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La chute


Et là, le coup partit. La scène dura pas plus d'une demi seconde. La balle partit et le temps s’arrêta. Mes tympans se mirent à crier à la mort en subissant l'énorme voix de la grosse bête qui réveillait toute la montagne dans sa colère. La neige se mit à voler tout autour, le vacarme était tellement grand que même les révos d'en bas durent entendre l'énorme cris de rage. Pendant cette demi seconde , mes deux yeux ne virent plus que blanc de blanc. Rien qu'un gigantesque manteau neigeux qui bouffait tout sur son passage. Et le bras apparu. Monstrueux, violent. Il apparu pour faire voler mon corps comme toi, petiote, tu fais voler ton doudou de l'autre côté de la pièce quand tes deux petits yeux pleurent de pas voir leur père.

Sauf que là, la pièce était fichtrement grande. J'l'avais eu ? J'l'avais pas eu ? Rien de ça ne comptait plus. C'qui comptait maintenant ce n'était plus la chute, c'était l'atterrissage. Et j'en savais fichtrement rien, de comment j'allais retomber. C'était affreux, comme si on m'trimballait dans un essoreuse géante; en plus froid ; beaucoup plus froid. J'voyais apparaître au bout de mon nez des stalagmites au fur et à mesure de la chute mais j'pouvais rien y faire. Mes deux bras étaient gelés auprès d'mon torse. Ma gueule voulait plus obéir et mes deux yeux durent vite se fermer pour ne pas s'perdre. A jamais.

Puis vint l'atterrissage. Tout le corps crispé pire qu'au pire moment de ma vie. Congelé de froid et plus rigide que le plus dure des granits marins, je m'écrasa.

Ça fit Crac, ça fit Cric. Et après le grand paysage blanc vint le grand paysage noir.

Parce qu'une chute de plus de cent mètres en plein climat hivernal, ça fait pas de cadeau.

...


Maintenant, petiote, tu balanceras plus jamais ton doudou comme ça, hein ? Pauvre doudou...
T'sais, j'aurais eu assez de jugeote à c'moment là, j'aurais pensé à toi, à ta maman. Et rien qu'à vous deux parc'que l'mince filet de vie que j'tentais de tenir à pleine poigne commençait peu à peu à se faire la malle.


      -Chef chef ! Venez voir ce que je viens de trouver !

      L'aube n'a pas encore pointé son nez sur le bourg au pied du pilier central, mais la tempête qui a soufflé toute la nuit a cessé et pour les patrouilleurs de l'armée révolutionnaire il est temps de sortir pour vérifier que tout va toujours bien...

      On fait le tour des postes de garde pour battre le rappel. On sort les pelles pour dégager les rues... Et on collecte les surprises de la nuit...

      -Je me disais bien que j'avais entendu un truc taper cette nuit, c'est dingue !

      Au pied de poste de garde Est, une dizaine de révos se tiennent en cercle autour de ce qui ressemble a un énorme bloc de glace. Un bloc de glace dont l'arrivée nocturne a même endommagé la cloison de bois de la maison contre laquelle il s'est arrêté.

      -Il doit venir de la montagne. A tout les coups il a dévalé la pente depuis les hauteurs, et il est venu s'écraser contre la baraque...
      -On a eu du bol que les murs soient solides... Moi je dors plus la dedans. Imaginez qu'il y en ait des plus gros.
      -Mince, on dirait qu'il y a quelque chose dedans...
      -Dedans ?
      -Ouais ouais regarde, gratte ici...
      -Mais t'as raison, y'a un type la dedans !
      -Un type tout gelé ?
      -ça pour être gelé il est gelé... Tout glacé et tout, héhé un vrai esquimau...
      -Faudrait le mettre sur un bâton ? C'est un gars de chez nous ?
      -Non on dirait pas... Chef, on fait quoi?
      -Euh. On fait, mais on marche pas dedans... On ne sait pas ni qui sait ni d'ou il vient, alors ce n'est pas de notre compétence. Vous allez chercher des outils, on dégage le bloc, on le réduit un peu, et on l'envoie au palais sans toucher à rien. Les chefs verront bien ce qu'ils veulent en faire...
      -Bon, ben action les gars, au boulot !

      Et une heure plus tard, alors que les premiers rayons du soleil viennent enfin illuminer le palais et le sommet du pilier, le premier voyage journalier du téléphérique voit un étrange chargement se faire débarquer sur le plateau. Un bloc massif de glace taillée dans lequel on peut discerner un corps. Le corps d'un chasseur de primes entre deux ages, et toujours sans chapeau...

      -Euh chef ? On en fait quoi ?
      -Pour l'instant mettez le dans la grand salle. Et amenez moi un des médecins qu'on voient s'ils peuvent le dégeler...
      _Quand on se trouve face à une personne en état d'Hypothermie, y'a pas trois cent solutions. Surtout quand cette dite personne se trouve dans ce dit état depuis un long moment... Ou pas ... Enfin il ne reste qu'une solution, je crois... Il suffit de le rincer dans une eau à plus de cent degrés. Il y aurait alors une chance sur dix de survie... Ou moins... D'après la probable probabilité de chance de survie face à une mise en situation à une température égale ou inférieur à 36 degré Celsius en dessous de zéro, ajoutant à cela une humidité constante due à l'eau recouvrant le corps avec plus de 1 mètre d’épaisseur... Je dirais presque que cet homme -si c'est un homme ? est mort. Ou pas ...

      Ça, c'est c'que l'un des 20 toubibs de l'île pris en otage par la section révo a dit avant de me foutre la gueule dans une bassine d'eau bouillante. Enfin je crois. Moi j'entendais plus rien depuis longtemps. Chacun de mes muscles étaient aussi gelés et durs que de la pierre au milieu d'un iceberg. Pendant qu'peu à peu la glace commençait à fondre, le toubib remettait ses lunettes en place après les avoir essuyé sur son torchon blanc lui servant de blouse. Autour, une dizaine de guss armés pointait leur pétoire sur moi. Z'avaient peur de sur quoi ils allaient tomber. Et ils avaient raison ces cons. Au bon d'un temps j'ai commencé à sortir du noir. A presque réussir à bouger les doigts. La glace fondait, venant refroidir l'eau bouillante pour finir par la mettre à température amb.. amban... Merde ! C'est quoi le mot ?

      ...

      Bref, à température bien comme il faut. Quand mes yeux s'sont ouverts, j'étais trempé de la tête au pied. On m'a lancé une serviette pour que j'enlève mes frusques. J'ai pas réfléchi. Tout mon corps tremblait de froid et mes dents claquaient comme pas souvent elles avaient claqué. Mais j'étais vivant.

      _Bravo très cher monsieur. Vous êtes en vie. Ou pas...

      Je lui ai répondu par un claquement de dent qui voulait dire merci. Y'avait mon cerveau qui commençait presque à remarcher. C'était bon signe. "J'pourrais peut être un jour re-parler". C'est c'que je me disais quand le binoclard s'est présenté. Et là, mon sang s'est remis à chauffer, comme par magie. J'avais toujours une dizaine de pétoires pointé sur moi, j'étais au milieu d'un groupe révolutionnaire et j'avais même plus d'arme en état. Ma langue commençait à se délier, on me demandait comment je m’appelais. Vrai que j'avais pas une gueule d'otocht... Otau... Hotoch... Bref, j'étais pas du coin et ça se voyait. Alors j'ai parlé.

      _mon chapeau...
      _Pardon? Si vous en avez la force, pourriez vous répéter plus haut, s'il vous sied, ou non ?
      _Où est mon chapeau?
      _J'ai le regret de vous dire que je comprends toujours pas le moindre mot de votre étrange charabia... A moins que ...
      _Où est mon putain d'chapeau ?

      Le guss m'a miré d'un drôle d'air. A fait ses yeux rabougri du genre qu'il avait jamais entendu une putain d'injure de sa vie de binoclard. M'a demandé "d'utiliser un langage plus approprié à la situation indélicate dans laquelle je me trouvais et de répondre à sa question posée plus avant".

