J'ai le cœur qui cogne comme une brute. A m'en faire mal. Je peux pas croire que je l'ai fait, que j'ai vraiment... fouillé le corps de ce type au couteau. Un couteau que j'avais mis du temps à m'offrir, ma petite fierté de travailleuse nouvellement convertie. Avec de jolis motifs floraux sur le manche, et une belle lame en damas. Solide. Elle me durerait des années, je me disais. Les coups de meule marqueraient le fil, elle vieillirait avec moi.
C'est tellement bête. Je peux pas m'empêcher d'y penser alors que j'ai tué un homme. Ça te fait quoi, tu te sens comment ? Vide, atrocement vide. Je sais pas ce qui m'a pris. Mais j'ai comme une lumière qui s'est allumé dans mon crâne, qui l'éclaire d'un feu qui blesse. Mon cerveau a l'air de se déchirer par le milieu, tout juste si je suis capable de rester en place dans ma cachette, tant j'ai envie d'éclater. Moi, ou quelque chose. Quoique ça, c'est déjà fait.
Ça tourne, ça virevolte, ça s'embrouille. Le sourire narquois du dockers sournois par une soirée à chier où j'allais m'emmerder de toutes façons, à moins que je me décide à, mais non, j'avais juré que non, pas la prostitution et puis d'ailleurs, à quoi bon ? Je mériterais d'être broyée de la main d'Adrienne, ou de n'importe quelle justice à la con. Mais y'a pas de justice, y'a que ce sang que j'ai sous les ongles, cette odeur de fer qui m'a déjà fait vomir les topinambours de midi. Dégueulasse ! La rue, moi, la mort. J'en ai marre... Quand est-ce qu'on arrive ?
J'ai buté un mec qui blaguait. Qu'avait une femme et des enfants, un but à sa vie, une dignité. Juste parce qu'il blaguait, que c'était le jour où j'avais vraiment pas envie. Mal à la tête, mauvaise période, énervée contre moi même à cause d'un cauchemar à la con.
C'était quoi, déjà ? Ouais... Une histoire de musiciens sur une place publique. Je voulais savoir la fin. C'était glauque, je savais que ça allait mal finir. Mais je voulais savoir. Et j'ai vu. J'ai traîné au lit jusqu'à onze heures passées pour voir l'un des multiples engrenages pourris de ma cervelle fabriquer des morts. Comme ça, gratuitement. Les bardes se poignardaient entre eux. Je passais derrière pour ramasser les instruments. J'étais triste, et j'étais contente. J'avais plein de cadeaux. Mais le sapin, sur la place, il était rouge. Comme le soleil qui m'avait éblouie à-travers mes volets mal fermés.
Je me suis précipitée sur le quai, comme la fureur. A la bourre. Le gars rigole avec ses copains. Ma gueule, te faire rire ? Viens, j'ai pas peur. Trop lent. Hop, hop, et shhlaaaa !
Et maintenant je suis là. Je sais qu'on me cherche. Me rendre ? Pas me rendre ? J'ai peur. Pourtant, ça devrait m'être égal. Drôle d'avoir plus peur de la taule que de la mort. Peut-être parce qu'on vendait ça comme le destin, dans le Grey T. ? La taule, je veux dire... J'ai voulu y échapper. Les dents du monstre claquent. Ça me rattrape. Saloperie de molosse. Chien de garde sans pitié. Remarque, pas de pitié à avoir pour ceux qui n'en ont pas. Je devrais même pas regretter. Pourtant, je tremble. Froid alors qu'il fait chaud. Combien de temps avant de faire un malaise ? Avant, ou après l'accrochage avec les mouettes ?
D'ailleurs, je ferais quoi, une fois sortie de ma cachette en carton, derrière la grosse poubelle ? Je me bats ? Haut-le-cœur. Non, je me bats pas. Je suis pas une criminelle. J'ai tué, pourtant, mais je peux pas me résoudre à me coller cette étiquette sur le front. J'ai déconné, c'est vrai. Peut-être qu'ils comprendront ?
Non... je vois le procès d'ici. Ma défense ? J'étais de mauvais poil... et y'avait trop de soleil. Pas très convainquant, en somme.
De toutes façons, un type vient de se pointer. Cheveux longs, argentés. Cicatrices. Plutôt grand, la cinquantaine. Un charisme qui sent l'officier désireux d'épargner ses hommes. J'suis dans la merde. Plus le temps de réfléchir. Je le regarde. Dans les yeux. Et je m'entends dire, sur une toute petite voix que je me connaissais pas :
-Je l'ai pas vraiment fait exprès...
