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[FB 1618] Confluence d'infortune

Une petite île d’East Blue, 1618


La jambe de bois de la Cloque battait le sable fin d’une petite île de l’Est de ces mers. Son jean éternellement en lambeau gouttait d’une eau saline chaude et transparente, il venait de hisser la barque du Fusilleurs sur la bande sablonneuse. Cela faisait maintenant deux ans que la tête de Bylly, la lame sombre, avait roulé sur l’ancien bâtiment qu’occupait Tournebroche. Deux ans qu’il trimait pour gagner les grâces d’un ancêtre de la pire espèce du nom de Jangoto le Baffeur comme le Code le stipulait. Douce ironie que de faire partie de l’équipage de celui même qui a pourfendu son ancien capitaine.

Mais Tournebroche était de ces hommes qui se hissent en haut des autres progressivement, comme un vers qui ronge les intestins de quelqu’un avant d’en ressortir par la bouche dans une gerbe de bile et de sang. En deux années, il n’avait pas encore récupé son rôle de contremaître, le seul qui lui allait à la botte, au plus près des hommes, au plus près du capitaine, le plus longtemps à rester sur le plancher des mouettes.

Force était de constater que ce jours-là, Scab pestait dans les poils roux qui se bataillaient sur son visage. Tout en envoyant sur son épaule un sac de jute et en calant un tonneau vide sous le bras, il ronchonnait avec force. Ce n’était pas le calme apparent du morceau de terre sur lequel il avait débarqué qui allait le détendre. Il se retourna pour observer le Fusilleurs qui mouillait à une centaine de coups de rames de là.

« CAMBUSIER ! Moi ! Scab Tournebroche ! Cambusier !! Me voilà à faire le travail d’un cantinier ! D’un aide-gargotier ! Si tu t’écoutais parler Tournebroche, tu ne vaudrais pas mieux que cette salope de Bikaros à l’époque de Bylly ! Ventrebleu !»

Sa grosse voix fit s’envoler une armada de piafs qui avaient élu domicile sur la branche d’une sorte d’arbre exotique à proximité. Jangoto n’avait pas trouvé plus rabaissant pour l’homme de valeur qu’il avait sous la main que de le nommer à un poste de cambusier. Les qualités de la Cloque dans les domaines de la parole et de la débrouillardise collaient parfaitement à ce nouveau rôle de chef des approvisionnements. En parallèle, Jangoto s’assurer de brider les racontars et les tours de langues du nain belliqueux en l’envoyant faire les réserves en solitaire et en le rendant responsable aux yeux de l’équipage des pénuries de rhum ou de lard.


C’est ainsi que Scab Tournebroche partait en quête de rationnements, un sabre à la ceinture, sur une île aux faux-semblants paradisiaques. Une végétation épaisse et vivace, une petite chaîne de trois volcans en son centre suffisamment haut pour dissimuler l’horizon et une bande côtière courant sur toute la circonférence, laissant ainsi libre accès sur ce lopin de terre, à tous les voyageurs de fortunes, de l’Est à l’ouest et du Nord au Sud.

« Parbleu ! Je trouverais jamais de rhum pour ces bois-sans-soif ici ! Zagahaha !»



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Dernière édition par Scab Tournebroche le Mar 21 Mai 2013 - 19:57, édité 1 fois
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_Hoyla... Si je vous dit que c'est ce qu'il faut aux enfants de votre île.
_Et comment les parents vont faire pour payer ça ? Et comment vont faire sans les bras de leurs gosses ?
_Hoyla... Il leur faut une éducation. Ils sont trop jeunes pour travailler. Qu'ils apprennent au moins à lire et écrire.
_Je crois bien que vous ne comprenez pas monsieur le Colonel. Ici, on ne vit pas monsieur, on ne vit pas. On survit.
_Hoyla..Je m'en doute, mon père, et je viens pas ici de bonté de cœur. Mais quand même... Un jour au moins dans la semaine, un jour. Ça rendrait tout le monde heureux. Et les autorités, et vos enfants qui auront les bases d'enseignées.
_Je les enseigne, moi, les bases. Chaque Dimanche que le bon Dieu me donne, je leur enseigne à lire et écrire.
_ Hoyla... Je comprends bien, mais la marine verrait d'un bon œil que vous ne soyez pas tant...
_Reclu ?
_Hoyla, Hoyla, allons mon père... N'allons pas avec de si gros mots.
_Ecoutez monsieur Ziow, on dit du bien de vous. On dit que vous avez fait de bonnes choses à Cocoyachi. Mais ici, c'est pas Cocoyachi. Ici les bougres d'hommes vivent chaque foutu jour comme un bataille pour avoir de quoi manger.
_Hoyla ! N'y allez pas si fort tout de même.
_Si fort ? Si fort ?! Mais Colonel, ici on ne reçoit rien. On vit avec ce que l'on réussi à faire pousser. Alors avant de donner des cours aux enfants, avant de leur installer vos idées dans leurs pauvres petites têtes, donnez leur à manger !
_Hoyla... Hoyla... J'ai compris mon père. Navré du dérangement...

[...]


