Le banc passa très proche de moi et je m'y assis par réflexe. Sans réelle raison valable. Je m'y assis et déposai à mes pieds la bouteille d'alcool que je me trainai depuis la veille. Je faisais mon possible pour pas virer alcoolique, mais vrai que certains jours de grand soleil, quand le ciel est strillé de beaux nuages et que l'air est saturé des rires des enfants, mistral gagnant tout ça, ben, ça devenait dur d'y résister. Elle était déjà à moitié vide, celle-ci. Non, j'suis pas du genre à voire le verre à moitié plein, vous l'aurez saisi. Surtout que je l'avais achetée pleine, la bouteille. À croire qu'elle se vidait seule. Comme un pré-pubère aux nuits mouvementées. Dans un soupir, j'adossai mon mettre de dos contre le dossier du banc que j'avais pas vraiment choisi. Et je laissai le soleil assécher ma peau comme la vodka ma gorge. Enfin, j'dit Vodka comme j'aurais pensé Gin ou Coca. J'savais même plus de quoi était remplie la bouteille. De quoi elle était vidée ; j'aime pas voir les choses à moitié pleines, j'ai dit. J'fermai même les yeux un instant en espérant qu'le scintillant eût bien voulu me faire oublier la raison de ma non venue sur ce banc. Faut dire qu'il grillait bien, ce jour-là, le soleil. Du genre à en faire transpirer le sable dans le désert voisin et bien faire regretter à mes patrons des docks mon absence. Pensez, un grand gaillard comme moi au marteau inégalé. Quoique la dernière fois que je m'en étais servi, j'avais brisé la main d'un malheureux qu'avait fait la connerie d'être concentré pour deux. C'était moi l'deuxième ; il avait pas apprécié et mon patron non plus. Il m'a dit de partir, un truc entre vacances forcées et démission acceptée bon vent chez vous. De toute façon, ce jour là, j'étais concentré pour 0,5, alors j'suis pas sûr d'avoir retenu les bonnes choses. Dans un nouveau réflexe, je passai ma grande main dans mes cheveux et remontai mes lunettes sur mon nez. Et pour éviter de boire au goulot de ma bouteille presque vide, j'm'en grillai une. La fumée s'envole en volutes. C'presque aussi beau qu'un clodo qui pisse dans le sable pour faire des dessins. Les volutes m'indiquaient que le vent se lèvait, mais je continuais de les regarder, les yeux dans le vague, la mine triste.
Putain.
Je me forçai à reprendre une mine dépressive qui me saillait bien mieux. Parce que merde, fallait bien que j'idéalise, bordel. J'étais vivant ! Et le Cormoran aussi ! J'y pensai parce que ce con passa en courant devant moi à poursuivre un chiwawa. Chihuawa. Chahiwua... Un con de clebs plus moche que sa mégère de maîtresse. Et la mégère de maîtresse passa en courant derrière mon Cormoran. Je n'pipai mot. Rien à foutre de lui de toute. S'il avait des problèmes, il n'avait qu'à apprendre à voler comme tout bon oiseau à plumes qu'il était. En revanche, j'avisai que le banc sur lequel j'étais tombé était en plein jardin public. Et que la flore locale trouvait comme moi le moyen de profiter du climat aride local pour exhiber aux yeux de tous son ramage localement local. Oui, comprendre par flore locale les arbres et les fleurs. Mêmes celles aux cheveux longs, à la peau blanche et aux pétales trop légères. En espérant que le papillon qu'elles voyaient de l'autre côté veuille bien venir butiner par chez elles. Et bordel, il avait fallu pour que le papillon qu'elles lorgnaient, ce fut moi. Je les ignorai. Cherchez pas, gamines, il vous manque quelques braises dans le regard pour lui arriver ne serait-ce qu'à la cheville.
Je tirai une taffe sur ma clope. Une de plus. Un ange passa. Puis un marine. Et un autre et encore deux de plus. Puis je m'aperçus qu'un trompettiste empoisonnait l'espace public avec ses airs joyeux. Sur le banc en face de moi, j'avisai un accordéoniste qui tirait la tronche et je sus qu'il pensait la même chose. La concurrence, il n'y avait que ça de bon.