C'est tellement bête. Je peux pas m'empêcher d'y penser alors que j'ai tué un homme. Ça te fait quoi, tu te sens comment ? Vide, atrocement vide. Je sais pas ce qui m'a pris. Mais j'ai comme une lumière qui s'est allumé dans mon crâne, qui l'éclaire d'un feu qui blesse. Mon cerveau a l'air de se déchirer par le milieu, tout juste si je suis capable de rester en place dans ma cachette, tant j'ai envie d'éclater. Moi, ou quelque chose. Quoique ça, c'est déjà fait.
Ça tourne, ça virevolte, ça s'embrouille. Le sourire narquois du dockers sournois par une soirée à chier où j'allais m'emmerder de toutes façons, à moins que je me décide à, mais non, j'avais juré que non, pas la prostitution et puis d'ailleurs, à quoi bon ? Je mériterais d'être broyée de la main d'Adrienne, ou de n'importe quelle justice à la con. Mais y'a pas de justice, y'a que ce sang que j'ai sous les ongles, cette odeur de fer qui m'a déjà fait vomir les topinambours de midi. Dégueulasse ! La rue, moi, la mort. J'en ai marre... Quand est-ce qu'on arrive ?
J'ai buté un mec qui blaguait. Qu'avait une femme et des enfants, un but à sa vie, une dignité. Juste parce qu'il blaguait, que c'était le jour où j'avais vraiment pas envie. Mal à la tête, mauvaise période, énervée contre moi même à cause d'un cauchemar à la con.
C'était quoi, déjà ? Ouais... Une histoire de musiciens sur une place publique. Je voulais savoir la fin. C'était glauque, je savais que ça allait mal finir. Mais je voulais savoir. Et j'ai vu. J'ai traîné au lit jusqu'à onze heures passées pour voir l'un des multiples engrenages pourris de ma cervelle fabriquer des morts. Comme ça, gratuitement. Les bardes se poignardaient entre eux. Je passais derrière pour ramasser les instruments. J'étais triste, et j'étais contente. J'avais plein de cadeaux. Mais le sapin, sur la place, il était rouge. Comme le soleil qui m'avait éblouie à-travers mes volets mal fermés.
Je me suis précipitée sur le quai, comme la fureur. A la bourre. Le gars rigole avec ses copains. Ma gueule, te faire rire ? Viens, j'ai pas peur. Trop lent. Hop, hop, et shhlaaaa !
Et maintenant je suis là. Je sais qu'on me cherche. Me rendre ? Pas me rendre ? J'ai peur. Pourtant, ça devrait m'être égal. Drôle d'avoir plus peur de la taule que de la mort. Peut-être parce qu'on vendait ça comme le destin, dans le Grey T. ? La taule, je veux dire... J'ai voulu y échapper. Les dents du monstre claquent. Ça me rattrape. Saloperie de molosse. Chien de garde sans pitié. Remarque, pas de pitié à avoir pour ceux qui n'en ont pas. Je devrais même pas regretter. Pourtant, je tremble. Froid alors qu'il fait chaud. Combien de temps avant de faire un malaise ? Avant, ou après l'accrochage avec les mouettes ?
D'ailleurs, je ferais quoi, une fois sortie de ma cachette en carton, derrière la grosse poubelle ? Je me bats ? Haut-le-cœur. Non, je me bats pas. Je suis pas une criminelle. J'ai tué, pourtant, mais je peux pas me résoudre à me coller cette étiquette sur le front. J'ai déconné, c'est vrai. Peut-être qu'ils comprendront ?
Non... je vois le procès d'ici. Ma défense ? J'étais de mauvais poil... et y'avait trop de soleil. Pas très convainquant, en somme.
De toutes façons, un type vient de se pointer. Cheveux longs, argentés. Cicatrices. Plutôt grand, la cinquantaine. Un charisme qui sent l'officier désireux d'épargner ses hommes. J'suis dans la merde. Plus le temps de réfléchir. Je le regarde. Dans les yeux. Et je m'entends dire, sur une toute petite voix que je me connaissais pas :
-Je l'ai pas vraiment fait exprès...
Dernière édition par Serena Porteflamme le Jeu 14 Mar 2013 - 15:50, édité 1 fois