Le Passeur est en deuil. Il se laisse maltraiter par les flots, coquille de noix vide de volonté perdue sur l'océan. La surprise a laissé place à l'incompréhension, puis à la résignation. Tout le monde a compris, chacun s'est tu. Tout est devenu silencieux; même le ressac de l'eau contre la coque. Une nuit sans étoiles a recueilli l'équipage sous son voile noir.
Le jour se lève, l'aurore rougeoie à l'horizon. Non, ce n'était pas un simple cauchemar. L'émoi demeure, le sentiment d'abandon avec lui. Chacun digère son amertume à sa façon. Les uns posent des questions, se saoulent de conversations, d'autres évacuent par l'effort physique pour éviter de trop penser, d'autres encore se terrent dans un mutisme borné. Les Officiers, auxquels il incombe de ne pas laisser sombrer l'équipage, sont accaparés par une étrange affaire qui devrait pourtant passer au second plan. Mais non, un petit être maléfique veille à ce que Justice soit faite, avec toute l'infamie qu'on lui connait. Il était un cafard dans une autre vie, et c'est sans doute se montrer bien ingrat envers ses pauvres insectes que de le dire. Un Grinch nauséabond, méprisable. Le Commandant Trovahechnik. Il n'a pas supporté l'affront essuyé pendant l'assaut sur notre navire. L'outrage. Une gifle. Venant de moi, elle a dû lui en ficher un sacré coup à la fierté, et c'est là à peu près le seul point positif que j'y trouve. Je ne peux même pas me vanter de me souvenir de cet instant parmi des milliers, j'étais un peu trop éméché pour immortaliser la scène. Ce qui va pas arranger mon cas. Je me suis retrouvé jeté au trou manu militari, promis aux affres d'une longue peine de prison, à la terrible Impel Down, au moins, racaille infecte, c'est bien fait pour toi et gnéhéhé.
Me voilà à croupir en cellule pour une bisbille, quand un incident sans précédent plonge l'équipage dans un chaos total. Dans la cale que je chapeaute en temps normal; mon fief. Ça prête à sourire. C'est peut-être pas si mal de jouer au prisonnier pour un temps. Laisser les vrais soldats se débrouiller et se la couler douce en attendant. De toute façon, tuer le temps ici ou de l'autre côté des barreaux, y'a pas grande différence. J'ai mon tabac, un jeu de cartes, mon dé. Je peux tenir un siècle au moins. Et, y'a toujours un gars ou un autre qui passe dans le coin de temps à autre auprès duquel je peux prendre des nouvelles. Surveiller de loin la suite des évènements. N'empêche ...
Pour le moment, ça a pas l'air d'avancer d'un yota. Et même si jm'en fous pas mal que l'équipage soit au chômage technique, la disparition de Hadoc en elle-même a de quoi ficher le doute. L'homme est pas du genre à se faire avoir par le premier venu. Y'a sans doute des lascars bougrement coriaces, sur ce courant marin pas comme les autres, mais là, non seulement il manque à l'appel, mais en prime, y'a pas des masses trace de lutte avec un agresseur présumé. Il se ferait pas plier si facilement, le capitaine. De là à dire qu'il a filé de son plein gré ... tch' manquerait plus que ça. Quoi, il aurait pris une retraite tranquille quelque part, à siroter du lait de coco en arborant une chemise à fleurs ? Ça lui ressemblerait pas, mais ce serait tellement beau. Par contre, ça voudrait dire qu'il serait foutrement temps de prendre la clef des champs avant que ça se mette à vraiment sentir le gaz pour ma pomme, cette profession de marine. L'autre nabot va me mijoter à la sauce saignante, sinon.
Faudra envisager un plan B, juste au cas où. Mais pas tout de suite, parce qu'on vient et que ça fait mauvais genre d'être pris à tenter de filer en douce comme ça. Tiens, un visage connu.
Alors, c'est comment de l'autre côté ?
