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Pas de ton âge.


_Ces enfoirés m'ont volé mes putes !!!
_Navré chef...
_Iruoto, Bayuki, je veux revoir ces saletés de putes et la tête des voleurs pendant à un pic !!!
_On a combien à disposition ?
_Payer le plus gros monstre de Logue Town s'il faut, mais faites payer ce crime !!!




Il y a ce petit perroquet, tout vert, avec le bout du crane garni de plumes jaunes et le bout des pattes bleuis. Il piacte chaque jour en voletant au dessus du pont, sous les rires des pirates. S'en va même parfois pailler plus loin, en ville, à la recherche d'autres oiseaux. Et chaque soir ce petit animal, tout magnifique, revient se cacher au fond de sa cage qui se referme bien vite pour la nuit.

Il a fallu un moment au monstre, pour comprendre le pourquoi de cette étrangeté. L'eau dans la cage, est chaque soir remplacée par une goutte d'absinthe.

L’envers du décor.

La nuit arrive. Cachant le monstre dans ses ombres et noirceurs. Seule lumière, le bout de son cigare se pigmentant de rouge. Caché au recoin d'une maison, le monstre tente d'apercevoir un bout de femme. Elles ne tarderont pas à sortir, il en est certain. Elles danseront autour des hommes, joueront de leurs formes et de leurs superbes et quand la nuit arrivera à l'aurore, les plus rieuses partiront dans les bras d'un homme. Alors restera seul, le borgne à jambe de bois, qui comme chaque soir finira sa nuit à trop boire, avachis sur une chaise du pont. Mais avant tout ça, avant les danses et l'alcool, l'homme au chapeau rouge ira dormir, pour partir en douce, profitant des braillements. S'en suivra la petite miss et son âge trop peu avancé pour connaître ce genre de choses. Et enfin, la fête pourra commencer.

Le monstre connaît déjà tout. Et il connaît même sûrement mieux la vie de ces hommes qu'eux même, trop occupés à vivre pour se comprendre. Alors le temps passe. Les femmes arrivent. Les bouteilles se vident. Les envies se creusent. Et peu à peu, chaque homme trouve femme à son pied, chaque femme trouve amusement à sa nuit. Et vient le moment attendu par le Monstre. Celui où le borgne trop laid continue sa nuit, seul, trop soiffé pour faire autre chose que regarder sa jambe de bois. Et pleurnicher.

Alors le Monstre se glisse lentement vers la coque tranquillement amarrée au port. Son lourd corps se fait presque aussi léger qu'une plume. Aussi discrète qu'un grain de sable au milieu du désert. Son corps se voûte, ses pieds jouent entre les ombres et avant même que le borgne n'ait compris, le plat d'une épée se fracasse sans bruit sur son crâne.

Mais le monstre n'a pas fini. Ses pieds se glissent sur le plancher de bois sans un bruit, descendent les escaliers menant aux chambres, soufflant les bougies. Sa démarche se fait rapide et malgré étroitement du couloir, la dangerosité sonore du sol, son ombre glisse sans qu'un craquement ne se fasse entendre. De chaque côté, les lits grincent, les ronflements grognent ou les femmes crient. Puis, au bout, deux chambres silencieuses. Alors Le monstre entre-ouvre la première d'un geste rapide, pour qu'aucun grincement ne vienne, pour que le courant d'air ne soit pas plus important qu'un souffle d'enfant. Et, de souffle d'enfant, le monstre en voit alors un beau. La petite, emmitouflée sous une couverture, dort paisiblement, un nounours au creux de ses mains. Alors les doigts viennent délicatement saisir le corps de la petite endormie, d'un geste presque paternel, lent et plein de calme pour ne pas réveiller l'ange dormant.

Lorsque les pirates se réveilleront, ils trouveront un mot écrit d'une plume grasse et bavant, mais sans aucune faute, comme écrit par un monstre éduqué.

« Dîtes aux femmes de prendre le premier bateau pour Logue Town. Dîtes leur de retourner à qui elles appartiennent, et ce, avec 5 millions de berrys pour dédommagement. Une fois fait, vous retrouverez l'enfant. »
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Encore une histoire qui commence sur un réveil. Comme il y en avait douze cent avant celui-ci. Comme il y en aura douze cent après celui-ci. Pourtant, celui-ci a de singulier que l'histoire, bien que banale parmi les douze cent fois deux autres récits, sera vécue par une jeune fille de près de sept ans et qu'elle s’apprête à faire une rencontre qui aurait dû changer sa vie. Car lorsqu'elle ouvrit les yeux, découvrant dans quelle sorte de lit elle se trouvait et quelle sorte de monstre ronflait dans le fauteuil en face d'elle, pour elle, ce conte n'avait rien de banal.

Elle en fut effrayée.

Elle qui d'ordinaire s'amusait de tout, se complaisait à s'inventer des histoires de sorcières, de monstres marins et mettait en scène des morts affreuses pour ses pères, entre autres, se retrouva sans voix dans ce lieu inconnu, cette chambre close aux odeurs de tabac froid. Devant cette chose à la gueule gargantuesque, tout sauf humaine, qui dodelinait au rythme de la puissante respiration qu'exhalait ce corps imposant. Une couverture en laine couvrait partiellement ce corps qu'elle imaginait géant et sur la table basse qui les séparait, un cendrier plein de chutes de cendres lui indiqua le temps que le monstre avait dû l'observer avant de s'endormir à son tour.

Prudemment, avec mile gestes précis, elle retira le plaid qui la recouvrait et se leva du canapé dans lequel il semblait l'avoir installée. Ses petits pieds foulèrent le tapis avec précipitation, cherchant à mettre le plus de distance entre elle et lui. Enfin... « lui »...

La porte de sortie était fermée à clef. Et à la fenêtre, quelques étages lui interdisait la sortie . Elle tomba sur un semblant de cuisine avec un frigo. Prise d'une faim très enfantine, elle l'ouvrit et vola un morceau de jambon qu'elle avala sans plus de cérémonies. Avec un bout de pain qui trônait sur la table, elle se fit un maigre repas qui la contenta. Là, du papier blanc et un pot d'encre, comme posés pour s'en débarrasser. Elle continua à chercher une issue, paniquée de ne rien reconnaître, effrayée à l'idée que le monstre qu'elle devrait affronter seule ne se réveille. Si elle avait su où elle se trouvait... Si ne serait-ce que son père ou n'importe quel autre de ses pères avait été présent, elle aurait eu la force de regarder en face cette chose monstrueuse. Mais le fait était qu'elle était seule, perdue et ne comprenait pas du tout ce qu'il se passait. Pourquoi était-elle là ? L'ignorance engendre la peur. Elle comprenait enfin cette citation de leur cuisinier qui connaissait tout sur tout. Et elle ignorait ce qu'était la chose qui dormait tout comme elle ignorait ce qu'il lui voulait. Elle avait beau chercher, pourquoi, où, une issue, elle ne trouvait rien. Pas un indice. Bien vite, il fallut qu'elle réprime ses larmes et sanglots qui n'auraient pas manqués de le réveiller.