      _Mihai. J'm'appelle Mihai Moon.
      _J'ai le regret de vous dire que je connais guère de révolutionnaire portant ce nominatif. Etes vous avez nous ou contre nous ? Ou ni l'un ni l'autre ?
      _Si j'me goure pas, y'a deux nuit, je foutais une balle entre les deux yeux de Boris double hache. Ça répond à la question ?

      A peine que j'finissais ma phrase que je regrettais déjà. Les armes se chargeaient et je sentais qu'à moins de lever haut les bras j'allais finir troué de partout.

      _Et sinon, mon chapeau ?

          Un type qui n'a pas de fusil et qui, par voie de conséquence, doit être le chef de ceux qui te braquent, écarte le médecin pour te redarder droit dans els yeux d'un air on ne peut plus haineux.

          -Ton chapeau, si par hasard on le retrouve, on te le fera bouffer avec tes dents ! C'est clair ?

          Et Bim, mandale vicieuse sur le coin de l'oreille. Rien qu'a la façon dont il frappe et au bruit que ça fait tu apprécies le savoir faire du professionnel... Heureusement t'as encore tellement froid que la douleur n'est finalement pas si forte que ça. D'autant que tu es encore à moitié dans les vapes.

          -Arrêtez ça tout de suite ! Tant que ce blessé est dans cette salle il est sous ma responsabilité !
          -Tu t'oublies Doc, tu sais a qui tu parles la ?
          -Je me fous de savoir qui vous êtes, et vos menaces ne m'impressionnent pas. Soit vous me laissez faire mon boulot correctement soit j'essaye de vous faire sortir d'ici jusqu’à ce que vous soyez obligé de me descendre. Et je doute que ça plaise à vos chefs...
          -Tsss... Tu t'en tires pour cette fois Doc, mais je suis pas loin... Et je t'ai à l’œil, l'oubli pas...

          Le type se penche une nouvelle fois vers toi et te chope le menton pour t'obliger à relever la tête et t'appuyant sous l’œil pour te faire aussi mal que possible sans te frapper...

          -Et toi non plus m'oublie pas. Décongèle bien mon mignon, on va se revoir bientôt... (Il s'adresse aux gardes) On vide les lieux les gars, Tad et Ronald, attachez moi le guignol au lit pour ne pas tenter le doc et restez à la porte. Je vous fais remplacer pour le repas...

          Deux mains te sortent le bras de l'eau chaude et te passe des menottes sans ménagement. Puis les fusils se baissent et tout le monde évacue...

          -En temps normal, votre état serait plutôt une bonne nouvelle. Mais je ne vais pas vous mentir, dans les circonstances actuelles, je doute que votre rétablissement vous apporte beaucoup de satisfaction... Je m'appelle Justin. Numéro 20 du cercle... Bienvenue chez les vivants monsieur Moon...

          -Ce n'est pas une bonne idée Oswald. Alerter les troupes révolutionnaires tout de suite ne peut t'apporter que du malheur.

          -Rien à foutre. C'est un membre de mon équipage qui est prisonnier là! J'préfèrerais me faire écraser à nouveau par Staline que de le laisser là.

          -Mauvaise idée.

          -Écoute Doc. Tu m'as dit toi-même que ce n'était pas en tuant que l'on devenait un héros. Alors aussi bien sauver pour enfin le devenir!

          Numéro 4 soupire, ferme les yeux, se les frotte d'un mouvement las tout en retirant ses lunettes. Il relève la tête vers moi, me regarde. Je lui renvoi son regard, un regard suppliant, mais aussi encourageant. Je tente un sourire rassurant quant aux chances de succès de l'opération qui prend peu à peu naissance dans mon esprit. Autour de nous, la pénombre semble nous engloutir, comme elle aussi pressant le toubib de m'aider dans ma tâche.

          Soudain, reprenant constance, le médecin réenfile ses lunettes et se dirige vers la paroi d'où j'espionnais Mihai et ses ravisseurs un temps plus tôt. Ce n'est pas long que le Numéro 4 touche adroitement les larges pierres de la paroi avec assurance. Jusqu'à ce que soudainement, l'une d'elle renfonce, enclenchant du même fait un complexe et occulte mécanisme. Dans un bruit presque imperceptible de frottement, le mur du château donnant sur la pièce où Mihai est captif s'efface de mon chemin et de celui du Doc qui s'empêche de reculer dans la pénombre. Alors s'ouvre à moi la forteresse de Drum. Un endroit où peut-être sommeille le puissant Staline au moment où j'agis.

          Je lève mon pousse un bref instant à l'intention de Doc qui cherche à ne pas être vu. Signe que tout va bien aller, que je le remercie pour son aide. Peut-être n'est-ce pas nécessaire, peut-être ne comprend-il pas. Peu importe, je suis reconnaissant. La pièce est moins peuplée que tout à l'heure, en fait, pratiquement vide. Seul Mihai et un potentiel ennemi y sont toujours. Ne remarquant pas tout de suite la nudité de Mihai, je me penche plutôt sur l'homme qui le surplombe. Son uniforme est semblable à celui de Doc, mais ce n'est pas assez pour me convaincre qu'il ne fait pas partie de la Révolution. Sans perdre une seconde, je me jette prestement sur le médoc, l'agrippe par le cou et le plaque au sol.

          En fait, c'est bien ça que je pensais qu'il devait se passer. Mais la situation fut tout autre.

          Propulsé dans les airs, un bras se préparant à saisir le cou du bonhomme, je ne peux réagir lorsque ce dernier fait volte face, sers mon poignet et m'envoie choir violemment sur la pierre blanche du sol. Je suis rapidement à nouveau sur mes pieds, et retourne à la charge sur le médecin hostile dont j'ai sous estimé le niveau. Bien entendu excité de par la vigueur renouvelée de mes mouvements. L'homme semble adroit, esquive rapidement mes coups, tente quelquefois de placer un assaut ou deux mais c'est à peine si je ne retourne pas son poing contre lui. En fait, c'est lorsque le toubib tente un crochet vers mon visage que je me saisi de son avant bras, attire l'homme en blanc vers moi et lui met mon poing en pleine poitrine que le combat se termine. Aucune parole échangée, seulement des coups, comme des hommes. Je plaque les épaules du bougre au sol, l'entravant ainsi alors qu'il reprend désespérément son souffle.

          -Bon sang, tu frappes comme un marteau toi!
          -Vous avez le droit de garder le silence. Habille toi Mihai on sort d'ici.
          -Hep, Oswald!
          -Quoi Doc?
          -C'est mon copain que t'as failli tuer là.
          -Euh?

          Interloqué, je fixe le bonhomme qui me regarde d'un regard mi-amusé, mi-apeuré. Il semble que lui aussi fasse partie des 20. Une nouvelle erreur de ma part. Honteux, je me relève avec véhémence et aide le médecin à se relever à son tour.
          -Lieutenant-Colonel Oswald Double Face Jenkins, veuillez me pardonner.
          -Justin, Numéro 20, ça va, ça va.
          Doc surgit du tunnel du pilier et engage la discussion avec l'autre membre de son ordre. Moi, hors de cette conversation, me retourne vers mon charpentier qui remet ses vêtements.
          -Tiens, il est où ton chapeau?
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          « Reviens par-là, idiot ! »

          J’attrape Julius par sa chemise pour le tirer violemment en arrière. De retour dans la pénombre des galeries sous terraines, je lui lance un regard furieux, que Bee appuie d’un « kwak ! » sévère. On a fait assez de grabuge comme ça pour se permettre de se montrer. Surtout lui et sa chemise rose. Si les quelques survivants ont fait aussi le chemin jusqu’au château, il est l’une des premières têtes à abattre dans le coin. Y’a des gens inconscients dans ce monde qui n’ont aucun instinct de survie. Julius a l’air d’en faire partie, et je ne serais pas toujours là pour couvrir ses arrières. Surtout ici, ou j’ai masse de travail qui m’attend…