Mooh... pas mal, Le Corbeau, pas mal ... du nouveau du côté de la loi ?
C'est le merdier.
Ah ben, ça pour un scoop. Et pour moi, ça s'présente comment ?
Bah justement. * Clic * ... tu me suis, tu passes devant les Officiers.
Mah, z'ont pas autre chose à foutre ? Ils veulent quoi, une jolie déposition ?
Je sais pas trop, le Commandant tient à faire les choses en respectant le règlement. Il raconte un truc comme quoi t'es trop à ton aise, ici.
Allons bon. Y m'envoie rejoindre les fonds marins ?
Pas vraiment, il parle de te coller à moisir dans la forteresse de l'ancêtre.
Hin, ça promet ...
Tu l'as dit.
Jl'ai dit ouaip ...
Je sors de ma cellule, où, j'maintiens, j'étais finalement plutôt bien; le Corbeau ouvre la voie, on traverse le pont sous les regards perplexes de pas mal de matelots désœuvrés pour rejoindre les cabines des officiers. Au fond du couloir, une porte est ouverte; celle du bureau de Hadoc. Ah ben, on perd pas de temps. Je reconnais notre dinosaure d'Adjudant et mon très estimé collègue bureaucrate. On ne m'invite pas à m'asseoir, trop aimable. Bahf, j'prends quand même un siège. Maintenant qu'on en est là, de toute façon ... et j'ai encore deux-trois restes de bouteille d'hier soir qui font que j'aime autant éviter le surmenage.
Allez, avocat à charge, chargez, j'suis sûr que vous n'attendez que ça, que je dis à Trovahechnik en commençant à me rouler une tige.
Puisqu'on est obligé de passer par là, autant se mettre à l'aise. Il va s'en donner à cœur-joie, l'asticot. Je rajoute au vieux Cèldéborde; en affichant la plus totale indifférence pour la suite avec un brio encore plus prononcé que d'ordinaire du fait de ma gueule de déterré.
J'veux bien purger le double de ma peine si je peux échapper au petit numéro qui va suivre.
Hm, oui ? Non ? Mah, tant pis, fallait essayer ...
Le jour se lève, l'aurore rougeoie à l'horizon. Non, ce n'était pas un simple cauchemar. L'émoi demeure, le sentiment d'abandon avec lui. Chacun digère son amertume à sa façon. Les uns posent des questions, se saoulent de conversations, d'autres évacuent par l'effort physique pour éviter de trop penser, d'autres encore se terrent dans un mutisme borné. Les Officiers, auxquels il incombe de ne pas laisser sombrer l'équipage, sont accaparés par une étrange affaire qui devrait pourtant passer au second plan. Mais non, un petit être maléfique veille à ce que Justice soit faite, avec toute l'infamie qu'on lui connait. Il était un cafard dans une autre vie, et c'est sans doute se montrer bien ingrat envers ses pauvres insectes que de le dire. Un Grinch nauséabond, méprisable. Le Commandant Trovahechnik. Il n'a pas supporté l'affront essuyé pendant l'assaut sur notre navire. L'outrage. Une gifle. Venant de moi, elle a dû lui en ficher un sacré coup à la fierté, et c'est là à peu près le seul point positif que j'y trouve. Je ne peux même pas me vanter de me souvenir de cet instant parmi des milliers, j'étais un peu trop éméché pour immortaliser la scène. Ce qui va pas arranger mon cas. Je me suis retrouvé jeté au trou manu militari, promis aux affres d'une longue peine de prison, à la terrible Impel Down, au moins, racaille infecte, c'est bien fait pour toi et gnéhéhé.
