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[Tao Island] Détour imprévu

Le soleil dardait ses derniers rayons sur la mer de South Blue en une rafraichissante journée de printemps. Un petit vaisseau de transport de la Marine voguait à son rythme à quelques encablures du Quartier Général de la Marine. A son bord, une dizaine de Marines de tous horizons impatients d’accoster. Parmi ces derniers, une sous-officier, la Commandante Tendo, ne semblait pas partager leur enthousiasme. Hikari se tenait sur le pont, adossée au mat, et laissait la douce brise printanière souffler sur son visage. Habillée en civil, un attirail qu’elle préférait de loin à la sobriété de l’uniforme, la femme paraissait soucieuse, perdue dans ses pensées. Quelques jours plus tôt, elle avait pris la mer en direction du QG pour y recevoir sa nouvelle affectation, après l’annonce de la dissolution de son précédent équipage. La Marine expérimentée avait servi la même personne et sur le même bateau pendant presque douze ans et ce depuis son incorporation dans la Marine. Elle devait littéralement tout à ses précédents camarades et au glorieux navire qui les avait transporté toutes ces années. La période de transition qu’elle vivait en ce moment était un moment particulièrement important dans sa vie, aussi bien au niveau personnel que professionnel d’ailleurs. Hikari n’était plus la jeune femme timide et rêveuse qui avait fuit son île natale. Son rêve était devenu une réalité. Elle vivait sa vie comme elle l’entendait et avait finalement l’impression d’avoir trouvé sa place dans l’ordre des choses. Alors qu’elle ressassait les derniers évènements, le transporteur arriva finalement à bon port. Les Marines à bord s’empressèrent de prendre leur paquetage et mirent pied à terre, accueillis par d’autres qui faisaient le chemin inverse. Hikari attendit son tour, se composa un visage de circonstance et se fraya un chemin à travers la foule. Elle se dirigea de suite d’un pas décidé vers le quartier des officiers, son unique bagage sur l’épaule. Il était finalement temps de passer à autre chose.

Pour un QG de la Marine, la forteresse était relativement petite. Rien à voir avec ce qui se faisait sur Grand Line. La bâtisse aurait même tenu dans le sous-sol de l’aile sud-est de Marie-Joie… Modeste donc mais il est vrai que les Blues n’étaient pas le repère des criminels de grande envergure. Les dangers dont devaient faire face les Marines étaient somme toute limités et consistaient principalement en l’arrestation de pirates débutants et le règlement de quelques querelles civiles. Ajoutez un soupçon d’activité révolutionnaire et vous obtenez un ensemble pas vraiment excitant pour la majeure partie des Marines qui cherchaient un défi à leur mesure. Pour en revenir au design du QG, il consistait en un imposant baraquement surplombé d’une tour faisant office de donjon et de phare. Le tout entièrement bâtit en pierre claire extrêmement tape-à-l’œil. Pas de quoi casser trois pattes à un canard, ni à un architecte d’ailleurs. Hikari n’y prêta même pas attention. Elle marchait depuis dix bonnes minutes et s’apprêtait à pénétrer dans le QG lorsqu’un Marine l’interpella. Elle remarqua tout de suite ses galons de Sergent :


« Madaaaaame ! Les civils ne sont pas admis dans l’enceinte du quartier général sans autorisation. Je vais vous raccompagner au port et de là vous pourrez prendre le chemin de la ville. Après vous, Madame. »

Hikari aurait trouvé le Marine courtois s’il ne l’avait pas appelé Madame. Ses traits se durcirent et une veine saillit sur son front, une énorme veine. Qu’il la prenne pour une civile passe encore mais pour un vieille, hors de question ! Hikari déposa son sac au sol, l’ouvrit, et sortit la veste réglementaire de l’uniforme de la Marine. Elle l’endossa lentement, fixant le grouillot d’un regard aussi tranchant que l’acier. En apercevant les épaulettes d’Hikari, le Marine devint blême. Profitant de son petit effet, elle en profita pour lui répondre sur un ton sec et cassant :

« Sergent, je suis la Commandante Tendo. Je veux voir le responsable de cette base. »

Le Marine répondit par l’affirmative, se présenta sous le nom de Zeis et s’empressa de lui montrer le chemin. Hikari lui emboita le pas, enlevant sa veste par la même occasion. Observer le vrai caractère d’une personne s’avérait bien plus efficace lorsqu’elle masquait sa véritable identité. Ils pénétrèrent dans les baraquements et la Commandante fut conduite au bureau du responsable. Sur la plaque elle put lire : « Sous-lieutenant Ahou Mura ». Outre le nom qui incitait à la moquerie, Hikari s’étonna qu’un Sous-lieutenant commande un QG de la Marine. Elle ne fit aucune remarque et suivit le Sergent à l’intérieur du bureau.

La pièce était richement décorée, trop richement décorée. Le mobilier était de très belle facture et les finitions, en métaux précieux, scintillaient de mille feux. Un gigantesque lustre en ce qui s’apparentait à du cristal donnait à la pièce un standing digne d’un monarque. Hikari s’attendait à ce que son occupant soit une sorte de dandy, héritier d’une famille riche du coin. La réalité en était tout autre. Assis sur un imposant fauteuil, se tenait un homme de petite stature au physique ingrat et au gout vestimentaire quelconque. Son regard allait des somptueuses décorations au Sous-lieutenant qui semblait absorbé par son travail. Le Sergent annonça la visiteuse pour attirer son attention :


« Sous-lieutenant Ahou, désolé de vous interrompre. Je vous présente la Comman… »

Le Marine n’eut pas le temps de finir sa phrase. Son supérieur se leva brusquement de sa chaise et l’interrompit de la main. Il se plaça face à Hikari, qui le dominait quasiment d’une tête et évalua brièvement la belle. Il hocha de la tête d’un air entendu et s’exprima d’un ton sûr :

« Vous devez être l’Adjudant-chef Tanaka ! J’ai vu votre CV et il est impressionnant. Bizarrement je croyais que vos yeux étaient noirs. Assurément la faute d’un scribouillard débutant. » fit-il en cherchant le fameux document dans un tas de paperasse. Il mit finalement la main dessus et compara la photo avec Hikari. Le Sergent voulut protester et avouer à son supérieur la méprise mais la Commandante l’empêcha d’un clin d’œil subtil et surtout d’un regard de prédateur qui lui glaça les veines. Elle prenait étrangement beaucoup de plaisir à cette situation. Surtout en imaginant le futur de ce sous-officier incapable.

Photo sur le CV de l'Adjudant Tanaka

« Effectivement vos yeux sont noirs et la coiffure est différente. Je ferais rétrograder l’incapable qui s’est trompé. Vous pouvez disposer. Le Sergent Zeis vous assignera à vos nouvelles fonctions demain. »

Hikari esquissa une parodie de salut réglementaire et quitta prestement la pièce, le Sergent à ses basques. Ce dernier tenta de s’excuser du traitement inapproprié qu’elle venait de subir mais Hikari n’y prêta aucune attention. Elle voulait manger et se reposer dans un lit confortable, le voyage avait été long et pénible. Elle se chargerait de remettre le Sous-lieutenant à sa place le lendemain et prendrait connaissance de sa nouvelle affectation par la même occasion.

La Commandante se réveilla aux aurores au son du clairon. Elle mit une bonne heure pour se préparer et se dirigea vers la cantine, déserte à cette heure la. La plupart des Marines étant déjà sur le pied de guerre. Elle prit un copieux petit-déjeuner dans le calme et se prépara mentalement à ses obligations de jour. Hikari se dirigea ensuite vers le bureau du Sous-lieutenant Ahou mais le Sergent l’intercepta avant qu’elle n’y parvienne. Visiblement toujours troublé par les évènements de la veille, il parla d’une voix hésitante, soutenant le regard sévère de son interlocutrice :


« Commandante Tendo, permettez moi de réitérer mes excuses pour l’incident d’hier mais surtout de vous expliquez de quoi il retourne. Le Sous-lieutenant Ahou n’est pas le commandant de cette base mais son second. Le Lieutenant Tanaka étant actuellement à Marie-Joie pour y soumettre son rapport annuel sur l’activité de South Blue. Il devrait revenir d’un jour à l’autre. »

« Et en quoi est-ce mon problème Sergent ? Cet Ahou m’a tout l’air d’un incapable et votre Lieutenant est un imbécile de l’avoir gardé sous ses ordres. Tout me porte à croire qu’on a réuni en ce lieu les pires rebus de la Marine. Normal me direz-vous vu le peu d’activité criminelle dans cette partie du monde. Sur ce, laissez moi passer. »

« Mada… Commandante Tendo ! Ne mettez pas tout le monde dans le même panier je vous prie. Il y a beaucoup de Marines compétents dans cette base et notamment notre chef ! C’est que… qu’il y a… des circonstances. Le Lieutenant Tanaka a ses raisons. S’il vous plait, attendez au moins son retour avant de châtier le Sous-lieutenant Ahou. Si vous ne pouvez pas attendre, permettez moi de vous menez au bureau du Lieutenant. Peut être y trouverez vous ce que vous cherchez. »

