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La vieillesse et ses maux

La grande coque sifflait les vagues, voguait sur l'océan avec ce calme si étrange. Ce calme où aucune voix ne voulait se faire de place. Sur le pont, une cinquantaine d'hommes jonglait entre les voiles et les nœuds. Le grand mat levé, le vent d'ouest et le travail impeccables de ces hommes habitués faisait voler le bateau vers sa destination. A regarder le travail réalisé, l'habilité des hommes et leurs rapidité d’exécution, on pouvait aisément comprendre l’expérience et l'habitude de manœuvrer avec le vaisseaux. Mais ça, le monstre lui, ne le voyait pas. Il ne voyait rien que la cale, le noir et néant, à peine éclairée par quelques loupiotes. Et ça n'arrangeait pas le lugubre spectacle, ces centaines de faces blafardes, déjà fatiguées, toutes sachant vers quel enfer ils s'enfonçaient. Quelques murmures parcouraient parfois la cale, des bruits de chaînes se faisaient entendre, vite suivis de râles de douleur, dû aux menottes bien de trop serrés, aux poignets cassés et aux temps trop long, passé ainsi, assis sur ce plancher en bois bouffé par les rats et la vermine.

Le monstre renifla de son gros nez, pour tenter de se réveiller du cauchemars dans lequel il s'était fourré. Mais ce fut pire, les odeur d'urine, de sang, de sueur et de renfermées vinrent piquer l'immense nez du cachalot allant jusqu'à le faire éternuer.

Le vieux, à côté, les mains toutes aussi menottées et la gueule toute aussi heureuse, rongeait son frein, des larmes silencieuses coulant le long de ses joues.

_Tout ça, c't'à cause de toi, sale poiscaille.

Le monstre le savait ça. Il l'avait su dès le moment, où, à moitié inconscient il avait ouvert les yeux dans la mairie d'Orange, la gueule ravagée de coups, le corps plaqué contre le sol et les sens en émoi ; pour voir le vieillard tout aussi mal en point. Tout aussi pris au piège.

_Hmm... Navré vieillard. Je n'avais pas prévu cette fin là.
_J’espère bien que t'avais pas prévu ça, j’espère bien... Et mon p'tit fils... Pauvr' p'tit fils ; Tout seul...
_Hmm... Où sont ses parents ?
_Morts.

Un ange passa.

_Hmm... Comment ?
_Tu m'emmerdes avec tes questions, le monstre ; Dors ; Prépare déjà ta mort, parce que là où va, personne n'en revient.

Et le voyage continua ainsi ; Jusqu'à ce que le froid ne vienne commencer à gercer les blessures, à friper les peaux et à geler les corps. Les grands manteau de laines se lancèrent par la grande grille de métal, seule espace de lumière. Le combat commença et les poings volèrent pour ce faux réconfort. Tous les hommes se levèrent au même moment pour se jeter sur le mirage de chaleur. Les plus faibles restèrent en retrait, les plus gringalets finirent écrasés ; Et seul monstre à rester immobile ; le cachalot admira celle des hommes, de monstruosité. Il vit un homme arracher l'oreille d'un vieillard pour lui voler son manteau, il vit aussi, un autre à la carrure impressionnante, aux larges épaules et aux poings fracassant venir frapper trois enfants pour leur prendre leur fourrure. Après ce chahut, cette guerre aussi courte et foudroyante qu'inhumaine, les corps se remirent au repos. Pour claquer des dents au rythme des vagues et calmer les mourants par des coups.

Il y a de ces endroit où la vie est si dure que la misère se fait réprimer par l'oubli pour ne pas voir, ne pas penser et surtout, oh oui surtout, ne pas subir. Alors l'Ishii resta ainsi, le regard perdu à admirer l'horreur humaine tandis que le vieillard, lui rampait sur le sol pour revenir à sa place, butin sur le dos.

_Bienvenue en enfer,le monstre.