          « Tu veux te faire voir par tout le monde ou quoi ?! On continue dans les galeries pour trouver une entrée discrète dans le château, pas question d’être découvert. »

          Revenant sur nos pas, on se lance tous les quatre dans l’exploration de notre abri, allant et venant, nous perdant surtout dans ces grandes allées qui se ressemblent toutes. Notre sens de l’orientation n’y fait pas grand-chose, et Rikkard le constate à plusieurs reprises, jurant qu’il aurait bien aimé nous aider, mais qu’il ne connait absolument pas ces passages, ne les ayant jamais creusés et venant très rarement au château. Un sourire plus tard, le rassurant pour ne pas qu’il culpabilise, nous nous engageons dans un virage étroit, mais d’où semble provenir quelques voix.
          Nous nous stoppons tous en constatant, écoutant attentivement cette discussion. Elle semble provenir de deux hommes, peut-être une dispute. N’étant que depuis quelques heures une Rhinos Storm, je suis tout bonnement incapable de dire si les voix que j’entends viennent de l’un de mes hommes, ou supérieurs. Nous mettons un temps fou avant de nous décider à avancer. Ou en tout cas, un temps qui me parait bien trop long. En longeant silencieusement le couloir, nous ne tardons pas à remarquer de la lumière, deux hommes se dessinant dans l’ombre, furtivement. Puis, l’un d’eux disparait, avant qu’un combat ne semble s’engager.

          Le deuxième, que nous voyons de loin, rentre lui aussi dans la salle, et la porte-mur qui lui fait face commence à se refermer derrière-lui…

          « On fonce ! »

          Je n’ai pas envie de m’éterniser dans ce couloir, et je ne pense pas capable d’ouvrir des murs à sa façon. L’homme semblait connaitre l’endroit, il est notre ticket d’entrée dans ce gigantesque parc d’attraction.

          Nous nous jetons tous, les uns après les autres, dans la petite pièce dans un fracas immense qui attirera probablement la curiosité. Mais je ne tarde pas à m’armer, l’arc télescopique en main, flèche visant l’un des quatre gusses nous faisant face. Et la stupéfaction est telle qu’elle me laisse sans voix pendant quelques secondes.

          « … Jenkins ?! »

          Ou ce que je semble reconnaitre de lui, derrière ses bandages en tout genre. Il ne ressemble plus à grand-chose, mais on peut le reconnaitre en plissant bien les yeux. Peut-être sa peau, peut-être ses yeux. Avec tout ça, difficile de savoir comment il peut tenir debout !

          « L’alcoolique ! »

          Le mot sort sans que je ne puisse le retenir. L’alcoolique. Ça ne doit pas être particulièrement flatteur, mais je ne suis pas là pour ça. Je reste méfiante à son égard, surtout après la conversation avec Stark : Faisant parti des deux derniers arrivés sur le Léviathan, il est aussi l’un des deux suspects. Mon instinct me souffle qu’il n’a pas l’air assez mesquin pour agir de la sorte, et que l’autre, Gabriel, a le profil idéal pour être le traitre, mais je préfère ne rien laisser de côté… La moindre erreur, ici, peut nous être fatale à tous, et je ne supporterai pas d’avoir à porter le poids et la culpabilité d’une erreur de jugement.

          « Messieurs… »

          M’inclinant respectueusement devant les deux médecins, mon attention se reporte bien rapidement sur les autres zigotos qui ont l’air visiblement contents de voir que l’équipage ne les a pas abandonnés.

          Pas faute d’avoir quand même hésité.

          « Qu’est-ce que vous foutez là, bande d’idiots ?! Vous croyez que c’est le moment de faire du tourisme ?! Qu’on a le temps avec vos conneries ? Qu’on a le temps de se perdre ?! Je ne sais pas ce qui me retient de vous botter les miches ! »

          Bee me regarde, fait mine de réfléchir. Il en va de même avec Rikkard, qui ne tarde pas à me souffler que ce n’est pas lui qui m’en empêchera.

          Alors… c’est décidé.

          Ils payeront les heures d’inquiétudes et de doute de tous l’équipage.

          « Hinhinhin... »

          Faisant craquer mes phalanges sous la pression de mon autre main, je m’avance à pas de géant foutre une véritable branlée à ces deux hommes. Mihai, à peine remis d’un visiblement dur périple ne résiste pas bien longtemps sous mes coups, et j’avoue me faire plus douce avec lui. Oswald, quand à lui, même ressemblant à une momie, n’échappe pas à la tornade rousse qui s’abat sur lui.

          Et quelques minutes après des cracs ! des aie ! des clac ! et autres kwak ! mon attention se reporte sur les deux médecins qui n’ont pas bougé d’un pouce. Le calme retombe brutalement, je m’adresse à eux directement :

          « Désolée pour cette brutalité et de gâcher votre travail, messieurs, mais la pression avait besoin de retomber. Parait-il que ce n’est pas bon de garder sur l’estomac des trucs comme ça… Mais permettez-moi de me présenter : Ingénieur en chef du Léviathan, Lilou Bennett Jacob. Je suis venue chercher ces deux idiots... »

          Et endiguer le problème révolutionnaire sur Drum. Mais ça, hein… On s’en doute. M’inclinant de nouveau vers les médecins, je les remercie respectueusement pour avoir soigné mes camarades, ou tout du moins, essayé de le faire ; Et alors que l’un d’eux retourne s’occuper du cas Mihai, je me tourne vers Oswald :

          « Lieutenant-Colonel ? Mihai ? Ces Hommes sont-ils avec vous ? Des alliés ? Et avez-vous des informations importantes à me céder avant que je reparte faire mon travail ? »
          • https://www.onepiece-requiem.net/t3945-fiche-technique-de-lilou#4
          • https://www.onepiece-requiem.net/t2202-
          Lilou, elle est gentille. Elle me rappelle définitivement ma fille. Elle aussi m’engueulait tout pareil comme ça. C’est marrant, outre quelques exceptions, en ces dix ans d’errance, je n’ai eu que peu de rapports humains sans violence aucune. Lilou en fait partie. Elle me traite comme un enfant semble-t-il. Le fait qu’elle fasse maintenant partie de la marine l’a changée. C’est triste à voir, mais elle me semble un peu aigrie. Comme les gens qui ont trop vu d’horreurs. La dernière fois, elle avait connu des misères, mais elle ne m’a pas donné l’impression qu’elle me donne aujourd’hui. Je ne pense pas qu’elle ait envie de parler de bien-être en cette heure grave.

          C’est surtout moi que je trouve étrange. On me donne l’occasion de sortir d’une pièce de trois mètres carrés et je fais de l’introspection. D’ailleurs, si je suis seul depuis toutes ces années, c’est que je pensais que ça valait mieux. Mieux pour ma famille de ne pas être à mes côtés. Tous les gens qui me côtoient finissent par partager mes ennemis. Et les personnes de mon genre ont en beaucoup. Finalement, comme je le disais à Serena, le camp importe peu. Cette Elza que j’ai combattue avait aussi bien des idéaux que des camarades. Rétrospectivement, j’aurais dû lâcher l’affaire avec elle. De toute façon, la victoire m’était vraiment acquise depuis la destruction de son navire. Qu’avais-je à gagner à insister autant ? Probablement rien. Je me suis entêté par bêtise et par orgueil.

          Mine de rien, j’ai beau penser à mes devoirs, il m’arrive de faillir face à mes pulsions. C’est aussi pour ça que je pourrais représenter un danger pour les autres. Au camp où j’ai été élevé, il n’y avait que des ennemis. Depuis, j’ai toujours eu du mal à voir autre chose chez les autres. Ce n’est que quand je me suis marié que j’ai su qu’il y avait autre chose. Pourtant, n’ai-je pas été l’ennemi de la famille qui m’a donné à nouveau sens à la vie ? Ne serais-je pas une menace continue à toutes les personnes qui me voudraient naïvement du bien ?

