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Tu pousses le bouchon un peu trop loin, Moh Riss...

    Les deux mains derrière la tête, le regard en direction du ciel, Balay respirait paisiblement et savourait l’air iodé qui emplissait ses narines depuis le début de sa modeste épopée. Projetant son esprit vers ses proches, ses amis et sa famille dans le but de ressentir un peu de réconfort – qui semblait avoir bien plus de valeur que tous les trésors qu’il aurait pu trouver sur les mers – et de chasser la solitude qui gagnait un peu plus de terrain à chaque instant dans l’esprit du jeune garçon, de dernier s’essayait à faire des plans sur la comète. Rempli jusqu’à ras-bord de cet espoir candide qui satisfait tous les jeunes boucaniers en quête d’aventure, il se contorsionnait dans tous les sens, fendant l’air avec son petit sabre émoussé, imaginant perforer l’un après l’autre une armée d’adversaires chimériques tous plus coriaces les uns que les autres dans des passes d’armes spectaculaires. Néophyte dans le maniement des armes, il manqua à plusieurs reprises de se blesser lui-même – dans un moulinet maladroit ou une fente hasardeuse – et se rendit rapidement compte de son niveau ridicule.

    Quelques minutes de piètre entraînement plus tard, Konrad rangea son sabre à sa ceinture et se rassit au fond de son embarcation, essoufflé. Ces courtes séances de pratique quotidienne semblaient s’imposer au jeune aventurier comme une activité indispensable à la conservation de sa santé mentale – on se faisait, soyons honnêtes, plutôt chier au milieu des Blues – et physique : crever comme un moucheron à la première étincelle aurait été pitoyable. Ayant grandi dans la paix la plus pure, Balay n’envisageait pas la violence comme un loisir, ni même comme une activité. Diplomate dans l’âme, il préférait percevoir la force comme un des multiples outils qui étaient à sa disposition dans l’optique de se rapprocher un peu plus de son rêve, de ses objectifs. Rêveur à ses heures perdues, il s’imaginait batailles mythiques, affrontements titanesques et discours enflammés sur la surface barbante de l’eau qui s’étalait devant lui à perte de vue. Ainsi, quelle fut sa surprise lorsqu'il releva la tête, arraché à sa rêverie par le bruit d'une coque en bois qui se frotte contre une autre : un navire ! D'un coup d'un seul, comme si on lui avait piqué les fesses avec une aiguille, il se redressa vivement : il avait baissé sa garde, et le jeune homme pesta contre lui-même, une main à la ceinture. Cependant, à peine eut-il le temps de réfléchir – au risque de se faire mal – à un plan d'action qu’une petite tête s’extirpa du bord du navire – d’un gabarit tout autre que le bateau en papier mâché de Konrad – et apostropha le jeune homme d’un air enchanté :

    « Bonjour, l’amiii ! Les étoiles te bercent : elles t’ont mis sur notre chemin !
    - … Heeeeeein ?
    - J’AI DIT, BONJ…
    - J’ai compris, trou du cul ! T’es QUI ?!
    - Oh oh oh ! Qui suis-je ? Est-ce réellement important ? Après tout, qu’est-ce qui importe réellement dans la vie ? Et puis, entre nous, qu’est-ce que la vie ? Ne sommes-nous pas assez complexes, et confrontés quotidiennement à la déchéance de ce monde ? Tant que j'y pense, que penses-tu de la situation géopolitique actuelle ? Vanille ou chocolat ?
    - … Et bien…
    - Oh oh, tu es un peu con, mais CE N’EST PAS GRAVE : c’est ton jour de chance, car la personne généreuse que je suis t’offre une séance de divination gratuite – et oui, j’ai bien dit graaaatuite – car tu me sembles être un brave garçon ! Ne me remercie pas, c’est tout naturel, car après tout, ne suis-je pas le grand… Abécédé ?
    - Euh… »

    Balay était abasourdi : il était juste in-ca-pable d'en placer une, et à peine eut-il le temps de rassembler assez d'arguments pour répondre à une seules des interrogations avec lesquelles son interlocuteur le bombardait qu'il était déjà sur le pont de leur navire, juste en face d'une petite tente bleu nuit aux motifs hypnotiques. Cet enfoiré d'Abécédé parlait tellement que pendant quelques secondes, Balay perdit tout contrôle sur sa raison : il crut pendant un instant se faire enchanter, happer dans un trou noir par l'un de ces légendaires joueurs de flûte d'East Blue qui avaient le pouvoir de faire danser la salsa aux plus grosses brutasses des océans et de déshabiller en un dixième de seconde les plus belles beautés dont il soit possible de rêver. Sur cette pensée, Konrad pensa durant un laps de temps infime à égorger le jeune bouffon avec ses propres dents, tant il l'irritait par son omniprésence vocale. C'était lui la star, pas ce résidu de racaille réduite à lire dans les entrailles de poule pour gagner sa vie. Toutefois, il chassa immédiatement cette idée – franchement drôle mais légèrement barbare – de son esprit : on lui avait offert quelque chose de gratuit, tout de même. GRATUIT.

    En bon gros pigeon – accepter un cadeau de parfaits inconnus sur la mer, c’est maaal les enfants –, il s’avança jusqu’à pénétrer dans la tente de tissu, où deux étranges protagonistes semblaient vaquer à d’atypiques occupations : un petit homme au chapeau tribal, immobile, semblait plongé dans une méditation aussi profonde que la connerie de Balay et, au fond de la pièce improvisée, une femme attendait, le nez appuyé contre une boule de cristal qui reflétait gracieusement la faible lumière environnante. Des bougies étaient éparpillées ça et là, de manière à donner un aspect spirituel à l’alcôve aux odeurs d'encens exotiques. Sur le point de faire un premier pas en arrière, Balay fut stoppé net par la voix – presque trop – calme du vieil homme au visage sérieux et torturé. Pendant quelques instants, lui et Konrad se regardèrent en chien de faïence, jusqu’à ce que l’expression du vieillard change radicalement : il tendit sa main vers le jeune garçon et replia tous ses doigts – à l’exception de son index. Avec un visage angélique, il s’adressa à notre héros :

    « Tire sur mon doigt !
    - Oh oh, j’adore ces blagounettes ! Oh, j’espère que c’est pas celle du pet, la dernière fois qu’on me l’a faite, on a dû évacuer le cabaret, yohoho ! »

    Il tira sur le doigt.

    « Blaireau. »

    Bam.
    Trou noir.


Dernière édition par Konrad Balay le Sam 23 Mar 2013 - 17:24, édité 2 fois
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Détective Comique #3
1625, Cap des Jumeaux - Présent



─ Saignant ou à point ?
─ Ha ! Quelle question ? Un héros mange sa mouetteviande saignante !