Hikari haussa les épaules et soupira. Décidément ce Marine était un bon orateur à défaut d’avoir le charisme adéquat. Quelque chose se tramait dans cette base mais ce n’était pas la raison de sa visite. Elle céda à la demande impertinente du Sergent Zeis et lui fit un bref signe de la main, lui intimant de la guider. Le Sergent courba la tête avant de s’élancer dans un couloir. Après quelques minutes, il désigna une porte qu’il ouvrit aussitôt. Après un salut réglementaire, il laissa Hikari seule. Elle se mit aussitôt en quête du papier notifiant sa nouvelle affectation. Le soleil était à son zénith lorsqu’elle trouva finalement son bonheur dans une montagne de paperasse administrative. Une sorte de chaos dans lequel seul son auteur était capable de s’y retrouver. Elle lut une bonne partie du papier en diagonale, esquivant par là même les banalités d’usage et apprit qu’elle était dorénavant affectée au service du Colonel Alheïri S. Fenyang qui officiait sur les Blues. Un petit bout de papier avec la mention « F-142 » était agrafé au dos du document. Hikari regarda autour d’elle et remarqua que c’était le nom des imposants casiers qui remplissaient un pan de mur entier. Elle ouvrit le casier en question et y découvrit un escargophone qu’elle s’empressa de mettre dans sa poche. La Commandante remit le document en place dans la pile et ce faisant, fit tomber un classeur par terre. Lorsqu’elle le ramassa elle put lire « Missions urgentes ». Curieuse, Hikari feuilleta quelques pages et son visage devint cramoisi. Il s’agissait là du listing des missions prioritaires assignées à la base et certaines remontaient à plus d’une semaine ! Ivre de colère, la Commandante, quitta le bureau du Lieutenant Tanaka, le dossier en question sous le bras et se dirigea vers celui de son second. Elle n’allait pas laisser passer cette histoire !

Malheureusement ou heureusement d’ailleurs, c’est encore le Sergent Zeis qui croisa sa route. Mais cette fois-ci Hikari était dans une toute autre disposition. Le Sergent s’en aperçu rapidement, ainsi que du fameux dossier, mais ne chercha pas à s’esquiver. La Commandante se défoula sur lui :


« Bande d’incapables ! C’est quoi ce merdier ! Ces missions sont prioritaires pour une bonne raison. Des innocents crèvent et personne ne bouge le petit doigt ! Je vais tous vous dézinguer moi ça va pas trainer. Vous aller récurer des chiottes jusqu’à ce que vos mains saignent! Toi le débile, amène-moi à l’autre con. Et que ça saute ! »

Le Sergent semblait tétaniser par la colère d’Hikari au point qu’il ne pouvait même plus parler. De peur d’être frapper voire torturer ou exécuter sur place, il déglutit pour s’éclaircir la voix et laissa filtrer quelques mots :

« Je vous en prie Commandante, calmez-vous. Je ne savais pas. Personne ne savait. Ce n’est pas de notre ressort. »

« Ferme la trou-du-cul ! Je t’ai donné un ordre ! Et ne me dis pas que c’est ta loyauté envers ce fameux Lieutenant Tanaka qui t’empêche d’y obéir. La hiérarchie ne représente rien pour toi ? Tu veux retourner à la vie civile ? Non ? Alors magne-toi ! »

« Commandante Tendo ! Si je dois être rétrogradé voire être expulsé de la Marine pour vous avoir désobéit et bien soit. C’est un prix que je suis prêt à payer. Je vous implore, ne faite rien au Sous-lieutenant Ahou. Je ferais n’importe quoi. »

Hikari jura et se retint de frapper son interlocuteur. Ca l’énervait au plus haut point que les gens lui résistent. Elle avait fait tellement de chemin depuis ses classes. Ce n’était plus une gamine incapable de se faire entendre ! En dépit de cela, le Sergent Zeis lui résistait et montrait une détermination sans failles et un esprit de sacrifice qui finalement lui rappelait les siens. La raison pour laquelle il protégeait le Sous-lieutenant devait être d’une importance capitale. Après quelques secondes de réflexion, elle évacua sa colère en frappant le mur de toutes ses forces. Le poignet en sang, elle prit une grande inspiration et fixa son interlocuteur une lueur d’entendement dans le regard.

« Sergent Zeis, votre loyauté est admirable. Si vous mettez tant de zèle à couvrir un incapable comme Ahou c’est que vous devez avoir une bonne raison. Votre supérieur a de la chance de vous compter dans ses rangs. Personnellement je m’en contrefiche mais je me dois d’agir. » fit-elle en empoignant une page dans le dossier, un rare sourire aux lèvres.

« Sergent, affrétez moi un navire et qu’un équipage se tienne prêt à embarquer. Nous partons dans la demi-heure. »


Dernière édition par Tendo Hikari le Dim 13 Fév 2011 - 23:39, édité 2 fois
    Hikari venait de passer deux semaines sur un navire transporteur de la Marine. Elle avait voulu profiter de quelques jours de repos au QG de la Marine de South Blue mais il en fut autrement. La Commandante et son équipage étaient en route pour Tao Island, une petite île à quelques jours de voyage du QG. Ils étaient partis de nuit et de manière précipitée. Un Sergent de la base dénommé Zeis avait composé un équipage à la va-vite compte tenu de l’urgence. Hikari ne connaissait aucun de ses Marines personnellement mais elle avait foi en leurs capacités et en leur formation mettant en exergue les concepts de discipline. L’un des principaux avantages de la Marine par rapport à la majorité des pirates selon elle. La Commandante se prélassait sur le pont du navire, protégée du soleil de la mi-journée par un immense parapluie. Elle semblait absorbée par la lecture du dossier de mission qui datait d’une bonne semaine. Pour résumer, un conflit entre deux tribus de Tao Island était imminent. Ces tribus cohabitaient en harmonie depuis longtemps mais depuis peu une des tribus se montrait plus agressive et semblait prendre le dessus au niveau militaire. Les informations étaient somme toute relativement limitées mais la mission semblait prendre le chemin d’un arbitrage. Hikari espérait que les choses n’avaient pas évolué depuis une semaine et n’avaient pas escaladé jusqu’à la guerre. Elle fut interrompue dans ses réflexions par un appel de la vigie. Elle se dirigea vers la proue du navire, le regard fixé sur l’horizon et Tao Island.

    *Terre en vue… Il est temps de passer aux choses sérieuses.*

    Une heure plus tard, le navire de la Marine était au port ouest de l’île, enfin ce qui s’apparentait à un port. Tao Island ne figurait pas sur la majorité des cartes et de ce fait n’attirait que peu de visiteurs. Les habitants n’avaient pas besoin de faire de gros efforts pour les accueillir, d’où la relative simplicité des installations portuaires. En règle générale, l’île était l’hôte de commerçants et de voyageurs de passage. Peu de pirates s’aventuraient dans ce secteur à cause de sa relative proximité du QG de la Marine. A première vue, une petite île comme il en existait tant d’autres sur les Blues, dont le commerce était protégé par les navires de la Marines qui croisaient au large. Tao Island pouvait cependant se targuer de posséder un paysage atypique. Ile au caractère volcanique, un cratère trônait en son centre et rappelait aux habitants le danger qui les guettait. Cependant, la nature y était prospère et propice aux cultures diverses à cause de la richesse du sol. Une île qui devrait être bien plus développée qu’elle ne l’était à première vue. Après quelques minutes d’observation, Hikari ordonna à une dizaine de Marines de la suivre. Les autres resteraient pour protéger le navire. Le petit groupe mit pied à terre et se dirigea prestement vers un petit village non loin.

    Les craintes de la Commandante concernant l’escalade de la violence s’avérèrent fondées. Les Marines n’avaient croisé personne sur le trajet. Un Caporal, spécialiste en pistage, évalua même les plus récentes traces à plusieurs jours. Ils continuèrent leur route jusqu’au village, restant sur leur garde. Lorsqu’ils arrivèrent enfin, de la fumée grise et opaque s’échappait de plusieurs bâtiments, témoignant de la fin d’un incendie. Les Marines avancèrent prudemment jusqu’à la place centrale du village. Il n’y avait pas âme qui vive où alors les habitants étaient bien planqués et ne voulaient pas se montrer. De nombreux indices trahissaient non seulement une activité récente mais aussi une attaque féroce. Ne souhaitant pas voir les choses s’éterniser, Hikari prit les choses en main. Elle s’éclaircit la gorge, prit une grande inspiration et cria à haute et intelligible voix :


    « Je m’appelle Tendo Hikari ! Je suis une Commandante de la Marine ! Nous avons reçu votre appel à l’aide et sommes là pour vous aider ! Montrez-vous ! »

    Quelques minutes passèrent sans que personne ne se montre en dépit d’un nombre croissant de petits bruits émanant des alentours. Alors qu’Hikari commençait à perdre patience, un vieil homme chétif, flanqué de deux gardes du corps, émergea de la plus grande bâtisse. Il ne devait pas dépasser le mètre cinquante et paraissait facilement la centaine. Comme ses sbires, il portait un drôle d’accoutrement : Bermuda fluo, chemise ouverte bariolée, lunettes de soleil et tongs. Le vieux s’avança lentement, prenant appui sur une canne et s’arrêta à une distance respectable. Il resta muet quelques instants, comme si il confirmait ce qu’il avait entendu et prit finalement la parole sur un ton enjoué :

    "Aloha ! Je vous souhaite la bienvenue. Je m’appelle Mokori et je suis le Maire de ce village. Notre peuple s’appelle les Whalers et je suis ravi que vous ayez entendu nos appels à l’aide. Nous pensions que personne ne viendrait à notre secours ! Loué soit notre Dieu Bobmar Ley !"