J'étais à jouer mirettes avec la p'tite Mary du bar quand le monstre est entré. Voulait voir sa mère, j'crois bien. J'crois aussi que l'odeur du rhum, du tabac froid, d'la terre et du purin lui manquait un peu. A lui qu'était parti loin d'tout ça, des années avant. L'était parti chercher des choses que les gens d'chez nous ne connaissent pas. Trop peu. De l'oseille à c'qu'il paraît. Jamais compris pourquoi l'était pas heureux avec son fétu d'paille et son sac de riz. L'était pas comme nous, aussi. L'était comme sa mère. Jouait au riche alors qu'il avait pas le sous. Avec son costume trois pièce et sa p'tite moustache toute bien coupée comme il faut. L'avait toujours pas compris qu'avec sa trogne, l'arriverait jamais à jouer au riche. Mais l'avait cette prestance qui f'sait oublier le reste. Sa façon à lui de foutre un pas devant l'autre en mirant devant, toujours aussi droit. Quand l'est entré dans le bar, on a fait semblant d'pas avoir peur. Mes guibolles flageolaient un peu, quand même. Et j'avais la goutte aux tempes comme quand j'rentre trop tard, trop arrosé, d'chez la Mary. Faut dire aussi que l'mome cachalot qu'j'avais connu au départ avait fait son ch'min dans l'pas bien. On disait d'lui qu'il avait la marine aux trousses et qu'il f'sait des choses qu'les gens comme nous, on peut pas comprendre.

Quand l'est entré d'mander un thé, y'a la Mary qui lui a glissé mot. L'était pas arrivé au bon moment. L'avait ce quelque chose chez nous qu'on appelle « l'pas bien du chien noir ». Rapport au cabot du berger d'la plaine du haut, à qui l'arrive pas une journée sans scoumoune. Y'avait un autre gars d'la ville de passage. L'genre de bougre qui vient d'la haute sphère. Les gens d'en haut qui dictent c'que nous, les gens d'en bas, on doit faire. L'était en pleine pallabre avec le curé, à ce qu'il paraît. J'me demandais bien ce qu'ils pouvaient se dire, ces deux bougres. Mais j'faisais confiance au curé qu'avait toujours fait qu'du bien pour nous. L'avait toujours manié la barre pour pas nous laisser dans le purin et pour aider ceux qu'avait encore moins que l'rien du rien.

Sauf que l'important, l'était pas là, non l'important, c'était l'commandant. Le bougre de p'tiot, qu'avait pas plus de vingt printemps. L'avait des tifs tout étrangers qui partaient en tignasses comme les femmes d'notre île, et pourtant la barbiche toute bien taillée.

Spoiler:
L'a déboulé dans l'bar, plus vite que l'cabot d'la Mary qu'est pourtant un rapide. Plus vite qu'les premières gouttes de moisson qu'on voit jamais v'nir. L'a déboulé là au milieu du bar, en paillant. Voulait voir son patron. Rapport que les gens d'la ville r'çoivent des ordres d'autres gens d'la ville. J'crois que c'est ça que ça veut dire. Jamais compris. L'a piaillé qu'y'avait des pirates sur l'île. Qu'fallait les arrêter avant qu'fassent un bain d'sang. Le monstre, lui s'faiait tout petit sur son bout d'tabouret et l'a recommencé à respirer, j'crois bien, qu'quand le commandant est reparti vers l’église.

_Colonel ! Colonel Les pirates de Jangoto Le Blaffeur ! Ils sont sur l'île !!
_Hoyla... Ca fait bien longtemps que je n'ai pas sorti ma lame... Et nous ne sommes que deux.Appellons des renforts. Nous attaquerons après
_Mais... Colonel, s'ils attaquent avant ?
_Hoila... Oui, c'est vrai. Je crois que vous avez raison, commandant. Et puis bon, ça ne me fera pas de mal, un peu d'exercice.

Spoiler:


Dernière édition par Ishii Môsh le Mer 29 Mai 2013 - 22:41, édité 1 fois
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Longtemps Ging s'était couché de bonne humeur. De bonne humeur parce que, souvent, il s'avérait que le gros bébé était bourré comme un coin. Le jeune pirate n'en était donc pas à son premier lendemain de cuite et pourtant quelque chose clochait ce jour là. Ce n'était pas les relents gastriques mâtinés à cette forte odeur d'urine qui le dérangeait. Ni vraiment la migraine qui sourdait à l'arrière de son crâne, le genre de douleur à vous glisser subrepticement que le seul moyen de guérison est de vous frapper très fort la tête contre un rocher. Ce qui merdait, se dit Ging gisant à même le sol sa bouteille de rhum à la main, c'était que d'habitude quand il ouvrait les yeux, il se passait quelque chose. Un subtil jeu de lumières et de formes s'imprégnaient sur sa rétine et c'était d'ailleurs comme ça qu'il reconnaissait la nourriture. Pourtant là, que dalle. Il eut beau ouvrir ses quinquets une trentaine de fois en quelques secondes, seul les ténèbres l'entouraient.



—BRAAAAAAAAAAAAAAHHHH !!!


Le cri rauque et puissant sortit de ses entrailles sans prévenir et faillit percer ses propres tympans.


—BWAHAHAHA !!! AU MOINS SEMBLERAIT QUE JE SOIS PAS SOURD !!


Si quelqu'un avait pu assister à la scène, il aurait vu les yeux du pirate s'écarquiller de stupeur, sa bouche s'entrouvrir d'angoisse et son visage prendre un air d'un sérieux morbide.


—A MOINS.... QUE JE NE SOIS AUSSI DEVENU MUET ?!!!



C'était là toute la force de Ging qui, en un temps record, arrivait à se monter le baluchon sur des théories foireuses et invraisemblables mais qui parvenaient pourtant à l'inquiéter réellement ; là où corsaires, marines, bêtes démoniaques, morts imminentes et même équations du second type avaient échoué. Sa première réaction face à la panique de devenir sourd/muet/aveugle fut d'agiter les bras dans tous les sens et il en vint à toucher le plafond, étonnamment bas et étonnamment mou. Sa frayeur disparut tandis qu'il palpait la cloison humide et aux propriétés flexibles d'un air critique. Assimilant le fait qu'il était peu probable qu'il soit mort, il se mit à rire de son timbre gras et puissant, expirant des râles de délivrance. Lui répondit alors un bruit puissant, comme une longue plainte grave et il se sentit remuer dans son cercueil pâteux. Peu choqué par le fait qu'il se retrouvait dans une prison mobile, il s'irrita davantage de la force du son qu'on lui avait adressé, un peu comme lorsque maman hausse le ton sur vous. Et quand bien même le Lion en eut-il deux pour lui, il ne fut jamais un fils à maman. Alors il rugit. Plus fort, plus longtemps, et plus méchamment. Puis on lui répondit encore, avec la même force, la même intensité et dans la même idée de casser les couilles pour pas grand chose.