          Même toi, Lilou. Qui te dit que tu peux me faire confiance ? Qu’est-ce qui te faire croire que je ne vais pas te trahir d’un seul coup ? Après tout, je ne t’ai jamais fréquenté plus qu’une journée. En un an, bien de choses peuvent se produire, surtout chez un inconnu. Il n’y a qu’à te regarder toi, tu ne reflètes plus une once de l’insouciance que tu avais autrefois.

          Non, je ne pense pas qu’en matière de confiance il y aura une solution définitive et absolue. Finalement, rien ne peut être certain. Après tout, on ne fait que s’entretuer pour choisir quel intérêt prime. Le monde entier poursuit des objectifs personnels du voleur de poules au sauveur de veuves. Aucune cohabitation ne peut se faire sans prendre conscience qu’un jour ou l’autre, les objectifs d’untel rentreront en opposition avec ceux d’un autre. Ne serais-je pas prêt à tuer ces deux personnes s’ils s’en prennent à ma fille ? Certainement. Je le ferai sans fierté ni joie, contraint par mon cœur, mais sans hésitation non plus.

          Alors quoi ? Accepter de mourir seul ? Est-ce vraiment la seule possibilité qui s’offre à moi ? Je pense que je ne pourrai le supporter. Plus que la torture physique, c’est la certitude que personne ne sait où je suis qui m’a le plus poussé vers le désespoir. Tant d’années à lutter pour faire le bien et finir comme un miséreux, anonyme. Si ce n’était Lilou, je n’aurais eu aucune chance. Le temps et les coups auront fini par me briser. Peu importe mon endurance quand on sait que ça va certainement finir par s’épuiser. Et je n’aurais pas eu la chance de voir le visage de ma fille encore une fois.

          Essaye de te recentrer, Julius. Lilou a attiré la garde dans la salle où tu te trouves désormais, mais elle est trop occupée à engueuler tout le monde pour s’en occuper. Par contre, toi, tu as les mains libres. Leurs deux crânes craquent dans tes mains pendant que leurs corps s’affaissent sur le sol. Qu’à cela ne tienne, un toubib se penche sur eux.

          « - Mais, doc, y a plus rien à soigner, là.
          - En effet, mais ça reste de mon devoir de le faire quand même.
          - Mouais, si tu as du temps libre, je suis disponible comme patient. J’ai reçu quelques coups et j’ai pas bien mangé depuis des jours. Si tu pouvais m’aider, ce serait chic. »

          Je dénude mon dos meurtri et le médecin s’y met. Pendant ce temps, Rikkard me charrie sur ma chemise.

          « - C’est pas la mienne, merde. Mais, attends, t’es le châpeauteux, toi ! Putain, mais il est où ton galurin ?
          - Vous ne voulez pas parler de comment vous allez sortir d'ici ?
          - Faîtes pas celui qui ne comprend pas ! C’est son chapeau quand même !
          - Et alors ?
          - Et alors tu es visiblement dépourvu de toute âme. Mais puisqu’il faut causer, causons. Dites-nous ce que vous savez des effectifs, rondes, passages, éclairages, tout ce que vous avez appris jusqu’à la couleur des chaussettes de Staline.
          - Souvent noir, parfois gris.
          - Très drôle, mais sinon ? »
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            Le médecin arrête ses soins pour aller se laver les mains... Et quand il te répond sa voix n'a plus rien de sympathique.

            -Mais sinon quoi ? Vous vous figurez qu’après ce que vous venez de faire j'ai plus de sympathie pour vous que pour eux ? Que vous n'ayez rien de plus pressé à faire que d'aller tuer ces types ne regarde que vous, mais ma participation a votre combat se bornera a vous soigner si vous vous en tirez. Et je ne vous donnerais pas plus d'informations pour les attaquer eux que je ne leur en donnerai a eux pour vous attaquer vous...


            Si vous êtes malin vous emmènerez votre ami et repartirez par ou vous êtes venus. Si vous voulez vous battre, débrouillez vous.


            L'autre médecin ne dit rien de plus mais vu son air il semble assez d'accord avec ce que dit Justin. Pas vraiment des foudres de guerre on dirait...
            Il a fini ce con.
            Il n’a absolument rien compris à la vie. Ou il fait semblant.

            Il a l’air de faire partie de ces connards de pacifistes qui, sous prétexte de ne rien faire, pensent qu’ils ont raison. Ils ferment les yeux et ignorent la douleur des autres. La mort ne les atteints pas tant qu’elle est hors de leur portée de vue.

            Celui-là est le modèle toubib ; il croit que soigner des gens sauve des vies. Il pense que tout est très simple : lui, il guérit des gens. C’est tout. Ça suffit à son psychisme. S’il soigne un serpent et que celui-ci tue dix personnes, sa conscience est tranquille. C’est pas ses affaires, c’est pas sa responsabilité. Je me demande où le monde en serait avec plus de cons de ce genre. Probablement encore plus dans la merde.

            C’est chiant parce que je me suis promis de pas gueuler. Mais là, je sens que je vais le faire quand même. Les types comme lui m’agacent au plus haut point. Ce sont des enculés comme les autres, mais ils ne l’assument même pas. Du coup, ils le sont doublement. Alors j’ai bien envie de lui mettre une claque dans le pif histoire de lui remettre les idées en place. Qu’il commence un peu à comprendre que vivre de certitudes ne conduit généralement qu’à faire des conneries.

            Je me sens partir dans une rage sans filet. Un spectacle de chute libre improvisée. Toute une haine du système qui trouve plus de soutiens à cause de ces gens passifs qu’à cause des criminels eux-mêmes. Je saisis le toubib par le col et je le serre. Mon visage est presque contre le sien alors que je lui braille dessus :

            « Tu crois que j’fais ça pour m’amuser, connard ? Tu n’vois pas qu’on est en guerre ? Qu’est-ce que tu crois qu’il va arriver si cette guerre se prolonge ? Tout le monde va crever, voilà tout. Crever comme des merdes. Les révolutionnaires diront que ce sont des dommages collatéraux, nécessaires à la cause. Les pirates n’en ont rien à foutre. Qu’est-ce que tu crois que les mecs de Krabbs vont faire quand il sera mort sans recevoir de soins ? Repartir dans leurs barques sans moufter ? Ils vont saigner cette île à blanc, massacrer tout le monde ; hommes et femmes, grands et petits. La Révolution s’en fout de vous voir tous clamser un à un tant qu’elle réalise ses grands projets dans le monde. T’as peut-être pas envie de participer à un meurtre, mais c’est ce que tu vas faire en fermant ta sale gueule de fouine. Alors t’es peut-être un grand médecin avec vingt ans d’études, mais t’es con comme chaise ! Qu’est-ce que tu vas leur dire à toutes ces familles que tu as condamnées parce que tu voulais garder les mains propres ? Comment tu soulageras ta conscience quand elle portera le poids de la mort et du pillage de toute l’île de Drum ? Et ce sera en partie de ta faute et en partie, c’est déjà trop alors que tu pourrais faire quelque chose. Finalement, me soigner moi n’est rien comparé à tout le mal que tu es prêt à faire tout ça pour tes idéaux à la con. Pacifiste, neutre tu te dis ? C’est faux, t’es juste un égoïste qui n’a pas les couilles de faire ce qui est bien, quitte à y perdre un peu de son humanité.
            De toute façon, ça sert à rien de causer avec des attardés comme toi. Mais si jamais tu finis par remettre en cause tes principes de faux-cul et de lâche, retiens quand même cette phrase :

            “S’il y a pire que les méfaits des vils, ce serait le silence des hommes de bien.” »


            J’ai quand même fini par lâcher ce con. Je n’compte pas m’éterniser ici. Une tâche plus importante m’attend. Et ce n’est pas en corrigeant ce nul que je vais faire avancer les choses.
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            Ça allait trop vite pour moi. Les poings volaient en même temps que les injures et je restais toujours au même endroit, immobile comme un poteau d'barrière des bons champs de chez moi. Sauf qu'eux, sont résistants, et que moi, dans mon état, c'était loin d'être le cas. Alors quand la bonne rousse que je connaissais pas me fila un poings et que je m’effondrai pas terre comme un bon vieux piquet d'feraille rouillé par la pluie, je me dis que c'était pas sa force. C'était mon état.