Trouvant refuge dans la salle de bain, se roulant dans la baignoire comme s'il s'agissait d'un maigre cocon, elle se pelotonna sur elle même, s'implorant de se réveiller, appelant silencieusement ses pères. Cherchant à se rassurer.

-C'est l'histoire d'un gentil garçon dans une prison toute blanche...

Mais comme toujours, comme dans toutes les histoires de cette jeune fille du nom de Louve, ce conte là, l'histoire du gentil garçon dans sa prison blanche, loin de la rassurer, n'eut pas même le temps de la calmer.
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Un bruit réveille le monstre. Celui de minuscule pas, tout discrets qui tentent timidement de disparaître. Une oreille se tend, vite suivie de la deuxième. Non il n'a pas peur d'une fuite, chaque porte est fermée, l'étage est trop élevé pour ça. Le choix de cet appartement en retrait de la ville, très tranquille, où il n'y a aucun vis à vis a été choisi avec soin.
Sa main se perd pour trouver un cigare qui s'allume. Le cendrier est plein, il se dit qu'il faudrait le vider, qu'il faudrait aérer cette pièce trop enfumée pour une petite enfant. Il tire sur les rideaux déjà décolorés par le tabac et ouvre en grand les ouvertures. Il y a ce vent frais, matinal, qui vient réveiller les pores de la peau du Monstre. Les minuscules rafales qui effleurent sa moustache encore petite. C'est une jolie journée, où les rayons éclairent tranquillement sans éblouir. Où les hommes marchent en pleine rue sans étouffer mais ne profitant de la brise.

Hmm... Oui, une jolie journée.

Il enlève son veston tout froissé par une nuit où les heures ont coulé, sans sommeil puis avec, toujours un cigare au coin des lèvres. Son marcel lui colle à la peau, tout humide de transpiration. Son dos voûté par la position inconfortable craque à chaque pas, à chaque mouvement, comme si la vieillesse avait prit le monstre avant l'heure. Il se déplace calmement, prend le temps de ne pas apeurer la petite, entre dans la pièce avec toute la délicatesse qu'il peut. Elle l'observe, d'un regard plein de peur mais lui, il a l'habitude. Il vit avec ses traits, avec sa gueule et son horreur depuis trop longtemps. Alors il ne réagit pas lorsque son regard se perd sur celui de l'enfant. Sur ses deux yeux incrédules, sur ses lèvres murmurant des paroles qu'il ne comprend pas.

La salle d'eau est simple. Faite d'une baignoire où le monstre ne pourrait rentrer, d'un bac d'eau et d'une toilette. Le plafond est si bas que le cachalot doit baisser la tête pour pouvoir se déplacer. Mais il a l'habitude, de ces endroits fait que pour les hommes, où la monstruosité n'est pas accepté. Ses mains trempent dans l'eau. Le robinet s'ouvre et une grande giclée d'eau vient réveiller son visage, comme si la môme n'était pas là. Comme s'il était dans une situation des plus banales, de celles de tous les jours. Peut être est ce un peu de cela, peut être est ce qu'il est habitué à l'horreur qu'il ne le vit plus comme une chose étrange. Peut être est ce la seule solution qu'il ait trouvé.

Hmm... Je m'appelle Ishii. Et toi ?

Le chiffon dans les mains du cachalot se frotte contre son visage pour enlever toute l'eau. Il a parlé entre deux geste, sans la regarder, toujours tourné vers ce miroir où ses traits apparaissent, gros. Comme un juste retour des choses. Derrière lui, la petite répond d'une voix apeurée. Nerveuse. Pourtant, lui, reste calme et ses paroles se font presque aussi doux qu'une berceuse. De celles qu'on raconte à un enfant à l'heure de dormir. Pourtant, la signification est autre, plus dur qu'une menace, et le mélange des deux, il le sait, ne peut que faire peur. Mais il n'y peut rien, c'est son travail.


Tu resteras plusieurs jours ici. Hmm... Et si tu es sage, tout se passera bien. Hmm..

Le géant au cou tout contorsionné sort un rasoir, commence à couper ses poils et tailler sa moustache.

Dans cinq minutes je me ferai un thé. Hmm... En voudras tu un? J'ai du chocolat, sinon. Hmm... Le meilleur chocolat de la ville.
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Louve ne répondit pas. Lui se présenta, mais ce ne fut pas son cas à elle.

La peur, certes. La peur de l'inconnu. La peur de ce visage déformé, si loin de ceux, rares, qu'elle pouvait croiser. La peur de se faire dévorer par un troll ou un ogre si elle disait un son de travers. La peur de donner son nom, surtout.

Comme s'il avait pu faire n'importe quoi d'elle s'il avait su son véritable prénom. Tant de contes racontaient que les prénoms avaient un pouvoir très puissant.

Alors elle se taisait. Se blottissait de plus belle dans la baignoire qui ne lui offrait qu'une protection illusoire. Et elle l'observait, ses grands yeux de faon apeurés devant la masse de cette créature. Cette créature qui la regardait à peine. Elle se rasa. Non. Il se rasa. Il lui semblait que l'Ishii était un homme. Ou un semblant. Comme la Bête.

Et il parlait comme un homme. Avec des vrais mots. Avec une vraie voix. Moins grasse, moins caverneuse, mais plus rocailleuse que celle d'un ivrogne. Plus assurée que celle d'un navigateur et pourtant plus hésitante. Plus douce que celle des docteurs. Louve laissa paraître son visage par dessus le bastingage de la baignoire toute lisse. Et elle observa. Elle détailla. Ce corps puissant, cette peau sombre et ces yeux minuscules. Elle en avait peur, mais elle ne savait pas vraiment pourquoi. En d'autres circonstances, elle l'aurait adoré.

En d'autres circonstances.