Forcément Ging dut sévir. Aussi se mit-il à chanter.


—C’ÉTAIT UNE CATIN QUI AVAIT LA FRIIIITEUH'
ET ELLE NE DISAIT PAS NON A UNE BONNE
*kof* *kof*


Il passa deux heures comme ça, à chanter quand il ne vomissait pas, balloté dans l'estomac d'un squale désireux de lui donner la mesure. Secoué dans tous les sens Ging émit l'hypothèse, selon lui complétement folle, qu'il s'était peut être bien fait becqueter le lard, à peu près au moment où il se prit le troisième reste de banc de truites sur la tronche. Bien que large, le ventre de la poiscaille n'était vraiment pas haut, aussi lorsque Ging se redressa nonobstant carrément l'espace nécessaire à l'entreprise, non seulement il redessina l'endroit en y incrustant sa silhouette, mais il occasionna aussi de vilaines crampes à son hôte. Mi requin, mi baleine et avec un nouvel aileron de plus de trois mètres curieusement douloureux, la créature déboussolée comme souffrante, chantait son supplice à "repas d'hier soir". Mais "repas d'hier soir" commençait à en avoir ras le cul, et entamant le refrain de sa chanson grivoise pour la trente quatrième fois ; il se mit en quête d'une sortie. Comprenez qu'il enfonça lentement ses doigts dans la chair du bestiau avec la ferme intention de déchirer le bordel façon chapiteau. Seulement requin-baleine s'en offusqua véritablement et il se mit à vriller dans les profondeurs de l'océan, zigzaguant à toute berzingue, plongeant et remontant d'une vitesse à vous filer le tournis.


Il fallut finalement attendre plusieurs minutes, le temps que Ging retrouve ses idées et propulse son poing dans une étrange boule pendante et visqueuse, pour que la situation s’éclaircisse. Le lion fut violemment recraché dans une flaque de bile où des têtes de poissons flottaient. Bien qu'outré, le pirate n'en tint pas rigueur à la poiscaille et plutôt que le poursuivre à la nage, il se dit qu'il serait plus raisonnable de gagner l'île se trouvant dans son champ de vision.


Sur les deux ou trois kilomètres de distance que cela représentait, le colosse ne rencontra bizarrement pas de péripétie folle, pas plus qu'il ne se fourra dans une situation saugrenue. Les deux minutes de voyage furent en réalité d'un ennui mortel si l'on excepte l'histoire avec le banc de crevettes provocateur.


C'était un homme nouveau et reniflant le fiel comme l'urine qui émergea sur l'île aux airs de tropiques. Encore une dizaine de crevettes dans la bouche elle-même remplie d'eau salée, Ging se dit que s'il les avalait avec parcimonie, peut être qu'il arriverait au sommet des volcans sans avoir trop les crocs.


    Le fil de la lame venait trancher chacune des branches qui venaient frapper le pif de la Cloque et chacune des lianes qui étaient désireuses de venir l’enchevêtrer jusqu’à sa guibolle. Gageons que la taille de notre homme amena à l’exécution d’une demi-trentaine de branches par mètres parcourus à travers l’épaisse végétation de l’île.


    Le sac de jute lui ceinturait la taille comme une sorte de jupe de fortune, le nain au bandana bleu taillait dans le vif de cette flore paradisiaque comme un bûcheron un jour de bouleau.

    «Foutu broussaille ! Même pas un gibier ou un truc de ce gen… »



    Soudain le sabre vint fendre une grosse branche qui s’écroula en dévoilant une bâtisse de briques. Un mur planté au milieu de la forêt comme une bouse de vache qui flotte sur la surface marine. Tournebroche essuya la sueur qui perlait de son front d’un revers de main et contourna la structure pour tomber face à un paysage enchanteur.

    Spoiler:


    « Parbleu ! Suffisait de le contourner ce bosquet pour tomber là ! Zagaha ! Tu parles qu’il ne connait pas l’endroit ce vieux renard de Jangoto ! Il doit rire devant son rhum l’ancien ! Foi de bois ! »

    La petite ville portuaire était alimentée par la mer de l’Est qui battait avec tranquillité sur le sable, les quelques imposants navires, qui mouillaient, portaient les symboles du commerce ou de la Marine. Le genre de fanions qui n’inspiraient pas la pleine confiance, sentiment de mal-être qui animerait n’importe lequel pirate de ces mers, mais Scab avait le physique passe-partout. C’est le moins qu’on pouvait dire au vu du petit être difforme qui marchait dans l’ombre des bâtiments de la bourgade, un tonneau sous le bras et un sabre dans sa jupe de jute.

    « Une taverne pour faire le plein et je me casse, ce coin fleure la bleusaille et les emmerdes »

    Soudain Scab s’arrêta derrière un tonneau défoncé, une dizaine de marines piquaient un sprint vers un navire qui mouillait au port local. La plupart beuglait des ordres et d’autres ameutaient leurs collègues en citant le nom du capitaine de Tournebroche.

    « Foutrebleu ! Faut qu’on tombe sur un bled du gouvernement ! Zagahaha ! Je mise ma guibolle sur le fait qu’ils possèdent une corde suffisamment solide pour suspendre ma carcasse dans ce patelin ! Tournebroche, tu devrais virer de bord !»