            On se trouve des excuses comme on peut, faut dire.

            Ma vengeance, je la gardais pour plus tard, pour quand j'aurai un pétoire sous la main et assez de force pour appuyer sur la gâchette. Non, à cet instant fallait déjà que je comprenne dans quel pétrin je m'étais encore fourré. Et puis surtout,la grande gueule,qu'est ce qu'elle foutait là ?!

            « - C’est pas la mienne, merde. Mais, attends, t’es le châpeauteux, toi ! Putain, mais il est où ton galurin ?

            « Tu me la coupes là, moi qui pensait encore devoir t'sauver la peau... On inverse les rôles maintenant ? »

            Sauf que le toubib avait décidé de jouer au con. De se croire capable de rester neutre là où y'avait que deux camps possibles. Et l'bon Jule sle remit bien place comme il fallait.

            Moi, j'étais toujours le cul par terre et la langue pendante, immobile. Je faisais ça pour garder en prestance, j'étais pas du tout bloqué hein. J'avais pas du tout mal partout. Mon corps ne criait pas de l’intérieur jusqu'à crisper chacun de mes muscles comme au moment de voir l'Ankou et sa grosse faux venir tout faucher.

            Histoire de croire que je pourrai encore bouger mes foutues guibolles je tenta une approche. Le tournoiement de jambes. Sauf que ça tournait pas. Ça tremblait très doucement et qu'à chaque mouvement je tirais une gueule à faire pâlir le macabé le plus macabé du plus vieux cimetière de tout Grand Line.

            Exagérer, moi ? Fallait que je trouve un moyen.

            « _Bon les gars, on s'met à discuter sérieusement ? Y'a pas un bon bougre pour m'lever et surtout, bordel de merde, me dire où est mon putain de chapeau ? »

            J'aurais bien aimé gueulé l'info, beugler sur leur crane d'oeuf, sauf que la voix qui se voulait cassante était surtout cassée, et que bougre de Dieu, allongé là comme un benet, j'était pas dans le meilleur des cadres pour m'imposer. Alors j'me tus. Et j'laissa les autres se mirer en chiens de faïence. J'les laissa s'demander ce que j'avais bien pu foutre dans mon écuelle pour être aussi bête.

            C'était d'la mort, bordel, que j'y avais foutu.

              -Pas vu de chapeau dans les galeries ni dans mes rêves, Mihai. Par exemple discuter sérieusement, j’suis pour. Te relever, ça aussi je peux. Ah et heureux de te voir aussi, Lilou.

              Je me relève en me massant du mieux possible. Elle frappe fort la Lilou, fort comme rarement j’ai pu l’expérimenter. Assez fort pour que le soulagement de la voir surgir des galeries me quitte aussi rapidement qu’il est venu. Assez fort, au point de balayer le sentiment de puissance et de fraîcheur qu’a introduit la pilule de Numéro 4 en moi lorsque je l’ai gobé. Assez fort, pour que j’en oubli un moment qu’un mec avec la mine aussi patibulaire que celle de Mihai ainsi qu’une brute de la taille d’une frégate habillée comme un mammouth se tiennent tous deux dans la salle. Le canard, il fait parti du décor, alors j’ai oublié d’y penser. Il suit la rouquine comme son ombre, aussi bien assumer.

              En tentant de moindrement brusquer le charpentier, je me saisi de son bras droit. L’amène vers moi, puis, en le soulevant par le dos, juche ce dernier sur mon dos d’un léger élan. Il n’aime pas ça. Ça se sent, mais qu’est-ce qu’on peut y faire?

              « Pour moi il appréciera pas non plus d'être sur le dos du balourd plein de sueur! Encore moins du piaf géant! »

              -Silence Dark.

              Je me retourne vers la petite troupe, présente Numéro 4 puis Numéro 20 aux nouveaux arrivants. J’hésite un instant avant de continuer de parler, fixe l’un après l’autre les deux hommes dont je ne connais rien. Que pensent-ils de moi? C’est bien la première fois qu’ils doivent rencontrer quelqu’un d’aussi atypique que ma personne. Et le pire dans tout ça, c’est que ça se lit difficilement dans leurs yeux. Méritent-ils que je leur accorde ma confiance et livre mes informations acquises durant ma mission plus ou moins échouée? Je n’en sais rien. En fait, je crois que j’ai peur du jugement qu’ils exercent probablement tous deux sur moi à l’instant, plutôt que de révéler des informations qui peuvent être utiles à tous.

              L’un semble connaître Mihai, une tronche d’homme qui ne l’a pas eut facile, un regard de tueur. En fait, pas besoin de regard car il a un peu plus tôt lui-même démontré sa force en écrasant deux révos. Seulement son attitude envers Numéro 20 me met sur mes gardes. Si bien que sans m’en apercevoir, je fais un pas vers Justin, comme pour m’interposer entre le Rôdeur et ce dernier. Au cas où.

              -À qui ai-je l’honneur?

              L’autre, j’ai presque l’impression de faire un lien entre sa carrure, son accoutrement, son attitude ainsi qu’une information concernant l’île que j’aurais pu capter à un moment ou un autre. Probablement un natif, mais rien de plus ne m’aide à distinguer si c’est un homme de bien ou non.

              En fait, qu’est-ce qu’un homme de bien? Le suis-je? Cet homme à l’attitude violente et cassante l’est-il? Il semble l’affirmer, mais je reste sceptique. Quoi qu’il en soit, moi, je ne me tairai pas.

              -J’ai combattu Staline.

              Cette simple phrase attire les regards de tous comme des pièces de ferraille vers un énorme aimant. Même qu’elle provoque quelque réaction, surtout chez l’ingénieure en chef qui semble soit fâchée, soit découragée. Un instant, je me demande ce qu’en penserais Salem, mais me reconcentre néanmoins sur la situation.
              -J’ai réussi à le blesser légèrement, mais rien de bien grave. Là haut, au sommet du pilier, c’est une vraie forteresse, les révos y sont par centaine et défendent le château comme une vraie place forte. Même l’assaut de nuit s’avérerait à être un échec. Y’a un truc que j’ai remarqué et qui ne colle pas avec le décor, cependant. Un bateau volant est stationné près du château, je n’ai pas réussi à apprendre à qui il appartenait. Mais si la Révo est en possession de truc du genre, il faut s’en débarrasser au plus vite avant qu’elle ne l’utilise à son avantage.

              Je laisse l’information tomber, bien mouiller les esprits de chacun. Mais je ne m’en tiens pas là, j’ai un objectif et je ne quitterai pas ce pilier avant de l’avoir accomplir.

              -J’ai peut-être perdu contre Staline, mais je n’ai pas dit mon dernier mot. Je veux retourner le trouver et lui faire mordre la poussière. Je fais une pause, regarde Lilou. Quoi que puisse en penser le Contre-Amiral.

              J’ai besoin de confirmer que le géant est plus fort que moi. C’est viscéral. J’ai besoin de le confronter à nouveau pour me mesurer de toute ma force contre le Stratège. J’ai besoin de me sentir fort, de me fixer quant à mon adversité envers le géant. Et s’il meurt, qu’il en soit ainsi. Et si je meurs, alors le destin aura réellement eut raison de moi. Quoi qu’en pense Numéro 4, je ne peux vivre sans combat, j’ai besoin de me prouver à moi-même que mon existence n’est pas qu’une suite de défaite. J’ai besoin de savoir qu’au fond de moi-même, je suis un héros, ou alors que j’ai le potentiel d’en être un.

              -Je vais continuer d’infiltrer le château et ramènerai la tête de Staline au Léviathan. Mais avant tout, qu’en est-il de ce que vous savez?

              Soupir de Numéro 4, puis de 20 qui se fait un peu plus silencieux depuis son altercation avec le Rôdeur. Ils désapprouvent, bien entendu.

