Conduire une embarcation à deux, c'est pas évident, quand elle requiert au moins cinq fois plus de matelots pour se déplacer convenablement sur les flots. Surtout quand on a aucune notion dans le domaine nautique. Force est d'admettre, cogner l'intégralité de l'équipage du pauvre Tuckson était pas la plus fine idée de la journée. Jm'en rends compte, maintenant. On a beau faire jouer nos muscles, se démener à hisser les voiles, à tenter de se placer dans le vent, le résultat est pas franchement probant. Notre bateau se meut péniblement, désespérément lentement et voit passer au loin ses homologues, lesquels arborent le pavillon noir. Raison de plus pour pester, on manque encore une bonne occasion de mettre le grappin sur un primé. Ça fait jamais plaisir de louper un combat, particulièrement lorsque l'on sait le caractère nauséabond de ceux que l'on voulait se charger de corriger. L'aléatoire fait office de loi ici, difficile de deviner quand se présentera la prochaine occasion de damer le pion à l'un de ces fous qui sillonnent l'échiquier de Grand Line.
Conscience professionnelle oblige, je me suis assuré qu'il n'y avait pas un lascar ou deux qui feignaient l'étourdissement dans le lot et donc susceptibles de nous aider de gré ou de force, en alignant une nouvelle paire de beignes à tous. Ce n'était pas le cas. Ou du moins, si ça l'était, plus maintenant. Nous sommes aux commandes d'un navire démesurément trop difficile à manœuvrer pour deux seuls hommes, avec à bord une bonne tonne de poids mort. On pourrait envisager de les jeter par dessus bord, manière de se délester et de faire remonter la ligne de flottaison. Ce serait même une bonne idée à mettre immédiatement en application si ça pouvait s'avérer utile. Les monstres marins se fichent pas mal de croquer de la viande immorale, les péchés n'ont pas de goût; et ces types l'auraient bien mérité. Seulement, ça ne changerait rien d'agir ainsi puisqu'on ne sait pas vraiment faire avancer ce tas de planches, de cordages et de tissus.
On en grogne de dépit, c'est pas l'envie qui manquait de lancer la grande dégustation après en avoir fini avec cette introduction frugale. Mais il faut se rendre à la raison; on n'abordera pas l'ombre d'un navire à s'entêter. Le collègue a dû se faire à peu près le même constat, on met le cap sur le port d'un commun accord, à petit rythme, en silence. On pourrait parler mais voir une si belle opportunité nous passer sous le nez favorise pas trop la discussion. Déjà que, sans ça, on est pas les plus bavards. Mais, dans tout malheur, on trouve un lot de consolation. À débarquer avec un équipage entier de pirates anesthésiés à la manière forte, on va attirer l'attention de certains. Y'aura ptetre même un fou ou deux pour nous défier, à grand coup de, j'aime pas trop ça, votre gueule me revient pas, ou autre. Et on aura peut-être même la chance d'enfin se faire un peu de blé dans l'affaire. Ou, de trouver des volontaires pour embarquer avec nous, vers la destination qui leur plaira, à la simple condition qu'ils soient honnêtes, volontaires, forts, débrouillards et peu bavards.
L'amarrage se passe sans embûche, même si on nous mire curieusement, ne voir qu'un gars à la proue et un autre à la poupe de ce sacré bestiau des mers, ça laisse perplexe. Un espèce de contremaitre autoproclamé nous demande d'une voix de crècerelle si on a besoin d'être placés en quarantaine pour raison sanitaire. Je lui dis qu'il risque de morfler s'il m'emmerde, mais que ça aura rien à voir avec une épidémie. Il répond que c'est pas juste, que personne ne le prend au sérieux et se barre, bougon, sous les railleries des badauds. Un vieux loup-de-mer s'approche au bord de la ligne du quai, place ses mains en guise de porte-voix.
Vous transportez quoi ?
Des porcs.
Les gars, une bière à chacun de ceux qui aident à décharger la cargaison.