Me voilà à croupir en cellule pour une bisbille, quand un incident sans précédent plonge l'équipage dans un chaos total. Dans la cale que je chapeaute en temps normal; mon fief. Ça prête à sourire. C'est peut-être pas si mal de jouer au prisonnier pour un temps. Laisser les vrais soldats se débrouiller et se la couler douce en attendant. De toute façon, tuer le temps ici ou de l'autre côté des barreaux, y'a pas grande différence. J'ai mon tabac, un jeu de cartes, mon dé. Je peux tenir un siècle au moins. Et, y'a toujours un gars ou un autre qui passe dans le coin de temps à autre auprès duquel je peux prendre des nouvelles. Surveiller de loin la suite des évènements. N'empêche ...
Pour le moment, ça a pas l'air d'avancer d'un yota. Et même si jm'en fous pas mal que l'équipage soit au chômage technique, la disparition de Hadoc en elle-même a de quoi ficher le doute. L'homme est pas du genre à se faire avoir par le premier venu. Y'a sans doute des lascars bougrement coriaces, sur ce courant marin pas comme les autres, mais là, non seulement il manque à l'appel, mais en prime, y'a pas des masses trace de lutte avec un agresseur présumé. Il se ferait pas plier si facilement, le capitaine. De là à dire qu'il a filé de son plein gré ... tch' manquerait plus que ça. Quoi, il aurait pris une retraite tranquille quelque part, à siroter du lait de coco en arborant une chemise à fleurs ? Ça lui ressemblerait pas, mais ce serait tellement beau. Par contre, ça voudrait dire qu'il serait foutrement temps de prendre la clef des champs avant que ça se mette à vraiment sentir le gaz pour ma pomme, cette profession de marine. L'autre nabot va me mijoter à la sauce saignante, sinon.
Faudra envisager un plan B, juste au cas où. Mais pas tout de suite, parce qu'on vient et que ça fait mauvais genre d'être pris à tenter de filer en douce comme ça. Tiens, un visage connu.
Alors, c'est comment de l'autre côté ?
Mooh... pas mal, Le Corbeau, pas mal ... du nouveau du côté de la loi ?
C'est le merdier.
Ah ben, ça pour un scoop. Et pour moi, ça s'présente comment ?
Bah justement. * Clic * ... tu me suis, tu passes devant les Officiers.
Mah, z'ont pas autre chose à foutre ? Ils veulent quoi, une jolie déposition ?
Je sais pas trop, le Commandant tient à faire les choses en respectant le règlement. Il raconte un truc comme quoi t'es trop à ton aise, ici.
Allons bon. Y m'envoie rejoindre les fonds marins ?
Pas vraiment, il parle de te coller à moisir dans la forteresse de l'ancêtre.
Hin, ça promet ...
Tu l'as dit.
Jl'ai dit ouaip ...
Je sors de ma cellule, où, j'maintiens, j'étais finalement plutôt bien; le Corbeau ouvre la voie, on traverse le pont sous les regards perplexes de pas mal de matelots désœuvrés pour rejoindre les cabines des officiers. Au fond du couloir, une porte est ouverte; celle du bureau de Hadoc. Ah ben, on perd pas de temps. Je reconnais notre dinosaure d'Adjudant et mon très estimé collègue bureaucrate. On ne m'invite pas à m'asseoir, trop aimable. Bahf, j'prends quand même un siège. Maintenant qu'on en est là, de toute façon ... et j'ai encore deux-trois restes de bouteille d'hier soir qui font que j'aime autant éviter le surmenage.
Allez, avocat à charge, chargez, j'suis sûr que vous n'attendez que ça, que je dis à Trovahechnik en commençant à me rouler une tige.
Puisqu'on est obligé de passer par là, autant se mettre à l'aise. Il va s'en donner à cœur-joie, l'asticot. Je rajoute au vieux Cèldéborde; en affichant la plus totale indifférence pour la suite avec un brio encore plus prononcé que d'ordinaire du fait de ma gueule de déterré.
J'veux bien purger le double de ma peine si je peux échapper au petit numéro qui va suivre.
Hm, oui ? Non ? Mah, tant pis, fallait essayer ...