              « Moi je commencerais bien par me faire le gros piaf. »

              -J’ai dis silence Dark.
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              « Mh… »

              Les informations sont maigres, mais il faut faire avec. Je crains surtout un second affrontement entre le lieutenant-colonel et Staline. Ce dernier m’a l’air d’être un gros morceau. Peut-être un peu trop gros pour le bonhomme en face de moi. Je ne dis pas que j’irai m’attaquer à cette montagne moi-même, mais l’éviter jusqu’à l’arrivée de Fenyang et ses troupes et le mieux à faire pour l’instant. De toute façon, j’ai tellement de choses qui fachent à dire que je ne sais pas par où commencer.

              « Premièrement et avant tout, vous devez savoir une chose : Le Capitaine a signé un accord de neutralité forcée avec l’équipage des Truands et le capitaine Satoshi Noriyaki, son cousin. Nous ne sommes pas obligés de les protéger, mais formelle interdiction de s’en prendre à eux… Bon… Je sais que ce n’est pas une bonne nouvelle, et que vous avez très envie de pester contre le Contre-Amiral, mais écoutez attentivement ce que j’ai à vous dire : Les négociations avec Krabb se sont très mal déroulées et vu qu’il désire un médecin, il est fort possible que ce type vienne en chercher un de lui-même... Dans notre situation, nous ne sommes plus en position de faire la fine bouche. Si cet accord a été signé, ça implique que nous ne sommes pas du tout dans une situation avantageuse. Avec votre… sens de l’orientation, Jenkins, vous avez annoncé la couleur de notre offensive, nous avons dû changer les plans ; le nouveau implique votre sauvetage, celui du roi, ainsi que la distribution de surprise de Noël. »

              En disant cela, je pose devant lui une bombe désactivée. « Surprise » reste le bon mot, mais c’est loin d’être des cadeaux censés plaire aux révolutionnaires. Je laisse le temps à Oswald d’admirer l’œuvre, qui n’est pas de moi mais de l’assassin du Léviathan, et lui fais un maigre sourire. Rempilant sur des choses plus sérieuses, j’accompagne mon discours de gestes des mains :

              « Vu votre état… Je ne suis pas sûre qu’un second affrontement contre Staline soit une idée judicieuse Lieutenant-Colonel. Et pardonnez l’affront, mais avec la tannée qu’il vous a mis, vous ne survivrez pas à une autre. Après mon avis, vous en faites ce que vous voulez. Economiser nos forces et éviter de se tuer inutilement seraient loin d’être bête… Mais moi, je dis ça… je ne dis rien. Dans le pire des cas... Appelez-moi. Vous trouverez bien un Denden sur la route... »

              Le but n’est pas de vexé, mais d’éviter les pertes. Nous ne sommes jamais trop prudents. Etre venu chercher Jenkins pour le voir se suicider lui-même, ça n’a rien de plaisant. Je préfèrerai affronter moi-même le géant stratège que le voir se faire démolir un peu plus. D’ailleurs, dur de le voir bander de toute part et de se dire qu’il va repartir à l’assaut du château…

              « Maintenant, si vous voulez repartir faire la fête chez vos copains révolutionnaires, faisons un deal. Nous allons former deux équipes : L’une partira distraire et attirer le plus de foule possible dans une direction, l’autre ira au secours du roi. Stark Lazar va aussi s’occuper de miner le terrain : si vous le croisez, ne le tuez pas. Pour ceux qui ne le connaissent pas : il est grand, fin, avec un air arrogant, des cicatrices sur les joues et une tête de psychopathe. Et même si cette description semble peu précise, je vous assure que vous le reconnaitrez très facilement… »

              Pour ceux qui le connaissent, la description prête à sourire. Même si large, elle est particulièrement juste. Pour moi qui le connais que peu, je vois très bien son visage se dessiner dans ma tête. Encore faut-il qu’il soit arrivé jusqu’ici. Avec Verraldine, je m’inquiète peu pour lui, mais la chance à Drum tourne très vite…

              « Jenkins, vous aurez une mission personnalisée et un choix à faire… Le bateau que vous avez vu : soit vous le détruisez, soit vous le prenez. Je vous laisse dans ce sac une bombe que pourra faire l’affaire dans le premier cas. Dans le second, posez la dans un coin qui affaiblira la structure du Château. Salem ne devrait plus être très loin à cette heure-ci, on peut espérer un soutien de sa part. »

              Marquant une pause, j’estime tout le monde du regard pendant quelques secondes et attends de voir s’il y a des objections. Reprenant à la suite, j’ajoute :

              « Inutile de préciser que je m’occupe du Roi. C’est lui qui nous a appelés ici, c’est normal de le tirer de sa prison révolutionnaire. »

              Puis, je me tourne vers les deux médecins, qui n’ont pas dit un mot depuis le début :

              « Quand à vous… »

              Je les avise d’une mine sérieuse mais qui se veut rassurante. Je ne suis pas spécialement diplomate, mais j’espère n’en vexer aucun. Et je ne souhaite pas repartir dans une altercation à la Julius. Même s’il a dit ce qu’il pensait, on ne force pas les gens à faire un choix. Ils peuvent choisir de ne pas choisir…

              « J’ai très bien compris votre position et je ne vous force à rien. Vous souhaitez faire seulement votre métier et c’est tout à votre honneur. Alors, deux solutions : ou vous restez ici et vous vous occupez des gens qu’on vous ramène, ou vous accompagnez chaque équipe et vous vous occupez de soigner sur le terrain tous les gens que vous voudrez. Dans la clause de cet accord, vous pourrez soigner nos adversaires si ça vous chante, nous, ou tout du moins je, ne vous en empêcherais pas. »

              Marquant une pause une nouvelle fois, je regarde chacun de mes camarades dans la pièce, le plus calmement possible :

              « Est-ce que tout le monde marche ? »
              • https://www.onepiece-requiem.net/t3945-fiche-technique-de-lilou#4
              • https://www.onepiece-requiem.net/t2202-

                -S’il y a pire que les méfaits des vils, ce serait le silence des hommes de bien... C'est joli. Un peu pompeux mais joli. Dommage que vous n'ayez pas trouvé ça tout seul. Enfin, au moins vous savez lire. Pour un chasseur de primes, je suppose que c'est déjà plus que ce qu'on peut attendre...

                Laissant numéro 20 c'est numéro 4 qui répond. Visiblement les chiffres ne sont pas que des marques d'ancienneté, mais aussi une hiérarchie...

                -Mais vous ne devriez pas faire l'erreur de confondre neutralité et pacifisme. Si nous choisissons de ne pas nous impliquer dans le conflit qui vous oppose aux troupes de la révolution c'est parce que nous ne sentons concerné ni par les revendications des uns, ni par celles des autres. Et que nous refusons de nous impliquer dans ces combats tant qu'ils n'entravent pas les devoirs que nous avons chois et qu'ils épargnent ceux que nous avons juré de protéger...

                Se tournant vers Lilou

                -Et que vous, marines, avez aussi juré de protéger... Vous ne pouvez pas faire sauter le palais et l'académie. Des civils y logent, un savoir inestimable y est gardé. Et je vous pense tout à fait incapable de contrôler les répercussions possibles d'une telle explosion sur la ville qui se trouve juste au pied du pilier...
                Y'a pas quelqu'un pour me filer une chaise ? Je fatigue là, à vous écouter.
                Ah ? Merci Os. Ça paraît p't'être pas mais vrai que t'es un chic type. Permettez que j'roule une clope ? Paraîtrait que ça fasse pas d'bien mais y'a pas l'air d'avoir de mioche ni d'femmelettes dans l'coin alors j'me permets. Et j'dis pas femmelette pour toi, la rousse, hein. Pas envie d'm'en prendre une autre. J'vous ai tous écouté 'vec vos beaux discours. Vos jolis mots sortis d'un dico que les gens d'la cambrousse comme moi ne connaissent pas trop. Nous, on dit des mots simples, on va droit au but et on laisse les détails de côté.

                Et j'crois, toubib, que c'est ça que t'as tendance à oublier.

                Tu m'as pas l'air bête. J’espère que tu caches pas ta stupidité derrière des mots que tu comprends pas. Parce que si c'est le cas, bah t'es dans la merde.

                J’espère aussi que t'as compris que la marine, z'ont tendance aussi à aller droit au but quand veulent quelque chose. Un peu comme les gens d'la campagne. T'as l'air de savoir qu'la distance entre l'bien et le mal, c'est pas une question de couleur ou d'drapeau et je t'en félicite l'ami. Faut du temps à certains gens pour l'comprendre. Alors tu comprendra que les dommages collatéraux, le marine lambda s'en contrebalance comme le berger du coin se contrefiche que son clebs meurt de faim.

                Tu commences à mirer ce que j'veux dire ?

                Tu commences à comprendre que tenter de faire chanter les marines en parlant d « savoir inestimable », ça m'fait bien rire. S'ils tuent moins d'un millier d'civils dans cette histoire, on pourra être contents. Z'auront été presque « discrets ».

                Tu vois l'lien ? Tu comprends que la seule chose que t'as à faire c'est les aider à tuer l'moins de péquenots d'ici possibles. Et pour ça, faut nous aider à passer discrètement. Parce que sinon, ils vont se ramener avec une bombe plus grosse que l'île et tout faire sauter. Ça s'appelle « nettoyage rapide ». Tu penses que je raconte nawak ? Crois bien qu'non. J'aimerais bien, hein. Mais non. J'ai vu assez de connards de marines se salir les mains en gardant le sourire aux lèvres pour savoir que la seule solution, bah c'est de leur nettoyer le chemin avant qu'ils ne fassent tout péter.

                Je tire une latte. Fatigué de parler.

                La miss rousse me regarde salement. Les autres savent pas trop quoi en penser, j'crois. Mais moi, je m'en fous.

                Je dis c'que je pense et fais c'que j'dis. Alors voilà, s'tu veux respecter tes idéaux l'ami. Protéger les gens qu t'aime. Les gens d'ici. Bah... T'as deux solutions. Soit tu tentes d'tous nous fracasser, mais là, t'as aucune chance. Soit tu nous aide à faire l'boulot proprement.

                T'as le choix, l'ami. Mais fais le vite.

                ...

                Ah oui, sache que j'te buterai pas, toi et ton ami, m'avez sauver la vie. J'vous en remercie, même.



                  -Eh, c’est que…

                  Non, je me tais. Mihai n’est pas quelqu’un qui parle pour piquer les nerfs d’autrui. S’il profère sur le moment des paroles aussi radicales à l’égard de la Marine, c’est parce qu’il tient mordicus à son point de vue. Et la perte de son chapeau n’ajoute probablement pas à son calme fragile. Au lieu de jeter de l’huile sur le feu, j’acquiesce de façon imperceptible, reste en silence alors que le déchapeauté me souffle bouffée de tabac et paroles cassantes au visage, en s’adressant à Numéro 4. Numéro 4 pour qui je me sens légèrement mal. Mal de l’avoir amené avec moi, de l’avoir fait tomber sur des gens aux valeurs moins flexibles que les miennes.

                  Néanmoins, Mihai marque un point à ce niveau. La Marine tue pour arriver à ses objectifs, c’est indéniable. Ça peut faire mal de se l’avouer, mais je suis un meurtrier, la plupart de mes hommes sont des meurtriers. Peut-être que Lilou et ses deux nouveaux protagonistes le sont aussi. Qui sait?

                  Personnellement, que les vingt nous aide ou non, je n’en ai cure. Les Rhino Storms ont déjà survécu à des situations bien pires, l’aide d’une bande de médecins n’améliorerait pas les résultats de notre mission. Il fallait faire confiance à nos propres talents, à nos propres hommes. Là encore j’en venais à me demander qui étaient les deux hommes dont je ne savais toujours rien. Le gros baraqué et l’autre qui avait saisit Numéro 20 par le collet un peu plus tôt. Sont-ils dignes de confiance? Que pensent-ils de moi?

                  Je réfléchis aux paroles de Lilou en tirant distraitement sur la clope de Mihai pour le laisser expulser de piquants effluves de tabac dans la pièce. De la majorité de ceux qui sont dans cette pièce, Lilou est certes celle qui a le plus d’initiative. Je pose mon regard toujours dépourvu d’humanité sur elle tout en retirant avec la main qui tenait la cigarette de Mihai les bandages me recouvrant le visage. Ceux-ci bloquant ma respiration et mes paroles de façon quelque peu dérangeante.

                  -Vrai que Staline peut attendre. Dis-je pour concéder à Lilou des paroles que je ne peux moi-même assumer.

                  Je dois combattre Staline, je dois me venger de l’affront qu’il m’a fait. Je dois lui faire payer chacun des os qu’il m’a broyé. Chacun des muscles qu’il m’a écrasé. Même si me venger me coûte la vie, je dois combattre à nouveau le géant. Pour enchaîner et surtout pour penser à autre chose que ma défaite précédente, je tire un léger sourire en imaginant un Stark congelé se promenant seul sur les étendues immaculées de Drum, un énorme sac de bombes montés sur son dos. Un maquillage lui gelant les traits dans un rictus particulièrement effrayant.

                  -Je peux très bien m’occuper du navire. J’suis bien le seul à se souvenir de sa position.

                  Je ne peux retenir un silencieux soupire de bonheur en entendant l’annonce de l’arrivée de troupes du contre-amiral. Avoir Salem de notre côté sera un atout de taille. Peut-être même que ce dernier aurait la capacité de vaincre Staline. Je l’espérais bien.

                  « Héhé. On retourne bastonner du révo là haut? »

                  -Y parait bien Dark.

                  « Et la meuf s’occupe du Roi? Et le piaf aussi? »

                  -Oui Dark… profère-je dans un sifflement d’impatience. Il me les pompe des fois avec ses instincts meurtriers. Le Dark. Mais je sais ce qui a pu provoquer un tel besoin de meurtre. La défaite. C’est la faute à cette stupide défaite, à ce stupide Staline et à cette foutue révolution.

                  Dark veut tuer, car tuer signifie gagner. Car tuer me fait sentir bien, aussi fort puis-je le nier, je suis un meurtrier et jamais cela ne pourra changer.

                  Alors l’ingénieure en chef pose une question qui semble sensiblement donner le départ à notre opération d’infiltration. Est-ce que tout le monde marche?

                  Moi, je marche.

                  D’un geste brusque qui secoue Mihai toujours sur mon dos, je tends mon bras au centre de l’espèce de cercle improvisé que tous les membres de la salle composent.

                  -Moi je marche. Déclare-je avec assurance.

                  La main de Lilou vient se poser sur la mienne. L’aile couleur poussin de Bee vient rejoindre nos deux pattes. Je ne veux plus perdre. Et pour ne plus perdre, il ne suffit pas simplement de tuer. Non. Pour ne plus perdre, il faut aussi savoir être bien entouré.
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                  Je salue l’initiative d’Oswald avec un sourire. Bee se dandine joyeusement, impatient de « visiter » le château et de se mettre au travail. Mais je reste songeuse sur les mots du toubib, intransigeant et vexant. Je sens que je commence à m’impatienter à force de faire avec les égos de tout le monde. Tantôt les montagnards, maintenant eux. J’ai l’impression que demander l’avis de chacun était loin d’être une très bonne idée. Faire avec tous ses égos est d’un ennui impressionnant, et je laisserais ça volontiers à tous ces hauts-gradés qui sont là pour ça. Malheureusement, dans cette pièce, il y a trop d’électrons libres et pas un pour faire le sale boulot.