Dernière édition par Ishii Môsh le Sam 4 Mai 2013 - 8:43, édité 1 fois
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C'était une grande ligne droite toute embrumée où aucune fin ne se voyait pointer, enveloppée d'un trop épais manteau blanc. De minuscules formes y venaient picorer le sol avec leurs masses et pioches. Les coups de fouets, de métal contre glace et de gueules contre sol résonnaient inlassablement, sans qu'aucune de ces petite fourmis ne vienne oser faire quoi que ce soit d'autre. Quoi que ce soit d'autre que cet inlassable labeur, sans début ni fin et que chacun savait, qu'il ferait jusqu'à son dernier souffle. Jusqu'à un dernier coup de fouet trop fort.

Au milieu de ce nul part, le Monstre piochait, dépassant le reste des autres fourmis avec son immense taille, sa façon à lui de cogner le sol, tous ses mouvements qui se faisaient de manière si souple malgré sa taille et son volume, sa manière à lui de rompre et recommencer son effort sans offusquer ses muscles salement rongés par la faim et la fatigue. Son ossature massive se faisait enrober d'une chaire noire sans poil et musclé, qui, peu à peu, s'effilait au gré des jours passant pour laisser place à une musculature ferme et étriquée. Ses lourds pieds traînaient leurs poids de misère, et chaque pas entraînait un remoud de chaîne pour cinq pauvres hommes n'ayant rien demandé. Boy, un homme que l'Ishii n'avait jamais entendu dire mot ; tout voûté par les coups, le visage boursouflé par le fouet et le tin noirâtre de celui qui avant d'arriver en enfer, avait connu le soleil. Jack et sa continuelle barbe de trois jours, ses insultes perpétuelles et ses coups pris auxquels il ne manquait jamais de répondre. Fred, tout grand et aussi frêle qu'une épi de maïs trop rongé par le soleil, qui, on ne sait comment, résistait toujours à cette dure vie malgré son corps plus qu'amaigri. Ses blagues inlassables, son auto-dérision et son sourire perpétuelle étaient comme sa protection. Son mur à lui. Tonray, un gamin qui ne devait pas avoir vécu plus de d'une dizaine d'années, qui n'avait toujours connu que cet enfer comme seule vie. Condamné à vie pour un vol de pain commis par son grand père. Et enfin, le vieillard. Lui, tout protégé dessous un long manteau de laine, grappillait ses heures de travail avec une force que peu auraient imaginé. Ses bras maigrelets frappaient bien plus fort que la plupart des esclaves, et son dos voûté, continuait à résister aux coup de fouets quotidiens, avec une endurance enviée de beaucoup.

_Co...Combien ?

_Hmm... Deux heures.

Mais les deux hommes n’eurent pas le temps d'en dire plus, déjà roués de coups par un garde au fouet susceptible. Un sourire au lèvre, le gourou leva son arme qu'il envoya gicler sur le dos de ses victimes sans que ceux ci ne disent rien. Un coup partit fissurer les mollets du vieillard avant de refiler taquiner les côtes du monstre qui ne pu s'empêcher de poser un genou à terre.

Et le gardien reparti comme il était venu, et les deux esclaves continuèrent leur travail comme ils l'avaient commencé, comme ils le faisaient chaque jour que le bon Dieu leur donnait encore à vivre, avec, en tête pour le monstre, toujours cette drôle d'histoire qu'il se répétait. Comme un rêve. Comme un sermon qu'il se faisait dans un coin d’esprit, la protection qu'il avait trouvé pour oublier le reste, pour frapper la roche sans penser à ses muscles, à son corps entier et à toutes ces autres vies, perdues. Ces milliers de vies qui elles, n'avaient pas connu le plaisir de vivre sans chaîne, sans se soucier d'où aller, que faire. Sans se soucier du combat quotidien de la survie.

Deux heures passèrent.

La chaîne des cinq hommes parti, sans un mot, lorsqu'enfin la cloche se fit entendre, résonnant sur tout le pont comme le glas d'une journée qui n'en finissait pas.

Le soleil se coucha lentement. Assis autour d'une table rongée par les années, les rats et la vermine, les 6 hommes mangeaient avec dévolu une assiette infecte, faîtes de quelques bouts de carottes bons à jeter et de gras de viande avariés et de pains rassis de plusieurs semaines.

_Hmm... Veillard ?
_Quoi ?
_Je suis désolé.
_J'en ai rien à foutre, le monstre. C'pas ça qui nous fera sortir de ce merdier.
_Hmm... Alors quoi ?
_J'ai pas fait Grand Line pour finir ma vie à moisir comme esclave sur les Blues. J'ai pas laissé tomber l'or, l'argent et les femmes, 'fin d'm'occuper du gosse, tout ça pour encore l'abandonner. On sortira d'ici, le Monstre. J'le jure sur la tête du Bon Dieu qu's'il m'entend, l'a intérêt à nous faire sortir de là.
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Le silence avait repris place. Et pourtant, les cœurs serrés n'avaient pas fini de crier. Les assiettes vidées, jusqu'au moindre bout de gras, de légume avariés et de miette de pain. Un mégo de cigarette tournait entre les hommes, seul plaisir de cette journée de labeur, gagné à l'arrachée pour la moitié d'un plat. Le Jack, lui, ne voulait rien. Ses mains grattèrent nerveusement sa barbe avant de tambouriner la table ; Manquant de la faire tomber. Lorsqu'il parla, sa voix était rauque et pleine d'un mélange de tristesse et d'énervement. Comme un mal ne pouvant sortir.

_Et bientôt, cet enfoiré d'tournoi.
_Hmm ?
_Héhé, une stupidité. Le genre d’événement qui fait encore rêver le Tonray. Et pas qu'lui.
_Hmm ? Quel mal à rêver ?
_Héhé c'est justement ça, l'horreur d'la chose, le monstre. Des gens comme toi, arrivés y'a de ça que quelques mois, ils peuvent pas comprendre. Ça non. Mais ici, les gens s’éteignent, perdent en humanité. Arrêtent de faire marcher la substance grise pour ne plus penser à rien d'autre qu'à leurs cailloux qu'ils doivent frapper. Qu'à leurs pioches qu'ils doivent garder intact pour éviter les coups d'fouets. Et là, un jour, le chef de bagne vient gueuler dans son micro au « tournoi ». Vient vendre du rêve à tous ces pauvres bougres en leur disant que le gagnant pourra rentrer chez lui, quitter cet enfer. Sauf que l'gagnant, c'est toujours le même. Cet enfoiré de chef de bagne. Mobby gratte toi les couilles.
_Hmm... Je comprends.
_Non, tu comprends quedal, le monstre. T'as pas vécu ça, toi, l’espoir qui naît jusqu'à bouffer tes nerfs, jusqu'à t'empêcher de dormir. Alors qu'on sait bien qu'y'a casi aucune chance. Mais c'est c't'enfoiré de « casi ». Cette chance sur 1000 qu'on a de gagner. « Sur un coup de chance », « sur un malentendu », qu'on se dit. Et on y va bille en tête jusqu'à se faire laminer la gueule comme des mal propres. Et là, tout cet espoir qui s'évapore d'un coup. Qui nous avait gardé eveillé des jours entiers, il s'évade, d'un coup il se barre. Et ça, j'te le dis l'ami. Il fait mal. Et il r'commence, il r'vient nous hanter chaque année.

Toutes les trognes acquiescèrent, excepté celle du monstre qui, sans bouger le moindre cil, tentait de comprendre. Alors le Boy leva son verre d'eau, haut devant ses yeux, bientôt imité par Jack, Fred et Tonrad, qui, tant bien que mal, tentait d'arriver à la hauteur des trois autres.

_A nos nuits blanches.

Les cinq voix répondirent au même moment, d'un ton empli de tristesse, de déception et de fatigue. Mais surtout, d'un infime espoir qui revenait encore une fois, ronger leurs cœurs.



