Rappel du premier message :
Notre archipel n'a pas toujours ressemblé à ça, vous savez. Avant que tout cela n'arrive, elle prospérait et jouait même un rôle primordial dans le marché du crabe sur South Blue. Les gens n'y étaient pas tous riches, mais il régnait un esprit d'entraide et l'on y vivait heureux sur ces îles tropicales. J'me souviens même que gosse j'allais refiler les restes de mes sandwichs à Troy, le clochard du village. Un homme affable, qu'avait pas grand chose et qui pourtant était toujours prêt à vous le refiler avec son sourire édenté. Je me souviens de ses oreilles poilues, de la morve qui pendait à son nez. Et je me souviens aussi qu'il fut le premier à y passer. Putain de pingouin.
J'arrête pas de me repasser la scène en boucle dans ma tête. Je revois le bec du guillemot lui picorer brutalement le visage tandis que ses potes débarquent de partout. J'ai même pas eu le temps de réaliser ce qui se passait que j'en avais déjà un aux basques. Mon instinct me criait de m'enfuir, et pourtant je n'arrivais pas à prendre à le prendre ce sérieux. Ce n'était qu'un vulgaire pingouin bordel. Mais lorsqu'il bondit et m'éborgna sauvagement d'un coup de patte, je sus qu'il était temps de se mettre à courir. Ce fut dans ma course que la panique commença à s'emparer de moi. Tandis que je me dirigeais vers chez moi, je vis les gens hurler et fuirent comme ils le pouvaient. Certains tentèrent de se battre mais ils étaient trop nombreux et il continuait à en débarquer de partout. De toute façon s'ils étaient arrivés jusqu'au centre de l'île, cela voulait dire qu'ils avaient passé les postes de surveillances côtiers tenus par les marines. Comme je prenais conscience de la gravité de la situation, je pensai à ma famille et mon cœur s'emballa.
Bifurquant à gauche, j'arrivai enfant devant chez moi, mais une de ces maudites bestioles m'y attendait. Pas le temps d'hésiter, il ne faudrait qu'une poignée de secondes pour que d'autres n'arrivent. Je fonçai droit devant et le taclai de toutes mes forces contre le mur de la maison. Il enfonça à plusieurs reprises son bec dans ma nuque mais mon coup fut assez puissant pour que le mur cède et l'animal arrêta de bouger. Je me relevai en hâte, n'entendant plus qu'un bruit sourd et assez strident pour vous rendre fou. Faisant abstraction, je fouillai la maison en quelques secondes. Personne dans le salon. Personne dans la cuisine ni dans le bureau. Et bien que je montai les marches quatre par quatre j'eus le temps de sentir mon estomac se contracter, et mes entrailles brûler. Personne dans la première chambre. Ni dans la seconde. Pas un signe de vie dans la salle de bain et, malgré tout ce que mon sens logique me dictait, j'ouvris la porte de la dernière pièce au ralenti. Personne. Je m'effondrai...
...et entendis un sanglot. Je crois que je n'ai jamais couru aussi vite jusqu'à l'armoire. Il n'y avait que mon fils cadet, complétement terrorisé et qui n'osait regarder ce qui l'avait trouvé, mais la boule logée au creux mon ventre s'évanouit. Je le saisis fermement et décampai aussi rapidement que je le pouvais. En ressortant, je découvris que la situation était passée de merdique à cauchemardesque. Il n'y avait que chaos et désespoir. Je crois que j'aurais moi-même abandonné si je n'avais pas entendu cette voix. Ma tête fit cent quatre vingt degrés et je le vis. Le voisin. Je compris qu'il nous faisait signe de le suivre dans sa cave et je dus le bénir un millier de fois sur les quelques secondes qu'il fallut pour y arriver.
Cela fait déjà une semaine que nous nous sommes barricadés dans le cellier, mon voisin, sa famille, mon fils et moi. Les provisions ne manquent pas et nous avons assez d'eau pour tenir encore plusieurs semaines. Pas une nuit ne passe sans que l'on ne cogne contre les portes renforcées, notre seul rempart contre une mort certaine. Nous avons tous faim. Nous avons tous froid. Et il règne une nauséabonde odeur d'excrément dans notre cellule. Mais je me fous de toute ça. Je m'en fous parce que je sais que ma femme et mon fils ainé sont morts maintenant. Je m'en fous parce que la seule chose qui me donne la force de continuer, l'être que je chéris le plus au monde, mon fils, est gravement malade.
Au moment où j'écris ces lignes, j'ai pris ma décision. Je vais sortir chercher des médicaments. Il n'y a pas ce qu'il faut chez moi et je pense devoir aller jusqu'à l’hôpital, et il me faudrait un miracle pour que j'y parvienne. Mais c'est ça ou voir mon fils mourir. J'en profiterais pour jeter la bouteille contenant ce message dans le fleuve traversant la ville, en espérant qu'il arrive jusqu'à la mer et que quelqu'un le trouve.
Vous qui aurez ce message, je vous demanderais bien de nous sauver et surtout de porter secours à mon fils. Seulement il faudra plusieurs mois avant que la bouteille ne puisse atteindre quelqu'un, des années peut-être mêmes. Et ça m'arrache le cœur de le dire, mais nous serons probablement déjà morts.
L'archipel Rave n'a pas toujours été comme ça. Mais aujourd'hui il n'y reste plus rien qui vaille la peine d'être sauvé.
Alors si vous avez ce message.
Je vous en supplie.
Vengez-nous.
Lorsque Ging émergea de l'eau et fit son premier pas sur la plage de sable blanc qui ceinturait chacune des îles de l'archipel Rave, son pieds fit un drôle de bruit. Il allait amorcer le second quand il sentit quelque chose pénétrer son pied nu. Soulevant son arpion d'un air intrigué, il découvrit un morceau de papier enroulé dans les restes d'une bouteille de verre. Le sourcil arqué en signe d'intérêt il se pencha pour ramasser le parchemin et comme il se redressa pour commencer à le lire ; il vit du coin de l’œil deux silhouettes jaillir de la forêt bordant le littoral. Par réflexe son bras libre se mit à agir tout seul sans que son air distrait ne le quitte. Il trancha les airs à la manière d'un sabre et balaya violemment une première silhouette. Mais avant que le Lion ne puisse bouger, il vit la deuxième créature l'attaquer qu'un coup de patte aux yeux. Reculant sa tête de justesse, le coup ne fit que l'effleurer mais déchira le papier qu'il tenait. Ce fut ensuite à peu près à l'instant où il comprit qu'il avait affaire à un pingouin et où ce dernier allait toucher le sol qu'il décocha une nouvelle manchette dirigée vers le bas cette fois. Ging n'avait pas retenu son coup et quand le tranchant de sa main percuta la tête de l'animal il sentit ses os comme ses vertèbres se briser. La mandale fut telle qu'elle répandit une onde de choc qui vint agiter les feuilles des premiers arbres.
Le lion, tout sourire, jeta un coup d’œil à la carcasse inanimée du premier volatile qu'il avait corrigé. Il le regarda se faire emporter par la mer quelques instants puis reporta son attention sur les lambeaux de papiers déchiquetés s'éparpillant au vent.
—BWAHAHAHA ! DE TOUTE FAÇON, JE SAIS PAS LIRE !
Son tonitruant rire dut résonner sur toute l'île puisque une légion de cris braillards lui répondirent d'un peu partout.
—JE LA SENS BIEN CETTE ILE MOI !
Et il s'engagea dans la forêt.
Dernière édition par Ging "BAM" Dong le Ven 6 Sep 2013 - 20:54, édité 6 fois