas dans les dix secondes, je flingue Bobby."

            Et bien évidemment, une fois les dix secondes écoulées, personne n'a cillé. Et le fait que les personnages secondaires qui m'accompagnent toujours dans mes aventures ont des noms pourris n'a rien à voir avec ça. J'entends tout le monde qui commence à s'affoler et à crier. Non... Ne paniquez pas...

            "Ok, tant pis pour toi, Bobby !", s'exclame alors Marcus. Eh merde...
            "Attendez !", le coupe alors dans son élan un jardinier, Jimmy.
            "Oh ?"
            "Willy n'est même pas là parmi nous !"
            "Plait t-il, l'ahuri ?"
            "Bah oui, il à du s'enfuir quand vous nous avez capturé, parce qu'il est pas là avec nous."
            "Putain de bordel de merde du feu de dieu de mille millions de mille sabords de chiasse ! Je débarque sur cette île... Je prends en otage une cinquantaine de ploucs... Je les entasse tous dans la cave de cette baraque immense... Et le seul de ces péquenots qui m'est utile s'est fait la malle ?", beugle le capitaine des Bazartistes. Oui, c'est ça. Il beugle. C'est un vrai sanguin, un vrai énervé. Il doit vraiment le vouloir, mon tableau. Euh, le tableau.
            "Euh... C'est que... C'est un peu ça oui."
            "Ta gueule Bobby ! Le provoque pas !"
            "La ferme Jimmy ! Me parle pas comme ça !"
            "Vos gueules à tous les deux !", hurle Marcus. Et puis, se sont deux coups de feu que j'entends. Merde, l'enfoiré... Quoi que ça va, Bobby et Jimmy n'étaient pas si importants que ça. Enfin, comparés à moi qui suis si parfait et merveilleux, bien entendu. Mais je dois l'arrêter avant qu'il ne s'en prenne à mes parents, avant qu'il ne les tue ou le tor... Hein ? Pourquoi j'entends des rires ? Oui, j'entends clairement Bobby et Jimmy en train de rire aux éclats. Je sors de ma cachette, et me retrouve face à Marcus, mes serviteurs et mes parents assis dans un coin de la salle, la porte du coffre blindé intacte, deux rats et Bobby et Jimmy en train de se tordre de rire par terre. Attends... Deux rats ? Des rats dans la cave ? Quelle horreur ! Il faudra que je songe à m'en débarrasser. Bref, à peine arrivé, la foule m'acclame en sauveur. Sauf les deux zigotos qui se roulent au sol, évidement.

            "Ha ha ha ha ha... !! Ha ha ha ha...!! Monsieur Lloyd... !! Ha ha ha ha ha ha !!! Sauvez nous !!!! Ha ha ha ha ha ha !!!!!"

            D'accord. Alors ça c'est bizarre. C'est peut-être à cause de ces traces de peinture jaune qu'ils ont sur le corps.

            ""Monsieur Lloyd ?". Ainsi donc c'est toi, Lloyd Barrel."
            "Exact, Marcus Delacroix."
            "Oh ? Tu connais mon nom ?"
            "Disons que tabasser tes larbins m'a permis d'apprendre pas mal de choses. Surtout ton géant abruti."
            "Tu as vaincu Mazaret ? Oh, mais tu dois être sacrément coriace alors ! Mais je pense que tu ne fais absolument pas le poids contre mon Paintball.", dit-il en montrant son arme. C'est un fusil mitrailleur duquel part un tuyau en plastique relié à plusieurs bocaux contenant des billes colorées et remplies d'un liquide que j'identifie difficilement comme étant de la peinture.
            "C'est avec ce truc que tu leur as fait... Ça ?", demandé-je en pointant du doigt Bobby et Jimmy, morts de rire à nos pieds.
            "C'est exact. De la peinture. De la simple peinture ! Le jaune de la rigolade ! Ça s'appelle le Color Trap ! La quintessence de la peinture ! Une forme d'hypnose très puissante basée sur une peinture réaliste et des couleurs représentant des émotions ! Et moi, Marcus Delacroix, j'ai développé cet art à un niveau encore plus haut ! Avec mon Paintball, je peux utiliser le Color Trap à distance, et avec une grande cadence ! Tu bouges, et boum ! Neu-tra-li-sé !"

            Des expériences avec de la peinture. Une puissante forme d'hypnose. D'accord, je commence à comprendre ce que Mazaret voulait dire. Ce mec est un vrai cinglé. Ça se voit, ça s'entend, ça se perçoit. Toujours est-il que son arme à l'air super puissante, et extrêmement dangereuse. Putain... Ça craint, même pour moi, le grand, le magnifique, le surpuissant Lloyd Barrel.

            "C'est quoi ce que tu trimbales sous ton bras ?"
            "Le tableau que tu cherches."
            "Quoi ?! N'essaie pas de me bluffer, je vois très bien que tu essaie de m'embrouiller ! Tous vos tableaux sont dans ce coffre. Et tu ne sais même pas de quel tableau il s'agit ! Ta famille ignore la valeur de ce chef d'oeuvre depuis trop d'années !"

            Je soulève le drap qui recouvre le tableau. Mon ultime coup de poker. Les yeux de Marcus s'écarquillent, à ma grande surprise.

            "QUOI ?! Comment est-ce possible ?! C'est bien lui !! Les Quatre Empereurs de Silvio Cortez !! C'est impossible !! Comment as tu pu savoir que c'était lui ?!!"