    « Loin de moi l’idée de passer pour une pauvresse sans éducation mais venons en au fait vieil homme. Je ne suis pas une touriste, nous n’avons pas de temps à perdre. Expliquez-moi clairement ce qui se passe ici. » répondit Hikari d’un air impassible alors que les habitants sortaient peu à peu de leurs cachettes respectives, comprenant apparemment la situation. Le Maire Mokori approuva de la tête et enchaîna :

    « Vous avez raison. Cela va prendre un peu de temps. Venez chez moi, nous y serons plus à l’aise pour discuter. »

    Avant de suivre le Maire, Hikari ordonna à deux de ses hommes d’explorer le reste de l’île et notamment de trouver ceux qui ont fait ces dégâts. Elle ordonna finalement aux autres de se disperser dans le village et d’aider la population si le besoin s’en faisait sentir. La Commandante suivit le vieux Mokori dans sa maison. Elle n’en ressortit qu’à la nuit tombée avec une meilleure compréhension de ce qui se passait sur l’île. La Commandante erra dans le village, pensive. Les deux peuples de Tao Island avaient presque toujours cohabité en paix. Issus du même peuple à l’origine, il s’était produit une sorte de schisme une centaine d’années auparavant. Une partie souhaitait vivre en harmonie avec la nature et se concentrer sur le bonheur de ses membres. Ils se nommèrent les Whalers, s’installèrent au bord de la mer et prirent comme Dieu Bobmar Ley. L’autre partie voulait développer les infrastructures et se tourner vers une société plus moderne ayant le progrès technologique comme base. Ils se nommèrent les Guns & Roses, s’installèrent sur les pentes du volcan et vénérèrent Axl Roz. Les deux peuples avaient vécu en relative harmonie depuis ce schisme, ayant connus quelques périodes d’affrontements bénins, plutôt normaux entre voisins. Cependant depuis quelques temps, les G&Rs se montraient plus belliqueux et tout récemment étaient passé à l’offensive. Les diverses tentatives de diplomatie avaient toutes échouées et les Whalers étaient sur le point de capituler. Ces derniers n’avaient pas les moyens de riposter mais encore moins la mentalité et l’envie. Ce n’était pas dans leurs gènes. La situation n‘était pas des plus compliquées à la base mais quelque chose clochait. Elle espérait que ses hommes, envoyés en éclaireurs, pourraient lui fournir de plus amples informations. A l’heure du repas, alors qu’un silence pesant s’était installé sur la place centrale du village, les deux éclaireurs revinrent de mission et firent leur rapport à Hikari, en présence du Maire :

    « Commandante, nous avons repéré les agresseurs. Ils se trouvent à une bonne heure de marche et leurs positions s’étendent du versant de la montagne à la mer. De ce qu’on a pu voir, ils sont nombreux et semblent bien armés. Mais le plus inquiétant est qu’un navire arborant le pavillon des pirates mouille dans leur port. Nous n’avons pas poussé le repérage plus loin. »

    Hikari congédia les matelots et se tourna vers le Maire, perplexe. Elle prit le temps de la réflexion et resta immobile, les mains sur les hanches. Ce n’était visiblement plus une mission d’arbitrage. Si ces pirates avaient pris le contrôle du peuple des G&Rs, la négociation s’avérerait impossible. L’affrontement semblait inévitable. La Marine porta son regard sur le Maire Mokori, pensif lui aussi. Elle lui fit part de sa réflexion :

    « Mr le Maire, nous n’avons pas le choix. Nous vous viendrons en aide pour repousser les envahisseurs. Annoncez à vos concitoyens que l’heure est venue de prendre les armes et de défendre votre village. Si vous ne le faites pas, s’en sera fini de vos idéaux et de votre civilisation.»

    Alors qu’Hikari laissait le vieil homme ruminer ses paroles, un bruit d’explosion se fit entendre à l’extrémité est du village. Les G&Rs repassaient à l’action sous couvert de l’obscurité. La Commandante ordonna à ses hommes de se disperser au sein du village et aux Whalers de s’enfuir par l’ouest et de trouver un abri sûr. Vu qu’ils avaient au moins un canon, il était important de diviser ses troupes pour ne pas les voir anéanties après une seule salve. Après confirmation de la présence d’un seul canon, elle ordonna à deux de ses subordonnés d’aller s’en occuper. Au même moment, un groupe mêlant G&Rs et quelques pirates investit la place du village en hurlant. Hikari hurla quelques ordres, dégaina son sabre et fondit sur la vingtaine d’assaillants. La dizaine de Marines en firent de même de tous les côtés pour les encercler et ainsi couper leur retraite. La majorité des agresseurs était composée de civils et la Commandante estima que ses hommes n’avaient pas grand-chose à craindre d’eux. Deux G&Rs contre un Marine était une bonne cote. Les pertes seraient minimes. Les cinq pirates constituaient un plus grand défi mais rien d’insurmontable non plus. A première vue, c’était de la chair à canon. Hikari décida néanmoins de les engager personnellement, soutenue par deux Marines. Les premiers bruits, caractéristiques de lames qui s’entrechoquent, retentirent lorsqu’Hikari engagea deux pirates avec l’impassibilité qui la caractérise. Le premier se jeta sur elle le sabre en l’air, plein d’ouvertures, en bonne brute avinée qu’il était. Il n’eut pas le temps de porter un coup. La Commandante ajusta sa distance et se fendit gracieusement, lui portant un coup d’estoc en pleine poitrine et le stoppant nette dans sa charge. Le pirate s’écroula à ses pieds, le corps agité de spasmes. C’en était fini de lui. Le deuxième pirate ne fit pas la même erreur que son camarade. Il prit position à distance respectable, tenant Hikari en joug.

    *Intéressant. Je ne pensais pas croiser un pirate intelligent ce soir. Ni deux d’ailleurs.*

    La Commandante jeta un bref coup d’œil aux alentours et constata que l’escarmouche tournait largement en faveur des siens. Ici et la gisaient les corps inertes des G&Rs et la constriction continuait. Les ennemis se trouvèrent bientôt dos-à-dos en sous-nombre. Les Marines faisaient du bon boulot. Le petit moment d’inattention d’Hikari lui fut presque fatal. Son adversaire direct s’élança et lui porta un coup de taille au niveau de sa hanche gauche. Elle para sans difficulté et se prépara à contre-attaquer lorsqu’un sabre goûta la chair de sa cuisse droite. Surprise, à défaut de véritablement souffrir, la Marine pivota en lançant son sabre de manière circulaire devant elle, à hauteur de tête. Le coup manqua le pirate qu’elle venait de parer, qui esquiva en se baissant. L’arme continua sa course jusque dans son angle mort, d’où venait le coup qui lui entailla la jambe. Son sabre termina sa course funeste dans le buste d’un autre pirate qui s’écroula de suite. Une fois l’adrénaline redescendue d’un cran, Hikari ressentit une vive douleur à la jambe mais n’en laissa rien paraître. Il lui restait toujours un adversaire en face d’elle. Ils se jaugèrent quelques secondes qui lui parurent des heures et ce fut le pirate qui entama les hostilités avec violence. Il voulait visiblement en finir au plus vite. Il visait le côté droit de la Marine, affaibli par sa blessure. Hikari contint difficilement son assaut et gagna quelques zébrures. Elle attendit que son adversaire s’épuise pour contre attaquer. Lorsque la puissance et la fréquence des coups diminuèrent, la Commandante se déchaina. Elle fit pleuvoir les coups sur le pirate qui n’avait presque plus la force de lever son bras dominant. Après une bonne minute, Hikari asséna un violent coup de taille sur l’arme de son adversaire qui lui échappa des mains. Ce dernier s’agenouilla en signe de soumission. Le combat était terminé. La bataille aussi et elle avait été relativement sanglante. La quasi-totalité des ennemis étaient morts. Trois d’entre eux avaient été constitués prisonniers dont deux pirates. En ce qui concernait les Marines, ils étaient tous vivants mais blessés pour la plupart. Hikari ne faisait pas exception, elle arborait une entaille assez profonde à la cuisse. Elle poussa un cri de victoire auquel répondirent tous ses hommes. Les Whalers en liesse vinrent congratuler leurs sauveurs et se chargèrent des blessés. Ils enterrèrent aussi les morts. Les trois prisonniers furent conduits dans la maison du chef en vue d’un interrogatoire.