    Alors qu’il tournait le talon, remarquez le singulier, une nouvelle troupe coupa la ruelle au pas de course, La Cloque recula aussi sec et son dos heurta une porte grinçante qui l’accueillit avec plus d’ouverture qu’une fille de joie le jour du seigneur.
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    _Hoyla... Hoyla... Tout doux commandant. Vous y allez avec la fougue de la jeunesse. J'y vais avec l’expérience du vieux singe. Ne l'oubliez pas.
    _Mais colonel... Il faut faire vite !
    _Hoyla ! Je veux bien mon p'tit gars, je veux bien... Mais il est l'heure.
    _L'heure de quoi ?
    _Hoyla. Du thé mon p'tit gars. Il est l'heure du thé. J'entends les cloches sonner le gong. Du petit biscuit trempé dans l'infusion. Prenons donc un thé avant de partir ainsi. Bille en tête.
    _Mais …
    _Hoyla ! Quenini ! Il n'y a pas de « mais » à avoir. On ne perdra pas nos bonnes manière fautes à de foutus pirates. Ça serait leur donner raison.
    _Mais...
    _Hoyla ? Qu'ai-je entendu ?
    _D'accord, d'accord...
    _Hoyla ! D'accord qui ?
    _Oui Colonel.
    _Hoyla ! Et bien voilà, mon p'tit. Vous voyez quand vous voulez. Je paye votre thé, pour la peine.
    _Un café, plutôt...
    _Hoyla, pardon ?
    _Non, non rien...

    On dit qu'la vie se joue pas à grand chose. On dit que c'qui s'appelle les aléas font pour beaucoup. J'crois bien que j'suis assez d'accord. Rapport que si le Colonel avait marché un trop plus vite, avait mis ses sabots vers la faune un peu plus tôt, l'aurait p't'être pas fait ce qu'il a fait. L'aurait pas remis ses guibolles vers le sens du village. Là où une p'tite heure plus tard déboulaient les marines à grand coups d'canons et d'bruits de pétoires. Z'ont déboulés comme ça, 'vec leurs beaux uniformes tous bleus, leurs gros calibres luisants et les lamelles affinées. On n'en avait jamais vu tant. Vrai que quand les pirates montrent le bout de leurs niches ici, y'a pas un bon gusse pour l'emmerder. Et l'drapé noir vient pas nous la jouer à nous, parce qu'y a rien d'autre à voler ici, que l'cœur des hommes et l'corps des femmes.

    Mais eux, les bleutés, avec leur si grosse coque qu'nous, on savait même pas qu'une chose comme ça pouvait flotter ;eux ; ils s'en contrefichaient.

    Moi, j'suis sorti sur le pas d'la porte du bar à Mary. Et j'crois que tous les gusses du villages ont fait d'même avec la leur, de porte. C'tait sûrement le spectacle de leur vie. A tous. Tous qu'avaient vécu jusque là chaque foutu jour que Dieu leur donnait comme le suivant et comme le précédant. A juste mirer le bout d'pain qu'ils avaient dans l’assiette. A trimer pour le cuire et à le piacter avec appétit. Tous ces foutus gusses, du plus grand au plus p'tit, du plus crade au plus mal froqué. Z'ont tous jeté mirettes à ces zigs tout bien frusqués. J'me rappelle encore des yeux du p'tit Tonray qui brillaient de mille vermeilles. Mais l'est vite redescendu d'où l'était monté. Quand l'curé lui a posé la main sur l'épaule et lui a dit « tu t'rappelles ? ». L'curé qu'était arrivé comme ça. L’œil pas heureux et la soutane plein d'terre d'avoir couru trop vite.

    Pendant ce temps, dans l'bar de la p'tite Mary, c'était pas du propre. Y'avait le monstre de caché au coin d'la pièce, qui s'était enfoncé la trogne dans les épaules comme pour passer plus discrètement. Plus p'tit. Son dos chauffait contre l'feu d'la cheminé d'puis plus d'une demi heure sans qu'les deux mouettes n'aient pensé à j'ter un œil vers lui. Et au comptoir, les deux marines qui piaillaient. Le premier qui voulait savourer son eau chaude et l'second qui voulait foncer dans l'tas. Et la p'tite Mary, elle, qu'avait miré ça d'un œil de pas bien. Qu'avait peur pour le monstre, mais surtout pour son bar qu'était toute sa vie. L'avait quand même pas pu s'empêcher de m'accompagner au pas d'la porte la p'tite Mary. Faut dire qu'elle était jeune, qu'elle était belle. Et qu'au coin d'ses yeux, l'avait gardé c'rêve de gosse. Partir. Loin.

    Quand j'ai fermé la porte, suivi d'la miss. Quand j'ai voulu r'partir finir mon verre et rentrer palabrer d'tout ça avec ma vieille femme, je m'attendais pas à c'qui est arrivé. Sacrebleu que non. Je m'attendais pas à cette porte s'ouvrant à la volée, manquant d'me faire jeter la gueule contre le sol. J'm'attendais pas à c'que les deux marines s'lèvent pour rien voir d'autre que l'rien du rien.

    Et surtout, j'm'attendais pas à celle là :

    « Hmm... Regardez plus bas »


    Dernière édition par Ishii Môsh le Mer 29 Mai 2013 - 22:42, édité 1 fois
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    Parfois, dans la vie, faut savoir lâcher prise.