            Oh mon dieu, c'est moi, quel coup de chance ! Le tableau que j'ai pris au hasard est apparemment celui qu'il convoite. Non, non, non, non, non ! J'ai tout de suite compris que c'était le bon tableau. Je ne l'ai pas pris au hasard, je l'ai choisi. Moi, le grand Lloyd Barrel. Il est temps pour moi de mettre un terme à cette confrontation. A voir ce tableau entre mes mains, les yeux de Marcus Delacroix s'enflamment. Tout comme mon briquet, que j'agite désormais sous la peinture.

            "Tu n'oserais pas...", dit-il, me mettant en joue avec son pistolet à peinture.
            "Tout est imbibé d'alcool. Tout. Le manoir, le linge, les escaliers qui descendent à la cave. Tire moi dessus et je lâche mon briquet."
            "Tout le monde risque de mourir par ta faute..."
            "Si tu as la peinture, c'est ce qui nous arrivera de toute manière. Et si tu me tire dessus ton tableau brûlera avant que tu n'aies pu l'analyser et en percer les secrets."
            "Enfoiré de couille de sphincter de chameau en rut... !! Que veux-tu ?!"
            "Libère ceux que tu as pris en otage."
            "D'accord !! Cassez vous, vite !!", crie t-il aussitôt. Il à réagi au quart de tour, sans réfléchir. Il est vraiment prêt à tout pour ce tableau. Tout le monde remonte les escaliers, en me remerciant, même Bobby et Jimmy, toujours dans leur délire hypnotique. Oui, tous me remercient. Sauf mon père. Lui est toujours aussi froid. Ma mère est emmenée par nos majordomes. Elle ne tarit pas d'éloges à mon sujet. Je sais mère, je vous ai sauvé. Je suis formidable. Mais ils ne comprennent pas que tout n'est pas encore gagné.

            "J'ai fait ce que tu voulais, maintenant donne moi la toile !"
            "A quoi ça te servira ?"
            "Quelqu'un qui sait tout sur tout comme toi devrait le savoir, non ?"
            "Oui bien sur, je suis au courant pour le trésor.", commencé-je. Il ne dit mot, et ne fait qu'esquisser un rictus. Je continue : "Mais... Comment compte tu le récupérer ?"
            "Pardon ?"
            "Bah oui... Ton lieutenant à mordu la poussière. Il ne peut plus défendre tes petits pirates des villageois très remontés contre eux. Ton équipage existe plus. Il a perdu. Il reste plus que toi."
            "..."
            "Tu es fort Marcus Delacroix. Mais moins que moi, le grand Lloyd Barrel. L'issue de cette confrontation était prévisible."
            "Ta gueule, sale bâtard de sataniste fermenté ! Toute ma vie j'ai cherché ce tableau, je ne vais pas laisser un sale gamin prétentieux comme toi détruire mon rêve !"

            Son rêve ? Il à peut-être des méthodes et des larbins pitoyables. Ce Marcus est un vrai pirate, ça je dois lui concéder. Un vrai pirate, mais plus pour longtemps.

            "Désolé, Marcus Delacroix. Ainsi s'achève ton aventure !"

            Je lâche mon briquet dans la flaque d'alcool à mes pieds et pars aussitôt en courant. Je remonte à toute allure les escaliers de la cave, suivi par une traînée de flammes et par un Marcus Delacroix bien décidé à vivre. A peine arrivé au rez-de-chaussée, je claque la porte menant à l'escalier en question, la ferme à clef avec le passe-partout, et casse le verrou d'un coup de pied.

            "Willy, on se barre, tout va brûler !"
            "Hein ?! Oui !! Euh, je veux dire... Certainement, monsieur Lloyd."

            Nous sortons de la maison avant que les flammes ne la dévore. La charpente de bois, consumée par les crocs ardents de ce loup de feu, se désintègre en cendres lentement. La morsure de la chaleur fait son oeuvre. Tout fond et devient poussière. Je n'ai pas vu Marcus Delacroix sortir, et je ne peux m'empêcher d'avoir une petite pensée pour... Les tableaux restés dans le coffre-fort. Ils avaient peut-être de la valeur. On ne le saura jamais. Toute ma maison brûle, merde. Mes chambres, celles de mes domestiques. Le premier salon, où je jouais étant enfant. Et le deuxième aussi. Que des bons souvenirs. Et tout qui disparaît. La seule chose qu'il me reste, c'est cette toile entre mes mains boursouflées. Surtout la gauche.
            Je reste la, pendant dix minutes, à admirer ce spectacle terrifiant, ces éfrits qui détruisent mon chez moi. Willy s'approche de moi.

            "Monsieur Lloyd, les villageois viennent de nous informer qu'il avaient repoussé l'équipage pirate. Plus des trois-quarts sont morts. Et on à retrouvé leur bateau, amarré sous la falaise, dans la petite crique."
            "D'accord..."
            "Ça va aller monsieur Lloyd ? Que comptez vous faire désormais ?"

            Je tremble. D'excitation.

            "Ha ha ! Mais bien sur que ça va aller !! Je détiens un tableau pouvant me mener à un fabuleux trésor ! J'ai sauvé mon île d'un équipage de pirates sanguinaires ! Et pour couronner le tout, je suis moi, le grand Lloyd Barrel ! Ha ha ha !"
            "Monsieur Lloyd, dois-je comprendre que..."
            "C'est exact, Willy ! Nous allons découvrir le secret de cette toile !"

            Fin de la première partie.