Le 3 avril 1613.
-Y'a du soleil, aujourd'hui.
-Ouais. L'hiver qui se termine.
-Les rats crevés qui dégèlent.
-Les ordures qui vont chlinguer la mort.
-La pisse qui pue l'acide.
-La ferraille qui va chauffer tout ça jusqu'à ce qu'on respire plus qu'un espèce de mélange dégueulasse à base de tripes chaudes et de bouffe à tous les stades de pourriture et de digestion.
J'en peux plus, j'rigole. Frangin, t'es trop fort au jeu du tac-au-tac, faut toujours que je me marre avant d'en trouver une meilleure. Tu souris aussi, sous ta grosse barbe blonde désordonnée. T'as l'air si vieux...mais pour moi, t'es juste mon grand frère. Aimé « Nounours » du Grey T. Nounours, y'a que moi qui t'appelle comme ça. Les autres ont trop peur de toi, comme si t'allais les broyer au moindre petit écart. J'suis la seule à savoir que t'es gentil. Tu m'as expliqué qu'il fallait pas le dire, que ça te protégeait. Et que ça me protégeait aussi.
J'm'en serais doutée, quand même. J'suis encore petite, mais pas plus bête qu'une autre. Et en plus, y'avait que Vaillant pour raconter qu'ailleurs, les enfants et les adultes, c'était pas pareil.
Vaillant qu'est mort y'a deux ans.
-T'y as pensé, sœurette, hein ?
-Non, non.
-Si, si. Me mens pas.
-Il était pas très fort, au tac-au-tac, il restait jamais concentré.
-Bon sang, tais-toi, frangine. Ça nous le ramènera pas. Il est parti, 'faut faire avec. C'est à chier, mais même faire péter Goa tout entier, ça suffira pas à changer le truc.
Vrai que je t'avais promis de pas penser à lui. Mais c'est dur. J'ai compté les jours, ça fait vraiment deux ans tout pile. Il aurait eu treize ans. Petit Grand Frère Vaillant. Et puis, il aimait bien ce temps là, lui. Il en profitait pour escalader les murs bien secs.
J'viens de réaliser que c'est un peu le soleil qui l'a tué.
Nounours, j'ai besoin d'un câlin.
-Tu partiras pas, toi, hein ?
-On partira tous les deux. Mais pas par cette sortie là, on trouv'ra mieux.
Eh. L'vent souffle dans la forêt.
-Ça fait le même bruit que dans ta barbe !
-C'est qu'elle est broussailleuse.
-Pas autant que les voies du seigneur.
Quoi, j'ai dis quelque chose qui allait pas ? C'est un monsieur qui disait ça, je croyais que ça irait bien, que ça te surprendrait un peu. C'est bizarre. T'as l'air en colère.
-J'sais pas où t'as entendu ça, mais dis pas ce genre de conneries. Ça la fout mal.
-Pourquoi ?
-Parce que y'a pas de putain de voie, ni de connard de seigneur. Y'a que la broussaille merdeuse du Grey T. Et que ça me fous les boules, frangine. Les boules qu'un mec comme Joe soit en train de jouer les chefs à l'heure qu'il est, alors que le Vaillant bouffe le fer par le fil. Garde ça en tête : nous, on fera ce qu'on peut, parce que voilà, on est trop cons pour être vraiment salauds. Mais y'a pas d'justice, même cachée. Tu comprends ?
-Oui, oui, je crois. Pardon grand frère.
-C'est rien.
Toi aussi, ça t'a fait du mal qu'il meurt. Tu le montres moins, mais j'sais que t'avais tes raisons en plus des miennes. Tu avais tout pour partir. Si Vaillant avait eu le temps de grandir un peu, tu aurais pu nous laisser tous les deux. C'était clair qu'il aurait été très fort. Et puis, c'était le champion pour dégoter des trucs pas croyables. On s'en serait sorti, t'aurais pu vivre ta vie de grand.
Là, t'es obligé de rester avec moi en te faisant passer pour un méchant. On en a déjà parlé, je t'avais dit de me laisser plutôt que de te rendre si malheureux. T'as rien voulu entendre.
C'est ce que t'appelles « ton devoir ». Le fait que t'es trop con pour être un salaud, comme tu dis. Avec Vaillant, on a jamais trop su qui t'avait mis ces idées là dans la tête. Nous deux, on était presque jamais allés à Fushia. Ils aiment pas voir des enfants du Grey T. sur le marché. Ça leur rappelle un peu trop leur impuissance. Y paraît.
-Dis, t'as déjà été parlé à Joe ?
-J'sais pas qui lui a pas parlé. C'est qu'il a pris pas mal d'importance, pour une petite pédale. Pourquoi ? Il est pas encore allé t'emmerder, quand même ?
-Qui c'est que tu traites de pédale ?
-Y'a du soleil, aujourd'hui.
-Ouais. L'hiver qui se termine.
-Les rats crevés qui dégèlent.
-Les ordures qui vont chlinguer la mort.
-La pisse qui pue l'acide.
-La ferraille qui va chauffer tout ça jusqu'à ce qu'on respire plus qu'un espèce de mélange dégueulasse à base de tripes chaudes et de bouffe à tous les stades de pourriture et de digestion.
J'en peux plus, j'rigole. Frangin, t'es trop fort au jeu du tac-au-tac, faut toujours que je me marre avant d'en trouver une meilleure. Tu souris aussi, sous ta grosse barbe blonde désordonnée. T'as l'air si vieux...mais pour moi, t'es juste mon grand frère. Aimé « Nounours » du Grey T. Nounours, y'a que moi qui t'appelle comme ça. Les autres ont trop peur de toi, comme si t'allais les broyer au moindre petit écart. J'suis la seule à savoir que t'es gentil. Tu m'as expliqué qu'il fallait pas le dire, que ça te protégeait. Et que ça me protégeait aussi.
J'm'en serais doutée, quand même. J'suis encore petite, mais pas plus bête qu'une autre. Et en plus, y'avait que Vaillant pour raconter qu'ailleurs, les enfants et les adultes, c'était pas pareil.
Vaillant qu'est mort y'a deux ans.
-T'y as pensé, sœurette, hein ?
-Non, non.
-Si, si. Me mens pas.
-Il était pas très fort, au tac-au-tac, il restait jamais concentré.
-Bon sang, tais-toi, frangine. Ça nous le ramènera pas. Il est parti, 'faut faire avec. C'est à chier, mais même faire péter Goa tout entier, ça suffira pas à changer le truc.
Vrai que je t'avais promis de pas penser à lui. Mais c'est dur. J'ai compté les jours, ça fait vraiment deux ans tout pile. Il aurait eu treize ans. Petit Grand Frère Vaillant. Et puis, il aimait bien ce temps là, lui. Il en profitait pour escalader les murs bien secs.
J'viens de réaliser que c'est un peu le soleil qui l'a tué.
Nounours, j'ai besoin d'un câlin.
-Tu partiras pas, toi, hein ?
-On partira tous les deux. Mais pas par cette sortie là, on trouv'ra mieux.
Eh. L'vent souffle dans la forêt.
-Ça fait le même bruit que dans ta barbe !
-C'est qu'elle est broussailleuse.
-Pas autant que les voies du seigneur.
Quoi, j'ai dis quelque chose qui allait pas ? C'est un monsieur qui disait ça, je croyais que ça irait bien, que ça te surprendrait un peu. C'est bizarre. T'as l'air en colère.
-J'sais pas où t'as entendu ça, mais dis pas ce genre de conneries. Ça la fout mal.
-Pourquoi ?
-Parce que y'a pas de putain de voie, ni de connard de seigneur. Y'a que la broussaille merdeuse du Grey T. Et que ça me fous les boules, frangine. Les boules qu'un mec comme Joe soit en train de jouer les chefs à l'heure qu'il est, alors que le Vaillant bouffe le fer par le fil. Garde ça en tête : nous, on fera ce qu'on peut, parce que voilà, on est trop cons pour être vraiment salauds. Mais y'a pas d'justice, même cachée. Tu comprends ?
-Oui, oui, je crois. Pardon grand frère.
-C'est rien.
Toi aussi, ça t'a fait du mal qu'il meurt. Tu le montres moins, mais j'sais que t'avais tes raisons en plus des miennes. Tu avais tout pour partir. Si Vaillant avait eu le temps de grandir un peu, tu aurais pu nous laisser tous les deux. C'était clair qu'il aurait été très fort. Et puis, c'était le champion pour dégoter des trucs pas croyables. On s'en serait sorti, t'aurais pu vivre ta vie de grand.
Là, t'es obligé de rester avec moi en te faisant passer pour un méchant. On en a déjà parlé, je t'avais dit de me laisser plutôt que de te rendre si malheureux. T'as rien voulu entendre.
C'est ce que t'appelles « ton devoir ». Le fait que t'es trop con pour être un salaud, comme tu dis. Avec Vaillant, on a jamais trop su qui t'avait mis ces idées là dans la tête. Nous deux, on était presque jamais allés à Fushia. Ils aiment pas voir des enfants du Grey T. sur le marché. Ça leur rappelle un peu trop leur impuissance. Y paraît.
-Dis, t'as déjà été parlé à Joe ?
-J'sais pas qui lui a pas parlé. C'est qu'il a pris pas mal d'importance, pour une petite pédale. Pourquoi ? Il est pas encore allé t'emmerder, quand même ?
-Qui c'est que tu traites de pédale ?