    Ging s'était tellement efforcé à suivre ce précepte que très vite il en était venu à ne plus rien tenir du tout. Son être, ses aventures, tout reposait sur un savant mélange de chance et de destiné. Sa simplicité était sa force. Son autisme, une forme de courage. A défaut de passer pour un érudit ou même une personne saine d'esprit, le Lion s’efforçait de coller à ses principes, dont le premier, le plus important et de tout façon le seul qu'il n'oubliait pas le lendemain, alliait génie et suicide. Il consistait à ne pas vivre pour simplement vivre. Et concrètement cela passait par l'abstraction de l'environnement comme du bon sens. Aussi le principe de gravité, de danger ou même de nuit n'arrivait pas à s'implémenter dans le cerveau malade de Ging. Alors à chaque fois que le jour tombait, le forban menaçait le soleil. Et à chaque fois il finissait par réapparaitre. Mais après tout c'était logique. Si le Lion ne daignait s'adapter au monde, tôt ou tard cela serait à lui de le faire.


    Aussi débridez pas le quinquet lorsque vous voyez Ging, perché sur la plus haute montagne de l'île, tenant solidement le tronc d'un arbre infiniment long à la manière d'une perche. Pour peu que vous appréhendiez un minimum le bonhomme et vous devinez sans mal la suite des évènements. Ni une inquiétude ni une pensée ne virent encombrer l'esprit du géant lorsqu'il passa à l'action. Sa lourde course mutila la montagne à chaque foulée, son souffle balaya les nuages à chaque expiration et il sauta. L'énorme rondin de bois piqua la sol une centaine de mètres plus bas, Ging exerça un mouvement balancier avec tout la souplesse d'une ballerine de trois quintaux de viande et il décolla. Les quatre fers en l'air. Une vue dégagée sur le monde. Et tandis qu'il déchirait un nuage, les reflets saphirs de la mer lapis-lazuli réfléchis sur la rétine, il se sentit voler l'espace d'un instant. Puis commença la chute.


    Voyant la ville portuaire visée remontait dangereusement à plusieurs centaines de mètres devant lui et la forêt d'en bas se rapprochait, le Lion commença à se dire que c'était peut être une si bonne idée que ça finalement. Quelque chose avait dû foirer quand il avait fait semblant de calculer la distance. La faute pouvait encore incomber à la résistance du vent c'était pas le genre de la maison de se soucier du passé quand le futur reniflait davantage. Mais voila, le truc c'est qu'une fois immiscé dans le processus de chute mortelle, les solutions se font rares. Inexistantes en la circonstance. Ging allait se faire embrocher la bidoche sur les brochettes boisées et exotiques de la canopée. Alors il fit les deux choses qu'il pouvait faire. Tout d'abord il brandit fermement le poing et maudit la gravité. Puis il lâcha prise.


    Et ce fut au monde de prendre le relais.


    A un iota de rencontrer la cime affutée des arbres, un cacatoès monstrueux sortit de nul part et percuta le Lion en plein buffet et assez fort pour lui faire cracher chaque parcelle d'air de ses poumons. Le choc fut aussi violent que bref mais il parvint à s'accrocher la crête de plumes de l'animal. Ce dernier ne sembla pas se rendre compte au départ du clandestin mais il sentit rapidement un poids mort lui tirer le plumet et il se mit à battre de l'ail. La tête inclinée sur le coté par le poids de Ging, l'oiseau voleta quelques instants avant de comprendre d'où provenait les bruits irritants qui lui martelaient le tympan. Notre héros, alors en train d'encourager fièrement sa monture, eut un haut-le-coeur lorsqu'il comprit que l'amour qu'il portait à son nouveau destrier avait toujours été à sens unique. Et lorsqu'il se fit éjecter par le piaf, celui-ci ne vit même pas les yeux du Lion devenir brillant, sa lippe se contracter spasmodiquement et toute sa carcasse déchue enfoncer la charpente de la taverne.


    Ce dut être une sacrée surprise pour tous les alcoolos de l'échoppe que de voir une moitié de géant traverser le plafond pour s'écraser sur le plancher répandant copeaux comme poussière. Fort heureusement Ging ne rencontra personne sur le chemin le séparant du sol, si ce n'est la table vide derrière laquelle un être difforme semblait se faire petit. Les regards mi-incrédules mi-choqués se tournèrent à l'unisson vers l'endroit où s'était posé le Lion mais le nuage poussiéreux dissimulait la scène et il fallut attendre qu'il se dissipe pour découvrir un Ging, tout sourire, un bras enroulé autour du cou du monstre, qui brailla.



    —BWAHAHAHA ! J'AI ENCORE UN PEU DE MAL AVEC L'ATTERRISSAGE ! JTE PAYE UN VERRE POUR LE DERANGEME...


    Et ce fut à ce moment qu'il tourna la tête vers son nouveau compagnon, découvrant son faciès peu commun. Tout son poil se hérissa d'un coup et même ses oreilles semblèrent s'incliner comme celles d'un félin aux abois. Il s'était reculé d'un bond et hurler sans réfléchir.


    —WO BORDEL, QU'EST-CE QUE T'ES TOI ?!!


    Et puis après quelques secondes, Ging haussa les épaules d'un air indolent et se rassit à coté du truc.


    —ROOH, ET PUIS T'ES COMME LA NATURE T'A VOULU. MAIS SI TU VEUX MON AVIS, ELLE S'EST UN PEU FOUTU DE TA GUEULE SUR CE COUP ! BWAHAHAHAHA !

    Mais pas trop près quand même.

      _Hoyla... vous voyez commandant ?... Tout vient à point à qui sait prendre le thé…
      _Colonel ! Il faut intervenir, prévenir les troupes !
      _Hoyla… Sommes-nous seulement sur d’avoir face à nous des pirates ?
      _Mais…
      _Hoyla… Que vous ai-je dis à propos des « mais » ?
      _M…Oui… Colonel

      Les deux bleutés s’étaient accoudés sur le comptoir en soufflant sur les vapeurs chaudes de leur thé. L’enchaînement des quelques péripéties qui venaient de se dérouler dans le paisible troquet avait laissé les clients perplexes et la tenancière perdu au milieu de son propre établissement.

