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The Down Generation [1624]

« Dis moi, pourquoi je respire cet air ? »


Cette question, c’est pas Kawase qui me la demande dans ses bras, et pourtant mes lèvres restent closes.

J’ai été emmené. Je sais pas vraiment par où je suis passé mais dans les fonds de cale j’ai pu deviner que ça sentait pas bon. Enchaîné je le suis resté un bon moment.

Ô Dieu, si tu existes, au de lieu de dératiser mon inconscience par des sermons bien sentis, raconte moi mon histoire, raconte moi pourquoi je me retrouve dans ce merdier, pourquoi alors que je me suis résigné à plus rien attendre de cette vie tu continues à me casser les couilles. Je pense que j’ai bien envie de pleurer, mais je sais plus comment on fait. La pointe courte qui me secoue l’échine n’attend pas que je la remercie, elle me taraude le moi comme pour me montrer que l’emprise que je pouvais avoir sur les choses était aussi minime que la taille de mes noix. J’suis décidément un curieux poète.








J’ouvre les yeux. Mon visage ressent soudain le contact froid et rugueux du sol. Mes mains et mes pieds sont enchaînés. J’ai mal, les souvenirs tardent à refaire surface dans ma cervelle endolorie. Ah si, voilà, ça me revient, y m’ont battu. Violemment.





« Dis moi, pourquoi tu t’es barré ? »




Je porte la main à ma bouche pâteuse et manque de déverser mes restes de bile sur le plancher. J’ai du public autour de moi. Des mecs un tantinet grognons, globalement épuisés par la vie, cette belle salope embourgeoisée. Sonné, voilà ce qui convient là. Mon activité cérébrale, d’ordinaire intermittente voire pacifique, tambourine dangereusement dans sa coquille. Pourquoi est-ce qu’on me fait ça à moi ? Ah putain quoi, saloperie de môme !




« Dis moi, pourquoi tu l’as laissée mourir ? »



La ferme, la ferme, j’ai plus quinze ans, l’ado aujourd’hui c’est lui, qu’il vienne pas parler d’une époque où il était pas encore là. C’est sans doute sa faute si tout ça est arrivé. Ouais, sans lui, sans cette foutue grossesse, on aurait eu la belle vie, on serait reparti et on aurait parcouru le monde ensemble. À cause de lui, l’avenir s’est transformé en une longue allée bordée de ténèbres. À cause de lui, j’ai cette impuissance sourde en moi qui brûle les miettes de ma joie de vivre. Sa faute, c’était sa faute. Connard de gosse.

J’ai une envie soudaine de lui faire la peau, de le renvoyer de là où il aurait jamais dû partir. Puis je ressens la colère d’une Marisa qu’est damnée depuis un bon moment et qui veut sans doute me rappeler que Dale était un présent, pas un fardeau. Et je me roule en boule, seul dans le noir, indifférent aux autres prisonniers autour de moi.

Sa faute, c’était sa faute.


Dernière édition par Rimbau D. Layr le Sam 11 Mai 2013 - 22:46, édité 1 fois
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Y m’ont rasé. Le bain de départ était douloureux mais avait pas vraiment laissé de trace visible sur moi. Mais alors que je répondais pas à un appel quotidien ils ont décidé d’émasculer mon visage.

Les heures passent, et je commence à être incapable de distinguer le jour de la nuit. Mon horloge interne s’est bloqué quand j’ai vu mon fils m’emmener dans les tréfonds du monde. Je méritais pas ça, je méritais pas tant de haine et de désespoir.

Les rares fois où je regarde autour de moi, je peux sentir flotter dans l’air l’odeur de l’échec et de la honte. Des pauvres hères comme moi y’en a plein ici, c’est pas ça qui manque. Chacun d’entre eux doit à coup sûr se penser unique, à part, spécial. De quel droit on leur enlèverait ça. Si notre espèce est faible c’est aussi à cause de ses rêves de grandeur.

Moi je m’en fous. La gloire je la donne aux autres, l’ambition je lui pisse dessus.


Ma nuit
Ma nuit
Celle qui m’appartient
Celle qui m’envie
Je veux voir de l’autre côté
Humer les senteurs oubliées
Elles sont là
Sous un visage
Reprends moi
Ramène moi
Ma nuit
Ma nuit
La plus belle
L’étoilée
Mon péché
Ma mère me l’a donné
Quand pour la première fois
J’ai crié
Ma nuit
Ma nuit
Elle approche
Elle m’emmène
Là où plus jamais
Je n’en verserai.