    La bataille était terminée depuis une bonne heure lorsque le reste des Marines, restés protéger le navire, rejoignirent leurs camarades blessés. Suivant les ordres de leur Commandante, ils s'affairèrent à l’amélioration des défenses du village. Hikari, quant à elle, boitait bas et rendit une petite visite aux trois prisonniers. Ils étaient prostrés au sol, pieds et poings liés. La Marine s’attarda d’abord sur le G&R. Il était tout de cuir noir vêtu et son corps meurtri était recouvert de tatouages. Il portait ses cheveux gras longs et semblait hostile à toute forme d’hygiène corporelle. Le parfait contraire au style des Whalers. Le G&R n’était pas un soldat donc Hikari n’eut pas besoin d’employer la méthode dure. Elle se contenta de l’interroger et il répondit du mieux qu’il pouvait. Il avoua ce qu’elle savait déjà. Elle ne s’attarda donc pas sur lui et il fut prestement libéré de ses liens. Il resta néanmoins sous bonne garde non loin. La Commandante entama l’interrogatoire des deux pirates d’une toute autre manière. Elle décocha un violent coup de poing au premier, manquant de lui décrocher la mâchoire. Elle lui posa ensuite une série de questions simples auxquelles même un débile mental aurait pu répondre. Le pirate se contenta de l’envoyer balader et de lui cracher du sang au visage. Hikari reprit son entreprise de destruction de plus belle, jusqu’à ce que son poing en soit endolori. Les témoins de la scène étaient plutôt choqués par cette violence et ne comprenaient pas pourquoi elle s’acharnait de la sorte. De toute évidence le témoin ne parlerait pas. Mais la Marine avait un autre but : Faire vaciller la détermination du second pirate, lui aussi témoin de la scène. Lorsqu’Hikari en eut fini avec le premier, qui gisait inconscient sur le sol, elle se tourna vers l’autre, le regard d’un prédateur avide et un sourire carnassier sur le visage. Alors qu’elle allait le frapper, il se mit à table et avoua les projets de son capitaine. Les pirates étaient sur Tao Island pour une bonne raison. La montagne hébergeait en son sein un énorme gisement aurifère que les G&Rs exploitaient grossièrement. Ils voulaient asservir la population de l’île et les faire travailler dans la mine. Ils se servaient des G&Rs pour affaiblir les deux peuples et ainsi pouvoir les contrôler plus facilement. Le prisonnier G&R qui assistait à l’interrogatoire devint blême avant de se laisser envahir par la colère. Il frappa le pirate deux fois avant qu’Hikari intervienne. Elle comprenait sa douleur mais ce n’était pas l’heure des petites vengeances personnelles. La Marine renvoya le G&R à son peuple après lui avoir expliqué son plan de façon sommaire. Il devait convaincre son chef de la nécessité de s’allier avec les Whalers pour repousser le véritable ennemi. Hikari demanda à ce que le prisonnier reste sous bonne garde dans une maison en périphérie ouest du village. Lorsque ceci fut fait, elle convoqua les membres les plus influents du village ainsi que quelques Marines. Elle leur expliqua sommairement le déroulement des opérations du lendemain.


    *La journée de demain sera d’une importance capitale dans l’histoire de Tao Island.*
      Le soleil se levait à peine sur Tao Island qu’Hikari était déjà levée depuis un bon bout de temps. La nuit avait été des plus éprouvantes. Aujourd’hui se jouait le destin de deux peuples et la Commandante avait plus ou moins toutes les cartes en main. Ses décisions affecteraient la vie d’une centaine d’innocents. Un énorme poids pesait sur ses si frêles épaules. Hikari était une personne sensible en dépit de son apparente impassibilité. Introvertie, elle ne montrait jamais ses vraies émotions et il n’était pas question qu’elle montre de la peur ou de l’angoisse, ni cède à la pression. Ce n’était vraiment pas le moment. Les principaux acteurs du conflit se rassemblèrent chez le Maire. La Marine voulait leur exposer son plan en détail. Ils le relaieraient à leur tour au gros des troupes. Etaient présents six membres influents des Whalers qui mèneraient chacun une demi-douzaine d’hommes et de femmes au combat et deux Caporaux qui se chargeraient d’une dizaine de Marines. Hikari les salua brièvement sur un ton ferme qui ne montrait aucune hésitation. Elle déroula ensuite un grand morceau de papier sur une grande table et invita tout le monde à se rapprocher.

      Plan de bataille

      La Commandante laissa l’assemblée se familiariser quelques minutes avec le schéma. Elle n’était pas très douée pour le dessin et resta relativement simple pour que tout le monde comprenne son affectation. Lorsque leur regard se tournèrent dans sa direction pour avoir des explications, Hikari se racla la gorge pour éclaircir sa voix et prit la parole :

      « Messieurs, comme vous pouvez le constater, j’ai décidé que nous livrerions bataille en dehors du village. Du moins dans un premier temps. Deux raisons à cela. Premièrement, ils bénéficieront sûrement de canons. En dispersant nos forces sur la plaine à l’est du village nous les empêcheront d’avoir des cibles faciles et aussi de pilonner nos positions à longue distance. Ils nous enverront plusieurs salves qui feront probablement des dégâts dans nos rangs. Ils enverront ensuite une première vague constituée de G&Rs pour nous fixer loin de leur artillerie. Une deuxième vague constituée de pirates suivra pour finir le travail. C’est le scénario le plus plausible. »

      Hikari fit une petite pause, laissant l’assemblée s’imaginer le déroulement de la bataille. Elle prit un verre d’eau et le vida d’une traite. Elle reprit de plus belle :

      « La deuxième raison pour laquelle je souhaite livrer bataille à l’extérieur du village est l’annulation de l’avantage que leur procure leur artillerie. Compte tenu du nivèlement du terrain et de l’endroit où nous serons positionnés, ils seront obligés de placer leurs canons en hauteur sur une petite colline. Ils seront à leur portée maximum. Comme je l’ai brièvement expliqué hier au prisonnier G&R, lorsque les pirates enverront les G&Rs pour créer une ligne de front, ces derniers au lieu de se battre, se joindront aux Whalers. Enfin je l’espère, s’ils ne sont pas stupides. A ce moment, les pirates pilonneront nos troupes avec leur artillerie et enverront leurs troupes « d’élites » dans la foulée, soit une cinquantaine de pirates aguerris. Si on livre bataille en terrain découvert cela fera quasiment du un et demi contre un en notre faveur, en tenant compte des pertes initiales dues à leurs premières salves de canons. De plus ça nous exposera à de nouvelles salves. C’est bien trop risqué. »

      Hikari fit une nouvelle pause, laissant là encore à l’assemblée le temps d’assimiler ce qu’elle venait de dire. Elle reprit :

      « Dès que les G&Rs passeront de notre côté et que les pirates chargeront, nos troupes se replieront jusqu’à la place centrale du village. On évitera ainsi d’être pilonnés et on les forcera à livrer bataille dans un espace plus confiné. Ils mettront énormément de temps à avancer leur artillerie, s’ils l’avancent, étant donnée le fort nivèlement du terrain. La moitié des Marines, soit une dizaine d’hommes, seront postés en embuscade sur les toits et accueilleront les pirates avec la courtoisie qu’ils méritent, à coup d’armes à feu. L’autre moitié de mes hommes se dissimulera à l’intérieur même des habitations et se mêlera au combat si la situation tourne mal ou pour en terminer avec la vermine. Dans le cas où les pirates avanceraient leur artillerie, ces Marines seront chargés de les attaquer. Tout le monde a bien compris le plan ? Si vous avez des questions c’est le moment. »

      Un silence pesant s’installa alors que l’assemblée jetait un dernier coup d’œil au plan. Hikari demanda aux deux Caporaux d’inspecter le matériel et de transmettre le plan à leurs subordonnés respectifs. Les chefs des Whalers approuvèrent le plan et enthousiastes, foncèrent l’expliquer à leurs camarades en de plus simples termes. Le briefing avait duré un certain temps et la gorge d’Hikari avait bien trinqué. Ce n’était vraiment pas son genre d’être vocale mais les conditions étaient telles qu’elle n’avait le choix. Son entrée dans la Marine avait été une bonne chose en fin de compte. En douze ans elle s’était littéralement métamorphosée. Elle était passée d’une petite adolescente chétive et asociale à un sous-officier bien entrainé que tout le monde écoute. En parlant d’entrainement, sa cuisse ne la faisait plus souffrir. La Commandante ne ressentait plus aucune douleur de l’escarmouche de la veille. Tout ce qui restait était une longue estafilade et une petite gêne musculaire. Elle passa donc le reste de la matinée à s’exercer physiquement afin d’être en condition maximale pour l’affrontement final. Vers la mi-journée, à l’heure du déjeuner, un Marine déboula en trombe dans le village. Il fit directement son rapport à Hikari et retourna à son poste. L’armée ennemie était en marche et les rapports initiaux s’avéraient corrects. Une quarantaine de G&Rs, une cinquantaine de pirates et quatre canons lourds, tels étaient leurs effectifs. Compte tenu de la lenteur de l’artillerie ils seraient là d’ici deux bonnes heures. Le village était sur le pied de guerre. Le déjeuner terminé, les troupes s’attelèrent à prendre position. Les Whalers se postèrent à l’endroit prévu sur la grande plaine à l’est du village. Séparés en petits bataillons, ils étaient étrangement sereins pour un peuple si proche de la destruction. Cela venait sans doute de leurs croyances et de leur mode de vie plutôt relax. Une aubaine pour Hikari, la panique étant ce qu’elle redoutait le plus. Elle espérait que cela dure. Une moitié était armée d’arme de poing de qualité hétérogène, allant des fourches à de simples couteaux de cuisine. Le reste était équipé de sabres. La vingtaine de Marines effectuèrent les derniers préparatifs au village. Notamment la création d’une sorte de goulot d’étranglement censé canaliser le flux de pirates vers la place centrale. Ils prirent ensuite leurs positions respectives sur les toits et à l’intérieur des habitations. Hikari, quant à elle, se trouvait avec les Whalers en première ligne. Trente minutes avant la bataille, toutes les troupes étaient en position. Il ne restait plus qu’à attendre.

