L'écrivain a quitté ma chambre, sur un accord. J'sais pas encore bien où tout ça va me mener. Vrai que je tire un peu dans tous les sens, en ce moment. Pour m'donner une cont'nance. Puis parce que j'ai pas encore eu le temps d'y penser vraiment. L'accession. La passation. Moi, Cap', tout à coup. J'y pense et j'me marre. Débouche une 'teille pour fêter ça. Youpi. La gnôle m'bénit la gueule, et pourtant, ma tronche continue d'tourner. Vite. Que faire? Comment? Puis pourquoi... Ces questions m'craquent la carte mère, au point qu'y faut qu'j'leurs trouve une réponse.
Qu'est-ce que tu veux, Jack?
Et Jamie Lee s'en mêle. Comme dans tous les grands moments, ceux qui d'mandent d'la réflecture, l'infâme vient m'épauler. Et comme lui c'est quand même moi, j'me dois d'lui baver des réponses.
J'veux... plus.
J'veux l'pouvoir.
Héhéhé.
Prends le.
J'veux l'pouvoir.
Héhéhé.
Prends le.
C'est pour ça que je l'aime bien. Jamie Lee Croquette. Il est honnête, simple. Va droit au but. Tout en restant un peu mystérieux. J'veux dire... prends le. Oui. Ok. Faisons comme ça. Mais comment? J'suis pas des masses plus avancé. Ma tête travaille, ça fait limite mal. J'remarque qu'je tiens la bouteille. Ma paluche, en mode auto', à été quérir la tise. Bonne paluche. Je bois. Repose. Et remarque. Sur la table de ch'vet, à droite, un papier. Mais en fait, un journal, à mirer d'plus près. J'le chope, le déplie. Ca fait longtemps qu'j'ai pas lu. Alors j'me concentre. En mirant les images. ...
Ca me prend un bon bout de temps. Je replie le journal, le sourire aux lèvres. Parce que ça valait la peine. Dans c'te feuille de chou, on raconte pleins de trucs intéressants. On parle de Tahar, mais pas que. L'est aussi question de Pride, et de Greed. Pride a gagné qu'on dit, il est trop fort qu'on dit. Conneries. J'connais assez Tahar qu'pour savoir qu'c'est pas un branque. Qu'il est dangereux, et que, Pride ou pas, l'Corsaire en aura chié pour lui mettre la main dessus. Tahar, c'est pas une prise qu'on fait sans casse. Le Pride, y doit être mal, là, maintenant. Puis Greed... Greed, c'est plus clair. PLus définitif. Greed est mort. Héhé.
J'fais les comptes. Avec Wrath, qu's'est fait implosé comme le gros porc de pachyderme qu'il était, ça fait trois Corsaires Out. Et toujours personne pour prétendre à la relève.
C'est qu'on a bien une petite idée de qui pourrait les remplacer...
Ouais Jamie Lee, ouais. Corsaire, c'est un place pour Jack.
On t’appellera "Chien du Gouvernement".
Ouais. Et j'tuerai ceux qui m'donneront ce nom. Légalement.
Ouais Jamie Lee, ouais. Corsaire, c'est un place pour Jack.
On t’appellera "Chien du Gouvernement".
Ouais. Et j'tuerai ceux qui m'donneront ce nom. Légalement.
Je vide la bouteille, me lève dans un rire, et quitte ma chambre. Au pied Anthrax, toi et moi, on est de sortie. Dehors, y fait dégueulasse. Une p'tite bruine me crame la face, s'infiltre dans mon marcel. Un bon temps pour se foutre une taule. Un bon temps pour tâter Dead End. Le panard vainqueur, j'arpente le pavé, à l'affut du premier abreuvoir. C'est pas ce qui manque, j'en trouve un après même pas vingt pas.
J'entre. La porte grince, et m'vomis à l'intérieur d'un joli troquet. Ça sent la sueur et la bière sèche. Il y fait chaud, bruyant. La populace s'abreuve, avec passion, et même si la nuit n'est pas encore avancée, tout l'monde est bourré. Pour dire, on m'remarque même pas, j'passe incognito. Alors j'traverse l'endroit, et j'vais m'foutre au bar. C'est c'que j'préfère. Si en plus, j'ai la tranquillité... J'fais signe au barman, transforme un billet en une bouteille. Combien de temps que j'ai plus végété sur un tabouret, à me la coller? Ça me ramène en enfance, presque. Alors qu'je vide le premier verre, un type passe derrière moi, éclate une chaise sur la tronche d'un autre, pour un motif fallacieux. Je réagis pas, moi, je pense. J'me demande comment qu'on va faire, les Saigneurs et moi. Prendre Dead End, d'abord. Parce que j'sens qu'j'aime c't'endroit. Puis parce que c'est un tremplin. Une mine de sales gueules, qu'feront de très bons porte-couteau, d'parfaits esclaves ou une belle monnaie d'échange. Mais tout ça, c'est pas suffisant. Y m'faut des alliés. Puissants. Des raclures avec le bras long, monnayables. Je vide un nouveau verre, puis un autre. C'est vide, je me lève, enjambe le gus qui s'vide de son sang, sur le plancher, et sort.
Le temps n'a pas changé, mes intentions non plus. Je trouve un nouveau bar, plus sombre, plus planqué, en arrière ruelle. Un type joue le sorteur devant, je l'encastre salement, et rentre. Même routine, direction les tabourets du bar. Un billet, une bouteille. Faut pas vingt minutes pour que cinq types se ramènent à l'intérieur, cherchant ma face. Y m'repèrent et m’encerclent. Moi je suis toujours de dos, et j'attends. L'un deux m'bave une merde, genre menace. J'me dis que ça va commencer. Mais non.
J'éviterais si j'étais vous.
C'est l'barman qui vient de baver ça. J'le mire, intrigué. Derrière, les zigs rigolent comme des blaires. Répliquent qu'il doit pas s'en mêler. Tout en cont'nance, l'barman leur sourit dans sa barbe (qu'il a fort belle) et sort un papier de d'ssous d'son comptoir. Dessus, y a ma trogne, avec des zéros pour la souligner. Les gus disparaissent aussi sec, et moi j'engage la conversation.
Tu savais...
Faut rester bien informer. Puis j'aime soigner la clientèle.
Désolé pour ton videur. J'crois qu'il videra plus grand chose. Pas d'bras, pas d'chocolat.
Le gus à l'entrée? C'était pas mon videur, juste un zonard qui se la jouait.
Héhé.
Je lève le coude, pour m'humecter la gueule, mais il m'arrête, d'un r'gard. Il sort un autre verre, une autre bouteille.
Celle-là est pour moi.
En quelle honneur?
J'aime soigné ma clientèle.
J'me marre, on trinque. Le gus me plait, alors on parle. Son blase, c'est Louis. Louis De Vélici. Drôle de blase. Normal il dit. Parce qu'il est né riche, et qu'les parents riches ont d'bêtes noms. Mais Louis était une canaille, alors il s'est encanaillé. Truanderies, mauvais coups, l'voila vilain, puis pirate un peu. Il s'assagit, et ouvre c'te troquet. Mais il garde de bonnes relations. ... Le clin d’œil est énorme, je le remarque, le prend au bond.
Qu'est-ce que tu peux faire pour moi Louis?
Je suis qu'un barman moi. Je sers à boire, et j'écoute les gens parler.
Ils parlent beaucoup, les gens?
Oh, ça oui, ils parlent.
On se resserrent un verre qu'on vide, Louis me quitte le temps d'servir un autre péon, qu'attendait sans oser nous troubler. Lui aussi sait, pour moi, surement. Louis revient.
J'aim'rais bien savoir autant qu'toi...
J'suis pas contre rendre service.
Ça me coutera quoi?
Rien.
J'le regarde. Fixement. Avec méfiance. Rien n'est gratuit, surtout ici. Les types qui rendent service, ils cachent un truc. Louis est un briscard, il capte bien mon doute, se sent obliger d'expliciter. A voix basse.
J'suis pas un idiot, Jack Calhugan. Toi, qui t'allies avec Montgomery...
C'est un bon deal.
Ce vieux fou est bien le seul à le croire.
Il vide un autre verre, comme pour se donner du courage.
Les gars comme toi ne reste pas en place. Ils demandent pas, ils prennent.
Qu'veux-tu qu'je prenne?
Tout... Dead End.
Je lui sourit. Il sue un peu, expire bruyamment, comme si c'qu'il venait de dire était dangereux pour sa santé. L'a raison, c'était dangereux, mais je l'aime bien.
Les choses changent, le pouvoir passe de mains en mains. Moi, j'aime être du bon coté de la barre.
Alors tu rends service.
Aux bonnes personnes.
Je lève mon verre à son adresse. On trinque, à nouveau. Puis, il sort un petit papier, qu'il glisse sur le comptoir, vers moi. Dessus, un numéro. Et trois lettres: "Th. F". J'le mire, intrigué et en demande. Dans le bar, une bagarre éclate, mais j'ai d'yeux et d'oreilles que pour Louis. Il chuchote.
Ce numéro est un trésor, pour qui sait s'en servir. Si un jour, tu as besoin d' "aide", pour du business, appelle le.
Je regarde le papier puis le fourre en poche. J'comprends pas trop, j't'avoue, suis dubitatif.
Ne le partage pas. C'est un moyen puissant, et dangereux. Même pour toi.
Il remplit une dernière fois nos verres, et on boit au futur. Comme pour celer un accord tacite, on claque le verre sur l'comptoir, bien fort. Tradition. Alors, je me lève, me dirige vers la sortie. Arrivé à la porte, j'me retourne vers Louis.
J'aime bien ton bar.
Et je sors. Rien a changé dehors, hormis l'faux videur, qu'a disparu. Parlant d'lui, j'mire ces potes, qui glandent au coin d'ruelle, à attendre le bon mauvais coup. Ma tronche part un peu en vrille, après tous ces verres, et je suis d'bonne cont'nance. Avant qu'y ai pu m'remarquer, je suis sur eux. J'ai cassé tous leurs os, un à un, c'était pas beau à voir, puis j'ai continué à errer.
Le reste de la nuit n'fut pas très intéressant. J'vais l'taire.