_________


Le lendemain, lorsqu'un homme s'avança au milieu des esclaves, pour hurler au micro sa vente de rêve, le Monstre était loin. Accoudé au muret le séparant du vide, il observait la mer de glace. Le vent glacé fouettait son visage. L'épais manteau de cristal, bien des mètres sous lui, le narguait de toute sa blancheur. Mais le monstre continuait à rêver avec les forces qu'il lui restait, il continuait à rêver d'une infime tache bleu au milieu du givre. Où il sauterai, d'où il s’échapperait pour retrouver vie.

_N'y pense pas, le monstre. J'sais pas nager. Et les quatre autres non plus. Et on est attachée à ton foutu pied. N'y pense surtout pas.
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Le mégo que le monstre fumait, en cet instant, installé sur une pauvre chaise bancale, les yeux mi fermés et les mains presque tremblantes, ce mégo avait une longue histoire. Elle commençait en début de journée, avec le chef de bagne beuglant ses ordres. Son corps à moitié nu, imberbe et blanchard horriblement musclé ; où les pectoraux dansaient au gré de ses cris roques et pleins de postillons. Pleins, aussi, des cendres qui tombaient inexorablement de son mégot à chaque beuglement. L'histoire continuait par ce tic inlassable qu'il avait, à chaque fin de camouflet, de lancer son bout de cigarette, entamé ou non, dans un geste plein de pathétique. Apparaissait alors, comme par enchantement, la grosse Breigti. Tout immonde de sa vieille peau fripée par les années, de ses cheveux tout blanchis et de ses yeux cernées. Mais surtout, de sa démarche bagnarde, qui, comme tous les autres, la faisait dandiner tel un canard à chaque pas.

On disait que chaque soir le chef de bagne finissait ses nuits par embrocher cette vieillarde. Sûrement dû à l'autre rumeur, celle qui disait qu'un jour, avant d'être l'une des pires ordures des Blues, avant d'être ce monstre vivant, il avait été enfant. Et que la vieille peau, avant d'être bagnarde pour vol de couverts, avait été nourrice, celle du monstre humain. Le chef avait sûrement trop pris goût à téter ses gros seins remplis de lait et n'avait jamais su s'en défaire.

A chaque jet de cigarette du chef de bagne, le dos voûté de la vieille se penchait jusqu'à manquer de la faire tomber pour engouffrer dans une de ses poches le tabac restant. Et le soir, pour gagner quelques repas supplémentaires, pour continuer à engrosser son énorme ventre, la vieille revendait le tout en échange de quelques repas.

Alors lorsque le monstre, le vrai, le cachalot, vit la porte de son dortoir s'ouvrir à la volée pour laisser entrer le monstre, le faux, l'humain, un tic de dégout ne pu s'empêcher de s’imprégner sur le visage du bagnard. Le Mobby jeta un œil sur la clope pendant aux grosses levres du cachalot, tira sur la sienne une bouchée jusqu'à faire sortir la fumée de son vieux nez tout cassé. Et enfin, ouvrit son bec.

_Qu'est ce que tu fous à fumer, saleté de poiscaille !? Où qu'tu t'es trouvé c'tabac ?!!
_Héhé, tu t'ramolis, Mobby gratte toi les couilles.
_Qu'est ce que t'as osé dire ? Répète un peu pour voir ?
_Va t'faire !
_Quoi ?! Tu vas voir c'que tu vas voir.

Le Mobby, lâcha son mégot, retroussa ses manches, et alors, s'en fit tellement un plaisir de rouer le Jack de coups, qu'il failli en détruire la pièce, en renverser tous les autres, en mettant la pièce à sac comme il ne l'avait pas souvent fait. Le Jack pourtant, lui, ne lâcha rien d'autre que des insultes. Que des tentatives de coups et le bourreau eut beau l'hurler à l'excuses, la victime ne lâcha rien. Pas même une once de son honneur. Et lorsque Mobby partit, plus énervé encore qu'avant, que le monstre demanda « Hmm... Pourquoi ? », le Jack lâcha, la gueule ensanglantée et de nouvelles plaies béantes aux joues.

« Pour l'honneur, parc'Kof kof. Parce que c'tout ce qu'il me reste. Ici. »

Alors, les quatre autres hommes levèrent leurs verres d'eau, et ensembles, sussurèrent, d'une voix presque commune, presque unie, presque comme celle d'un seul homme.

« Pour l'honneur. »
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Lorsque les cinq hommes se levèrent de cette nuit sans sommeil, la joue gauche de Jack avait doublé de volume et son œil ne pouvait plus rien voir d'autre que le bleu, le rouge et le jaune pustule de ses blessures. Mais il n'en dit mot. Fred tenta bien une fumisterie au sujet, mais il dut s’arrêter en cours de palabre pour ne pas voir le poing du Jack finir entre ses deux yeux. Alors les cinq hommes sortirent du semblant de chez eux et repartirent sous les sons de cloche, la marche canardeuse. Rejoignirent les autres fourmis et recommencèrent, comme chaque jour, à picorer le sol, rembourrer les parpaings, cimenter le tout, barbeler la continuité. Avec, en ligne de mire l’espoir d'un jour pouvoir apercevoir entre deux nuages, le bout d'une île. La fin du tunnel. Mais cette idée passait vite, l'homme y pensait avant de se secouer la tête, comme pour en faire sortir la stupidité.

Ce jour là, les gardes redoublèrent de coups, de violence et d'exigence. Pas une minute ne passait sans qu'un homme ne finisse à terre, capable de rien d'autre que lécher ses larmes et son sang contre le sol. Les fouets giclaient de toute part comme si les gardes ne voulaient rien d'autre qu’araser chaque bagnard. L'enfer, ce jour là, atteignit un paroxysme que le cachalot n'avait jamais connu. Il se fit rouer de coup, de poings, de pied et de fouet sans qu'aucune raison ne soit trouvée. Jusqu'à ce qu'il entende, au creux d'une d'un murmure, « c'est aujourd'hui », et qu'un maton ne se mette à ces mots, à rire d'une voix tonitruante. Lorsqu'enfin, la cloche résonna sur les ventres vides et affamés et que chaque estomac de chaque gueule blafarde ne pensa plus qu'à se remplir le ventre d'un plat putride ; le chef maton vint briser les rêves. C'était l'heure du tournoi. Son bec postillonnant vint hurler au rangement, à l'heure de gloire et l'espoir puéril. Les hommes se rangèrent, et, les corps fatigués, se groupèrent par poule de combat. Pour l'occasion, le monstre se fit détacher de ses cinq combats, mais ses mains restèrent liées, tout comme ses pieds, et ce fut le seul à devoir combattre ainsi, les mouvements meurtris.

Le monstre vit en face de lui un gosse âge d'une dizaine d'année. Tout au plus. Et pourtant, ses traits lui donnèrent l'aura d'un homme mû par la guerre. Ses poings serrés, son regard déterminé, l'enfant sauta à la gorge du cachalot. Mais celui ci, plutôt que d'écraser le galopin, plutôt de lui asséner un coup meurtrier, lança son bras enchaîné pour attraper celui du rejeton et le propulser bien plus loin. Le geste était totalement maîtrisé, presque délicat, pour le faire valser sans qu'il n'y ait aucune éckimose comme un enfant faisant valser son yoyo par une secousse délicate sur le fil. Et l'enfant revint à la charge, tambourinant le ventre du monstre, fracassant de toutes ses forces son crane contre le corps noirâtre. Et le cachalot refit le même geste, délicat, pour faire voler l'enfant qui roula sur lui même plusieurs fois, avant d'encore revenir à la charge. Mais le monstre ne craqua pas, et la scène dura jusqu'à ce que le galopin, trop épuisé, n'abandonne, le souffle roque et les tempes suintantes malgré le froid.

Le temps passa et les manches se firent petit à petit, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'une trentaine de larrons encore en droit de rêver. Le vieillard avait passé les étapes. Jack aussi. Fred et Tonray, eux furent éliminés dès le départ et le corps du plus grand en portait encore les séquelles, un énorme bleu se formait déjà contre sa joue. De la taille d'un poing. Quant à Boy, lui, il perdit étrangement contre un enfant pas plus grand que trois pommes. Pas plus fort qu'une chaton en bas âge. Il perdit l'équilibre dès le début du combat, pour ne pas se relever.

Les choses commencèrent à devenir compliqués pour le Monstre lorsqu'il retrouva en face de lui, l'arracheur d'oreille du navire. Tout boursouflé par un immense manteau de laine remontant jusqu'à son nez, les cheveux gras et sales noués en queue de cheval.
_Héhé, sale poiscaille. J'vais t'bouffer jusqu'à c'que tu t'mettes à regretter la sale gueule que t'as déjà.
_Hmm... Essaye, alors.

Le chevelu ne se fit pas attendre et fit valser son énorme poing vers la caboche du monstre. Le cachalot évita de justec le coup et frappa le coude de l'homme à l'aide de son paume.

_Hmm... On commence ?

Comme réponse, le cachalot vit un sourire s'esquisser sur la joue de son interlocuteur, ses phalanges craquer et ses genoux se plier.

_Héhéhé. C'est quand tu veux.

Et le chevelu reparti à l’assaut, de la même manière, frappant juste plus bas, là où le monstre ne pouvait esquiver, sur son énorme ventre. Mais le cachalot n'eu même pas un rictus, il fit tourner ses mains et avant que l'autre ne s'en rende compte, il était déjà trop tard. Prisonnier des chaines qui se mirent à tourner, tourner, jusqu'à ce qu'un cri de souffrance ne puisse s'empêcher de sortir.

_Hmm... J'ai gagné.
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Bientôt fut l'heure des demi finales. Où le monstre se trouva face à son cher et tendre vieillard. Où les deux hommes, arasés des jours de labeurs, des seaux de ciments trop lourds, des interminables heures de marches, des coups de pioches jusqu'à se gercer les mains et se casser le dos, des fouets volants sur tous leurs corps, des repas indigérables et des insultes indésirables ; se firent face. Et le combat commença, un combat où chaque coup donné était comme une demande de pardon pour le monstre, comme une vengeance personnelle pour le vieillard. Le second esquivait chaque attaque, parait les autres, virevoltait autour de son adversaire, chacun de ses bras s'était transformé en arme de destruction et chaque fois qu'ils touchaient le monstre, celui ci manquait de tomber à terre. Comme si le vieillard, tout tendu de muscle et de nerfs, usait d'une force inconnue.
Tout autour, les hommes observaient le combat, béats devant tant de puissance, de force et de vélocité. Devant une prestance que nul encore,n'avait jamais vu, qui surpassait de loin le chef de bagne, au plus haut de sa cruauté. Les murmures de joies apparurent peu à peu. Avant de se transformer, en paroles, puis en cris ouverts d'espoir ! Et le monstre, lui, tout bloqué par ses émailles, ne résista plus, et abandonna, posant genou à terre, la gueule toute bouffie des coups reçus, le bras levé et la tête basse.

_J'ai... Perdu.
_Tu t'attendais à quoi, poiscaille ?

Toisant le cachalot, le vieillard pris la main du monstre, et d'un geste presque emprunt de sympathie, de pardon, l'aida à se relever.

A ce moment là, il n'y eu pas besoin de mot, juste d'un regard entre les deux hommes. Un regard qui ne disait qu'une seule chose, qui, loin d'oublier le passé, forgeait le futur,qui sans tourner une page en entrouvrait une autre. Si le monstre avait appris une seule chose au cours de ces mois d'enfer, où chaque seconde qui se passaient étaient telles d’immondes aiguilles de poison s'enfonçant dans le corps, c'est que les mots n'avaient rien à faire. Et qu'une main tendue pour se relever, une fin de mégot offerte, un bout de pain rassi en réconfort, avaient beaucoup plus de force qu'une simple phrase.

A cet instant, le vieillard voyait les portes de liberté s'ouvrir, la finale se gagner et son gosse venir lui sauter dans les bras. Mais ce repos, cet espoir, cette aspiration ne dura qu'un instant et alors même que les deux hommes se serraient encore la main, le vieillard sentit une présence derrière lui. Le Monstre vit ce qu'il ne voulait pas voir, voulu prévenir le pauvre. Mais il était trop tard. Son nouvel ami eut à peine le temps de se retourner qu'une pelle volait sur son crane. L’assommant. Et son corps s'écrasa lourdement sur le sol, sous le regard cynique du chef de bagne, sourire aux lèvres.

_Héhé, comme c'est bête, le vieux pourra pas combattre, j'ai encore gagné !!

Les cœurs voulaient pleurer. La centaine d'homme, tous avachis par les années de labeur voulaient hurler, se révolter, crier à l'injustice. Mais les cœurs étaient trop vides, et trop maigres, et surtout trop harassés pour ne crier autre chose que quelques larmes. Quelques gouttes de cœur plus usés par le temps que par l'horreur. Oh, certains tentèrent bien de crier haut, mais leurs voix toutes raillées n’atteignirent par le larynx et se firent couper par la couardise, par la peur des cerbères qui déjà, bavaient d'impatience d'en voir d'autre, baver des mots. Alors ces mots là, qui s’étouffèrent dans la gorge, se firent cracher par des quintes et, chaque homme se fit rattaché. Enfermant avec leurs bras les quelques gouttes d'espoir qui, encore cette année, avaient réussi à se faire une place. Infime, pas plus grosse et bruyante qu'un minuscule dé dandinant sur une table de bois. Mais ce bruit là, si minuscule était-il, allait encore ce soir là, les empêcher de dormir.
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Lorsque la journée fut et que le soleil se coucha. Lorsque les doigts d'hommes rentrèrent pour souper la nourriture et gagner de quoi tenir un jour de plus, le Monstre ne pu s'empêcher de demander. Pourquoi.

_Hmm.. Vieillard. Ton sourire. Ce midi. Tu l'avais vu ? Tu aurais pu gagner. Alors pourquoi ?

La cuillère du déjà vieux stoppa sa course jusqu'au bec, s’arrêtant à mi chemin pour laisser couler tout le liquide jaunâtre jusqu'à la case départ. Le bol à peine nettoyé, tout sale de presque pourriture dont la date ne voulait pas être su des hommes. Plus être su. Alors le vieillard tourna son visage vers le monstre, lentement, comme pour lui faire comprendre que ce déjà bien piètre repas venait d'être gâché.

_Si j'avais gagné le combat, le Mobby se s'rait relevé. Aurait am'né une vingtaines d'hommes sur moi qui m'auraient cogné. Jusqu'à c'que j'puisse plus jamais me rel'ver. Et là, l'aurait frappé son ventre du plat d'ses deux mains en disant à tout l'monde : « Oh merde, l'est mort, bon.. Bah... Temps pis ». Sauf que moi j'ai pas prévu de mourir. Ni aujourd'hui, ni demain.
_Hmm mais alors, pourquoi ? Pourquoi avoir voulu aller jusque là ?
_Pour ça.

Le vieillard fourra ses mains dans la seule partie que personne d'autre ne pouvait voir. Là où personne ne voulait voir. Tous les regard, pourtant, à cet instant, étaient tournés vers lui et lorsqu'il en sorti un grand canif, avec un grand trituré d'étranges dessins, avec une minuscule écriture sur la lame, chaque paire d'yeux de la piece se mit à grandir, à se transformer en énormes billes tout étincelantes.

_Bordel de Dieu ! Le canif de Mobby gratte toi les couilles !