      L’attente fut de courte durée même si elle leur parut des heures. Bientôt les premières troupes ennemies apparurent en haut de la petite colline. Les G&Rs étaient en première ligne et se placèrent à environ deux cents mètres en face des forces Whalers. Une seconde ligne formée de pirates apparut peu après et se positionna un peu en retrait des G&Rs. Ce furent finalement l’artillerie qui fit son apparition en dernier. Les quatre canons lourds, tirés par trois pirates chacun, se positionnèrent en haut de la petite colline, prêts à déchainer leur colère. Le chef des pirates se montra finalement, accompagné d’un porte-drapeau. Il se plaça au milieu de l’artillerie, sans doute pour observer la bataille. Tout ce petit monde était en place, la bataille pour Tao Island pouvait débuter. Les canons lourds ouvrirent le bal. Ils manquèrent assez largement leur cible et rechargèrent. Les pirates ajustèrent leur mire et tirèrent une seconde fois. Hikari garda précieusement ce temps de rechargement à l’esprit. Les projectiles éclatèrent juste devant les Whalers faisant de premiers dégâts certes mineurs. La Commandante hurla quelques banalités pour les rassurer et les troupes ne bronchèrent pas. Les G&Rs entrèrent en scène en rangs serrés. A mi-distance, sous le couvert de l’artillerie, ils chargèrent arme à la main. Les canons faisaient à présent de gros dégâts. Un bataillon venait d’être pulvérisé, éparpillé en une multitude de morceaux qui retombèrent sur leurs compagnons. Les Whalers ne pouvaient plus se permettre d’encaisser beaucoup d’attaques de ce genre. Ils tinrent cependant leurs positions avec aplomb en dépit de l’atrocité dont ils avaient été témoins. La première ligne ennemie arriva au contact. Ici se jouait la première partie importante du plan. Contrairement à la volonté des pirates, les G&Rs s’arrêtèrent à quelques mètres des Whalers. Leurs chefs respectifs échangèrent quelques mots ainsi qu’avec Hikari. Peu après, les nouveaux venus de noir vêtus se fondirent au cœur de la ligne de front alliée. Un bloc uni d’environ quatre-vingt individus faisait à présent face à l’envahisseur. Les pirates se mirent en ordre de marche et chargèrent immédiatement de manière désordonnée. Les canons retentirent de plus belle. A l’impact, Hikari hurla la retraite et tous se replièrent avec hâte au village, poursuivis par une cinquantaine de pirates enragés. La deuxième partie du plan pouvait se mettre en place.


      « Pénétrez dans le village qu’à trois ou quatre de front ! Trois ou quatre ! » hurla la Commandante pour coordonner leur pseudo-fuite.

      Les pirates gagnaient du terrain mais pas suffisamment pour prendre les alliés à revers. Le dernier bataillon eut tout juste le temps de gagner la place centrale que les premiers pirates firent leur apparition. Ils arrivèrent en masse comme Hikari l’avait prévu. Le chef ennemi n’avait pas pris la peine d’élaborer un plan précis. Pourquoi l’aurait-il fait d’ailleurs ? Si l’affrontement avait eu lieu en terrain dégagé, ses forces auraient sûrement écrasées les indigènes. Il n’avait pas imaginé d’autres scénarii et sa suffisance allait peut être lui couter la victoire. La masse de pirates fut prise dans le goulot d’étranglement naturel que constituait l’étroit passage menant à la place du village. Ils chargèrent à trois de front, les pirates à l’arrière étaient incapables de faire quoi que ce soit. Lorsque le front fut créé, la Commandante leva son sabre bien haut. Une petite trompette se fit entendre. Hikari venait d’ordonner aux Marines sur les toits d’ouvrir le feu. Ces derniers s’exécutèrent et visèrent la masse compacte de pirates. A cause de leur extrême densité, chaque tir atteignait une cible. Les pirates progressaient avec difficulté et l’étroite ruelle se transformait petit à petit en véritable charnier. Le plan marchait très bien, trop bien. Rendus encore plus berserks avec ce mélange d’adrénaline et de peur, les pirates réussirent finalement à percer le barrage qui se brisa sous la pression de la masse. La Commandante hurla à nouveau, en levant à nouveau son sabre :


      « Regroupez-vous ! Formez un arc de cercle ! Il faut les empêcher de nous flanquer ! »

      A peine l’ordre donné, une trompette retentit de nouveau. Les Marines en poste sur les toits descendirent des toits et se mêlèrent à ce qui ressemblait maintenant à une mêlée générale. Pourtant en sous-nombre, les pirates étaient bien plus doués et la bataille s’équilibrait au fil des minutes. Chaque pirate qui tombait emmenait deux voire trois alliés avec lui. Au milieu de la place, Hikari se battait avec ardeur. Elle parait et esquivait la plupart des attaques et profitait des moindres ouvertures laissées par ses adversaires pour leur porter des coups fatals. Elle arborait quand même de multiples blessures, certes bénignes. La Marine devait cependant garder un œil sur le déroulement de la bataille et donc éviter de se perdre dans des combats isolés. Autour d’elle, c’était toujours le statu quo. Les civils se battaient comme des acharnés et elle pouvait lire une grande détermination dans leur regard. Les minutes défilèrent sans qu’un camp prenne l’avantage. C’est à ce moment qu’apparurent les renforts ennemis. Des cris d’alerte se firent entendre au sud de la place. Un groupe de pirates, probablement les artilleurs, prenait les alliés à revers. La douzaine d’ennemis poussèrent des hurlements et chargèrent. Comme un malheur n’arrive jamais seul, le chef des pirates en personne menait une attaque par le nord, flanqué de quelques hommes. Les ennemis abattaient toutes leurs cartes. Hikari profita d’une accalmie autour d’elle pour réorganiser ses troupes. Elle hurla ses ordres :

      « Caporal ! Vous et vos hommes allez contenir l’attaque du sud ! Cinq civils avec moi, on se charge du nord ! Vous devez résister ! Pensez à votre famille, vos enfants !»

      HRP : Point sur le déroulement de la bataille

      Le Caporal relaya les ordres et les Marines restants foncèrent au sud de la place. De ce que la Commandante avait pu voir, ses hommes devraient être en mesure de contenir cette attaque. Elle prit ensuite la tête d’un petit groupe de civils et se dirigea au nord. Elle pria pour que le gros des civils tienne bon face au gros des pirates. Le groupe d’Hikari se fraya un chemin jusqu’à l’extrémité nord de la place avec grande peine. La fatigue réclamait son dû. Ses membres se faisaient de plus en plus lourds, surtout sa jambe blessée la veille. Il lui en restait quand même sous le pied mais sa marge de manœuvre était réduite. D’autant plus que le capitaine des pirates n’avait pas l’air de Joe le rigolo. Grand barbu dépassant le double mètre, il perforait les rangs des alliés comme un couteau chaud dans du beurre. Il semblait posséder une force herculéenne et maniait un grand sabre avec une impressionnante facilité. Il faisait énormément de dégâts. Voyant cela, Hikari n’écouta que son courage et son instinct. Elle dévia une attaque qui visait sa nuque du tranchant de sa lame pour repousser son adversaire, prit appui sur sa jambe gauche valide et s’élança vers le capitaine. Elle cria pour attirer l’attention de ce dernier et le chargea de front. Son sabre fendit l’air à grande vitesse mais le pirate para ce coup prévisible avec aisance en mettant son arme en opposition. Le but de la Marine était avant tout de reporter son attention sur elle afin d’éviter d’autres morts inutiles. Le capitaine s’esclaffa et repoussa Hikari avec une force ridicule. Elle fut violemment projetée en arrière et se releva difficilement, le bras engourdi par le choc. Elle se faisait l’impression d’un fétu de paille face à une tornade. Le capitaine toisa le sous-officier et prit la parole sur un ton moqueur :

      « La Marine n’est plus ce qu’elle était pour avoir envoyé une femme si fragile à ma rencontre ! Ta tentative pour sauver ces sauvages est pitoyable ma mignonne. Nous sommes les Bone Breakers et je suis le capitaine Flam. Nous avons écumés trop de mers pour être battus par un ramassis de bouseux ! Muhahahaha ! Nous vous écraserons comme de vulgaires insectes. Par contre ça serait bien dommage de tuer une femme comme toi. Nous te garderons comme distraction dans notre équipage. Nous épargnerons quelques femmes et fillettes aussi. Muhahahaha ! »

      *Une vraie caricature de méchant. Remarque, les pirates sont bien tous les mêmes. Que ce soit sur South Blue ou bien sur Grand Line, ce sont toujours des crétins. Ou alors le problème vient de moi ? J’attire peut être les pires raclures du monde. C’est une réflexion à creuser…* pensa-t-elle en se remémorant ses innombrables rencontres précédentes alors que le pirate s’éternisait dans son monologue.