« Ce n'est pas parce qu'un homme est laid qu'il est méchant. Même si il fait penser à un démon »

-Qu'est-ce que tu es ? Demanda Louve depuis son fond de baignoire, brandissant toujours le rebord comme un bouclier entre les deux protagonistes. Tu as mangé un démon ?

Elle n'avait pas non plus répondu à l'autre question. Sur ce qu'elle voulait boire. Elle aurait peut-être aimé, mais elle ne savait pas encore s'il voulait l'empoisonner comme dans Blanche Neige.

Mais elle ne savait pas pourquoi elle devait rester là. Elle ne voulait pas rester là. Elle n'aimait pas descendre à terre, sauf pour jouer avec d'autres enfants qu'elle n'avait pas à bord. Et ici, elle savait qu'elle ne pourrait pas jouer avec d'autres. Elle ne voulait descendre du navire que pour trouver sur les îles nouvelles une occasion de retrouver la candeur et l'innocence de l'enfance. Pas pour se retrouver en compagnie d'un monsieur-baleine aux dents carrées. Est-ce qu'il la mangerait comme le Petit Chaperon Rouge ?

Louve resta obstinément dans sa baignoire. De toute façon, il ne l'en avait pas chassé. Et puis il lui proposait à manger. Elle n'accepterait pas. Même si son ventre le voulait. Elle avait trop peur pour sortir de cette salle de bain et se rasseoir en face de lui dans le canapé. Elle avait trop peur.

Mais moins que tout à l'heure. Un peu moins. Elle pouvait le regarder dans les yeux. Pas longtemps.

-T'as fait quoi de mes papas ? Et moi ?
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Il avait fini de se raser, de se rincer la gueule, comme pour tenter de se transformer un court instant, se travestir en un homme comme un autre. Mais il savait, depuis longtemps, qu'il n'y arriverait jamais... Ses yeux plats se perdirent une dernière fois dans la glace pour admirer ses traits brutes, sa peau tannée, ses énormes lèvres. « Un démon » qu'il se dit, comme une drôle de pensée faisant le tour de son esprit.

Oui, un démon. Mais un joli. De ceux qui transforment les plus laids.

Et déjà, son corps bascula jusqu'à la cuisine, où l'eau bouillait. La petite casserole toute brulante se renversa dans une théière toute belle. Elle avait de jolies fleurs tout autour, avec de belles couleurs, du vert pour les tiges, du rose, du orange, et un peu de violet pour les roses.

La petite se cachait au coin de la porte, ses prunelles fixées sur l'étrange bête, avec dans le regard cet étrange mélange. De peur et de curiosité. Il y avait tout ça fixé sur lui.

Lui qui ne vivait que seul, tout perdu dans ce minuscule appartement, qui se trouvait à devoir vivre à deux. Il n'avait qu'une seule tasse... Il resta là, pataud, avec au creux des mains l'unique récipient sans savoir que faire.

Il s'avança vers la petite, tout doucement, comme pour ne pas apeurer cet être si fragile, qu'il pouvait casser d'un geste maladroit...

Hmm... Ton papa n'a rien... Il a juste quelques détails à faire avant de te revoir. Hmm...Une histoire de quelques jours.

Les deux énormes bras vinrent encercler ceux, minuscules, de la petite, pour leur faire serrer la tasse, toute chauffante.

Hmm... Le meilleur thé de la ville...

La petite jeta ses deux mirettes sur le Monstre. Elle avait les joues toutes rosies et le regard perdu, gêné, de presque l'observer. Ses taches de rousseurs, tout marrons ressortaient ses traits comme ceux d'un dessin enfantin. Tant adorable que le Monstre en aurait eu envie de la serrer dans ses bras. Tenter de la réconforter dans ses énormes mains...

Mais non, il resta là. Et recula avant que la petite ne prenne plus peur.

Deux jours passèrent ainsi. Avec lui qui tentait tant bien que mal de ne pas effrayer ce minuscule bout de vie tout horrifié. Elle ne lâchait pas plus de quelques mots, parfois un peu plus, souvent beaucoup moins. Et les heures coulaient ainsi, avec lui, se donnant corps et âme pour lui faire comprendre à elle, qu'elle ne craignait rien.

Il étaient là, au milieu du parc. Il y avait la balançoire tentant de bercer la petite, avec le Monstre y balançant doucement ses lourds bras. Il y avait les autres jeux. Le bac à sable, les cabanes, les bancs, tous vides. Les hommes et femmes, enfants et vieillards avaient fuit cet étrange être accompagné d'une petite fille. Ils avaient eu peur, encore...
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Louve ne comprenait pas. Le monstre était gentil. Il lui parlait bien. Il lui offrait à boire, à manger, à dormir. Et surtout il avait peur. Non ?

C'était sa manière de la regarder qui lui faisait penser ça. Quand il s'approchait, il ne faisait aucun geste brusque, parlait tout doucement de sa voix tonnante et voulait se faire le plus petit possible. Et sa manière de la regarder. Comme s'il observait un tout petit colibri perdu et farouche. Et qu'il craignait qu'il ne batte des ailes pour s'enfuir.

Oui, après deux jours passés à ne presque pas parler, à s'observer à tour de rôle, en silence, à se jauger et à essayer de comprendre l'autre sans la parole, Louve voulut croire que le Monstre avait peur de l'effrayer. Qu'il avait peur. Peur de lui faire peur. À elle.
Alors elle ne comprenait pas. Surtout qu'il n'avait rien dit de plus sur ses papas. Qu'elle ne savait pas pourquoi ils ne lui avait pas dit qu'ils la laisseraient en compagnie d'une nounou singulière. Elle avait bien fini par lui dire comment elle s'appelait, Louve, le soir où il avait accepté de lui raconter une histoire, et lui avait avoué avoir peur de lui. Il l'avait rassurée, avec ses mots hésitants, et ça l'avait faite rire. Il était gentil. Trop grand. Un chat dans le corps d'une baleine. Empoté, maladroit et déstabilisé par la présence de cette petite fille ; il n'était pas habitué. Tout comme elle.

Alors le second jour, elle avait demandé à aller au parc. Elle savait qu'ils étaient à terre. Le sol ne bougeait pas comme dans sa cabine ou la cabine de son père. Et s'ils étaient sur une île, il y avait d'autres enfants et des jeux pour eux. Elle s'était levée et l'avait observé de plus près comme il faisait semblant de dormir. Elle avait moins peur de lui. Elle lui avait alors demandé d'aller au parc. Et il avait bien voulu.