Superjuriste était à l'arrière de la Mouettemobile, en train d'utiliser le petit barbecue portable que l'on avait eu en cadeau pour le paiement des superbes améliorations qu'on avait là. Sous-marin, équipé pour attaquer, et avec, en prime, une héroïque glacière de survie, capable de conserver jusqu'à 6, je dis bien 6 bouteilles d'eau ! Une merveille, une vraie merveille, le tout, d'ailleurs, pour la modique somme de 5 Millions. Hum. Oui, moi aussi pour le coup je me suis dit que c'était cher payer pour pas grand chose, mais il n'y a qu'à voir comme on est maintenant ! Quoi ? On s'est fait arnaquer ? Excusez-moi, mais je suis sûr que si vous étiez aussi intelligent que ça, vous passeriez votre temps d'une bien meilleure façon qu'à m'écouter raconter mes histoires, oui ! Mais bon, après tout, qu'y a-t-il de mieux que se faire bercer par les héroïques aventures d'une aussi fine et efficace équipe que celle formée par Superjuriste et mouettemoi-même ? Non, ne répondez pas, je n'ai pas envie de savoir.
Pendant que mon coéquipier préparait le repas, son corps magnifiquement embelli d'un tablier vert pomme orné de motifs floraux – héroïques – je pédalais à toute vitesse, de façon à rattraper le navire qui fonçait devant nous. Parce que oui, nous étions en mission. Et oui, les superhéros étaient en service, ce qui n'empêchait évidemment pas d'apprécier un bon barbecue en même temps. Les vagues filaient le long des ailes de la Mouettemobile, elle-même fusant à une allure extrême – pour un pédalo, évidemment.

─ A taaable !
─ Heu... Attends, on les a presque mouetterattrapés !
─ L'arrrrticle 789-654 du Nouveau Code du Déjeuner est trrrrès clairrrr, Mouetteman. Quand le cuisinier dit qu'on mange, alorrrrs on mange !
─ Mouettepfff.


Donc on a mangé. Quoi ? Pourquoi vous me regardez comme ça ? Je n'ai strictement aucun problème d'autorité avec mon coéquipier, d'accord ? Bon, j'peux reprendre mon histoire ? Bien.
Donc on a mangé, et c'était pas mal. Je dois d'ailleurs avouer que les talents culinaires de Superjuriste m'avaient toujours impressionné, et c'est peut-être la raison pour laquelle j'avais tendance à me balader avec le Mouettecostume plein de sauce et de tâches de gras. Ce qui était le cas, dans cette histoire. La sauce barbecue s'était étalée le long de mon Mouettemasque, tandis que l'huile, elle, avait carrément décidé de me dessiner un nouveau Mouettesymbole. Evidemment, Superjuriste n'a pas jugé bon de me prévenir qu'un morceau de viande était resté coincé sur mon Mouettebec et que mon visage était clairsemé d'une peinture qui n'en était pas une. Mais c'est pas grave, un héros tel que moi avait toujours la classe, même dans ce genre de situation.
On s'est remis à pédaler à toute vitesse, visant le petit point noir à l'horizon qui était sans le moindre doute Poilinator, le navire des Astrolopirates. Ca faisait un petit moment que je les coursais, je dois l'avouer. Ils avaient déjà réussi à m'échapper par deux fois – notamment à cause de la séance de jardinage quotidienne que m'imposait Superjuriste – mais, cette fois, avec toutes les améliorations acquises par la Mouettemobile, j'avais sans doute mes chances.

─ Mouetteha ! Ha ! Regarde, Superjuriste, un témoin potentiel !
─ Heu... Tu es sûrrrr de toi, Mouetteman ? Non, parrrrce que la Convention Ecrrrrrite de 1502 dispose quand même exprrrressément que ce genre de trrrrucs a des difficultés à communiquer, quand même.
─ Aie confiance, mon fidèle mouettecoéquipier. Hum... Excusez-moi... Monsieur ?
─ ...
─ Madame, alors ?
─ ...
─ Ce n'est pas grave. Dites-moi, mons... Heu... Vous n'auriez pas des informations concernant l'équipage des Astrolopirates, par hasard ?
─ ...
─ Bon... Heu... C'est pas grave. Vous ne mouettesauriez pas, heu... Par où ils sont allés, au moins ?
─ ...
─ Mais on sait où ils sont allés ! Rrrrregarrrrde, ils sont devant ! Et... Tiens, ils ne bougent plus. Bizarrrrrrrre.
─ Mouettehum... Ils sont peut-être en train de pêcher ?
─ Je sais pas, mais c'est là notrrre chance ! Rrrrattrrrrapons-les !


Je n'ai rien répondu et ai simplement continué à pédaler. En vérité, quelque chose me tracassait réellement, mais je n'allais évidemment pas faire preuve de faiblesse face à mon coéquipier qui m'adulait et m'adorait au plus haut point. Quoi ? Vous croyez que je m'inquiétais du fait que le Poilinator venait mystérieusement de cesser d'avancer, en plein milieu de l'océan ? N'importe quoi. Non, ce qui m'énervait réellement, c'est que, alors qu'elle venait mystérieusement de s'écraser contre le hublot de la Mouettemobile, cette fichue étoile de mer n'avait daigné répondre à aucune de mes questions. Mes compétences d'interrogateur en ont pris un sérieux coup. Ça m'a en fait tellement énervé que je me suis mis à tripoter nerveusement mon Mouettebec. Et puis on a fini par enfin rattraper le navire des Astrolopirates, complètement à l'arrêt, en pleine mer.

─ Bizarrrrrre... Tu comptes fairrrre quoi ? Ils font peut-êtrrrre une sieste ? La Charrrrrte des voyants de Norrrrth Blue conseille, dans l'alinéa 44 de son arrrrticle 6, de fairrrre trrrrois siestes dans la jourrrrnée.

Sans vraiment faire attention à Superjuriste qui avait sorti puis feuilleté son Code Civil de Combat, j'ai vérifié mes équipements, constatant avec satisfaftion que tout y était.
Ce que j'allais faire ? Quelle question... J'allais faire ce que se doivent d'accomplir les véritables héros, répandre la justice ! J'ai mis mes mains en porte-voix, puis j'ai héroïquement hurlé en direction du navire, arrêté juste à côté de nous.

─ Astrolopirates ! Je sais que vous êtes ici ! Rendez-vous, et aucun mal ne vous sera mouettefait ! Je suis le héros de North Blue et de Gotham Island, l'annonciateur de l'été, l'héritier de la Ligue du Soleil ! Je suis... MOUEEEEETTEMAAAAAAAN !