      Hikari ne prit pas la peine de lui répondre et garda la tête froide. A première vue elle avait l’avantage de la vitesse face au géant. Elle en profiterait pour contre attaquer. La Commandante réduisit la distance, en position défensive et attendit que son adversaire face le premier pas. Ce qu’il fit, certain de sa supériorité. Le capitaine Flam sortit son pistolet laser leva son sabre et l’abattit verticalement de toutes ses forces. La Marine voulut opposer son tranchant au sien mais se ravisa au dernier moment. Elle roula sur le côté pour esquiver le coup. Ce dernier frappa le sol en pierre avec violence et s’enfonça même dedans. Hikari resta ébahi devant ce spectacle, qui n’était terminé pour autant. Le pirate changea rapidement de prise et enchaina. Sa lame s’extirpa de la route pavée avec facilité et fonça dans un mouvement circulaire horizontal vers la Marine, toujours accroupie. Cette dernière mit le plat de son sabre en opposition pour la forme mais se préparait en fait à accompagner le coup. Lorsque les deux armes s’entrechoquèrent, Hikari refusa la confrontation et bondit en arrière comme une feuille morte. Il aurait mieux fallu qu’elle esquive totalement car son adversaire ne se laissa pas emporté par sa force, freiné dans son élan par la parade. Il garda ainsi l’initiative. Le capitaine se rua sur la Commandante avec plus de fureur encore. Il amorça un autre coup vertical dévastateur. Cette fois-ci le sous-officier ne recula pas, au contraire. Elle se sortit de l’axe, prit appui sur sa jambe droite blessée et s’élança le sabre en avant sur le pirate. Alors que l’arme allait atteindre sa poitrine, Flam interrompit son geste et lui donna un coup de genou dans la hanche. Hikari fut projetée en arrière à l’impact. Elle tenta de se relever de suite mais une intense douleur la cloua au sol. Plusieurs de ses côtes étaient fêlées. Heureusement que le géant n'y avait pas mis toute sa force. Le pirate quant à lui arborait une vilaine entaille à son bras dominant. Résultat de la projection de son adversaire et de sa tentative désespérée de lui porter un coup. Le combat était plutôt équilibré jusque la en dépit de la différence de force immense entre les deux. Même si la Marine ne pouvait pas se permettre de lâcher son adversaire des yeux, elle sentait que la bataille prenait une tournure inquiétante. Le moment d’abattre toutes ses cartes était imminent.
        La bataille pour Tao Island faisait rage sur la place centrale du village. A l’est, Les Whalers et les G&Rs unifiés étaient en mauvaise posture. Inférieurs en armement et en expérience malgré leur surnombre originel, ils perdaient de plus en plus de terrain face aux pirates déchainés. Ils seraient bientôt débordés puis anéantis à ce rythme. Au sud, les Marines avaient contenu l’attaque surprise. Les pirates artilleurs avaient judicieusement abandonné leurs canons pour prendre les alliés à revers. Le combat était plutôt équilibré et penchait de plus en plus vers les hommes d’Hikari. Finalement concernant le Nord, la situation était tendue. L’issue du combat des chefs commençait à peine et jouerait sûrement un grand rôle dans l’issue de la bataille. La Commandante ne pouvait pas se permettre de perdre sous peine de miner le moral de ses troupes. Ces dernières étaient déjà à bout de forces. Mais il lui restait encore une carte à jouer et pas n’importe laquelle. Une dizaine de Marines étaient encore embusqués à l’intérieur des habitations et n’attendaient qu’un ordre pour se mêler au combat.

        Hikari se releva difficilement, la main gauche sur sa cage thoracique, profitant de l’inactivité de son adversaire blessé lui aussi dans la passe d’arme. Formée en anatomie, elle estima rapidement l’ampleur des dégâts : Cinq côtes fêlées sur le coté gauche. Cela la ralentirait de manière considérable mais ce n’était pas encore la catastrophe. Par contre un autre coup au même endroit provoquerait des dégâts bien plus importants et signifierait sûrement la perte du duel et sa mort. Le capitaine Flam, quant à lui, évalua son entaille au bras en effectuant plusieurs mouvements de sabre. Il ne paraissait pas souffrir plus que ça. Arborant un sourire carnassier, il s’avança vers Hikari pour continuer leur combat. Cette dernière lui fit fasse avec aplomb, essayant tant bien que mal de contrôler sa respiration. Les deux adversaires restèrent figés un bon moment, réfléchissant probablement à leurs prochains coups. Encore une fois, ce fut le pirate qui prit l’initiative. Le géant donna un coup de pied dans un morceau de route de la taille d’un poing, préalablement détruite par ses soins, qui fonça vers la poitrine de la Marine. Prise au dépourvu et handicapée par sa blessure, cette dernière ne put esquiver. Elle bloqua le rocher avec le plat de son sabre et le projectile se brisa en plusieurs morceaux à l’impact. Instinctivement, elle se protégea les yeux de sa main libre. Le capitaine Flam en profita pour rompre la distance qui les séparait. Il porta un coup de taille en diagonal visant l’épaule gauche d’Hikari. La sous-officier ne vit le coup qu’au dernier moment et eut tout juste le temps de retirer son buste. Le sabre de son adversaire frôla son opulente poitrine mais l’entailla au niveau de la cuisse droite en fin de mouvement. Sa blessure de la veille se rouvrit et son pantalon immaculé prit rapidement une teinte rougeâtre. Imbus de sa personne, le pirate ne poussa pas son avantage plus loin. Il prit la parole :


        « Ca fait mal, beauté ? Ca me peine vraiment de devoir blesser ce corps splendide tu sais. Je ne veux pas casser mon nouveau jouet. Tu n’as aucune chance de gagner contre moi. Et mes hommes sont en train d’anéantir les tiens. C’est terminé. Rends-toi et j’épargnerai ta vie. »

        « Hahaha… Je préfère encore mourir que de finir esclave sur ton navire, souillée par ton équipage. Vous n’êtes vraiment pas mon genre ! Je préfère mourir au combat avec honneur, en femme libre ! Jamais je ne retournerai à une vie de soumission. Jamais ! Tu me dégoutes et rien ne me fera plus plaisir que de t’étriper de mes mains. Prépare-toi à… »

        Hikari ne termina pas sa phrase. Elle venait de faire la même erreur que le pirate précédemment. Toujours être sur ses gardes et ne pas laisser ses émotions prendre le dessus… Elle ressentit une douleur aigue dans le dos. Elle se retourna, choquée et aperçut la lame ensanglantée d’un pirate qui prenait la direction de son cou. Tout devint blanc autour de la Marine. Comme mut par un instinct de survie hors du commun, son corps bougea tout seul. Elle esquiva le coup en baissant la tête et sans même regarder son adversaire, tendit son bras armé vers lui. Du sang ruissela le long de son sabre et s’écoula de la garde. Lorsqu’Hikari reprit conscience, le pirate était embroché sur sa lame, inerte. Elle venait de lui transpercer le cœur. Elle se releva lentement, extirpa son sabre du cadavre et refit face au capitaine Flam. Il arborait toujours une attitude méprisante mais semblait surprit que la Marine soit toujours debout. Profitant de ce moment de répit, cette dernière jeta un coup d’œil sur le toit de la maison du Maire et siffla plusieurs fois. Une trompette retentit peu après et la dernière phase du plan se mit en marche. Une dizaine de Marines émergèrent des habitations entourant la place du village et se jetèrent dans la mêlée en hurlant à pleins poumons. Ils prirent à revers la vingtaine de pirates restants. Hikari reporta son attention sur le capitaine, apparemment mécontent de ce qu’il venait de se passer. Il hurla de rage et chargea la Commandante. Il doubla la prise sur son sabre et prépara une énorme attaque. La Marine ne pouvait encaisser un tel coup mais n’avait pas beaucoup de choix. Elle était à bout de forces et pouvait tomber dans l’inconscience d’une seconde à l’autre. Se vue se troublait peu à peu et ses multiples blessures l’empêchaient de se mouvoir. Elle mit bravement son sabre en opposition et reçut le coup de son adversaire de plein fouet. Elle résista quelques dixièmes de secondes mais sa garde fut balayée et son arme vola au loin. Elle mit un genou à terre, haletante. Hikari était finalement à la merci du capitaine Flam. Elle jeta un dernier coup d’œil autour d’elle et les combats faisaient toujours rage. Ces derniers avaient l’air de s’équilibrer, voire même de pencher en faveur des alliés. La Marine était en train de perdre une bataille mais de gagner la guerre. Un moindre mal…