Et les voici donc, réunis sur une balançoire, seuls. Elle se sentait un peu perdue. Comme si elle avait été déracinée. Alors elle gardait la tête basse et réfléchissait beaucoup. Imaginait toutes les raisons de sa présence. Toutes les raisons de l'absence de ses pères. Toutes les les questions tournaient dans sa tête. Mais sa plus forte curiosité était à propos du Monstre.

-Tu as peur de moi ?

Des mots si candide sur ses lèvres. Probablement faux. Probablement. Mais peut-être pas.

Il y avait du vent ce jour là.

Louve n'entendit pas arriver les dix hommes armés qui, en cercle autour d'eux, mirent en joue le Monstueux de leurs colts et sabres.
Et Louve, toujours balancée par l'inertie, si elle reconnut soudainement ses pères, ne bougea pas. Pourquoi l'aurait-elle fait ? Ils avaient les visages fermés, agressifs. Ils visaient le Monsieur démon. Et pas besoin d'avoir quarante ans pour savoir ce qu'ils voulaient.

Pourtant, Ishii, il était gentil.
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Gentil ? Peut être, mais fou aussi. Stupide d'être sorti plus qu'un court instant, d'avoir cédé à ce caprice d'enfant qui n'aurait rien changé à sa vie. Qui n'aurait été qu'un jeu de moins, qu'un temps de plus. Mais le Monstre a cédé parce qu'il est ainsi. Il n'a pas encore compris que la vie est comme ça, faite de choix, de chemins s’imbriquant les uns dans les autres et de tournant que l’on voudrait prendre mais que l'on finit toujours par manquer, finissant à chaque fois la gueule dans le fossé.

Et ce tournant là, celui d'un temps simple au milieu d'une balançoire qui se transforme en une petite seconde en champs de presque bataille, ce tournant là, le Monstre ne l'aime guère. Il a un mauvais goût, celui de la gorge sèche à cause du tabac, une mauvaise odeur, celle de l'humidité qui vient ronger chacun des membres, prémices d'une future tempête. Et puis...Une mauvaise vision, celle d'une dizaine de lames et pétoires toutes pointées vers sa gueule.

Pourtant, il ne bouge pas. Resta là à observer tous ces visages tournés vers lui, à observer la balançoire ne tanguant plus et la petite jeter son regard partout, comme pour savoir quelle en serait la fin.

Il y a un volet à battant qui se claque sous le regard apeuré d'une vieillarde, calfeutrée dans son chez soi. Il y a le bruit de course d'un môme qui voulait venir jouer, qui a comprit qu'il ne pouvait pas. Et puis il y a tous les autres, de regards, la dizaine. Qui lève les bras et les gueules, qui bombe les torses et fronce les sourcils. Il en manque peu dans ceux que connaît le Monstre, un ou deux, juste assez pour garder le navire tandis que les autres récupèrent leur fille. Et à ce jeu là le Monstre sait qu'il n'a aucune chance. Ce sont des pros de la piraterie,s qu'ont passés des années à se jouer des mouettes sans jamais se faire arrêter. Alors... A quoi bon ?

_Tu vois Hm... Petite. La vie est ainsi... Jamais très douce...

Le geste qui suit, celui où la main du Monstre se perd dans le veston pour en sortir un canif. Celui où l'arme vient effleurer le cou de l'enfant, ce geste se fait si vite que les pirates n'ont le temps de rien.

_Hmm...Vous allez gentiment rentrer chez vous. Hmm... Et dans deux jours, quand j'aurai reçu un appel pour me dire que les femmes sont rentré chez elles... Hmm... Vous retrouverez votre fille.

Ils n'y croient pas. Ils n'en veulent pas, de cette réponse.

_Hmm... Elle va bien, elle n'aura aucun problème... Si vous faites ce que je dis.

Déjà, un homme s'avance. L'est pas grand, pas gros, et pourtant chaque pas qu'il fait donne des frissons au dos du Monstre.

_T'oseras pas tirer, c'est une gosse. Même les Monstres le savent, qu'on touche pas aux gosses.
_Les Monstres savent qu'un marché, ça se respecte.
_Non, les Monstres ils meurent juste. Et on les oublie après comme on oublie les mauvais cauchemars. Alors si tu veux pas finir comme les autres, tu vas relâcher la gamine.
_C'est vous ou moi. Et j'ai encore beaucoup de chemin, pour pas que l'on m'oublie.

Mais le pirate trop confiant s'avance déjà avec sa pétoire de pointée et ses pas se font de plus en plus rapide. Le monstre regarde sa lame toujours chatouillant le cou de l'enfant. Il imagine les larmes commencer à couler de ses grosses joues de gamine, il imagine la peur venir lui broyer le corps jusqu'à la piquer d'un millier de fourmis. Il imagine ses pensées immondes qu'ellle a à l'instant, qu'elle ne devrait jamais avoir à son âge. Il imagine tout ça et lâche sa dague tombant au sol, raisonnant sur le pavé.

_Hmm... Vous avez gagné.

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Le coup de crosse s'abattit sur sa nuque, appuyant ses paroles comme le marteau du juge sa sentence. Un coup puissant qui aurait clôt les plus vifs débats. Mais si la plupart des hommes s'effondraient sous une force pareille, le Monstre ne posa qu'à peine un genou à terre, plus comme signe de soumission que vraiment de douleur. Après tout, il ne faisait que deux fois la taille de l'homme qui l'avait pris en traitre. Louve cria, un son oscillant entre peur et surprise. Encore une fois elle ne comprenait pas. Que ses pères débarquent comme ça et qu'ils s'en prennent à Ishii et qu'ils le frappent, comme un méchant... elle ne comprenait pas. Puis des bras puissants l'arrachèrent à sa balançoire. Une poigne forte qui l'étreignit à lui en faire éclater la cage thoracique, lui bloquant la respiration. Des bras inquiets et parcourus des frissons du soulagement. Le père retrouvait sa fille après trois jours à se morfondre.

Autour du monstre à la peau sombre, le groupe de pirates se rapprochait. Fusils en joue sur cette énorme main qui vint se masser la nuque, à l'endroit de l'impact. L'homme qui venait de frapper inspecta sa crosse car il trouvait ça étrange. D'ordinaire ça fonctionnait. Il se retourna vers l'un des pirate et abattit entre ses omoplates la crosse en bois décoré. Il s'écroula comme le font les gens ordinaires et, rassuré, il se tourna à nouveau vers le monstre kidnapper. Qui fixait aussi calmement qu'à son ordinaire le petit chétif qui lui parla et qui lui tenait maintenant tête, à hauteur d'yeux. Et de nouveau il s'adressa à lui, les cheveux volant autour de son visage à cause d'une brise qui amena des nuages devant le soleil décroissant, sans haine. Simplement avec un profond dégoût. Pour ce qu'était le monstre ou pour ce qu'il avait fait ?  Louve, de son coin reculé où la tenait fermement son père savait pourtant qu'il ne jugeait pas Ishii sur son physique. Mais qu'il ne lui ferait jamais confiance.

« Un monstre n'en est pas toujours un. Alors mieux vaut agir avec lui comme si c'était le pire de tous. »

-Bien. Tu ne seras pas encore oublié. Pas tout de suite. Mais tu peux encore me dire qui veut absolument du retour de trois putains, ça m'aiderait grandement. Et alors, et seulement alors, je te laisserai et t'oublierai.

Il n'avait pas peur du cachalot qui lui faisait face, c'était une certitude. Peut-être devrait-il, mais ce n'était pas dans son mode de vie. Avoir peur. La mort, il lui aurait ri au nez s'il avait dû l'affronter pour que les autres pères de Louve s'en sortissent. Alors cet homme-poisson aux grosses dents, il ne lui offrit à voir qu'une moue dédaigneuse et le canon d'un fusil directement braqué sur son faciès dérangeant. Autour, tous étaient tendus. Et même le soleil se faisait discret en cette fin d'après-midi, masquant ses rayons trop forts pour cette scène derrière de lourds nuages gris. Louve aussi était cachée. Par les bras de son père. Mais elle se tortillait fort entre ses mains pour regarder l'Ishii qu'elle appela une fois ou deux, sans vraiment savoir pourquoi. Mais elle ne voulait pas que le capitaine tire.

-La balle est dans ton camp le Monstre.

Louve échappa aux bras de son père comme une anguille à son trou et courut vers Ishii, pour le rassurer et lui dire qu'elle lui offrirait du thé aussi à bord, s'il le voulait bien. S'il voulait bien venir avec eux. Des paroles insensées... Un sabre allié l'empêcha d'aller plus avant vers la masse imposante de l'homme cachalot, alors Louve s'arrêta à quelques pas, son père sur ses talons, et le fixa de ses grands yeux larmoyants. Une larme de sang coulait le long de sa gorge, mais elle ne la remarqua pas. Elle était forte, elle n'avait même pas mal. Plus loin, un pirate se redressait avec une douloureuse courbature entre les omoplates.
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Il y a dans les yeux du Monstre un regard vide et sans sentiment, glacial. Ses deux orbites bloquées sur ceux du père l’observent comme pour comprendre. Son énorme tête balaie l’espace pour se poser sur le corps agité de l’enfant. Un instant plus tard, ses deux sourcils se fendent d’un regard de compassion. L’effet de la naïveté sur l’horreur d’un Monstre.

Tout autour, les armes braquées sur son corps sont comme autant d’ordre à parler, mais pourtant, le Monstre se tait. Les lèvres coites et le regard baladant, il prend le temps de sortir lentement un cigare. Sa main droite part doucement à l’intérieur de son veston comme pour ne pas apeurer les pauvres hommes aux armes toujours braquées. Lorsque son tabac arrive enfin aux lèvres se fait fumer, son énorme bec parle. C’est un ton calme qui sort.

-Hmm… Qui les veut ? Mais le propriétaire bien sûr. Là où elles sont nés, ces femmes sont des objets. Hmm... Des bouts sans vie qu'on use et ré use jusqu'à ce qu'ils se cassent. Qui se jettent et se remplacent. Ce n'est pas ces femmes que le propriétaire vient chercher. C'est son honneur qu'il vient laver. Hmm... Tout monstre qu'il est, cet homme tient à son honneur. Et vous l'avez bafoué.

Tout autour les père se serrent en rang, braquent leurs armes au niveau de la gueule du Monstre.

-Hmm... Je ne l'aime pas, cet homme. Mais c'est mon employeur. Et il m'a donné une mission, vous voyez ?

-Et en quoi ça nous regarde ?

-Hmm... Bien sûr vous pourriez tirer. Faire voler les balles et croire que ça suffirait. Sauf que j'en éviterait sûrement la moitié. Qu'il me resterait assez de force pour répondre. Peut être blesser, sûrement tuer l'un d'entre vous. Mais je n'en ai pas envie. Le seul lien qui me retient à cet homme, c'est l'argent qu'il me doit. Vous voyez ? Et si je rentre les mains vides, il me fera tuer et enverra quelqu'un d'autre. Ce n'est pas moi votre menace, Hmm... C'est lui.

Il y a un silence qui se fait. Celui où les insinuations se glissent au fond des caboches, où les mots prennent leur place pour mieux faire jaillir les idées.


Dernière édition par Ishii Môsh le Mar 22 Oct 2013 - 14:50, édité 1 fois
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Non loin de jaillir, les idées germèrent. C'était déjà un bon début. Les ordres, en revanche, eux furent lancés à la cantonade à l'attention des dix hommes qui braquaient la gueule grise de ce qu'aucuns n'auraient osé appeler humain. Des ordres secs, claqués, entre hargne et excitation. Une agitation fébrile s'empara des pirates. Une agitation qui vint placer sous son cigare consumé le canon d'un fusil pour l'inviter à se relever ; qui poussa un père à agripper sa fille comme de crainte qu'elle ne s'envolât . La tempête grondait ; il valait mieux abriter les meubles. Et pourtant, la jeune Louve vissée sur l'épaule de son père, regardait avec une curiosité candide et une inquiétude à peine masquée l'Ishii guidé par quatre paires de canons pointés sur sa nuque. Et seul le vent osait chuchoter de vaines paroles inaudibles aux oreilles du monstre et de la petite fille. Au moins partageaient-ils cette sensation. En plus de celle de n'être pas libre de leurs mouvements.

