L'histoire d'une flèche et de deux couteaux.
Naoko Idoka & Hibiki Kugenin Deux couteaux dans la main droite, déjà trois dans la gauche, tu complétais cette première en arrachant un sixième couteau de la bute de mousse à l'aide du pouce et de l'index droits. Levant haut les bras pour afficher les armes du tireur, tu transpirais de partout. Ton corps quasiment nu, exposé aux projecteurs, brillait de mille feux. Un goutte de sueur perlait sur le côté de ton nez, laissant derrière elle une fine traînée de maquillage rougeâtre pailleté, traversant la totalité de ta joue. Invisible à quelque mètre, de près, on aurait dit une goutte sang mélangée à de l'eau. Ce n'aurait pas été si étonnant. Ce numéro était l'un des plus angoissants. Quand les spectateurs fixent ta silhouette, que la musique s'arrête et que tout le monde retient son souffle. Le chapiteau semble envahie d'une crainte profonde, effrayante, mais en même temps si excitante. Arc tendu, flèche droite, l'artiste tire et la pointe vient se planter dans le cadre de mousse, au côté de ton genoux. Il en décoche une seconde, une troisième, puis une quatrième, jusqu'à ce que ton corps soit parfaitement entouré d'une ligne d'empennages. La confiance entre l'archer, l'assistante ou le tireur de couteaux est primordiale. Sans elle, tu ne pouvais sourire, sans elle tu tremblerais à te transformer en matériel de forage. La confiance entre vous deux était bien présente, mais seulement au niveau du spectacle. Il était un excellent tireur, certes, mais en dehors de la scène, cet homme costaud ne t'inspirais qu'un profond mépris. D'une personnalité perverse et et vicieuse, ce bestial n'était qu'une mauvaise rencontre, passagère, que tu t'empresserais d'oublier dès son départ, pour les avances soupçonneuses qu'il avait su instituées auprès de toi et d'autres membre de la troupe. De toute façon, avec ou sans, sans toi, il n'était plus rien. Pour ce genre de numéro, tu étais la seule assistante de ce cirque. Alors, sur cette scène, tu oubliais les conflits et souriait presque joyeusement, jambes frissonnantes et les yeux braqués sur la lumière étourdissante. Tu avais le tournis, mais tu souriais toujours. Tu ne voyais même pas le couteau filer pour venir se planter à quelques centimètres de tes yeux. Tu ne l'entendais même pas. Seuls les applaudissements du publique soulagé pouvait te dire si tu étais hors de danger, si tu pouvais bouger tes doigts et remballer les armes. En fin de spectacle, les applaudissements stridents avaient tendance à t’assommer. Un dernier sourire adressé à la foule et tu files te réfugier loin du bruit, de la lumière et des autres numéros. Dehors, dans un petit coin isolé par deux mini-roulottes, il y a avait des bottes de pailles, bien rectangulaires et à hauteur parfaite. Une fois la nuit tombée, bien au frais, il était très agréable de s'asseoir dessus, pour profiter du calme. Le carré de mousse, cible des flèches et des objets tranchants fut apporté à côté de toi : il contenait encore quelques couteaux, enfoncés bien trop profondément pour être retiré facilement. Agrippant un manche à pleine main, tu tirais vers l'arrière, de toutes tes forces. La lame sortit après quelques secondes d'intenses efforts. Secouant la main pour la soulager, tu l'admirais, étudiais du regard le tranchant brillant. Les armes sont très longues et très fines, bien plus qu'un simple couteau de cuisine. Plus les rotations sont lentes, plus les lames illusionnent les spectateurs, ainsi, les cirques et les lanceurs n'hésitait pas à miser sur cette longueur anormale. Dans la nuit noire, un bruit survint. C'était rare. Tu sautas sur tes pieds et te mis en position de garde, prête à attaquer si l'occasion se présentait. Dans le coin d'une roulotte, une ombre s'avançait, encore et encore, jusqu'à laisser apparaître la silhouette de l'archer pervers. Gênée, tu t'empressais de t'asseoir, prétextant un stupide reflex. « Tu viens récupérer les couteaux ? En voilà un ici. J'allais sortir les autres... » Peut-être qu'il venait simplement chercher ses couteaux, oui. Ou peut-être pas. |
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