Le silence qui suivi, aussi court qu'un goutte tombant du parapluie, aussi rapide qu'un homme cavalant pour sa vie, fut celle d'un ange qui passait. Et cet ange, à l'oreille de chaque présent, était comme un Don de Dieu. Le bon Joe se frotta le visage, comme pour sortir d'un rêve. L'enfant piactait d'un rire silencieux, de celui d'un gosse qui avait un jour connu l’insouciance. Et puis, chacun d'eux se rappela à la réalité, et toutes les voix voulurent savoir.

_Mais pourquoi ? Comment ?

_Quand il m'a donné son coup de pelle. Me suis retourné pour lui voler son joujou. L'était tell'ment heureux de me surprendre qu'il a pas du tilter. Et là, doit être à le chercher partout ahah ! Mais on a pas le temps les amis. Ce couteau, c'est mon pass pour la liberté. Et j'vous emmène avec moi. A une condition. Ça va être difficile. On va en chier comme on en a jamais chié. Jusqu'à se dire que c'était pas si mal que ça, d'porter des cailloux et d'fracasser d'la roche toute la sainte journée. On courra comme des dératés chaque foutue nuit. On s'mettra à couvert, sous le pont le jour. Là où les canalisation laissent à peine de quoi passer un homme allongé. On dormira mal. Sous tension qu'un chien nous trouve. Et lorsque la nuit retomb'ra, on r'commencera. On s'remettra à courir comme des dératés. Au bout d'la deuxième nuit, vous sentirez plus rien et vous mettre à couvert sous l'pont s'ra aussi dangereux que d'danser la carioca sur un fil à linge. On n'mangera rien pendant six, sept nuits. On n'boira rien d'autre que d'leau de pluie ruisselante pendant autant d'temps. Des ampoules s'formeront sur chaque doigt de pieds jusqu'à ce qu'vous ne puissiez plus mettre vos chaussures sans hurler d'douleur. Mais vous n'hurlerez pas. Parc'que vous n'pourrez pas. Sinon j'vous ferai taire en vous poussant dans l'lac de glace. Et votre corps finira par s'broyer en mille morceau. Même toi, gamin. Oh oui, même toi p'tit Tonray. Parce que là où j'vais, y'a le mien qui m'attend, d'gamin. C'couteau, que j'ai pris à Mobby, c'la façon d'scier ma chaine.Et d'vous libérer après. Qui m'suit ?

_Moi.
_Hmm...Moi
_Moi !
_ Moi aussi !
_Je reste.

Le vieux Boy avait parlé. Et le Monstre cru bien que c'était la première fois qu'il l'entendait. Sa voix toute abîmée en eu du mal à se faire une place mais ces mots étaient si étranges, qu'ils en furent compris de tous.

_Mais...Mais...Pourquoi ?

_J'ai... Passé les quarante dernières années de ma vie ici. Et seulement les dix premières libre. Je crois bien que je n'saurai quoi faire de ton cadeau, vieillard. Autant rester là, Dans une heure, deux au plus... Un garde passera. Je le retarderai comme je pourrai.

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Lorsque Boy fini sa palabre, tout suintant d'avoir tant parlé, les mains presque tremblantes et le visage rougi de sa hantise, de sa honte les hommes avaient compris. Ils avaient compris que si ce vieux Boy avait prit la peine d'ouvrir son bec, de laisser place aux mots qui avaient presque fini par l'oublier, ce n'était pas pour rien. Et que c'était le genre d'homme à ne jamais regretter le genre de choix qui change une vie. Une mort. Alors les hommes se levèrent. Les chaînes se brisèrent. Et pourtant, les sourires n'apparurent pas. Ils étaient pour plus tard. Pour quand ils pourraient se relever d'un lit chaud et se remplir le ventre d'un vrai repas, sans avoir la peur tambourinant au cœur du foutu fouet réapparaissant toujours. Et même encore, même s'ils se trouvaient libres, chaque soirs qu'ils dormiraient seraient des nuits de sués, d'horreurs et de cauchemars, de souvenirs que chacun savait, ils ne pourraient oublier.
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