« Dis moi, est-ce que tu mérites que je t’appelle papa ? »



Tout, je donnerai tout pour qu’on me la rende. Mon âme est ébréchée, mais sa substance subsiste et son essence brille encore faiblement. Prenez tout, prenez-le lui aussi, faites en ce que vous voulez. Aimer un être mais le haïr encore plus, l’existence semble me vomir continuellement. Je sens les flammes de mon inconscience lécher mon épiderme. Prenez ma peau aussi si elle vous convient. Je n’ai besoin de rien, je suis né pour rester vide et on m’a rempli contre mon gré. Si seulement je pouvais, si seulement on me laissait.
Tout, je donnerai tout pour qu’on me la rende.
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À mon réveil y s’est passé quelque chose d’inédit. J’ai pleuré. En silence, dans mon coin. J’ai pleuré et ces gouttes salées ont dévalé mes joues creusées pour s’écraser au sol. Je crois que saigner aurait été moins douloureux. Je suis comme ces âmes en peine que j’ai si souvent raillé par le passé. Trop brisé pour arriver à me battre et trop lâche pour en finir avec cet enfer.



« Dis, est-ce que tu as pensé à moi quelquefois ? »




Je suis resté muet tout le trajet. Comme si ma langue avait fait ses valises et était partie en voyage d’affaires. Que dire de toute façon, un fantôme ça se voit mais c’est pas fait de chair et d’os. J’étais dans mon délire toutes ces années, et j’avais fini par y être bien. Comment apprendre à réfléchir autrement après des dizaines d’années d’ombre et de cachot ?



La seule faute
De ton père
C’est d’être meilleur
Que tu ne le seras
Jamais.




Foutaises !! Ah j’aimerai revoir les coquelicots et les bleuets, rester loin des autres et près de moi. Je ne veux plus mourir. Qu’il serait bon de penser sans contraintes, de se remplir de son quotidien.


On m’a provoqué. Comme tous les jours, mais dans sa bêtise un prisonnier a franchi la limite pour me donner un coup de talon dans la nuque.


« Hé le muet, tu te crois meilleur que nous pour rester dans ton coin à faire comme si on existait pas depuis le début ? »



Il est idiot. Moi meilleur que qui ? Je suis au dessous du gouffre, l’homme le plus faible du monde peut marcher sur mon âme sans s’en rendre compte.
Il est idiot. Physiquement parlant, dans ce monde qui n’a jamais voulu de moi, je suis le géant de cette cellule. Je le sais, je l’ai vu dans tous leurs yeux dès que mon orteil a frôlé la cage. Ce n’est pas moi qui suis enfermé avec eux, y sont enfermés avec moi. Avec moi et ma tristesse, avec moi et mon châtiment.

Y ne pouvaient plus me raser, alors ils se sont contentés de me faire souffrir quelques temps. Y sont idiots aussi les geôliers. Ces cinq hommes, je ne me souviens même plus de leurs visages, ni de ce que j’ai bien pu leur faire. Qui êtes vous ?


« Dis moi, tu penses être quelqu’un de bien ? »




Je ne sais pas fils, je ne sais pas. Laisse moi dans ma sphère, laisse moi respirer mon sang lentement.
Je pleure encore ce matin ou ce soir. Et toi ma reine, tu penses à moi ?
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Je remarque que des bêtes errent dans les couloirs. Je n’y avais pas fait attention. Je les regarde passer. Elles sont comme moi.

Elles sont dégueulasses.
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Avec mes pleurs
Tu peux m’offrir
Ou ton odeur
Je pourrais rire.


Tu peux m’offrir
Assez de vide
Je pourrais rire
Compter tes rides.


Assez de vide
Boire l’air du soir
Compter tes rides
Près d’eux m’asseoir.


Boire l’air du soir
Chanter ma vie
Près d’eux m’asseoir
Défaire son lit.


Chanter ma vie
Rêver un père
Défaire son lit
Sans bouffée d’air.


Rêver un père
Vaincre sa peine
Sans bouffée d’air
S’ouvrir les veines.
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On m’a parlé des cinq étapes du deuil une fois :





Le déni. Celui qui emprisonne la conscience.

La colère. Celle qui fait vibrer les muscles.

Le marchandage. Celui qui s’essuie sur l’ego.

La détresse. Celle qui fait ramper l’espoir.






Et:




L’acceptation. Celle qui redonne goût à la saveur de l’existence.




Je peux pas aller si loin, je me suis trop perdu pour ça.



« Dis, tu crois que tu mérites de vivre encore toi ? »




Non. Alors que mon sang s’écoule sur le sol glacé, je romps la seule vraie promesse que j’avais pu faire à Marisa, continuer à lutter jusqu’au bout.
Je ne dirai pas que c’est trop dur pour moi, seulement que je ne suis pas fait pour être ici. Ne me parlez pas d’appel à l’aide, ne me parlez pas tout court. Il n’y avait rien qui m’attendait ici et c’était la seule chose qui me faisait rester. Maintenant que j’ai une nouvelle mission, autant l’abandonner.

La grille s’ouvre précipitamment. Mais moi je suis déjà bien loin.
Je vais pouvoir rejoindre ce rien qui me caractérise.
Je vais pouvoir finir ce que je n’ai jamais commencé.
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