                  « Je vous accorde ce point : nous avons promis de protéger les civils. Nous les ferons évacuer et tacherons de les mettre en sécurité. »

                  Je réfléchis trop vite pour ma petite tête. Difficile de prendre en compte tous les paramètres, et pour l’instant, il y a trop de zones d’ombre, de doutes, de questions… Combien il y a-t-il d’ennemis sur ce pilier ? Est-ce que Staline est toujours dans le coin ? Comment libérer les civils et les mettre en sécurité ? Je pense au bateau. Qu’est-ce que ce bateau fiche ici ? Pourrions-nous évacuer les civils sur ce navire s’il vole vraiment ?

                  « Procédons autrement : on se charge de mettre à l’abri vos collègues et les civils présents dans le château, on fait en sorte de nettoyer l’académie, et nous débattrons au dernier moment, selon l’effectif ennemi, de voir si ça vaut le coup de faire sauter le palais. »

                  Je regarde tout le monde et vois si ça convient. Les médecins ne semblent pas réagir. Je me tourne ensuite vers la fine équipe qui m’accompagne. Trois éclopés, un canard et un montagnard, j’ai de drôles d’atouts en main. Je ne sais pas si ça suffira à faire ce que nous voulons faire…

                  « Divisons-nous en trois équipes : Mihai, Oswald, je vous laisse vous charger du navire et de l’académie. Pour le navire, voyez s’il y a moyen de charger les civils dedans et d’évacuer par celui-ci… Si c’est un navire volant, ça peut nous être utile. Et s’il ne peut pas voler, vous n’aurez qu’à nous prouver vos talents de charpentier. Julius, Rikkard, le château est pour vous. Bee et moi, nous nous chargeons du Roi et de sa famille. Dès que j’en ai fini avec lui, je vous retrouverais devant l’entrée. »

                  Marquant de nouveau une pause, j’attends que tout le monde assimile bien son rôle. Puis, je reprends avec une voix qui se veut douce et un petit sourire :

                  « Trouvez un denden pour qu’on puisse se tenir au courant. Dans vos priorités, faites en sorte de préserver la vie des civils et de les mettre en sureté, ensuite faites assez de grabuge pour attirer les révolutionnaires et les mettre hors d’état de nuire. Le mieux étant de les faire prisonnier plutôt que de les tuer. »

                  Un soupire m’échappe et je sens dans ma poche une sorte de vibration. Un bruit perce le silence en même temps que je sors un escargophone de mon pantalon :

                  Pulupulu. Pulupulu.
                  « Mushi Mushi ? Ingénieur en Chef Lilou Bennett Jacob, j'écoute ? Qui est à l'appareil ? »

                  L’air de psychopathe de Stark s’affiche, immité par cette petite bestiole qui prend trop son rôle au sérieux.

                  « Ici le Commandant Stark... Où en êtes-vous dans votre avancée soldat ? Personnellement... le public va devoir patienter avant de voir débouler le grand méchant loup... j'ai... rencontré quelques complications.
                  - Commandant ? Vous êtes blessé ? Bon, faisons vite : Je me suis occupée de retrouver mon collègue perdu dans la montagne et je me suis attaquée au campement. Nous avons réussi à aller jusqu’au pilier, nous sommes actuellement dans le château. J’ai retrouvé Jenkins, Mihai est également avec moi. Nous allons commencer à partir dans le château pour nous occuper des révolutionnaires, des civils et du Roi. Jenkins a la ferme intention d’aller se refaire du Staline… Mais vous verriez son état, ce n’est pas très rassurant. Ah ! Salem doit être soit sur le point de partir, soit être déjà parti. Mise à part le front révolutionnaire, il faudrait faire attention à l'avancement de l'équipage de Krabb... Vous tiendrez ?
                  - Entendu, faites donc cela... Et si cet imbécile de Jenkins meurt contre Staline... qu'il en soit ainsi. Certaines personnes ne supportent pas la défaite. De mon côté... je vais tenter de ralentir l'avancée... de Krabbs et ses hommes. Un peu de poissons fumé au dîner... vous en pensez quoi ma chère ? Niah-ahah-ah ! Arg, Keuf Keuf ! Terminé. »

                  Je range l’appareil dans ma poche et relève les yeux. Pensive, les autres se préparent à partir pendant que je me tourne vers le médecin qui accompagnait Oswald. C’est un type bizarre

                  « Mh… Numéro 4 ? A titre d’information, vous êtes doué en fracture, os brisé et traumatisme ? Et… Avez-vous un collègue assez doué pour s’occuper d’un homme dans un état plus que critique ? Du genre, coupé en deux dans le sens de la longueur avec les intestins sur les genoux, mais toujours en vie ? »
                  • https://www.onepiece-requiem.net/t3945-fiche-technique-de-lilou#4
                  • https://www.onepiece-requiem.net/t2202-
                  Qu’il est con, je parle de vies humaines et il parle de revendications. Mais quel con ! En, c’est le chapeauté qui a raison, la Marine peut tout aussi bien appeler au Buster Call pour en finir une fois pour toutes. Ce crétin en blouse ne connaît rien à la guerre, rien du tout. Le Gouvernement Mondial préfère raser une île plutôt que de la laisser au contrôle des révolutionnaires, surtout si ceux-ci revendiquent une victoire. Le Buster Call, je me demande à quoi ça peut bien ressembler. Si c’est aussi horrible que la légende urbaine le veut, il n’y aura plus rien à la surface de l’île. Je ne sais pas quoi faire. Le plus raisonnable serait de s’enfuir. Cette histoire prend des proportions qui dépassent largement mes forces, largement. Je le vois bien.

                  J’acquiesce vaguement à ce qui se dit, plus pris dans mes pensées que réellement présent. Elle est drôlement impressionnante la rouquine finalement. Je me souviens d’elle démunie, enchaînée pendant que Bee et moi la sauvons et je compare mes impressions. Elle a fait beaucoup de chemin depuis, ça se lit dans ses mots, dans sa posture. Il est loin derrière le temps de ses bavardages incessants et frivoles. Qu’est-ce que tu as dû sacrifier pour en arriver, là, Lilou ? Que reste-t-il de ton humanité ? C’est toujours un choc pour moi de la voir prendre ce rôle alors qu’il y a juste un an, elle était une bavarde gaie et souriante. Et si ma fille avait ces yeux et ce ton ?

                  Il n’est pas l’heure de penser à ce genre de choses, mon esprit est un peu trop embrumé pour une veille de bataille. Je ne dirais pas que je doute, mais plutôt que je suis las. Et si ce que je faisais ne servait à rien, voire pire, alimentait la spirale infinie de la violence. De combat en combat, je force certainement des gens à prendre les armes pour venger leurs proches, qu’ils soient des criminels aux yeux de la loi ne change certainement rien pour eux. Et autant tuer des pirates ne me pose que rarement un problème de conscience, autant tuer des révolutionnaires m’est plus difficile. Il se trouve qu’au fond, le plus souvent, ce sont de bons gars qui veulent juste faire du bien. Mais il leur est impossible d’y arriver sans causer du mal.

                  Finalement, j’en arrive toujours à la même conclusion ; il n’y a absolument pas de solution parfaite. Par contre, arrêter la guerre en faveur du gouvernement mondial me semble la meilleure alternative pour diminuer les dégâts. Ils devraient le comprendre, ces satanés toubibs. Mais non, ils ne veulent pas, ils font l’autruche, ils me snobent parce que je suis chasseur de prime. Je vais devoir compter sur bibi. Quoiqu’on est quand même une belle équipe. Je connais tout le monde sauf le bicolore. Ça ressemble drôlement à une opération suicide surtout pour Rikkard et moi. Servir d’appât.

                  Je me souviens de la promesse que je me suis faite ce jour-là, à Inu Town, celle de devenir l’homme qui aurait gardé sa famille à ses côtés. J’ai toujours su que ça me coûterait beaucoup de douleur et de sang, le mien comme celui des autres.

                  Te demandes-tu si ton vieux père est encore vivant, Erika ? Il ne se passe pas un jour sans que je ne pense à toi. C’est pour toi que je fais tout ça, seulement pour toi. Et pour toi, j'irai au-devant de ma mort la tête haute et sans peur.

                  « Allons-y. »
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