      Une brèche imposante venait de naître dans le cœur du plafond, la pièce principale était maintenant baignée de la lumière de l’astre solaire et de fines particules de poussière virevoltaient accompagnées de temps à autres par une latte de bois qui tombée au sol. C’était à peine si le bleu avec les lunettes avait cillé au moment où l’énorme morceau de viande aux allures de fauve avait fais son entrée.

      Son collègue tressé, lui, avait manqué de s’étouffer rien qu’à l’arrivée de Tournebroche.

      Scab resta muet un instant, d’un revers de la main, il resserra de la plus naturelle des manières son bandana bleuté, comme il avait pu déjà le faire des milliers de fois. Le piaf de trois mètres braillait avec la puissance d’un maître-canonnier pendant un abordage, il s’adressait à un autre gonz’ plus large que lui encore, un homme-poisson au style qui se voulait raffiner.

      Le tonneau sous le bras, Scab fit un pas en grattant ses poils roux qui couraient autour de son visage. Un paysan au bide imposant s’écarta vivement en manquant de se manger un tabouret, le regard de Tournebroche balaya l’espace et il s’arrêta sur celui d’une mignonette affublée d’un bandeau. Il décrocha le sac en toile de jute qui entourait sa taille et lui tendit.

      « T’es la tenancière blondine ? Evidemment. Je veux autant de viande sèche que tu peux en carrer là-dedans… »

      Comme pour finir son mouvement, une fois qu’elle avait saisi avec prudence le sac, il redressa le tonneau vide contre le comptoir et sauta dessus pour ne plus avoir à se casser la nuque en observant le reste de la salle. Il reprit aussi sec.

      « … Je te laisse ce tonneau, j’en veux un autre, du rhum, du bon, Ventrebleu ! »

      Elle fila aussitôt en réserve non sans appuyer d’un regard pressant la faveur des deux marines. Tournebroche releva le menton, les deux chicots sortis comme à chaque fois qu’il faisait ce mouvement, et zieuta la bleusaille. Le gradé remua une cuillère en bois pour dissiper le carré de sucre qu’il venait de mettre dans son eau chaude.

      _Hoyla… Jangoto a besoin de provisions, pirate ?

      « Jango-machin, je connais pas le bleu »

      _Que… T… Tu ne vas pas nous faire avaler qu’un être aussi atypique que toi n’est pas un pirate !!!

      Le feu crépita avec force, Scab lança un œil vers l’âtre et s’arrêta quelques secondes vers les deux colosses sous la brèche, qui se descendaient un godet. Il lâcha un sourire qui aurait relevé le cœur à une catin de North Blue. L’œil d'un ancien contremaître ne trompait pas.

      « Je te dirais que je suis le neveu de ta sœur que tu me croirais pas petite tête ! ! Zagahaha ! Mais j’ai une devinette pour vous, Corne-bleus, il y a dans cette pièce trois pirates et deux marines. Un seul peut s’en réchapper sans embrouilles… »

      Scab posa la patte que le manche de son sabre et reprit.

      « ... Qui du nain claudiquant, du colosse beuglant ou du poisson clinquant vous laisserez filer avant que vos hommes ne rappliquent ? Zagahaha ! »

      _Hoyla… Réfléchissons à cela jusqu’au terme de notre thé Commandant…

      Il en but un tiers aussi sec.
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      J'crois bien qu'en quelques s'condes à peine, les deux mouettes et leurs thés, le nain et son rhum, l'monstre et son cigare, ainsi que l'lion et sa fourrure, z'avaient foutus un blanc. Y'avait mon échine qui me picorait de frissons. Et si j'avais pas eu les pieds qui flageolaient, près d'sortir des sabots, j'serais bien sorti d'cet endroit qui commençait à suriner la mort.

      Mais non, les gus sont restés à s'mirer dans l'blanc des yeux. Y'avait l'nain qui pouvait pas s'empêcher d'brailler un train d'insanités qu'même les gens comme nous, qu'ont pas l'habitude des jolis mots, on avait du mal à comprendre. A c'qu'il avait l'air de dire, y'avait trois drapés noirs. J'mirais pas bien. J'avais du mal à voir l'monstre moustachu avec une lame en main, lancer l'abordage. Mais l'lionceau, lui, qui rentrait chez les gens en s'enfonçant par l'toit, lui; l'avait la caboche de l'emploi. J'crois bien m'rappeller qu'quand le bleuté à binocles a engoulé l'premier tiers de son café, tout l'monde est sorti. Y'avait l'ptit Joy toujours trop saoul. Ca a été l'premier à mettre ses sabots en marche vers la sortie. Pis y'a eu la p'tite Diann qui l'suit tout l'temps. Et peu à peu, y'a eu plus qu'moi qu'était encore là, j'sais pas pourquoi. Moi, et la p'tite Mary. Elle, l'était du genre furieuse. L'avait les mains posées sur l'bassin et la trogne rougie d'rage.

      _Maintenant, ça suffit ! Si vous voulez vous battre, vous allez dehors !!! Et merde, vous, les mouettes, là, ce con de gamin détruit mon toit et vous ne bronchez pas ?! Mais à quoi vous servez bon sang ?!