Dernière édition par Mouetteman le Mer 12 Fév 2014 - 16:42, édité 1 fois
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    Complètement groggy, la carcasse du jeune Balay gisait sur le parquet froid et plein d’échardes du navire des Astrolopirates. Ligoté des pieds jusqu’à la tête, la face contre le sol, il végétait, essayant de s’arracher à cet état organique qui l’empêchait d’entreprendre quelque action pour se sortir de ce pétrin. Konrad avait fait péter le niveau de pigeonnitude à son degré le plus élevé et rapidement, le jeune homme se maudit intérieurement d’avoir été – comme à son habitude – aussi con : on n’allait pas l’avoir comme ça, oh non, pas aussi facilement. On ne se débarrasse pas d’un Balay comme d’un vieux chiffon usagé. Ah ça non. D'un côté, vous vous imaginez changer de balai tous les jours ? Ça serait la ruine. Enfin bref, je m’égare. Alors qu’il commençait à sombrer à nouveau dans les abysses de son esprit, une douleur – intense et ciblée sous son bras – indescriptible vint briser l’esquisse de concentration qu’il avait réussi à dresser dans son misérable esprit. Sa souffrance fut telle qu’il se retourna d’un coup d’un seul et se redressa à l’aide de ses poignets attachés entre eux par un nœud de fortune jusqu'à apercevoir ses ravisseurs. En face de lui, trois pécores sautillaient sur leurs chaussures rapiécées comme s’ils avaient gagné une bouteille de cognac bon marché à la tombola locale. Le plus petit d’entre eux – le vieillard qui l’avait attiré jusqu’à sa perte – agitait avec un air vainqueur une bandelette collante et poilue qu’il ne tenait qu’avec deux doigts – comme s'il avait peur qu’elle le touche :

    « Oh putain, du vrai crin de cheval ! Regardez moi ça, une pure beauté !
    - Mon chéri, tu as vraiment le don pour les choisiiiiiiir ! Mon beau fissston, prépare donc la boule de Maman, veux-tu ?
    - Vais-je vous chercher votre bocal à morve, Mère ?
    - Noooon, mes allergies se sont réveillées, tout ira trèèèès bien.
    - Mmmh, mmh, mmmmmh. Mmmmmmmmmmh. Mh. Mh, mh, mh.
    - Oh, faites-lui fermer sa gueule, les gars, il me gave. Le client ne parle pas, ici ! »

    Deux ou trois coups de pied dans sa face et quelques jurons plus tard, le malheureux artiste se résigna à essayer de s'échapper en réalisant la difficulté d'une telle prouesse : il était encerclé par une quinzaine d'hommes – qui ne semblaient, certes, pas bien forts mais qui étaient libres de leurs mouvements – et de toute manière, se jeter à l’eau sous sa forme actuelle de saucisson n’aurait été qu’un pur suicide – peut-être salement comique, mais surtout carrément pitoyable. Sa cervelle de biquette atteignant son plein potentiel, il serra les dents, bien conscient de sa situation désespérée et se contenta d’observer la scène : alors que celle qui semblait être la femme du chef – à écouter leurs propos – déployait une grande table qu’elle recouvrit presque aussitôt d’une nappe blanche en soie, le vieillard étalait sur cette dernière les poils subtilisés au Balay qui ne pouvait qu’assister, impuissant, à cette scène aussi ridicule qu’improbable. Il avait besoin d'aide... Il avait besoin d'un héros... Il avait besoin de...

    « ... MOUEEEEETTEMAAAAAAAN !
    - Oh non putain, pas encore ce trou du cul ! Semez ce blaireau, péons, et plus vite que ça !
    - Y a plou de vent, mon Capitaineuh !
    - Sortez les rames, alors, j'en sais rien ! Il ne doit pas perturber mes prévisions ! Huuuum, je voiiiiis, je voiiiiis...

    L'ambiance parut se métamorphoser en un clin d'oeil : de quelque chose de lugubre et de malsain, on était passé à une vraie scène comique, presque irréelle. Les hommes de main des pirates s'agitaient dans tous les sens, comme si quelque chose de terrible allait leur tomber sur la gueule : depuis quand les marins avaient-ils peur d'une simple mouette ? Balay n'avait ni l'envie, ni le temps de répondre à une telle question, et ce fut avec vivacité qu'il se contorsionna brutalement, fauchant les jambes d'un jeune mousse qui se dirigeait à toute allure vers l'une des longues rames en bois dont le galion était équipé. Avec un peu d'élan, Konrad éclata son crâne contre le nez du pauvre malheureux. On ne se moque pas impunément de Konrad Motherfucking Balay. Pffft. Rampant jusqu'au sabre – dénudé de son fourreau – de sa pauvre victime, il fit un tour sur lui-même de manière à présenter ses mains contre le tranchant froid et rouillé de la lame d'acier. Balay avait réclamation. Balay allait tout casser. Pas faire chier Balay. Balay un peu con, un peu naïf, un peu gentil, mais Balay pas content. S'extirpant de ses liens, il se redressa sur ses deux pattes, sa lame de fortune – volée au cadavre qui gisait à ses pieds, inconscient – dirigée vers la famille de truands – respectivement plongés, pour l'homme, la femme et le fils, dans la capillarité, une crotte de nez et un morceau de peau du jeune homme :

    « Jeeee voiiiiiiiiiiiis...
    - Ma main dans vos gueules, hein ? Tu la vois, hein ?
    - ... UN POISSSSSSSSSSSSSON ?!
    - Je sais que ta mère est un thon, mais de là à hur... »

    Le temps sembla s'arrêter. Un malaise insidieux envahit le jeune homme, plongé dans un silence si profond que durant une seconde, Balay crut entendre jusqu'au fonctionnement de ses organes, l'écoulement de son sang dans ses veines et le bruit de son estomac digérant le jambon beurre qu'il avait dévoré ce matin. Excellent jambon beurre, d'ailleurs. Saviez-vous qu'en rajoutant un cornichon tous les trois centimètres au lieu de deux, on augmentait le rendement d'un de ces sandwichs de 227% ? Non, je ne le savais pas non plus. On apprend vraiment de tout, sur les Blues. Vous n'en avez rien à foutre ? Dommage, vous passez à côté d'une info en or. Dernière chance. Vraiment ? Soit. Sentant la quenelle, la petite fourberie, le piège à cons – appelez ça comme vous voulez –, Konrad se retourna, lentement. Un pied après l'autre, comme si le sol était en verre et menaçait de s'écrouler à tout moment. La pression ambiante était telle que si sa curiosité n'avait pas pris le dessus sur son esprit, le jeune homme serait devenu fou à lier. Ça y est, il s'est retourné. La putain de bonne blague.

    « Sérieux ? J'en ai marre, je démissionne. »

    Balay s'assit, mit sa tête dans ses mains et pleura.