Je sentais mes vêtements devenir trop chauds pour la saison. J'enlevai donc le pull qui me couvrait les bras. N'insistez pas, j'ai dit non, gamines, alors cachez vos yeux de malaimées, j'ai déjà un Cormoran pour me regarder comme ça et ça me suffit. Cormoran qui sentit que je pensais à lui. Sa tronche d'ahuri apparut derrière un arbre. Sans le chi...en qu'il coursait tout à l'heure. Personne ne s'en étonna. Surtout pas moi. Moi qui ne rêvais que d'une bière bien fraîche à échanger contre cette bouteille de... -putain, genre je savais pas ce que je buvais!- … Bref, toujours vouloir ce qu'on a pas. Bordel, j'voulais du fric aussi. Et ma femme...
Putain.
J'attrapai ma bouteille par le goulot et me levai sans cérémonies. Je foudroyai du regard mon Cormoran qui me talonna alors. Et laissai à leurs œillades les gamines trop gamines pour moi. Je laissai en plan les amoureux sur leurs bancs publics, les mères attentives, et les vieux gâteux. Moi, poing dans la poche, regard fermé et clope au bec, j'avalai les mètres à un rythme fou. Cette fois, pas question de me laisser aller à mes pas hasardeux. J'avais envie d'une chose que je n'avais pas. Mais je savais où la trouver. Parce qu'il n'y avait pas un jour sans que je n'y sois allé.
Un pas, puis un autre. Derrière, j'sentais mon Cormoran me suivre comme il suivait le chihuahua tout à l'heure, mais sans réussir à me rattraper. Fallait bien avouer que j'avais une sacrée allonge. Et j'avais même pas revêtu mes bottes de sept lieues. M'enfin. C'était lui qu'était à blâmer. 'L'avait qu'à savoir voler ce con. Con de Cormoran, tiens.
Les rues défilaient. Les visages fermés des gens aussi. Je les regardais pas, même si la réciproque n'était pas vraie. Mais qu'ils me regardent moi ou mon Cormoran aux grands yeux, j'en avais cure. Lorsque je marche, j'ai des œillères. Surtout avec une demi-bouteille d'alcool dans le sang, une clope à la bouche et une envie irrépressible. Coincée entre deux cervelets. Je poussai presque violemment le portail aussi rouillé que mes membres encrassés dans l'alcool et arpentai rapidement les allées de graviers du Cimetière. Rien n'y avait changé depuis la dernière fois, alors je ne m'attardai pas sur les jean-jacques, les émelynes et les bu-bulle des plaques en marbre. Juste un regard pour cette demoiselle que je ne connaissais pas. Sans plus. Le Cormoran me lâcha pour aller la voir, mais je savais qu'il reviendrait bien vite, une fois que ses grands yeux auraient obtenu le câlin qu'il voulait. Moi je stoppai ma progression tojiesque jusqu'à la stèle qui m'intéressait. Une pierre blanche. Sans nom. Juste un bouquet de fleur depuis longtemps dépéri. J'avais interdit au fossoyeur de l'enlever. Plutôt violemment même. J'crois que depuis ce temps, il avait appris à me craindre. Non loin, une vieille pleurait son vieux. J'otai mes lunettes et les rangeai dans la poche de ma chemise. Et pull sur l'avant bras, je dévissai ma bouteille de non-flotte pour en verser une rasade sur la terre à mes pieds.
Santé.
Putain.
Je me forçai à reprendre une mine dépressive qui me saillait bien mieux. Parce que merde, fallait bien que j'idéalise, bordel. J'étais vivant ! Et le Cormoran aussi ! J'y pensai parce que ce con passa en courant devant moi à poursuivre un chiwawa. Chihuawa. Chahiwua... Un con de clebs plus moche que sa mégère de maîtresse. Et la mégère de maîtresse passa en courant derrière mon Cormoran. Je n'pipai mot. Rien à foutre de lui de toute. S'il avait des problèmes, il n'avait qu'à apprendre à voler comme tout bon oiseau à plumes qu'il était. En revanche, j'avisai que le banc sur lequel j'étais tombé était en plein jardin public. Et que la flore locale trouvait comme moi le moyen de profiter du climat aride local pour exhiber aux yeux de tous son ramage localement local. Oui, comprendre par flore locale les arbres et les fleurs. Mêmes celles aux cheveux longs, à la peau blanche et aux pétales trop légères. En espérant que le papillon qu'elles voyaient de l'autre côté veuille bien venir butiner par chez elles. Et bordel, il avait fallu pour que le papillon qu'elles lorgnaient, ce fut moi. Je les ignorai. Cherchez pas, gamines, il vous manque quelques braises dans le regard pour lui arriver ne serait-ce qu'à la cheville.