      _ Hoyla. A boire un thé, ma petite dame.
      _Quoi ?!!
      _Hoyla, et oui. Et faut dire, ma petite dame, qu'il est sacrément bon, votre thé.
      _Non mais vous allez
      _Hm... Il dit vrai.
      _Hoyla. Et croyez moi, ça m'surprend. Moi qui pensait tomber encore sur une de ces choses imbuvables.
      _Hmm... Mary prépare merveilleusement ses thés.
      _Hoyla ? Ah oui ? Vous aussi, vous trouvez ? Vous m'avez l'air de bien connaître cette île, Gentlefish. Le cash de Cocoyachi s'est bien passé d'ailleurs ?
      _ Hmm... Pardon ? Hmm... Cocoquoi ?
      _Mais... Il se moque de nous !!
      _Hoyla hoyla ! Quand bien même, ce n'est pas une raison pour hausser le ton. Un peu d'humour et de goût pour les bonnes choses. Il faut l'apprécier, même chez les pirates.
      _ Hmm... Ce qu'on dit sur vous est donc vrai.
      _Hoyla... En parlant de ça. Vous me rappelez à une légende à votre propos, mon cher. On dit qu'un vieillard, un jour, a réussi à fuir Tequila Wolf, sans l'aide de la révolution. Au nez et à la barbe de tout le monde. Et ce, avec un monstre à face de cachalot. Est ce vrai ?
      _Vous oubliez l'enfant, et le Jack. Hmm...
      _HoyHoyHoyHoyla !!! C'est vraiment triste très cher, vraiment triste, que vous soyez avec une prime sur la tête.

      Et le deuxième tiers de son thé se vida.


      Dernière édition par Ishii Môsh le Mer 29 Mai 2013 - 22:43, édité 1 fois
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      Ce fut fendu d'un sourire que Ging assista à la scène de gueule d'amour. A croire que cette taverne était le lieu de rassemblant de tous les laisser pour compte oubliés de dame Nature. Pourtant, même s'il était plus hideux encore qu'il le supposait, le nain n'en demeurait pas moins d'une éloquence lyrique. Le genre de personne qui, si elles s'exprimaient aussi fort que le Lion, parvenaient en prime à mettre du sens dans leurs dires. Mieux, elles faisaient des phrases grammaticalement justement. Et bien que notre héros n'arrivait à sa grande infortune pas à saisir toutes les nuances du phrasé vif et piquant de rouquemoute, il restait assez sensible pour percevoir le caractère épique du truc qui, une fois recoupé aux mots compris, lui faisait courir un frisson le long de l'échine. Mon dieu qu'il aimait ça.


      Il se leva tranquillement et vint se poser derrière les marines du comptoir en finissant d'avaler sa choppe à grosses goulées. Sa carrure immense jeta une ombre sur les bleutés comme le vieillard avec qui l'un d'eux discutait et ils se retournèrent comme un seul homme pour observer le colosse. Celui-ci finit de s'essuyer la bouche du revers de la main et sourit plus à Scab qu'aux autres.


      —TU PARLES BEAUCOUP POUR UN PTIT GARS, MAIS SI C'EST TOUT CE QUE TU SAIS FAIRE ON RISQUE DE TE PRENDRE POUR UNE DE CES TARLOUZES DE MARINE. REMARQUE, MÊME EUX SONT PAS SI LAIDS ! BWA...


      Ging n'eut pas le temps de conclure sa phrase de son rire goguenard que le commandant du comptoir se retournait subitement, une veine sur le point de péter sur la tempe, et son épée dégainée en train de fondre vers la carotide du géant. Celui-ci réussit à interposer sa choppe vide qui se brisa mais stoppa la lame à quelques centimètres de son coup de taureau. Il régna un silence religieux tandis que Ging observait les narines fumantes et le regard haineux du marine d'un air critique, comme s'il tentait de déterminer le potentiel de rage résidant à l'intérieur du commandant. On entendit les mouches voler quand il se mit à rire.



      —BWAHAHAHA !! TU VOIS, EN VOILA UN QUI A PAS FROID AUX YEUX !!


      Qu'il lui dit sur le ton de la plaisanterie matinée de respect à l'instant même où il lui décollait une mandale à lui décoller la rétine. Les phalanges vinrent d'en dessous et percutèrent le commandant dans le menton, le décollant du sol comme une feuille. Ce fut alors au tour du colonel de se mouvoir mais tandis qu'il bougeait le bras, avec une dextérité surprenante il est vrai, il s'arrêta lorsque le vieil homme l'attrapa fermement, un sourire déférent dessiné sur le visage ridé. Le temps de comprendre qu'il était entouré d'au moins trois pirates chacun avec sa propension à faire parler les poings plutôt que la langue, le colonel vit l'énorme fauve esquiver in extremis un coup de lame du commandant pour lui fracasser une nouvelle fois son poing. Mais cette fois ce fut dans le bide, et au lieu de l'élever dans les airs, il l'envoya dans les portes de l'établissement avec assez de force pour qu'ils les traversent et se retrouve dans la rue.


      Le détachement de marine n'en crut pas ses yeux. On leur avait clairement dit que les pirates de Jangoto mouillaient au port mais pas qu'ils seraient déjà en train de s'approprier les débits de boisson. Voir leur commandant éjecté du bâtiment comme un vulgaire poivrot choqua une bonne partie des matelots. Et pour les plus robustes, ils purent voir un géant sortir de la taverne, riant comme un démon, pour chopper leur commandant par la jambe et le ramener en le trainant dans la boue. Ce fut bien sûr dur à encaisser psychologiquement mais ils étaient venus en nombre et leur supériorité numérique aidant à se ragaillardir, ils se précipitèrent à l'entrée de chez la p'tite Mary sans toutefois se battre pour passer les portes en premier. Si bien qu'ils s'agglutinèrent plus devant qu'ils ne rentrèrent et seuls ceux du premier rang purent voir la scène. Ils virent d'abord le géant de tantôt assis sur le commandant, alors dans les vapes, en train de lui donner des gifles avec ses propres bras ballants. Puis ils virent le colonel et un instant de soulagement les traversèrent juste avant de constater qu'il était entouré de plusieurs hommes aux gueules patibulaires pour certains et carrément indécentes pour d'autres.