    Tu pousses le bouchon un peu trop loin, Moh Riss...  Le-gobe-ile
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-‘é as a aute, eu ui éhüan

Le canon de mon arme coincé entre les dents, le jeune homme brun ne semble plus être capable prononcer les consonnes, marrant. Tout le personnel du bateau sur lequel je me trouve été pétrifié. Le manque de vent et le soleil tapant comme un forgeron sur l’acier rendent l’ambiance encore plus tendue. Une goutte de sueur perla sur le front du pauvre homme avant de finir sa vie dans une flaque. Apparemment, le goût du fer ne lui plait pas tant que ça vu qu’il en a littéralement fait dans son froque. Retirant petit à petit mon arme de sa mâchoire, les sanglots et les tremblements s’arrêtent.

-Bon mon petit chou, je te laisse soixante secondes pour me réexpliquer le tout sans bafouiller.
-C’est pas ma faute m’dame, je suis débutant. J’ai que 17 ans et c’est une des premières fois que je suis le seul navigateur. Le vent était trop fort et j'ai pas vu qu'un courant nous déporté.
-Tu sais où tu as réussit à nous foutre ? À part dans la merde j’entends.
-Heu … oui madame.
-Savais-tu que nos lointains ancêtres dessinaient sur la roche ? Personnellement je suis plus à l’aise avec la peinture sur corps.

Suite à ces mots, je range mon arme et lui flanque la plus grosse gifle de sa vie. Même sa marâtre ne lui en avait jamais donné une d’une telle violence. Le choc fait basculer le navigateur en arrière et, sur son visage, se dessine une sublime main rouge ; une œuvre magnifique soit dit en passant. L’air grave, je me retourne vers le maigre équipage qui, au vue des quelques sourires et début de rire, aurait certainement voulu foutre une raclée au pauvre gars.

-Comment on sort d’ici ? Y a surement un moyen de s’en sortir. Ca ne fait pas longtemps qu’on dérive.

En effet, au loin on peut encore entendre les rafales de vent souffler et voir les vagues se soulever et s’abaisser doucement comme la poitrine d’une personne endormie. Si on ne s’était pas fier à ce gamin sans expériences, tout l’équipage aurait encore un but. Un vieux matelot à l’aspect rugueux s’avance doucement, par nécessité plutôt que par choix.

- On ne sort pas d’ici. A moins d’y être préparé. C’est la dure loi de Calm Belt. On est tous voué à mourir, de faim et de soif ou à être mangé par une de ces créatures qui rodent.

Un froid traverse toutes les personnes présentent. Calm Belt, souvent surnommée la trompeuse, la pacifique et j’en passe. Maintenant, le navire est promis à un triste destin et donc par conjonction le mien aussi. Mes mains se resserrent sur le gouvernail, une écharde s’enfonce dans mon pouce droit, d’un mouvement énervé je le fais tourner de toutes mes forces. Action totalement inutile qui aura pour simple résultat de nous faire tourner sur place, seul un faible courant nous éloigne de la vie. Derrière moi, le bruit d’une arme à feu. Le capitaine s’est assis sur le bord de son fidèle navire, un trou au travers du front, le canon de son loyal pistolet crachant les dernières fumées. Préférant en finir ainsi, son corps se balança un court instant avant de basculer en arrière et finir dans la mer dans un simple et triste « plouf ». Le capitaine en premier... ça n'a jamais un bon effet sur les troupes.

*Aller ! Une petite idée pour se sortir de ce merdier… On a du bois. On peut toujours essayer.*

-Bon tout le monde. Si on essayait de faire des rames avec des parties inutiles du bateau pour ramer jusqu’à l’autre côté…

Ma voix semble fausse et quasi rempli de désespoir, je sors mon piolet pour montrer ma bonne foi. Malheureusement, le résultat n’est pas celui souhaité. L’atmosphère morbide qui trônait depuis un petit moment ne change pas d’un pouce. L’équipage ne m’avait même pas écouté. Me retournant, je voie le moussaillon, qui aurait pu être mon frère, l’arme du capitaine sur la tempe. Son regard plongeant dans le mien, il sourit, la marque toujours présente et abandonne tout espoir. Mon corps s’emballe tout seul et pourtant je reste pétrifiée, les larmes aux yeux, en voyant le corps du petit brun inanimé, son regard plongeant dans le mien. Je sens mon souffle diminué pour presque s’arrêter, mes muscles frémissent douloureusement comme s’ils voulaient quitter ce verrou psychique. De grosses et chaudes larmes me coulent sur les joues. De faibles rires d’angoisse se font entendre derrière moi ainsi que des cris de panique.

Je m’écroule à genoux avant d’entendre d’autres détonations. Une, deux, trois, quatre… Bientôt tout l’équipage y est passé. Lorsque je me retourne doucement à l’aide de mes mains par un effort intense. Je vois le vieil homme de tout à l’heure. Son regard est vide, sans espoirs, on ne le sait que trop bien. Il me regarde d’un air grave. Aucun son ne sort de nos bouches et tout est dit. Il s’assoit en tailleur et respire doucement, son visage semble se dérider par un bien être intérieur. Une réconciliation avec son destin. D’un geste simple il met son arme devant lui et tire.



Il ne reste plus personne. Toutes chances de survivre ont maintenant disparu. Je me tiens debout au milieu de pont. Le navire est maintenant le lieu d’une hécatombe virulente. Les corps sans vie de l’ancien équipage sont toujours disposés là où ils se sont arrêtés. Je sors mon arme et joue quelques secondes avec. Puis le pose sur la tempe, c’est froid. Mon doigt, posé sur la gâchette, tremble. Je sens de la sueur couler autour du canon. Seulement un bruit sourd, sorti de nulle part, se fait entendre. Ce bruit et bientôt rejoint par une absence de lumière. Regardant au sol, je vois une ombre s’étendre petit à petit. Le bourdonnement s’amplifie au fur et à mesure que celle-ci progresse. Me retournant, je vois un monstre, la gueule grande ouverte, foncer sur nous, enfin moi. Je range mon pistolet et, par réflexe, sort mon piolet même s’il me sera probablement inutile. Au final, le vieux avait raison.

Quelque secondes plus tard, le bateau passe au dessous de la glotte de l’animal et sombre vers les profondeurs du monstre. J’arrive à observer la porte d’entrée se refermer pendant un moment avant de regarder devant moi. Seulement, ma vue se voile d’un énorme drap blanc. Mon outil de survie se plante à l’intérieur d'un truc. La vitesse et mon poids, parfait soit dit au passage, déchire le tissu de son soutien et je finis ma course sur ce qui semble être le sol totalement enroulé dans le tissu. Rampant péniblement pour voir où je me trouve, une douleur apparaît au niveau des côtes. J’espère ne rien m’être cassé.
Une fois à la « lumière du jour », je tourne la tête à gauche, rien puis à droite. Et là, je vois une jolie petite bande sortie de nulle part. Je souris tout en sentant planer les ennuies… au moins je suis en vie.
Une couleur différente du reste attire mon attention. C’est un mec déguisé en … pigeon ? Je reste là étendue à moitié sous le "filet de protection".


