East Blue. Année 1623.
Quelque part qui se voudrait à l'abri des regards indiscrets...
Une nuit sans lune. Parfaite pour se fondre dans l'obscurité et demeurer à l'abri de tous les regards. Une tenue allant du gris anthracite au charbon le plus profond ; parfaite pour se laisser avaler par les ombres... La silhouette se devine à peine, même si on vous la montrait du doigt... Et pourtant, Franck "le courant d'air" est bel et bien de sortie ce soir. Une mission haut combien rémunérée, mais que malgré tout il a eu bien du mal à se décider à accepter. Lui seul l'a fait d’ailleurs. Lui seul se sentait de taille à assumer de tels risques. Tous les autres ont fuit ou se sont rétractés de peur; que dis-je, de terreur. Mais face aux dizaines de milliers de Berrys sorties des coffres de la mafia de East Blue, Franck a su faire taire sa prudence. Suivre et espionner Thunder F. pour le compte de Don Giovanni... Lui seul a accepté. Lui seul saura le faire.
Ses semelles de caoutchouc amortissent le bruit de ses pas, et doucement Franck découpe la vitre rendu opaque par la crasse à l'aide d'une minuscule pointe de diamant. La pointe du cristal glisse dans un crissement à peine audible, avant d'ouvrir une brèche à l'oreille attentive de l'espion. C'est donc tout aux aguets que Franck tend l'oreille par l'ouverture ainsi créer, cherchant à capter les sombres complots d'une réunion qu'il a déjà eu le plus grand mal à découvrir et à approcher. Tous les autres seraient déjà morts... Mais lui non. Les voix les plus fortes arrivent déjà à son oreille qui s'habitue peu à peu à la distance. Certaines sont très claires... d'autres comme parasitées par le crépitement caractéristique des escargo-phones longue distance. L'homme tend l'oreille et note...
- ... tandis que la tête de forage nous arrivera des ateliers de West blue. Il s'agit de celle de la foreuse qui a permis de créer le tunnel de Gunnar. Une machine qui a donc déjà fait ses preuves, et qui ne manquera à personne.
- Quand est-il du chef des travaux ? Vous parait-il fiable ?
- Absolument Mister Thunder F. la somme était rondelette, et il sait que nous gardons ses enfants à l’œil. Le tuer éveillerait de toutes façons l'attention de la marine.
- Bien que je n'aime pas cela il va donc falloir que nous comptions sur son silence. Surveillez le bien, faire confiance aux honnêtes gens reste le seul vrai risque des professions aventureuses.
...
- Mister Sea Buffle, quand est-il des pièces que nous avions commandé ?- Dur à trouver.
- Mais encore ?
- C'est en cour.
- Soupire... J'attends plus de précisions quant à ce projet.
- Ce que mister Sea Buffle essaye de vous dire Mister Thunder F., c'est que les scaphandres autonomes de qualité sont durs à se procurer. Je me charge actuellement de nous en trouver, Mister Sea Buffle s'occupera alors de les voler en temps et en heure. Pour ce qui est des autres pièces de la machine, tout a déjà été fait.
- Ouais voilà.
- Bien.
...
- D'ailleurs, Mister Poulpe.- Oui monsieur ?
- Les dossiers sont-ils prêts ?
- J'y travaille monsieur. La charge de travail que vous m'avez confié est loin de dépasser mes compétences, mais mon emploi du temps, si.
- Je vous donne encore douze mois pour clarifier le tout. Rien ne doit être oublié ou transparaitre d'ici le grand jour.
- Je sais monsieur. Mais ne nous parliez vous pas de deux ans ? Peut être trois ?
- Si, mais je préfère assurer nos arrières dans le cas où le projet serait éventé plus tôt que prévu. Surtout pour cette "phase" du projet. "Abysses Totales" ne sauraient connaitre d'impair. Je ne le tolèrerais pas.
- J'ai bien compris monsieur.
- ...
- Ceci dit, tout ce que vous m'avez confié...
- Et bien ?
- De toute ma carrière je n'ai jamais rien vu de tel. Et de loin.
- Huhuhu, et pourtant ce n'est rien en comparaison à ce qui va suivre. Non, vraiment rien.
"Abysses Totales", les mots se griffonnent sur le carnet de Franck au même titre que le reste de la conversation dont il s'efforce de ne rater aucun mot.
- Mister Shark ?
- Je suis là monsieur.
- En combien de temps pourrez-vous acheminer l'ensemble du matériel sur place ?
- Hum... en évitant le maximum de risque ? Je dirais... deux mois. Minimum. Et après réception des diverses pièces et assemblage de la bête évidemment. Passer sous l'eau permet d'éviter beaucoup de regards indiscrets, mais les courants ne nous sont pas toujours favorables.