J'pourrais dire non, mais j'ai pas le temps. La nouvelle est accueillie à grand coup de Yeepeh, et autre, et on approche déjà. Très bien, si vous y tenez. On a rassemblé tous les gars avec leur capitaine dans un filet de pêche taille XL avant d'accoster, on est pas trop de deux pour pousser le monticule humain par dessus pont. Nos petits porcinet s'écrasent dans un bruit bien sourd au sol, manquent d'écraser certains dockers venus prêter main forte. Je saute, atterris au sommet du tas de pirates ficelés.
Voilà.
Ça plombe un peu l'ambiance. Ça chuchote dur dans l'assistance. Un gars approche, me demande ce qu'ils avaient fait de mal. Ils avaient choisi la voie de la piraterie, que jlui explique, sérieux. Là, c'est carrément un malaise général. La nuisance sonore repart de plus belle, c'est irritant.
Silence. J'ai une annonce. Si vous voulez vous prendre la mer, on a de la place à bord.
Oui, on ne compte pas s'attarder ici, malgré tout. Autant en profiter pour recruter deux-trois gars qui tiennent la route jusqu'à la prochaine île. Seulement, le contexte de notre arrivée met pas grand monde en confiance, ou dans les bonnes conditions. Un vieux boucanier grommelle, me pose une question.
Y'a de la place, oui. Mais pour qui ?
Pour tout le monde. Les gars sans histoire, vous ferez ce que bon vous semblera. Marines et autres incapables, vous pourrez récurer les fonds de cale. Pirates ... vous moisirez en cellule.
Et je souris. Enfin, je crois, mais manifestement, ce n'est pas ça sourire, parce que plus d'un gars le prennent mal. Ça gueule. Ça me demande de m'approcher, si je suis un homme. Un plus gros que les autres, sale blondin hirsute avec une hache, dit qu'il va me faire taire, piquer mon navire et monter son équipage. Charmant programme.
Alors, les gars, vous êtes avec moi ?
Ouaaais !!
Allons-y, en av...
Drak. Drak.
Une première droite, à la verticale pure, en plein vol. Elle vient atterrir au niveau de sa mâchoire, lui fend la bouche en deux. Puis une deuxième, sale, basse, qui vient sonner le foie. Et le brailleur crache déjà sa bile. Il s'écroule de tout son poids dans un inaudible hiatus, vient piquer du nez sur mes grolles. Ça fait gloup, ça ravale sa salive dans l'assemblée. Y'a plus que les insectes pour voleter gaiment autour de ces gars qui proposent sans doute la fragrance favorite des mouches à merde.
Ok. L'offre tient toujours. Vous voulez le navire ? Venez le prendre.
Moment de silence. Puis un tonnerre de cris. C'est la générale. Enfin une bonne nouvelle aujourd'hui.
Conscience professionnelle oblige, je me suis assuré qu'il n'y avait pas un lascar ou deux qui feignaient l'étourdissement dans le lot et donc susceptibles de nous aider de gré ou de force, en alignant une nouvelle paire de beignes à tous. Ce n'était pas le cas. Ou du moins, si ça l'était, plus maintenant. Nous sommes aux commandes d'un navire démesurément trop difficile à manœuvrer pour deux seuls hommes, avec à bord une bonne tonne de poids mort. On pourrait envisager de les jeter par dessus bord, manière de se délester et de faire remonter la ligne de flottaison. Ce serait même une bonne idée à mettre immédiatement en application si ça pouvait s'avérer utile. Les monstres marins se fichent pas mal de croquer de la viande immorale, les péchés n'ont pas de goût; et ces types l'auraient bien mérité. Seulement, ça ne changerait rien d'agir ainsi puisqu'on ne sait pas vraiment faire avancer ce tas de planches, de cordages et de tissus.
On en grogne de dépit, c'est pas l'envie qui manquait de lancer la grande dégustation après en avoir fini avec cette introduction frugale. Mais il faut se rendre à la raison; on n'abordera pas l'ombre d'un navire à s'entêter. Le collègue a dû se faire à peu près le même constat, on met le cap sur le port d'un commun accord, à petit rythme, en silence. On pourrait parler mais voir une si belle opportunité nous passer sous le nez favorise pas trop la discussion. Déjà que, sans ça, on est pas les plus bavards. Mais, dans tout malheur, on trouve un lot de consolation. À débarquer avec un équipage entier de pirates anesthésiés à la manière forte, on va attirer l'attention de certains. Y'aura ptetre même un fou ou deux pour nous défier, à grand coup de, j'aime pas trop ça, votre gueule me revient pas, ou autre. Et on aura peut-être même la chance d'enfin se faire un peu de blé dans l'affaire. Ou, de trouver des volontaires pour embarquer avec nous, vers la destination qui leur plaira, à la simple condition qu'ils soient honnêtes, volontaires, forts, débrouillards et peu bavards.