-Vous êtes qui ? dis-je, encore sonnée par le choc.
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Une personne du groupe ouvre la bouche pour me répondre mais il est interrompu avant d’avoir pu prononcer la moindre syllabe. Finalement, il ne s’agit pas d’un seul groupe mais de deux qui se foutent sur la gueule. Profitant de cette cohue, je me traîne tant bien que mal en dehors du drap et roule sur le côté afin d’être hors de leur vue. Maintenant, que je suis plus ou moins à l’abri, je décide de ne pas me mêler de leurs affaires et me dirige à pas feutrés vers le fond du tunnel… si on peut appeler ça un tunnel. Le sol est à la fois mou et dur. Aux vues des dernières péripéties, je dois me trouver dans le tube digestif du monstre marin qui vient d’avaler le bateau et en sortir ne sera pas une chose aisée.

Les bruits de la baston se font encore entendre tandis que je m’engouffre plus profondément dans le monstre. De longs filets d’une couleur entre le jaune et le verdâtre coulent le long des parois comme la morve du nez d’un gamin. Sauf que celle-ci avait un je-ne-sais-quoi de dangereux. Mieux valait ne pas trop s’en approcher. Plus l’on avançait vers le fond de l’intestin, plus la luminosité diminuait et cela rendait la progression encore plus ardue. Au bout d’un moment, je ne voyais plus qu’à quelques centimètres devant moi. Si je voulais m’engouffrer encore plus profondément, il fallait que je trouve quelque chose pour m’éclairer.

Je dû retourner sur mes pas afin de découvrir un objet pouvant faire office de torche mais je ne trouvai rien. Me retrouvant quasiment au point de départ. La bataille était moins virulente qu’avant mais l’on pouvait toujours entendre les différentes offensives des deux groupes. Regardant à droite et à gauche, mes pieds se prirent dans quelque chose ce qui me fit basculer en avant et m’écraser comme une merde sur le sol. Cette chute intensifia la douleur qui me tiraillait les côtes depuis la grande chute. Une fois à genoux, je regardai ce qui m’avait envoyé au tapis. Il s’agissait d’un corps avec un trou au niveau de la tête d’où le sang continuait à couler. Celui du jeune navigateur… pauvre gamin. Si le capitaine n’avait pas fait le con, il serait toujours en vie. Mais là n’est pas la question.

Je m’approche du corps et fouille rapidement dans ses poches. Rien dans la première, rien dans la seconde. Au moment où j’allais abandonner, je découvre une poche intérieure. Avec étonnement, je sens quelque chose de dur et froid comme du fer poli. Ressortant l’objet de sa cachette, je découvre alors un briquet. Mais pas n’importe quel briquet. Il s’agit d’un zippo avec les lettres L et J gravées dessus… au moins il aura servi à quelque chose d’autre que me foutre sur Calm Belt. Maintenant que j’ai trouvé de quoi allumer un feu, il ne me manque plus qu’à trouver un morceau de bois. Plus facile que de trouver du feu vu le nombre d’épaves gisant dans le ventre de ce monstre. J’utilise mon piolet pour arracher un morceau de bois et le taille un peu aux deux bouts afin que le foyer et la prise en main ne soit pas trop difficile.


*Aie !* une écharde vient de se planter dans mon pouce. *Super… bon je règlerai ce problème plus tard. Avant tout, il faut que j’avance.*

Et sûr ces sages pensées, je me remets en route afin de trouver une sortie. La bataille a cessé et je n’ai aucuns indices pour savoir qui l'a remportée. D’ailleurs, le résultat m’importe peu. Mon seul objectif et de m’en sortir vivante. Une fois arrivée, pour la seconde fois, au même point d’obscurité, je commence à faire bruler un bout du morceau de bois. Ce dernier met un petit moment avant de prendre. A vue de nez, je dirais que j’ai environ une heure avant que la torche ne soit complètement consumée.
J’avance petit à petit, essayant du mieux possible d’éviter les flots verdâtres qui se déversent le long des parois.

Une quinzaine de minutes plus tard, je me retrouve devant une flaque… plutôt grande je dois l’avouer. Elle bloque le passage en s’étendant sur une dizaine de mètres et doit être plutôt profonde. Je prends mon arc pour vérifier la profondeur et l’enfonce doucement dans cette vase. En le ressortant, je me rends compte qu’il ne s’agit pas de morve, ni d’un jus de fruit périmé mais plutôt de sucs digestifs et pas des moindre. Mon arc à complètement fondu… comment je vais bien faire pour traverser ça moi ? Je regarde autour et remarque qu’il n’y a aucunes traces d’acides sur les murs. Bien c’est déjà ça. Si je peux traverser en passant par les murs ce sera parfait. Le problème ? Je ne peux pas m’agripper aux murs tout en tenant la torche… je vais devoir traverser à l’aveugle.

Reculant de quelques pieds pour prendre mon élan, je m’élance de toute ma vitesse possible et me stoppe net devant le début du bassin. Mon bras tenant la flamme dessine un arc de cercle. La torche vole, éclairant la surface des «eaux», et fini sa course de l’autre côté. Parfais, maintenant je vois où je pourrais m’arrêter. Prenant le piolet accroché à ma jambe droite, je le plante sans délicatesse dans les parois de l’intestin. Puis je me décale petit à petit au dessus du bassin. Un faux pas et c’est une douloureuse mort assurée.

Un long moment plus tard

*5 mètres… aller ma petite, t’en es à la moitié. Le plus dur est passé !*

Je vois la faible lueur de la torche se rapprocher petit à petit de mes déplacements. Ca doit bien faire une vingtaine de minutes que je suis sûr cet obstacle. Il ne me reste plus qu’un mètre. Seulement voila, une secousse traverse l’intégralité du tube me faisant perdre prise. Je reste accrochée au piolet toujours bien planté. Une attaque du monstre ? Une réponse aux différents coups donnés par mon arme ? Ou tout simplement la vibration provoquée par différents muscles pour la digestion… une connerie de vague péristatique ou péristaltique, peut importe.
Dans tous les cas, je me retrouve raccrochée à la vie par un bras. Je sens le bout de mes magnifiques bottes commencer à fondre.


-PAS MES BOTTES !

D’un coup de torse, je me remets ventre au mur et agrippe l’intestin pour retrouver ma position initiale. On a l’impression d’attraper à pleine main un chamalo humide ayant été recouvert d’une fine pellicule de plastique. Regardant vers la gauche, je ne vis plus la torche. Elle avait du tomber dans les sucs pendant la secousse.