- Et pour la main d’œuvre ? Vous êtes vous procuré ce qu'il fallait ?
- Oui monsieur. Entre ceux que vous m'avez permis de récupérer il y a quelques mois, et ceux des deux derniers pillages, nous auront largement assez d'esclaves.
- Bien. N'hésitez pas à faire appel à Miss Morue et Mister Rascasse en cas de besoin.
- Compris, je n'y manquerai pas monsieur. Ceci étant dit, que devrons nous faire des esclaves une fois le projet mis en place ?... Je veux dire, une fois qu'on aura plus besoin d'eux là bas...
- Exterminez les.
- T... tous ?
- Sans exception.
- Mais...
- Je ne souffrirai d'aucune fuite, même si pour cela je dois perdre quelques centaines de millions en viande fraiche. Et je ne suis pas à une carcasse près, me suis-je bien fait comprendre ? Alors tachez de calmer vos pulsions financières.
- Glups... compris monsieur.
- Je l'espère bien, dans notre intérêt à tous. Surtout du votre en fait.
...
- Autre chose Mister Shark. En combien de temps pensez vous pouvoir forer les différentes couches de la structure ?- Selon l'ingénieur ce sera l'affaire de quelques semaines pour les couches les plus externes, quelques minutes pour le cœur.
- Tout va dépendre du rythme du forage.
- Bien. Vous n'entamerez les travaux que durant les éruptions volcaniques et les séismes locaux. Jamais en dehors de ces périodes là ; et toujours à vitesse réduite. Il n'en faudra pas moins pour camoufler les vibrassions du forage.
- Mais ça va nous prendre des mois pour seulement quelques mètres !!
- Le temps n'est pas un problème, je vous l'ai déjà dit. Les sentinelles et les innombrables moyens de détection présents sur place, oui. A aucun moment vous ne devez éveiller la moindre attention ; même si pour cela vous devriez y passer des années.
- B... bien monsieur.
- Nous avons tout notre temps Mister shark. Quelques années du moins selon mes prévisions.
...
- Comment reprendrons nous contact avec vous ? Le moyen habituel ?- Non. Une fois en mer je ne serai plus aussi libre de mon intimité que jusqu'à présent.
- Vos hommes ne sont-ils pas au courant ?
- Non miss Gobie. Et ils ne le seront qu'une fois devant le fait accompli.
- Mais... pourquoi ? N'avez vous pas une confiance absolue en eux ?
- ...
- Cela ne nous regarde pas il semblerai Miss Gobie. Laissons donc ça à Mister Thunder F.
- Parfaitement. Mister poulpe veillera d'ailleurs à la bonne coordination et à l'évolution des travaux ; c'est lui donc qui me transmettra régulièrement vos rapports et mes directives. Quant aux urgences, vous pourrez toujours me contacter par le biais de Mister Rascasse et de Miss Morue.
-...
-...
-...
-D'ailleurs... Où-t-il qu'il est l'Mister Rascasse ? Encore en r'tard créfieu ?...
(...)
Toujours sur le toit du bâtiment isolé, Franck s'affaire à noter le maximum de détail pour le compte de son patron. Tout renseignement est bon à savoir. Qui était présent en personne, qui l'était par escargophone, les noms de codes, les voix, les délais... Le crayon glisse sur le calepin à la lumière des étoiles...La réunion semble tirer vers la fin, et tout ceci devrait permettre de découvrir bon nombre de choses... Don Giovanni sera contant, voilà qui devrait lui permettre de prendre le dessus sur son rival ; et pour peu que cela concerne aussi ses propres affaires, Franck pourra peut être même lui soutirer une jolie prime en bonus, héhé*... hé ?
Une ombre à peine distincte apparait sur les feuille du carnet ; et Franck ne le remarque que maintenant. Trop tard... A peine se retourne-il en dégainant un surin qu'une béquille de bois lui frappe la gorge, broyant implacablement la trachée. L'homme gesticule alors péniblement sur le toit tandis que l'air et le sang lui manque... puis ses gestes se font plus rares, moins vifs... Et la dernière chose qu'il pourra voir sera le visage inexpressif et couturé de cicatrice d'un unijambiste ramassant son calepin...
Mais comment diable a-t-il fait pour le voir ? Comment diable... pour monter.... comment.... si discret........ Lui seul pouvait le faire........ lui seul............ lui s....
- Bon, voyons voir c'que j'ai raté.... Si j'demande aux autres de m'résumer tout c'qui s'est dit j'vais encore avoir droit à une crise ; du bol qu't'ai été là toi héhé... pas vrai ?
-Hhhhh... !
-Oh tu m'réponds quand j'te parle ?
-Hhhhh....
Puis sans un regard supplémentaire de la part de son meurtrier, Franck meurt.