L'amarrage se passe sans embûche, même si on nous mire curieusement, ne voir qu'un gars à la proue et un autre à la poupe de ce sacré bestiau des mers, ça laisse perplexe. Un espèce de contremaitre autoproclamé nous demande d'une voix de crècerelle si on a besoin d'être placés en quarantaine pour raison sanitaire. Je lui dis qu'il risque de morfler s'il m'emmerde, mais que ça aura rien à voir avec une épidémie. Il répond que c'est pas juste, que personne ne le prend au sérieux et se barre, bougon, sous les railleries des badauds. Un vieux loup-de-mer s'approche au bord de la ligne du quai, place ses mains en guise de porte-voix.
Vous transportez quoi ?
Des porcs.
Les gars, une bière à chacun de ceux qui aident à décharger la cargaison.
J'pourrais dire non, mais j'ai pas le temps. La nouvelle est accueillie à grand coup de Yeepeh, et autre, et on approche déjà. Très bien, si vous y tenez. On a rassemblé tous les gars avec leur capitaine dans un filet de pêche taille XL avant d'accoster, on est pas trop de deux pour pousser le monticule humain par dessus pont. Nos petits porcinet s'écrasent dans un bruit bien sourd au sol, manquent d'écraser certains dockers venus prêter main forte. Je saute, atterris au sommet du tas de pirates ficelés.
Voilà.
Ça plombe un peu l'ambiance. Ça chuchote dur dans l'assistance. Un gars approche, me demande ce qu'ils avaient fait de mal. Ils avaient choisi la voie de la piraterie, que jlui explique, sérieux. Là, c'est carrément un malaise général. La nuisance sonore repart de plus belle, c'est irritant.
Silence. J'ai une annonce. Si vous voulez vous prendre la mer, on a de la place à bord.
Oui, on ne compte pas s'attarder ici, malgré tout. Autant en profiter pour recruter deux-trois gars qui tiennent la route jusqu'à la prochaine île. Seulement, le contexte de notre arrivée met pas grand monde en confiance, ou dans les bonnes conditions. Un vieux boucanier grommelle, me pose une question.
Y'a de la place, oui. Mais pour qui ?
Pour tout le monde. Les gars sans histoire, vous ferez ce que bon vous semblera. Marines et autres incapables, vous pourrez récurer les fonds de cale. Pirates ... vous moisirez en cellule.
Et je souris. Enfin, je crois, mais manifestement, ce n'est pas ça sourire, parce que plus d'un gars le prennent mal. Ça gueule. Ça me demande de m'approcher, si je suis un homme. Un plus gros que les autres, sale blondin hirsute avec une hache, dit qu'il va me faire taire, piquer mon navire et monter son équipage. Charmant programme.
Alors, les gars, vous êtes avec moi ?
Ouaaais !!
Allons-y, en av...
Drak. Drak.
Une première droite, à la verticale pure, en plein vol. Elle vient atterrir au niveau de sa mâchoire, lui fend la bouche en deux. Puis une deuxième, sale, basse, qui vient sonner le foie. Et le brailleur crache déjà sa bile. Il s'écroule de tout son poids dans un inaudible hiatus, vient piquer du nez sur mes grolles. Ça fait gloup, ça ravale sa salive dans l'assemblée. Y'a plus que les insectes pour voleter gaiment autour de ces gars qui proposent sans doute la fragrance favorite des mouches à merde.
Ok. L'offre tient toujours. Vous voulez le navire ? Venez le prendre.
Moment de silence. Puis un tonnerre de cris. C'est la générale. Enfin une bonne nouvelle aujourd'hui.