Ils furent tous deux menés sous bonne garde sur le navire pirate qui avait accosté de force dans la matinée. De force, on le sentait car de nombreuses traces de brûlures, de détonations et une forte odeur de souffre se mêlait aux embruns marins. De plus, les quais étaient déserts et une poignée de marins étaient attachés au grand mat d'un croiseur aux couleurs de la marine. Les renforts ne tarderaient probablement pas, mais rester sur place comme en terre conquise pendant qu'ils amenaient des hommes, des navires et des canons était l'un des bras d'honneur qu'ils s'amusaient à adresser à leurs poursuivants, à leurs détracteurs. Et aujourd'hui, ils se faisaient les détracteurs d'un homme poisson.

-D'un monstre, corrigea le capitaine à son matelot qui lui avait gentiment fait remarqué que faire des prisonniers n'était pas le genre de la maison. Plus l'appât est gros, plus la prise est appétissante, se permit-il même d'ajouter.

Et sur ces paroles sibyllines, ils levèrent l'ancre, au grand soulagement des locaux qui, malgré un manque d'agressivité incroyable en tant que pirates, avaient tout de même mis à mal la police d'un village au complet.
Et c'est une fois sur l'eau en direction de Logue Town, une fois le monstre ficelé au mât, une fois les lieues avalées et les matelots de quart occupés, que Louve échappa aux mailles du filet de son père et apporta du jus de pomme volé dans la cuisine. Juste pour lui et ses très grandes lèvres sèches. Elle resta sans voix devant lui, remarquant à quel point il était plus large que la Misaine auquel il était était attaché. Elle se demanda s'il n'avait pas la possibilité d'arracher tout le bois du navire en se redressant malgré les tours de cordes successifs que des pirates méfiants et craintifs avaient fait autour de la carcasse du monstre gris. Et elle, Rachel, s'était assise à côté de lui pour l'observer boire ce qu'elle lui avait apporté. Tout comme elle avait bu le thé qu'il lui avait donné. Ah non... elle ne l'avait pas bu. Non loin, le cuisinier observait la scène d'un œil attentif, lustrant son chapeau rouge entre ses mains calleuses et scarifiées

Ils n'échangèrent pas un mot. Louve fuyait dès que le capitaine ou son père approchait. Et elle revenait un peu plus tard.

Jusqu'à ce que

-Tu vas nous amener jusqu'à ton patron, Gros. Et une fois qu'on se sera occupé de lui, que tu seras libéré de ton contrat et que tu te seras servi dans la caisse, on disparaitra. J'ai juste pas encore décidé qui de nous deux sera l'appât.
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Les énormes mains du Monstre, toutes noirâtres, calleuses à force de manier sa lame ; son immense ventre, sculpté par les exercices, par la faim et la peur ; ses bras, plus gros encore que les cuisses d’un obèse, et ses jambes, dont les veines montaient et descendaient au gré des mouvements de la coque comme de minuscules rivières ; tout son corps n’était plus qu’un tas de chair et d’os pris au piège. Il n’y avait que ses deux rubis qui réussissaient tant bien que mal à se sortir de l’ombre du mat pour observer l’enfant.

La petit dut se hisser sur un tabouret pour lui verser le jus au creux de ses énormes lèvres. Debout sur la pointe des pieds, en équilibre prête à tomber, ses deux prunelles n’étaient que tristesse, incompréhension. Mais lui, ses yeux à lui n’étaient maintenant plus fixés que vers l’horizon.
Il avait connu un court instant ce qu’était qu’être père. Ce qu’était de se lever avec la responsabilité d’une autre vie que la sienne. Il avait voulu jouer à l’homme et en payait maintenant le prix.
Les jours passèrent ainsi, avec le corps du Monstre serré jusqu’à l’ecchymose entre les cordages et la fillette venant lui servir quelques jus sous le regard discret du cuisinier. Il y avait à chaque fois qu’elle venait cette étrange présence qui pesait sur le Monstre, mais les cordes l’empêchaient toujours de voir ce qui fut plus tard le pire des traîtres. Lorsqu’ils arrivèrent enfin au port de Logue Town, tous les muscles du Monstre étaient si crispé qu’au moment où ses lien se firent coupés, il manqua de tomber, noué d’être si longtemps resté immobile. Le capitaine s’avança, inquiet. Il avait son arme tendue vers le Monstre, et chaque pas réalisé était fait avec la plus grande des prudences.

_T’as interêt à nous conduire vers celui qui t’a amené. Rappelle toi que ta vie est en jeu.

_Hmm… Et puis quoi… Vous comptez y aller ainsi ? Foncer dans le tas, en entrant par la grande porte ? Vous ne savez pas Hmm… Vous ne savez pas à qui vous avez à faire.

_Tu te fouterais pas un peu de nous ?

_Si l’on fonce ainsi, on mourra. Alors que ce soit vous ou lui…

_Et t’as un plan, peut-être ?

_Hmm… Oui, j’ai eu le temps d’en mettre un Ce n’est pas le meilleur. Ce sera dangereux, on risquera de mourir. Mais le seul que j’ai. Vous vous attacherez avec des nœuds. Assez solides pour faire croire à de vrais. Assez mous pour vous en dépêtrer facilement. Vous ne porterez pas vos armes. Ce sont deux d’entre vous qui les auront. Eux libres, se faufileront à l’intérieur pour apparaître que lorsque le patron aura baissé sa vigilance. Hmm… Pour ça, j’ai un plan.
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-Ce serait donc moi, l'appât.

Petit rictus sarcastique. Le capitaine ne semblait pas pleinement satisfait de la réponse. Ou du moins, ne l'appréciait pas forcément. Ou pire, n'appréciait pas entendre ce que lui même se refusait à admettre : risquer la vie de son équipage pour cinq putes. Non pas que c’eut été une nouveauté, mais c'était effectivement la première fois qu'un autre que lui lançait l'idée.

Le capitaine et le monstre se faisaient face, l'un bien plus grand que le second. Bien plus grand, bien plus large et bien plus gris. Il valait peut-être trois ou quatre fois le capitaine, mais ce dernier ne rechignait pas à le fixer dans le blanc des yeux. Ils étaient vingt. Il était seul. Ils ne craindraient rien. Même une fois la bête de foire détachée. Même détachée, ils ne craignaient rien. Autour d'eux, les pirates s'amassaient, curieux, avides, craintifs. Dans le lot, deux grands yeux verts observaient la scène avec discrétion et attendaient avec impatience le couperet qui ne manquerait pas de tomber. La décision serait probablement sans appel.

-J'aime pas ton plan. Mais je dois le reconnaître ; c'est le même que j'avais en tête.

Louve respira. Elle avait bloqué sa respiration sans même s'en apercevoir. Le capitaine avait dit oui. Mais tous les deux avaient dit que ce serait dangereux. Qu'ils pouvaient mourir. Elle ne voulait pas qu'ils meurent. Ni ses pères, ni même Ishii. Il était un monstre sorti droit d'un conte et avait le regard de ces types qui n'avaient guère choisi que leur arme et qui furent jetés en pâture au destin. Elle ne le comprenait pas vraiment, mais elle savait que l'Ishii n'était pas aussi méchant que les autres semblaient le penser. Autour d'elle, il y eut quelques sifflements dédaigneux. Ils n'aimaient pas plus le plan que le capitaine, et certains dirent clairement qu'ils n'avaient pas confiance. Le cœur de louve s'étreignit. Elle n'en était pas étonnée, mais elle avait peur tout de même. Peur pour lui. Il était comme un homme au milieu de lions. Et aucun des lions n'avaient de bons égards envers lui. Il restait calme, pourtant, l'homme poisson. Il laissait son regard glisser sur ces hommes qui n'approuvaient pas l'idée, qui lui reprochaient de vouloir les mener à l'abattoir. Il ne dit mot. Les phrases volèrent encore un peu plus, un peu plus violentes, un peu plus fortes. Puis le tabouret dont s'était servi Louve vola à travers le navire et se fracassa contre le nez de celui qui s'était avancé pour parler plus fort que les autres. Il y eut une seconde de flottement, un silence soudain tendu. Puis ils éclatèrent de rire, presque tous, se moquant de cet homme au nez ensanglanté. Il se fit chambrer, se fit chamailler, puis il finit par rire avec les autres. La situation les tendait plus qu'ils ne l'auraient cru et tous avaient besoin de décompresser un peu. Le capitaine faillit se laisser aller au rire lui aussi, après ce coup d'éclat, mais contint son sourire pour héler ses gens.

-Nous y allons ! Point final ! On fait selon leurs règles, on se laisse gentiment prendre dans leurs filets pour mieux les déchirer de l'intérieur ! Vous garderez des couteaux à vos bottes, messieurs. C'est pas la meilleure solution, j'ai pas un brin confiance en ce monstre là, mais je peux vous dire que s'il y a la moindre couille dans sa soupe au potimarron, je lui fais moi-même péter la cervelle avec mon colt !

Il y eut des vivats. L'affaire était entendue. Quelques rires gras, des grossièretés jetées à la figure de l'homme poisson, un membre de l'équipage lui cracha même dessus. Puis ils retournèrent à leurs besognes. Le calme revenu, Louve resta en retrait mais fixait toujours Ishii, tourmentée. Le capitaine sans nom, lui, se pencha un peu vers la bête déliée et lui murmura avec un mépris et un ton plein de menaces :

-Tu es prévenu, démon.

*****

Maquillés comme après une bataille mémorable, la file de pirates tirée par un monstre aux allures de baleine grise avalait les mètres entre les allées et les rues assez pauvres d'un quartier résidentiel plutôt prolétaire de Logue Town. Elle était silencieuse, la file, elle était ordonnée, et elle faisait peine à voir. Le monstre, lui, avait meilleure allure malgré le coquard qu'on lui avait peinturluré sur le visage et cette jambe qu'il essayait de trainer pour montrer que l'affrontement ne fut pas aussi facile qu'il aurait dû l'être.
Et bientôt, trente bonnes minutes d'une marche assez lente, le temps de rallier le port à cette façade décrépie , tous purent admirer le manque total de goût de cette maison qui se fondait parfaitement dans la masse. Il y eut un instant d'hésitation devant ce qui se voulait être la maison d'un riche mac qui venait de perdre une dizaine de prostituées. Le capitaine coula un regard lourd de menaces à Ishii qui, lui, savait parfaitement où il allait. Et lorsque le cachalot s'avança finalement pour aller utiliser de sa lourde patte le heurtoir installé ici comme une cerise sur une pièce montée misérable, les douze pirates qui le suivaient n'eurent pas à simuler pour freiner le pas. Le lieu était le plus improbable des décors pour un riche homme qui avait amassé sa fortune berry par berry. Bref, de quoi s'inquiéter. Du moins, presque autant que les douze autres pirates restés à bord d'un navire mouillant à l'horizon. Dont Louve qui se faisait un sang d'encre pour son père et son capitaine à terre.

Le claquement du heurtoir à tête de harpie sur le bois bouffé aux mites résonna contre les murs d'en face. Il y avait une atmosphère étrange dans tout ça. Comme s'ils regardaient le décor d'un pièce de théâtre.

De deux choses l'une

Soit la devanture était fausse

Soit la scène se déroulerait à leur insu.


Soudain, après un chuintement discret, l'on put apercevoir une pupille se glisser derrière un œil de bœuf que l'on n'eut pu deviner tant le lierre était monté haut sur cette porte en chêne vieux de cent ans. Et malgré son visage légèrement tuméfié, Ishii n'eut pas à se présenter. Il avait de toute manière contacté son employeur pour lui dire qu'il revenait avec la marchandise. Enfin presque la marchandise. Ceux qui avaient enlevé la marchandise et qui n'avaient pas voulu dire où ils l'avaient planquée. Ici, la marchandise étaient une bande de prostituées au compte d'un riche froussard qui se masquait derrière une devanture qui tombait en ruine, et il fallait avouer qu'une fois libérées d'un des pires bordel de Logue, les pirates n'avaient aucune idée d'où elles avaient bien pu fuir, ces filles.
Tout ça pour dire que Ishii était attendu et qu'il n'eut pas à patienter dix secondes dehors avant qu'on l'invite.
La porte s'ouvrit et l'on s'effaça devant lui. Il entra et à sa suite, les douze faux prisonniers.

Et ces pirates purent alors observer -avec une admiration non feinte envers le luxe, l'or et la richesse- tout ce que la façade masquait à la vue des passants banals. Des teintures, du marbre, des sculptures, des costumes taillés. Bref, une fortune cachée dans un bourg de prolétaires. Et des hommes de main aussi, des videurs probablement engagés dans une boite pour ces hommes défraichis avant de se voir augmentés vers les bonnes grâces du patron. Patron qui sortit d'une pièce adjacente pour recevoir ses invités de marque.

Et maintenant qu'ils le voyaient, ils l'aimaient encore un peu moins.
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On disait que cet homme-là, avec son haut blanc impeccablement taillé, sa cane magnifiquement sculptée d’or et d’argent, son énorme chaine avec en pendentif un tout aussi énorme berry, on disait que cet homme-là, finissait chaque jour par tacher sa belle chemise d’un sang rouge.

