La Louve et le Cuistot Je mordis une nouvelle fois dans le premier steak passant à ma portée. La faim me tiraillait depuis bien trop longtemps... Mes dernières réserves de bâtons de viandes rapidement épuisées, j'avais dû me résoudre à chiper de la nourriture sur le navire où je voyageai clandestinement. Je m'étais donc improvisée voleuse dans l'espoir de chiper quelques quignons de pain, me mouvant silencieusement dans les couloirs avant de tomber miraculeusement sur la cuisine. Malheureusement pour le cuisinier, j'étais tombée par hasard sur la réserve de viande et depuis quelques minutes déjà, le stock diminuait dangereusement... Je happais, déchiquetais, ingurgitais chaque morceau de viande à ma portée comme une véritable machine à manger. Gigot, steak, hampe, aucune pièce de bœuf n'échappa à mes crocs. Impitoyable, cédant à la sensation de faim subie depuis plusieurs jours, rien n'indiquait que je pusse m'arrêter de me sustenter. Un marin passant par-là, sans aucun doute attiré par l'étrange son de mastications, me surpris alors que j'attaquai un nouveau steak. - Mais.... Qu'est ce que ? Hé, on a un intrus dans la cuisine!!! *Mince, je suis découverte.* Surprise, je me retournais brusquement, un morceau de steak encore entre les dents. Je ramassais mon sac, avant de disparaitre par la porte opposée en criant : - Gaaaappppsssss !!! Insensible aux invectives du marin qui s'était lancé à ma poursuite, je traversai les différents couloirs en quatrième vitesse sans réfléchir aucunement à l'importance des directions empruntées. Après quelques minutes de course-poursuite, je me plaquais contre un petit enfoncement de mur, laissant le marin me dépasser. Je soufflais. Adoptant la fameuse technique de furtivité de "La Louve cherchant désespérément à ne pas se faire attraper", je m'engageai dans l'escalier qui me fit face. Je pris soin de limiter le grincement des marches lorsque je posai les pieds sur chacune d'elles. La précaution était de mise. Je soulevai la trappe et les rayons du soleil m'éblouirent. Mes yeux s'habituèrent à la luminosité et je posai mon regard sur les alentours. Une bonne dizaines de pairs d'yeux étaient rivées sur moi, accompagnées par des expressions faciales dubitatives. Tentant une ultime parade, je m'avançais sur le pont en sifflotant, comme si de rien n'était. Je continuai ainsi avant qu'une main ferme ne s'abatte sur mon épaule. Je frissonnais. - Dis donc toi, qu'est-ce que tu fais là, tu ne fais pas parti de mon équipage !!! Je me retournai lentement, essayant de conserver un minimum de contenance. Affichant un sourire niais et forcé, je fis face au capitaine. Ce dernier me dépassait de deux bonnes têtes et portait sur moi un regard sévère. Je finis par lui répondre : - Ah bon ? Mince, j'ai dû me tromper de navire. Bon et bien, je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Je fis mine de partir en direction d'une porte menant vers le pont inférieur mais, cette dernière s'ouvrit à la volée, laissant apparaître le marin essoufflé qui m'avait poursuivi. Son regard se posa sur moi et mon sourire s’évanouit instantanément. *Merde...* - Capitaine...pouf... j'ai trouvé cette intrus dans la cuisine... pouf... elle dévorait nos réserves de viande... Je sentis le regard du capitaine se reposer sur moi. Je me retournai la mine basse, le regard dirigé vers le sol, telle une coupable que l'on venait de démasquer. J'étais prête à entendre la sentence. - Hahahahahahaha. Je relevais la tête, stupéfaite. Le capitaine était en train de se fendre la poire. Mal à l'aise, j'examinais pendant ce temps les possibilités de fuir le navire et en évaluais les chances de réussite. Le capitaine se calma tout en essuyant les larmes qui coulaient de ses yeux. Il me fixa avec un regard mêlant fascination et amusement : - Bon, ce n'est pas tout ça la jeunette. Qu'est ce tu fais ici et pourquoi tu as attaqué notre stock de viande ? Tu avais faim ? Je n'osais pas répondre, encore surprise par la tournure que prenait les évènements. Le capitaine poursuivit : - Quoi qu'il en soit, maintenant il est question de me rembourser le stock. Tu vas travailler à bord jusqu'à ce que nous atteignons la prochaine île. monsieur Jackson, montrez-lui le pont inférieur et ses quartiers je vous prie, ensuite vous l’amènerez à ma cabine. - Bien monsieur. Sans véritablement comprendre ce qu'il s'était passé, je me retrouvais à suivre le marin qui m'avait poursuivi à travers le pont inférieur. Il ne semblait pas apprécier de devoir m'escorter à travers les couloirs du bateau mais, il s'agissait des ordres du capitaine. Honteuse, je me résignais à lui adresser la parole : - Je suis désolé... Le marin tourna la tête vers moi avec un demi-sourire. Le ressentiment qu'il devait avoir pour moi semblait s'être significativement amenuisé. - Ce n'est pas très grave. Nous avons encore un bon stock de viande. C'est juste que c'est moi qui suis responsable des réserves de nourriture sur le bateau. Je suis l'assistant du cuistot. Sinon, tu n'es pas le premier passager clandestin qui voyage à bord du navire. Le capitaine a un code moral très simple. Si l'on veut voyager à bord, il faut payer son voyage. Nous arrivâmes finalement au niveau des cabines. Jackson m'ouvrit l'une des cabines et m'invita à y entrer. Voilà tes quartiers. Tu peux te changer si tu veux. Je reviens te chercher dans 20 min. Sur ces dernières paroles, il referma la porte et me laissa découvrir mon nouvelle environnement. Je m'allongeais sur le lit, laissant mon regard se perdre sur le plafond. *Mon voyage vient de commencer. Dans quelle aventure me suis-je encore fourrée ? Je suis maintenant engagée comme matelot sur ce navire jusqu'à la prochaine île. C'est un sort préférable à celui de la planche, certes. Enfin, je me demande où toute cette histoire va me mener.* Interrompant mes pensées, je me levais afin de faire un brin de toilette avant de me présenter devant le capitaine. Je n'avais pas eu l'occasion ces derniers jours de respecter les règles les plus basiques d'hygiène. Je devais être présentable. J'étais une louve après tout... |
Dernière édition par Léténa D. Vilkas le Mer 19 Fév 2014 - 16:54, édité 4 fois