        Blessée et épuisée, Hikari ne se résignait pourtant pas à mourir de la sorte. Elle n’avait pas tout tenté mais avait du mal à garder l’esprit clair. Désarmée, il ne lui restait plus qu’à utiliser son propre corps. Et justement elle était relativement douée au corps à corps grâce à l’Aïkido et sa spécialité était même de retourner la force d’un adversaire contre lui. Mais sa condition actuelle était critique et tenir debout lui demandait déjà pas mal d’efforts. Alors imaginez avec des côtes fêlée et de méchantes entailles à la jambe et au dos. Sa petite introspection aurait sincèrement du lui couter la vie. Rester à la merci d’un ennemi n’était pas la meilleure chose à faire. Cependant lorsqu’elle leva les yeux sur le pirate, elle put constater que lui aussi n’était pas au meilleur de sa forme. La blessure à son bras dominant, ajoutée à de violents mouvements avec un sabre énorme, avait crampé ses muscles. Son bras droit ne lui répondait plus. Une aubaine pour le sous-officier. Elle voyait finalement de la lumière au fond du tunnel. Le capitaine n’était pas fini pour autant, loin de la. Il prit son sabre du bras gauche et s’approcha d’Hikari. Il fit quelques moulinets pour s’habituer à la situation et s’élança brusquement. Sa technique et sa vitesse d’exécution étaient bien moindre comparées à l'autre bras. L’ambidextrie était une chose qui s’acquérait à force d’entrainement. La Commandante resta stoïque devant l’attaque amoindrie et ne bougea qu’au dernier moment. Elle fit un demi-pas sur sa droite pour esquiver le coup de taille qui visait son épaule droite. Elle laissa le pirate continuer dans son élan et avant qu’il n’arrête son geste, elle saisit son avant-bras des deux mains. Elle se servit du bras du pirate comme d’un balancier pour l’accompagner dans son mouvement. La forte torsion exercée sur son poignet lui fit lâcher son arme alors qu’il était projeté à terre un peu plus loin. Sa contre-attaque réclamait son dû : Ses blessures s’étaient aggravées. Plusieurs de ses côtes étaient maintenant cassées et ses entailles plus profondes. Son souffle était irrégulier et beaucoup de sang s’écoulait de ses plaies. Il fallait en finir rapidement et c’est ce qu’elle s'attacha à faire. Hikari serra les dents et prit sur elle. Elle avait dépassé ses limites physiques depuis bien longtemps et seule sa volonté lui permettait encore d’avancer. Elle ne laissa pas de répit au capitaine Flam. Alors qu’il se relevait, le bras droit mort et le poignet gauche déboité, la Commandante prit l’initiative pour la première fois du combat. Elle prit appui sur sa jambe valide et asséna un violent coup de talon sur la tempe du pirate. Alors que la Marine s’écroulait au sol, emportée par son élan, les yeux du géant se révulsèrent et il tomba à la renverse comme le ferait un arbre qu’on abat. Hikari rampa jusqu’à lui et vérifia son pouls. Flam était inconscient et le combat terminé. A genoux devant le corps massif du pirate, elle poussa un cri puissant, presque bestial qui résonna dans la place du village. Les combats autour d’elle cessèrent peu à peu. L’assemblée était sous le choc. Sans leur chef, les pirates déposèrent un à un leurs armes. Les alliés levèrent les bras au ciel et crièrent victoire. La bataille était terminée. La Marine se releva, les jambes flageolantes, et observa la scène, distante. L'affrontement avait été sanglant et des dizaines de corps mutilés gisaient un peu partout. Bien qu’elle se réjouisse intérieurement de la libération de ces gens, elle n’oubliait pas qu’ils n’en seraient pas là sans la venue de ces maudits pirates. Les Marines restants accoururent pour s’occuper d’elle, l’un d’eux lui proposa même son épaule. Trop fière pour accepter, elle refusa mais accepta cependant qu’un Marine lui fasse les premiers soins. Après tout elle pissait le sang depuis pas mal de temps ! Les alliés se rassemblèrent aussi autour d’elle et attendaient visiblement qu’elle s’exprime. Épuisée physiquement et mentalement, elle s’exécuta sommairement:


        « Ceci est votre victoire ! Que ce jour reste à jamais gravé dans votre mémoire comme le jour de votre unification et du renouveau ! Mais qu’il soit aussi le jour du sacrifice en hommage à tous les vôtres qui ont donné leur vie pour votre futur. »

        Dans l'euphorie générale, Hikari brailla quelques ordres aux Marines, notamment de s’occuper des prisonniers. Ils devaient être attachés et gardés pour être conduits au QG le lendemain. Elle leur demanda aussi de soigner les blessés et d’aider les habitants à remettre de l’ordre. La Commandante traina ensuite sa carcasse vers la maison du Maire, où elle avait prit ses quartiers la veille. Elle s’effondra littéralement sur son lit et s’endormit dans la seconde. La journée avait été rude.
          Hikari émergea d’un sommeil réparateur en début de soirée, après six heures de repos. En se levant, elle ressentit une intense douleur aux côtes et faillit rester clouée au lit. Ses autres blessures ne la faisaient pas souffrir, les premiers soins s’étaient révélés efficaces. Affamée et assoiffé, la Commandante gagna la cuisine. Elle se désaltéra et entendit un brouhaha terrible qui venait de dehors. Elle boita, se posa dans l’encadrement de la porte et observa la scène. Le fête battait son plein. Whalers et G&Rs chantaient et dansaient ensemble sur une musique traditionnelle, accompagnés de quelques Marines d’humeur badine. C’étaient pour des moments tels que celui-ci qu’elle se battait. Elle en aurait même pleuré si le Maire du village, le dénommé Mokori ne l’avait pas aperçu. Le sous-officier se forgea un facies de circonstance alors que le vieil homme approchait, un grand sourire sur le visage. Il engagea la conversation sur un ton enthousiaste:

          « Commandante Tendo, je suis ravi de voir que vous allez mieux ! Milles mercis pour ce que vous avez fait pour mon peuple et pour toute notre île. Nous vous devons beaucoup. Je ne pensais pas voir le jour de l’unification de mon vivant. Un vieux rêve s’est réalisé. Enfin bon assez de sentimentalisme ! Vous vous joignez à nous ? »

          « Nous n’avons fait que notre devoir, Mr le Maire. Ni plus, ni moins. Vous n’avez pas à nous remercier et c’est plutôt à nous, la Marine, de nous excuser. Notre lenteur à répondre à vos appels a conduit à ce conflit. Je suis persuadée que bien des morts auraient été épargnées si nous étions arrivés plus tôt. Pour ce qui est de la fête, j’ai le regret… » fit-elle avant d’être interrompue par une horde d’habitants qui la tirèrent vers les festivités.

          Hikari résista un moment prétextant les blessures mais céda finalement sous les arguments de son estomac. Un attroupement se forma autour d’elle. Tout le monde voulait apercevoir, toucher et parler avec l’héroïne de Tao Island. La Marine fut bien vite dépassée par les évènements et n’était pas préparée à ce genre de problèmes, dignes d’une rock star ! Heureusement ses subordonnés intervinrent et l’escortèrent jusqu’au banquet. Hikari s’installa sans le vouloir à la table des chefs, qui la saluèrent à l’unisson. Gênée, elle se servit de la nourriture et entama le repas en faisant fi de l’étiquette. En résumé elle se jeta sur la bouffe. Qui lui en aurait voulu ? Elle était devenue une icône et surtout ce n’était pas son genre de faire des ronds de jambes. Après s’être rassasiée, la Commandante se mêla peu à peu à la discussion. Contrairement au peuple qui ne faisait finalement que picoler, les chefs de famille de l’île parlaient politique. Ils parlaient de réunification, de gouvernement provisoire mais surtout de sécurité et de l’avenir à long terme. La relative proximité de l’île du QG de la Marine aurait dû les protéger de ce genre d’attaques. Mais apparemment l’attrait d’une mine d’or était bien trop grand. Hikari s’engagea alors publiquement :


          « Je m’engage au nom de la Marine à protéger votre île par tous les moyens dont dispose le QG de South Blue. De plus, je vais tâcher de convaincre les autorités de la nécessité d’installer une garnison afin de sécuriser les échanges maritimes dans le secteur. De même, je m’engage à vous apporter une aide logistique et financière pour la reconstruction de ce village, ainsi que de l’amélioration de vos infrastructures. A ce titre, vous pouvez garder le navire des pirates et tout ce qu’il contient. C’est le moins que je puisse faire. »

          Une grande clameur s’éleva et un tonnerre de remerciements s’abattit sur la commandante. Les festivités reprirent de plus belle et gagna même la table des chefs. Après une bonne heure, la quasi-totalité des personnes présentes étaient proches du coma éthylique. La fête approchait de son terme. Ce fut le moment choisi par les deux maires de leurs villages respectifs pour prononcer un hommage. Ils levèrent leur chopine et tous les imitèrent. Ils s’exclamèrent alors à tour de rôle :