Bon, il ne devait rester que quelques cycles à faire avant d'atteindre l'autre côté. 1-planter le piolet sur la gauche sans se frapper dans la main. 2-passer la jambe droite sur la gauche. 3-se pousser grâce à la même jambe et attraper une prise de la main libre tout en positionnant son autre jambe. 4-reprendre depuis la phase 1.
Une dizaine de minutes plus tard, une secousse réussie à décrocher ma petite pioche me faisant perdre équilibre et lacher la matière moelleuse comme un nuage sous vide. Je basculai doucement en arrière pendant qu’une drôle de pensée me traversa l’esprit.


*Est-ce que j’ai été assez loin ?*

Je n’ai pas le temps de réfléchir à la réponse que je m’écrase sur le dos. En plus de la douleur infligée par les côtes, maintenant j’ai l’arrière du crâne qui me lance comme le début d’une violente migraine. Je me repose un petit moment à genoux lorsque des bruits se font entendre et qu’une lueur apparait de l’autre côté de la baignoire corrosive. Il faut avancer. Mieux vaut qu’ils pensent pas trop à moi. On ne sait jamais sur qui ont peut tomber.

*C’est parti ! Aller poulette tu peux encore le faire. T’es une Quinn.*

Me relevant, je titube sur les premiers mètres avant de reprendre une allure normale. Le zippo dans la poche, je décide de ne pas l’allumer pour habituer ma vision au noir. Plusieurs minutes plus tard, je peux identifier les contours et même parfois, les petits bulbes formés par la matière de l’intestin.

Les bruits derrière se rapprochaient dangereusement. Mais je ne pouvais pas me permettre d’allumer une flamme au risque de me faire remarquer. Alors je me mis à accélérer autant que je le pouvais. L’air devenait immonde à respirer. On devait se rapprocher du colon. Un grand nombre de foulée plus loin, le tunnel était bloqué par un truc énorme.


*Bon bah jsuis obligé non ?*

Prenant le briquet, j’allume au risque de me faire voir. De toute façon, aller plus loin est tout bonnement impossible. C’est énorme, moche, marron et nauséabond… Bref, c’est une situation de merde. Littéralement. Et en plus ils m’ont repérée. Quelques secondes plus tard, un vrombissement se fait entendre… une onde.

-Accrochez vous !

Je me retourne et plante mon piolet sur la porte de sortie. La tête baissée, je vois un grand nombre de pieds se placer autour de moi. Le bruit grandit… un tsunami. Il s’approche, un tremblement de terre. Il est là, la fin du monde. Je me crispe à mon précieux outil et me sens propulser par une force colossale. Quelques secondes plus tard. Mes camarades d’infortune et moi nous retrouvons accrocher à une merde plusieurs mètres au dessus du niveau de la mer. Rien que ça.

Après un atterrissage brutal, on était tous bien trempés et sur la crotte géante... j'étais dessus, le reste ça ne dépendait que d'eux. Bien plus longue que large, on se mit à dériver à une vitesse plutôt constante et pour un tel transport plutôt rapidement il faut l’avouer. A mes côtés se trouve une bande d’hurluberlus plus fous les uns que les autres. Par contre, un d’entre eux est vraiment au taquet. Celui déguisé en pigeon. Bon, apparemment il s'agit d'une mouette vu ce qu’il venait de crier… Le voyage allait être long… .

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Une scène plutôt comique composée de Mouette-quelque chose qui en jette, de lois à tout va et de répartis bien garnies. Un trio en sort finalement vainqueur. Les bruits du combat avaient bien cessé tout à l’heure. Peut être une trêve ou bien une libération temporelle avec pour condition de rester dans le champ de vision ou se prendre des coups de bâtons.

Quand la situation se fut dégradée pour les autres et améliorée pour les uns. Ces derniers se tournent dans ma direction. Je sors alors mes deux armes d’un geste simple et les pointe sur le groupe de rigolos. Les bras formant une croix, position de départ plutôt défensive. D’un froncement de sourcil, je leur conseil de ne pas approcher… Bien qu’à eux trois, ils ont largement l’avantage cela dit. Je laisse couler le suspense une poignée de secondes avant de ranger les pistolets dans leur étui initial.

Chacun se présente. Konrad, un bretteur qui semble profiter de la vie. Un homme tout en rrrose, ne jurrrrant que parrr des arrrrticles de lois. Et un certain Mouetteman, homme-mouette aussi bien le jour que la nuit, il devait avoir chaud sous ses collants. Et selon leurs dires, Les deux derniers étaient à la recherche d’un groupe de pirates, les perdants du dessus, nommé «Les Astolopirates». Plutôt ridicule il faut bien l’avouer. Tandis que le gars au chapeau s’était fait avoir comme un bleu. Bref, les forbans sont maintenant bien accrochés et il ne nous reste plus qu’à attendre de sortir de Calm Belt et de voir ce qui se passe. Ou bien mourir de faim mais surtout de soif.

A l’horizon, on peut apercevoir la silhouette d’une île, ressemblant à un énorme volcan éteint. Ainsi qu’un magnifique couché de soleil. La journée a été longue et pour couronner le tout, on va avoir le droit à passer une nuit au froid sous les étoiles. Sans aucuns moyens de faire du feu vu que l’on n’a pas de bois. En quelques mots : le pied total. Après avoir bu jusqu’à la dernière goutte de ce spectacle, je me rince l’œil et m’allonge sur notre radeau de fortune. Quitte à passer du temps ici, autant prendre ses aises.

Les pirates étant sous la charge du super-héros et de son acolyte. Je décide de ne pas me mêler de leur surveillance. Essayer de déchiffrer les étoiles et bien plus amusant et me permet d’oublier un temps soit peu les terribles et douloureux évènements de la journée.
La nuit est maintenant bien avancée et les étoiles scintillent d’un blanc brillant. Petit à petit, on se rapproche de l’île tandis que mes yeux se ferment.



D’un seul coup, je me réveille en sursaut. Un homme avec une barbe de deux bras de longs, déguisé en chauve-souris me réveille. Son regard est complètement paniqué donc je panique aussi. Regardant aux alentours, il n’y a plus aucunes traces de Konrad et compagnie. Où on-il bien pu aller ? Mais cela ne m’inquiète pas plus que ça. L’homme étrange me montre l’île tandis que le radeau… Un radeau ? Nous transporte vers l’entrée d’un tunnel. Une 50aine de mètres avant de plonger dans les entrailles de l’île. L’inconnu saute dans l’eau et commence à nager le plus loin possible. Je continue de le regarder jusqu’au moment où un poisson plutôt balèze vient le dévorer cul-sec. D’un seul coup, le tunnel me gobe et je ne vois plus rien.

Comme prise au piège, je reste sans bouger. De manière rapide, mes pupilles s’habituent au noir et, sans avoir le temps de réagir, une masse tombe du ciel manquant de me faire tomber de l’embarcation. Je m’approche et retourne le corps. Il s’agit de l’homme-chauve-souris, un trou au milieu du front. D’un seul coup, son corps éclate en un millier de petits cailloux marron.
Je ne comprends rien à ce qui se passe.
Et pour dégrader la situation, des morceaux du plafond invisible tombent en feu, faisant des trous dans le radeau. Lorsque ce dernier va complètement sombrer dans l’eau d’un jaune-vert translucide. Je me retrouve au bord d’une cascade et chute d’un seul coup.



Je me réveille dans un sursaut si violent qu’il ravive la douleur au niveau des côtes. Je regarde autour de moi et découvre que tout le monde est toujours là… J’ai dû rêver. C’est la seule explication logique. Le soleil n’est pas encore levé mais il au vu de la luminosité, il ne devrait pas tarder. Je suis complètement frigorifiée. Pendant que je dormais, la déjection du monstre marin s’est bien rapprochée du volcan. Cependant, il y a quelque chose d’étrange. Au loin, on peut entendre comme un bourdonnement. Plus les minutes passent, plus ce dernier devient fort. Lorsque les premiers rayons du soleil dépassent de l’horizon. Le navire dépasse un morceau de côte. Et l’on découvre, bouche bée, une rivière remontant le volcan qui n’était qu’une montagne. S’agirait-il de Reverse Montain ? Le fameux passage menant à Grand Line.


*J’espère qu’après ça je pourrais me reposer.*

-On ferait bien de s’accrocher une nouvelle fois.

Je prends mon piolet, le plante de toute ma force et m’allonge. Je me trouve être le plus en avant sur notre bateau de fortune. Pourvu qu’il tienne. La vitesse augmente d’un seul coup. On est prit par le courant. L’ascension débute avec un changement d’inclinaison conséquent. Je me demande comment font les autres pour tenir, mais je dois avouer que ce n’est pas chose aisée. Le vent fouette le visage et le gouttes d’eau sont comme de fins fouets glacés. Le soleil est maintenant à moitié debout. On se rapproche du sommet.

-Attention chute ! Mais ils n’ont rien du entendre à cause du vent.

On décolle, le soleil se reflète sur les océans formant un cercle parfait. Encore un paysage qu’on ne voit pas tous les jours. C’est pas si mal finalement ces mésaventures, y à des bons côtés. Après 2 à 3 secondes à léviter, la chute se fait sentir et mon seul point d’attache se trouve être la pioche miniature. Avec le choc, je viens de me cogner le front sur le piolet et je sens qu’une bosse ne va pas tarder à naître.

La fin de la descente se fait de manière calme comparée aux derniers évènements. Une fois Reverse Montain passé, le courant nous traîne vers les abords d’une petite cité. Un panneau à côté de l’entrée indique son nom : Cap des jumeaux.

Une fois à terre, les moqueries des pirates aux alentours par rapport à l’embarcation et notre histoire rapidement racontée. Je salut le reste des rescapés et part dans mon coin. Allant sur la jetée, je m’approche le plus possible de la mer et me rince le maximum possible. Ca fait du bien de se sentir à moitié propre. Maintenant, trouver un endroit où dormir et ne pas réfléchir à quelque chose avant plusieurs jours, juste profiter !


Suite => De Karibe en Sylla - partie I
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Détective Comique #3
1625, Cap des Jumeaux - Présent


« Il est possible de trouver le bonheur, même dans les moments les plus sombres... Il suffit pour cela de se souvenir... Que l'Eté vient ! »

La voilà, l'unique pensée trottant dans l'esprit de l'homme destiné à devenir le Plus Grand Héros de Tous les Temps – en majuscules, s'il vous plait. Les évènements se sont enchaînés à toute vitesse tout au long de cette journée, au même titre que les rencontres et les situations insolites. Superjuriste et lui, qui s'étaient élancés avec panache et bravoure face à la menace des Astrolopirates, se sont faits littéralement happer par l'estomac de l'océan, avant de, finalement, se retrouver à errer sur la mer dénuée de courants et de vagues de Calm Belt, sur une crotte à peu près égale à la taille d'une belle maison.
C'est d'ailleurs dans cette situation que, debout, les mains sur sa belle cape jaune devant, marron derrière, Mouetteman contemple maintenant le magnifique spectacle qui s'offre à lui. Du moins, il essaye d'y arriver, étant donnée l'habitude particulièrement lassante que peut avoir la mer à toujours montrer les mêmes paysages aquatiques, plus encore sur Calm Belt, et surtout quand le soleil n'est pas encore levé.

─ Mouetteha ! Ha ! Regarde Superjuriste, mes Mouettesens me rapportent héroïquement qu'on approche d'une île !
─ Selon la Convention InteRRRRocéanique et RRRRéglementaiRRRe GéogRRRaphique, une montagne avec une cascade en plein milieu ne peut pas êtRRRe considéRRRée comme une île.


Mouetteman tente de garder son visage teinté de convictions héroïques et inébranlables, mais il est forcé d'avouer qu'il est plus que difficile de rester calme quand son acolyte se met à parler. Pendant ce temps, Superjuriste, semblant ne pas remarquer le combat intérieur mené par son coéquipier, se met à fouiller frénétiquement dans son Code Civil de Combat, à la recherche sans doute d'un texte merveilleux à faire partager.

─ En fait, reprit Superjuriste, on RRRecense un seul cas de ce genRRRe, avec une île foRRRRmée uniquement paRRR une montagne géante et une cascade, c'est dRRRôle parce que, selon les dispositions du Code, ce seRRRait... RRReveRRRse... MoUUUUUUUUAAAAAH
─ Ha ! Je crains de ne pas t'avoir compris, mon fidèle acolyte ! Reverse-toi ? Comment ça, reverse-toi ? A moins que ça ne soit plutôt Reverse-Mouaaaah... Mouettehum, c'est étrange.


Pendant une bonne minute, Mouetteman tente de déchiffrer les paroles de Superjuriste, se demandant à quoi peut bien servir ce fameux Reverse Mouah (selon une traduction de Mouettegroogle, un petit dictionnaire qui se prétend capable de comprendre tous les dialectes et tics de langage existants) qui, apparemment, implique un coït avec une autruche. Évidemment, quand on est un héros digne de ce nom, on ne fait jamais les choses à moitié et on se concentre toujours entièrement sur les tâches dans lesquelles on se lance, ce qui explique sans problème que, pendant que tout le monde s'accroche comme il le peut à la crotte flasque et collante, que la gravité se met dangereusement à partie et que l'eau commence à affluer étrangement à toute vitesse sur leurs visages, Mouetteman est toujours debout, dans une pose superhéroïque travaillée pour faire ressortir ses abdominaux et ses triceps en même temps, réfléchissant à ce que peuvent bien signifier les paroles de son superacolyte.

─ Je suis mouettedésolé, Superjuriste, mais je ne comprends toujours pas ta phrase.

De toutes ses positions héroïques, la Mouettepose d'incrédulité est une de celles que Mouetteman déteste le plus, mais il se doit de la réaliser, au moins pour tous ses fans – bon, à la limite, pour le soleil qui se lève au loin et qui le contemple, lui, l'annonciateur de l'été, le héros le plus extraordinaire à avoir foulé la terre de son pied mouettehéroïque, mais à qui la reconnaissance manque, encore, bien que cela ne soit que temporaire bien entendu. Et même si ces phrases descriptives sont parfois éminemment longues et sans doutes dénuées d'un sens correct, elles sont évidemment nécessaires à la compréhension de la situation. Oui.

─ Ho, ho, comment se fait-il que cela tangue autant, hein ? Serait-ce là un nouvel adversaire pour Mouetteman ? Si c'est le cas, sache que je t'attends ! Mouetteman, Mouettepose d'attente !

Bras levés, mains croisées, jambes fléchies et visage bien droit, le Superhéros de Gotham Island ne manque clairement pas de grâce dans sa position qu'il qualifie lui-même d'intimidante. Mais cela ne dure malheureusement pas, car seul un imbécile - ou un mollusque - peut envisager de rester debout dans une telle position et dans une telle situation. Puisque, à présent, la Crotte Géante qui s'est transformée en embarcation de fortune emprunte la voie légendaire, celle que tant de pirates, tant de navigateurs, tant de rêveurs, s'imaginent franchir vaillamment. Reverse Mouah n'est pas le nom d'une position sexuelle zoophile, mais bien l'exclamation de surprise de Superjuriste en constatant qu'ils approchaient de Reverse Mountain.

─ Mouetteho ? Ho ?

La crotte se soulève brusquement et Mouetteman ne peut s'empêcher de basculer en arrière, s'empêtrant complètement dans leur barque improvisée. Bien sûr, il faut plus que de la puanteur immonde à tendance destructrice olfactivement parlant pour décontenancer un Superhéros, mais cette situation suffit amplement à lui faire comprendre la dangerosité de la situation.

─ AAAaaaaAAH ! Mouetteman n'a pas peur, non ! Ha ! AAAAAH !

Bloqué entre la personnalité de Brice Veine, absolument réaliste et consciente du danger, et celle du Super Héros sans peur et sans reproche, littéralement empêtré dans de la merde jusqu'au cou, et les cris de toutes les personnes coincées sur la crotte résonnant à ses oreilles, Mouetteman peut, enfin, se rendre véritablement compte de l'environnement dans lequel il évolue. Les Astrolopirates coincés et attachés dans la Mouettemobile, elle-même fixée profondément dans la Bouse, la fillette allongée par terre, enfonçant une sorte de pioche dans la matière visqueuse mais déjà sèche, Superjuriste, sa coiffe oscillant dangereusement et qu'il retient de toutes ses forces de sa main libre, et, pour finir, la pente dangereuse sur laquelle ils sont engagés à toute vitesse. « Reverse Mountain, le Cap, le Passage obligatoire pour quiconque envisage de réaliser ses rêves... » C'est ainsi que la Ligue lui a décrit cet endroit, et il n'a même pas pris la peine d'y réfléchir avant, ou d'établir un discours héroïque, ou quoi que ce soit d'autre pour marquer la solennité de l’événement. Non, au lieu de tout ça, au lieu de tout ce qu'il a pu prévoir avant, il se retrouve sur de la merde géante, son beau costume tâché de tous les côtés... Est-ce donc à ça qu'il a droit, après tous les efforts qu'il a fournis, tous ces entraînements qu'il a pratiqués, et tous ces exploits qu'il a réalisés ?

« Tu sais, Brice... Ton animal totem est la Mouette, et on l'associe souvent à ses fientes...  »

La voix semble sortir de nulle part et, même si Mouetteman tourne vivement la tête à droite et à gauche pour en déceler l'origine, il sait pertinemment qu'il ne trouvera personne. Ce son, il est le seul à l'entendre, car il s'agit d'un souvenir, la réminiscence d'une conversation qu'il a déjà eue, bien des années auparavant maintenant.

« Pourtant, et tu es bien placé pour le savoir, il n'y a pas que le Guano dans la vie. Cet oiseau t'a choisi, il est venu à toi, tout comme le Pigeon m'a appelé, il y a bien des années maintenant. Ces animaux sont un signe, un symbole, quelque chose d'invincible, d'indestructible, d'immortel. Les annonciateurs de l'évènement que nous attendons tous, les émissaires du dernier espoir de l'Humanité face à l'Injustice, la Peur, la Désolation, et la Haine. Ces animaux sont là pour transmettre aux Hommes l'Espoir, pour les préparer en vue de l'Eté qui vient, et ils nous ont choisis pour les assister dans cette tâche. »

C'est donc ça. C'est pour ça qu'il s'est préparé, pour l'accomplissement de cet objectif, pour la réalisation de ce rêve qui a fini par devenir son obsession sur Gotham Island. Rassemblant donc toute l'énergie Justicière qu'il possède, revitalisant ses muscles à la seule force de sa volonté, tel un héros digne de ce nom, Mouetteman pousse sur ses avants-bras et se remet debout, en équilibre précaire, le temps d'une seule déclaration, une seule phrase :

─ Grand Line, prépare-toi à rencontrer Mouetteman, prépare-toi, car l'Eté vient !

Mouetteman laisse alors échapper de nombreuses particules visibles à l'œil nu de puissance, d'héroïsme et de volonté inébranlable – même si beaucoup de personnes ont ces dernières pour de la bave postillonnée, ce qui se rapproche sans doute plus de la réalité. Une fois sa phrase lancée, le Superhéros tombe à la renverse et s'agrippe de toutes ses forces à la seule prise disponible. La perruque de Superjuriste.
Le sommet est rapidement atteint, avant que la descente ne s'annonce enfin. Paradoxalement, même si cette-dernière est plus rapide, elle est également marquée par un calme étrange, comme si tout le monde se rend compte de la gravité de la situation, du cap qu'ils passent tous en ce moment-même.
Enfin, tandis que d'immenses gerbes d'eau viennent les submerger au moment où ils atteignent le bas de la Cascade, Mouetteman comprend que son destin, en tant que Superhéros mais aussi en tant qu'Homme, ne fait que commencer.

A Suivre


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