L’Ishii savait bien que ce carmin dont il comptait orner son joli haut, c’était celui des pirates. C’était aussi le sien, celui du Monstre qui plutôt que ramener les prostituées n’a vaitemmené dans ses pas qu’une bande de truands.

Il savait qu’au son de son horrible rire, frissonnaient ses soldats, même les plus robustes.

_Mouahaha, alors comme ça on ne ramène pas les filles ?!

_Hmm.. Non.

_ « Hmm… Non. », en langue humaine ça veut dire « pardon Monsieur, je vous suis à jamais redevable, s’il vous plait épargnez moi.

_ Hmm…

_Ou alors le Monstre croit me faire peur avec son horrible gueule, Monsieur Le Monstre croit pouvoir faire tomber ma dizaine de garde juste en faisant « Bouh », mais monsieur le Monstre n’a pas encore compris qu’ici, c’est moi qui fait peur ! Ici c’est chez moi ! Et on ne vient pas chez moi comme pour se venter d’avoir désobéi ! Elles sont où, mes putes !!

_Dans ton cul.

C’était le capitaine, et le silence qui suivit, celui de la peur des soldats. Alors le maitre des lieux s’avança, prennant le temps de marcher le plus lentement possible vers celui qui avait osé le couper. Arrivé à porté de bras du bandit, le maitre des lieux tira sur les cheveux du prisonniers jusqu’à lui faire pencher le crâne vers ses pieds. Jusqu’à presque lui faire toucher le sol avec sa langue.

_ Tu te prends pour qui, pour me parler comme ça, petite merdeux.

L’instant qui suivit, celui où le capitaine arracha son couteau avec ses dents pour l’enfoncer dans le cou du maitre. Celui où trois fusils tombèrent d’une lucarne pour tomber dans les mains de pirates, celui où Ishii lança son épée dans le crane d’un garde et un couteau dans le ventre d’un autre, celui ou cinq autre petites lamelles volèrent vers cinq autre soldats, cet instant ne dura qu’une paire de seconde. Et pourtant lorsqu’elles finirent, le sol était déjà taché de sang, recouvert de rouge carmin, de cadavres et de tripes jusqu’à remonter l’odeur de mort jusque dans toute la rue. Le Monstre s’assit alors au milieu du carnage, les deux énormes jambes en tailleur et le regard posé sur un dernier soldat encore en vie.

_Hmm…. Cet endroit m’appartient, maintenant, et ces pirates sont mes invités. Donnez-leur or, femmes, ce qu’ils veulent. Nettoyez le sang et préparez les prostitués. Ce soir elles travailleront comme les autres soirs, avec comme seule différence, l’absence de peur de la mort.

Ces femmes, ces hommes, ces richesses lui appartenaient maintenant. Non pas par envie, avarie ou autre, juste parce qu’il devait y avoir quelqu’un pour s’en occuper. Et que toute cruauté d’un homme était toujours remplacée par celle d’un autre, comme un éternel recommencement.

Il ferma un instant les yeux, et pensa à cette drôle d’enfant. Il était heureux, elle n’avait pas vu tout ce sang. Il l’imaginait sur une balançoire, se ballottant tranquillement au gré des mouvements, un sourire simple aux commissures des lèvres.

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Et au dernier soldat encore en vie, le capitaine vint arracher le paquet de clopes qui pendait de la poche de sa veste. Il le remercia d'un geste de la tête comme le monstre parlait et fouilla ses propres poches. Bredouille il se tourna finalement vers le garde visiblement tout remué par ce rouge qu'il n'avait jamais vu en aussi grande quantité -mis à part dans les tableaux que faisait son père lorsqu'il était petit. Machinalement, le soldat qui n'avait plus de soldat que le nom, son arme gisant à ses pieds dans un geste de soumission fortuit, sortit un briquet de bonne facture et alluma la cigarette du capitaine qui arracha à sa tige un nuage d'étincelle. Et après avoir craché cette lourde fumée de la victoire, fit tourner la cigarette à son second avant de se retourner vers le Monstre assis au milieu de la scène comme s'il avait été dans son élément. Ce n'était pas vraiment le cas du capitaine, mais il fallait avouer que renouer avec la violence avait parfois du bon. Ses hommes ne perdraient pas cette vivacité de réaction qui les caractérisait s'ils tuaient de temps en temps des hommes qui auraient mérité mourir vingt fois depuis le jour où ils avaient pris leur première respiration et poussé leur premier cri. Il soupira et fit un pas vers l'homme-poisson.

-T'as su tirer ton épingle du jeu, gros. Et j'ai à peine l'impression de m'être fait doubler. T'as du pot, j'suis pas genre d'homme à me ralentir de choses comme celles que tu viens de te voir offrir.

-Hum... faudrait peut-être partir, non ? Rapport au bruit tout ça. Jugea bon d'ajouter le second et père de Louve.

-Je sais, va. J'en finis avec lui.

Massant ses poignets dont les faux nœuds avaient réussi à bloquer la circulation du sang, il fit un nouveau pas vers le tas de graisse grise qui se servait un cigare dans sa boite de circonstance.

-J'dois dire que t'as vraiment du pot. J'suis pas genre d'homme à oublier non plus. Je t'oublierai pas. J'aurai toujours des oreilles dans le coin, au cas où. J'voudrais pas avoir remplacé un tyran par un monstre..

Le monstre. Sans la majuscule. La différence parvint même à l'oreille d'Ishii. Et le capitaine sourit, à mi-chemin entre le carnassier et l'amusé.

-Je me souviendrai. Mais je saurais pas dire si c'est bon pour toi.

Et il fit volte face sur ces derniers mots. Son pas le mena directement vers la sortie, ses hommes à sa suite. Il les siffla à l'extérieur pour que ceux montés sur le toit les rejoignent et ils furent prêts à partir. Il resta un rigolo pour, en passant devant le dernier garde encore sur ses pieds, pousser un « bouh » tonitruant. Il s'affaissa sur son postérieur et tous éclatèrent d'un rire sans commune mesure.

Ils furent partis.
Laissant là Ishii à ses nouvelles responsabilités.


Et en revenant à bord du navire, Louve les accueillit, anxieuse, avec des dizaines de questions sur l'Ishii, ce monstre aux yeux si doux et aux doigts trop grands pour lui.
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