          « Rendons hommage à nos frères et sœurs qui sont morts aujourd’hui, tombés pour permettre à notre peuple d’avoir un avenir meilleur. Gloire à eux, Kampai ! Remercions la Marine et particulièrement la commandante Tendo de nous avoir montré la voie et permis de remporter cette bataille. Kampai ! Nous vous en serons éternellement reconnaissants et nous vous nommons citoyenne honoraire de l’île ! Vous êtes ici chez vous ! Kampai ! Kampai ! Kampai ! Beuuuuuurrrr… »

          Les festivités reprirent de plus belle alors que le Maire Mokori rendait son diner devant une assistance hilare. Elles se poursuivirent toute la nuit. Si il y avait un moment pour faire la fête c’était bien celui-ci ! Hikari en profita même pour se détendre et profita de la soirée à sa manière, sans excès. Une sorte d’hommage aux Marines qui étaient morts en accomplissant leur devoir. Ils étaient au nombre de sept, soit un tiers de ses hommes, témoignant de l’âpreté de la bataille. Ils seraient rapatriés aux aurores au QG afin d’être rendus à leurs familles. La commandante s’endormit satisfaite avec un léger gout d’amertume dans la bouche cette nuit la. Perdre des hommes au combat était chose courante pour un officier mais même si elle ne le montrerait pas, elle en serait affectée plusieurs jours. Elle porterait leur deuil en silence.

          Les Marines firent leurs adieux à Tao Island au petit matin sous les hourras d’une foule marquée par les incidents de la veille. Aussi bien par la bataille que la fête d’ailleurs. Les hommes d’Hikari n’étaient pas en reste. Sur les treize restants, dix étaient blessés dont cinq sérieusement. Les Marines épargnés furent chargé de monter la garde devant la cellule des prisonniers. Les autres manœuvrèrent le navire et se reposèrent à tour de rôle. La commandante, contrairement à ses habitudes, mit la main à la pâte en dépit de ses blessures relativement sérieuses. Elle aurait sans doute besoin d’une semaine de repos au bas mot. Après deux jours anodins, le navire arriva finalement au QG et fut accueilli par une horde de Marines. Hikari enfila son uniforme et ordonna que l’on prenne soin des blessés en priorité puis que les prisonniers soient emprisonnés. Lorsque toute cette agitation s’estompa, un homme de grande stature, lieutenant au vue de ses galons et flanqué du Sergent Zeis s’approcha de la commandante. Ils se saluèrent avant qu’il ne prenne la parole sur un ton neutre :


          « Commandante Tendo, je me présente. Lieutenant Tanaka Hidetoshi, commandant de cette base. Le Sergent Zeis m’a déjà parlé de ce que vous avez fais en mon absence. Veuillez me suivre dans mon bureau pour me faire votre rapport. »

          Hikari acquiesça alors que le Sergent s’inclinait devant elle, admiratif. La Marine leur emboita le pas, prête à expliquer ses actes si nécessaire. Elle savait qu’elle avait empiété sur le territoire du Lieutenant qui avait autorité sur la base, en menant une mission de son propre chef et en réquisitionnant un navire et tout un bataillon de Marines. De son point de vue, elle n’avait rien fait de mal et comptait bien le prouver. Elle en profiterait par la même occasion pour critiquer le fonctionnement ahurissant de cette base ! La commandante était nerveuse alors que le tête-à-tête avec le lieutenant Tanaka se profilait. Ils prirent place dans le bureau de ce dernier et la Marine était prête à en découdre. Le commandant de la base la fixa intensément quelques secondes qui lui retourna un regard aussi tranchant que l’acier. Deux coqs allaient sûrement livrer bataille en ces lieux. Mais contrairement à ce qu’elle pensait, la discussion prit un tout autre chemin. Tanaka inclina la tête et s’exprima d’une voix soulagée :

          « Merci infiniment d’avoir régler les affaires urgentes pendant ma courte absence. Je suis allé à Marie-Joie pour m’entretenir d’un problème épineux. Celui de mon second, le Sous-lieutenant Mura pour être plus précis. Le Sergent Zeis m’a rapporté que vous aviez fait sa connaissance lors de votre arrivée. C’est le pire incapable que j’ai vu de toute ma carrière ! Malheureusement, son père est un homme influent qui traite apparemment directement avec les Tenryubitos. Vous comprenez qu’il m’ait été difficile de l’évincer. Heureusement pour moi j’ai quelques amis haut placés qui m’ont bien aidé. Mais le mal a été fait durant mon absence. Si vous n’aviez pas été la commandante, la situation aurait pu être bien pire. Veuillez accepter mes excuses les plus sincères. »

          Hikari resta silencieuse en long moment et ne quitta pas son interlocuteur des yeux. Un silence pesant s’installa. La Marine ne savait tout bonnement pas quoi lui répondre. Elle s’attendait à ce que le lieutenant Tanaka défende son bout de gras. Qu’il lui dise que cette base était sous son autorité et qu’elle avait fait fausse route. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il la remercie et s’excuse. Un comportement honnête certes mais qui n’excusait en rien les grossières erreurs qu’il avait commise. Tous les moyens n’étaient pas bons pour arriver à ses fins. Des dizaines d’innocents et de Marines avaient perdu la vie pour rattraper ses erreurs. Hikari décida donc de s’attarder sur ce point afin que cela lui serve de leçon mais aussi pour étayer ses futures demandes. Elle lui répondit donc avec son impassibilité habituelle, teintée d’un regard de prédateur, en ce qui s'apparentait à un sermon :

          « Ce n’est pas à moi que vous devriez faire vos excuses lieutenant. Des innocents et vos propres hommes ont payé le prix de votre négligence. Aussi noble qu’ait été la cause que vous avez plaidée aux instances supérieures, ces pauvres gens ne méritaient pas d’en souffrir. J’ai fait en sorte de réparer vos erreurs aussi bien que je le pouvais. J’espère que mes promesses faites au peuple de Tao Island pourront être satisfaites. Et ce sera à vous de vous en charger en mon nom et au nom de la Marine. »

          Hikari passa l’heure suivante à faire un rapport détaillé de la mission qu’elle venait d’effectuer. Elle ne négligea aucun détail. De l’histoire de l’île à la capture des pirates en passant par la sa stratégie durant la bataille. Elle conclut sur les engagements qu’elle avait pris à l’égard du peuple unifié de Tao Island. A savoir de leur apporter une aide militaire et logistique. C’était le plus important après ce qu’ils venaient de vivre. La commandante quitta finalement le bureau du lieutenant dans la soirée, épuisée aussi bien physiquement que mentalement. Elle avala un repas frugal et fila directement à ses quartiers. Les corvées administratives étaient terminées pour la journée. Elle avait huit heures de sommeil devant elle avant que les formalités ne reprennent. Le sous-officier sombra comme une masse. Le lendemain fut tout aussi barbant et Hikari passa la matinée à écrire son rapport de mission. Si elle avait pu choisir elle aurait préféré retourner dans le passé au moment de la bataille sanglante. La paperasse administrative était sans aucun doute la pire des corvées qui existait en ce bas monde. Pire que les patates ! Un peu avant le déjeuner, la commandante apprit que le capitaine des pirates, le dénommé Flam avait l’immense honneur d’avoir une prime de trois millions de Berries sur sa tête. Une prime somme toute moyenne pour le commun des Blues. Elle repensa brièvement à son combat contre lui et plus particulièrement à la difficulté qu’elle avait eu à s’en défaire. S’en suivit une grande introspection sur ses propres capacités qui dura une bonne heure. Si Hikari voulait servir la justice elle avait intérêt à se bouger le popotin et à s’entrainer dur. Grand Line et ses pirates légendaires n’étaient pas pour le lendemain ! Après le déjeuner, elle eut un autre entretien avec le Lieutenant Tanaka. Ce dernier décida finalement de venir en aide au peuple de Tao Island immédiatement et personnellement. Il venait d’appointer le Sergent Zeis comme second qui s’occupera de la base pendant son absence. La commandante le félicita pour ses choix et lui demanda l’hospitalité pour quelques jours, le temps qu’elle se remette de ses blessures. Hikari l’accompagna à son navire et lui confia le million de Berries, reçu pour la capture du capitaine Flam en ajoutant :

          « Ils en auront bien plus besoin que moi. Passez-leur le bonjour de ma part. »

          Le sous-officier se dirigea ensuite vers ses quartiers. Elle devait maintenant passer à autre chose et avertir son supérieur direct, le lieutenant-colonel Fenyang, qu’elle viendrait bientôt le rejoindre. Malheureusement, les choses ne se passaient pas toujours comme le souhaitait la belle. Le Sergent Zeis déboula comme un dératé et la coinça dans un couloir. Un groupe de pirates sévissaient à Logue Town sur East Blue et un appel aux renforts avait été lancé. Elle s’adressa au Marine un léger sourire aux lèvres :

          « Pffff, on dirait que je vais prendre mes quelques jours de repos en mer. Sergent, affrétez moi un navire. Nous levons l’encre dans moins d’une heure ! »

          Spoiler: