Lentement... Calmement... je sens les paisibles courants salins glisser sur ma peau écailleuse, douce sensation aqueuse si chère à ceux qui comme-moi s'y sentent comme... un poisson dans l'eau.
Les yeux fermés, je me laisse lentement sombrer, flottant entre terre et ciel dans cette immensité d'eau. C'est ici que je trouve le seul endroit où je sois vraiment calme, apaiser... Tant de haine et de souffrance ont envahi aux fils des ans ma carcasse haineuse qu'il me faudrait cents années pour m'en purger avec difficulté. Mais ici, baignant dans les rayons de lumière que forment l'écume au-dessus de moi, je suis en paix. Immobile je trouve le réconfort et l'apaisement qui me donne la force de résister à ce monde hostile, tout comme le récif résiste avec acharnement aux vagues qui s'y brisent inlassablement.
Depuis combien de temps suis-je là ?... difficile à dire. Tel un rêveur sortant de sa torpeur je semble m'éveiller tandis que mes yeux se rouvrent. Sublime ombre au-dessus de moi, la silhouette fine du Fenrir se découpe à contre-jour du soleil, créant une véritable symphonie de lumière là où ombre et lumière se disputent leurs pouvoirs.
Deux heures... C'est ça. Deux heures que je dors paisiblement sous l'eau, repos mérité après avoir tirer à la force des bras mon propre navire depuis l'aube. Satané temps calme ! Pas un souffle léger, pas même une brise menue... Par impatience autant que par vantardise je m'attelle donc depuis deux jours à tirer le Fenrir par un cordage, nageant en amont d'ici que le vent fasse son apparition. Rien de tel pour se maintenir en forme vous verrez.
Mais puisque l'inactivité m'horripile par nature, même mes siestes sont soumises à ma soif insatiable de puissance. Nul place pour le repos là où un entrainement pointilleux pourrait garantir mes chances de mater la piraterie ! Ou tout autre désagrément en fait...
Je referme donc les yeux, occultant ce sens afin d'en éveiller d'autres. Je me livre ici à un exercice que mon mentor Jack O'Bannon tentait de m'inculquer alors qu'il était encore en vie. « Ouvre tes chakras Toji, ouvre ton troisième œil » comme il disait... Si la théorie semblait facile, la maîtrise du terrible pouvoir que représente le Haki se révéla plus dur que prévu. Peut-être n'aurais-je pas dû le tuer si tôt ?... Bah, ce qui est fait est fait, essayons avec ce que j'ai eu le temps de lui extirper. C'est donc dans le calme le plus absolu que j'essaye au mieux de me vider de toutes pensées superflue, ouvrant les portes de ma conscience dans cet élément si propice à mon éveil.
Petit à petit des images, ou plutôt des impressions se forment dans mon esprit, vagues pressentiments que j'essaye de saisir en vain... Mais après plus de dix minutes d'efforts mentaux éprouvant, j'arrive à isoler une de ses impressions fugace... à force de concentration je la visualise de mon mieux.
Une forme... à deux mètres sur ma gauche... se déplaçant lentement vers ma droite... Longue, effilée... des nuances de... de rouge... aucune hostilité de sa part... juste de la curiosité...
Ouvrant un œil je me mets en quête d'une confirmation tant attendue. Un long poisson en forme de flèche passe devant moi depuis ma gauche, à quelques mètres. Mwouahahah je suis sur la bonne voie, je suis... Il est bleu...
« Bordel !... »