En mer. Bordure de Belt et South Blue.
« Pourquoi vous ramenez les voiles et baissez l’étendard ? »
La rouquine au chignon me regarde d’un œil fuyant, c’est comme ça depuis que le soleil s’est levé sur la Belt et que l’on a quitté cette île de misères.
« Les Amazones ne peuvent pas circuler impunément sur les Blues, nous changeons les voiles pour nous faire passer pour un simple navire civil »
« Civil ? Zagahahaha ! Un équipage complet de femmes et deux énormes bestiaux reptiles qui tirent votre navire ! Ma jambe de bois que vous allez recevoir la visite d’un bâtiment Marine ! »
Tout en lui parlant, je la suis jusqu’à la proue du navire et, d’un coup de guillotine, elle sectionne les liens des deux reptiles.
« Attendez ici jusqu’à notre retour »
Les deux gigots marins s’enfoncent aussi sec sous la surface marine sans même un remous. On va enfin voir ces gonzesses entrain de manipuler les gréements, ce n’est pas trop tôt. Bien vite, la voile aux sigles des Amazones est changée par une grande voile bleutée, digne d’une voilure de marchands de tapis.
Une main sur le haut de la patte, je claudique jusque le centre du pont. Je pose mes fesses sur le bois d’un Kayak. Lidya, putain je me souviens de son nom, me regarde avec insistance. Je ne sais pas ce qu’il a bien pu se passer cette nuit, mais mon petit orteil me dit que ce n’était pas catho.
« Pourquoi voulais-tu prendre cet instrument d’hommes ? »
En guise de réponse, je lui lâche un large sourire, elle passe son chemin. J’avais insisté pour que l’on embarque ce kayak à bord, il était le dernier à rester aux abords du port alors que l’on embarquait depuis Lily. L’ensemble de la flotte indienne avait pris le large avant même les premiers rayons du soleil, une promesse de ne plus réclamer la terre de Rusukana en guise de pacte. Tu parles. Dans dix ans, le conflit reprend. Dans dix ans, j’aurai clamsé d’ici-là et ce n’est pas pour me déplaire. Toujours est-il que cette petite barque d’indien de 3 mètres sur 1.5 qui peut traverser Belt est un investissement réfléchi. Je me gratte la guibolle valide et je tapote mon bide poilu, j’ai foutrement bien bouffé ce matin. Une tranche de lard, une plâtré de lentilles, une marmelade de pommes et une dizaine d’œufs. Y a pas à dire, les gonzesses ça se pose là en terme de boustifailles. Encore faut-il être dans leurs bonnes grâces. Qu’il vienne celui qui ose baver que je me suis fais entretenir comme un coq en pâte ! La nouvelle année est passée sans même que je m’en rende compte sur ces foutus îles de Belt. Par ma trogne en biais, si j’avais aimé la picole, j’en aurai déblatéré des aventures dans une des tavernes malfamés des Blues !
Elles mettent le cap au Sud, plein Sud, pile aux abords du cimetière d’épaves, à un mille nautique environ. C’est là que le Fusilleurs mouille avant de filer sur Bliss pour que l’équipage se saoule et que ce vieux Baffeur y pose les fondements de sa retraite. J’ai beau avoir été le chien maudit de son équipage, j’avais les esgourdes qui pendaient quand il s’agissait de connaître les projets futurs de ce vieux loup de mer.
Il préparait sa retraite, du genre calme et isolée avec une esclave souillée pour l’entretenir. Trop vieux pour continuer, trop d’ennemis pour en dire plus à ses alliés. J’en ai su des choses, j’ai retourné le cerveau de plusieurs gars pour en déduire qu’il s’était acheté une belle baraque, un titre même à ce qu’il parait. Le genre d’identité qui ne fait pas se poser des questions aux locaux sur ce que tu pouvais faire avant. Foutrebleu ! Il a été jusque me foutre à la tête de la misérable coque de noix qui sert au ravitaillement ! Contremaitre de la seconde flotte du Baffeur ! Tu parles ! Cinq bonhommes sur un bâtiment d’une dizaine de mètres ! Le Sans-Nom ! Foi de moi, je coulerais cette épave une fois le Fusilleurs entre mes pattes ! Zagahaha.
D’un gros œil, je regarde la soixantaine de guerrières qui opèrent à bord. Pour sûr, connaissant les hommes de Jangoto, la bataille ne durera pas. Elles me feraient frémir ces femmes là, monter à l’assaut contre-elle doit-être… Sacrément bandant. Je vais aller préparer un mousquet moi… Zagahaha…