Je tirai une taffe sur ma clope. Une de plus. Un ange passa. Puis un marine. Et un autre et encore deux de plus. Puis je m'aperçus qu'un trompettiste empoisonnait l'espace public avec ses airs joyeux. Sur le banc en face de moi, j'avisai un accordéoniste qui tirait la tronche et je sus qu'il pensait la même chose. La concurrence, il n'y avait que ça de bon.
Je sentais mes vêtements devenir trop chauds pour la saison. J'enlevai donc le pull qui me couvrait les bras. N'insistez pas, j'ai dit non, gamines, alors cachez vos yeux de malaimées, j'ai déjà un Cormoran pour me regarder comme ça et ça me suffit. Cormoran qui sentit que je pensais à lui. Sa tronche d'ahuri apparut derrière un arbre. Sans le chi...en qu'il coursait tout à l'heure. Personne ne s'en étonna. Surtout pas moi. Moi qui ne rêvais que d'une bière bien fraîche à échanger contre cette bouteille de... -putain, genre je savais pas ce que je buvais!- … Bref, toujours vouloir ce qu'on a pas. Bordel, j'voulais du fric aussi. Et ma femme...
Putain.
J'attrapai ma bouteille par le goulot et me levai sans cérémonies. Je foudroyai du regard mon Cormoran qui me talonna alors. Et laissai à leurs œillades les gamines trop gamines pour moi. Je laissai en plan les amoureux sur leurs bancs publics, les mères attentives, et les vieux gâteux. Moi, poing dans la poche, regard fermé et clope au bec, j'avalai les mètres à un rythme fou. Cette fois, pas question de me laisser aller à mes pas hasardeux. J'avais envie d'une chose que je n'avais pas. Mais je savais où la trouver. Parce qu'il n'y avait pas un jour sans que je n'y sois allé.
Un pas, puis un autre. Derrière, j'sentais mon Cormoran me suivre comme il suivait le chihuahua tout à l'heure, mais sans réussir à me rattraper. Fallait bien avouer que j'avais une sacrée allonge. Et j'avais même pas revêtu mes bottes de sept lieues. M'enfin. C'était lui qu'était à blâmer. 'L'avait qu'à savoir voler ce con. Con de Cormoran, tiens.
Les rues défilaient. Les visages fermés des gens aussi. Je les regardais pas, même si la réciproque n'était pas vraie. Mais qu'ils me regardent moi ou mon Cormoran aux grands yeux, j'en avais cure. Lorsque je marche, j'ai des œillères. Surtout avec une demi-bouteille d'alcool dans le sang, une clope à la bouche et une envie irrépressible. Coincée entre deux cervelets. Je poussai presque violemment le portail aussi rouillé que mes membres encrassés dans l'alcool et arpentai rapidement les allées de graviers du Cimetière. Rien n'y avait changé depuis la dernière fois, alors je ne m'attardai pas sur les jean-jacques, les émelynes et les bu-bulle des plaques en marbre. Juste un regard pour cette demoiselle que je ne connaissais pas. Sans plus. Le Cormoran me lâcha pour aller la voir, mais je savais qu'il reviendrait bien vite, une fois que ses grands yeux auraient obtenu le câlin qu'il voulait. Moi je stoppai ma progression tojiesque jusqu'à la stèle qui m'intéressait. Une pierre blanche. Sans nom. Juste un bouquet de fleur depuis longtemps dépéri. J'avais interdit au fossoyeur de l'enlever. Plutôt violemment même. J'crois que depuis ce temps, il avait appris à me craindre. Non loin, une vieille pleurait son vieux. J'otai mes lunettes et les rangeai dans la poche de ma chemise. Et pull sur l'avant bras, je dévissai ma bouteille de non-flotte pour en verser une rasade sur la terre à mes pieds.
Santé.
Dernière édition par Diele Timberwhite le Ven 5 Juil 2013 - 4:12, édité 1 fois