      Malgré sa position un tantinet fâcheuse, le colonel ne semblait pas plus stressé que cela. Il parla avec la même sérénité que toujours.


      Hoyla, et bien je suppose que ce n'est pas parce que je suis devenu otage que je ne peux pas finir d'apprécier mon thé.


      Il porta sa tasse à ses lèvres et la...


      Il fut soudainement tiré vers l'arrière échappant son breuvage qui se répandit sur le sol. Soutenu par le col à quelques centimètres du sol, il tourna sur lui même et rencontra le visage de Ging esquissant le rictus qu'à le con fier de lui. Être à un iota de lui ne constitua pas une raison pour empêcher le lion de gueuler sa phrase.



      —COMME SI ON AVAIT BESOIN D'UN OTAGE POUR VOUS DÉFONCER VOS MOUILLES !


      Et il le balança vulgairement dans le tas de marine agglutiné. Tandis qu'il fit craquer ses poings dans un bruit macabre, il avisa nabot comme poiscaille.


      —VOUS FOUTEZ PAS DANS MES PATTES !

        « Je prends celui là blondine »

        Scab était passé derrière le comptoir et venait de caler un tonneau de rhum sous son bras. La petite silhouette de Tournebroche ballotait de tribord à bâbord, houle encouragée par le sac de jute gonflé de lard comme une bedaine de mammouth. Alors qu’il tournait le dos à la tenancière, celle-ci décida de passer à l’acte pour ne pas se retrouver démunie de son fond de commerce. Bien normal. Ses mots s’accompagnèrent de ses deux mains qui se jetèrent sur le sac de boustifaille.


        « PIRATE ! TU VAS… »

        Tournebroche s’arrêta net et tourna son imposant cou de bœuf, il lança un regard digne d’un chien des mers.


        What ?!


        Les mains se crispèrent et elle resta là, figée par un paquet de nœuds au fond du bide et le regard perdu dans le fond de celui de la Cloque. Il reprit aussitôt sa marche par-delà le comptoir. Il esquissa un large sourire en lançant un œil vers l’entrée de la baraque. Le colosse se comportait comme un clébard qui cherche un os à la taille de ses chicots. Il avait interpellé Scab comme l’ancien contremaître ne l’aurait pas permis avec l’un des hommes dont il avait eu la charge à l’époque de Bylly. D’ailleurs, ça faisait une paye qu’on ne l’avait pas insulté de tours de langues sans fondements. Tournebroche s’était contenté de lâcher un de ses rires sonores. Le Code stipulait qu’un pirate se devait de répondre à toutes attaques énoncées par un individu non-membre de la piraterie. C’était visiblement pas le cas de ce grand blondin.


        « Zagahaha »


        Toujours était-il que Tournebroche se retrouvait dans le fond de la pièce, à la pointe du comptoir, à l’opposée exacte d’une entrée défoncée d’où le colosse s’amusait avec la bleusaille. En temps normal, il aurait été à la fritte. Mais là, Scab n’était pas contremaître, encore moins jeune et insouciant, il était juste cambusier. Le putain d’aide-cantinier d’un capitaine qui couperait sa grande voile pour se débarrasser de la Cloque. D’ailleurs, cette quête de bouffe ressemblait à s’y méprendre à un marronnage dans les règles de l’art, du lard.


        « J’ai pas le temps pour la bleusaille, Parbleu ! »


        Il balaya la grande pièce d’un roulis de cervicale, Tournebroche resserra son étreinte autour de ses deux contenants après avoir lâcher un petit sifflement à l’intention de la masse près de l’âtre.

        « Toi, t’es pas du genre à vouloir finir au milieu de tout ça mon gars, je me trompe ? Zagaha ! Plein Nord mon gars, plein Nord… »


        Sur ceux, Tournebroche piqua un sprint, la guibolle s’articula vers l’avant et s’enfonça avec force dans le parquet souillé. D’un bond il prit une première impulsion de son pied valide sur la table du cachalot et la patte de bois s’enfonça dans la mouille de l’homme-poisson. Le nain belliqueux venait de prendre la poudre de flibusterie par le trou béant du plafond de la bâtisse.
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        J'crois bien que toutes les histoires, elles s'écrivent que par les vainqueur, et que c'est pour ça qu'sur notre île, y'en a jamais eu, d'histoire. Parc'que la seule victoire qu'on a jamais gagné, ici, c'est celle d'la faim. Et celle d'avoir réussi à s'coucher en ayant picoré quelqu'chose. Sauf que l'gus à trogne de lion, lui, même s'il avait pas l'air d'savoir se servir d'un crayon, même s'il avait pas l'air d'savoir autr'chose que brailler et cogner, l'avait surtout l'air d'vouloir en gagner des belles, d'victoires. Et qu'même s'il arriverait jamais à s'rappeller d'tout ça, y'aurait toujours un témoin comme moi pour palabrer sur c'qu'il avait fait.

        Et là, c'qu'il fit, bordel de Dieu... Rien qu'à y repenser, j'en ai encore l'échine qui grince et les quilles qui tremblent.

        Il remua si fort les cœurs d'tous les gus que j'en manqua de dégobiller. Et qu'mes gambettes me lâchèrent pour m'faire tomber le cul sur le plancher. Tout penché que j'étais, j'arrivais à hauteur de trogne du plus p'tit. Et ce p'tit là, pas plus grand que l'mome du village d'en haut. Plus moche encore que l'gros Cachalot, il décida aussi de s'la jouer gueule déployée. Et l'avait d'la voix, ce p'tit. Tant qu'il en retourna l'auberge rien qu'avec ses foutus mots. Et quand il mit sa quille où fallait pas la mettre, où l'cachalot voulait pas qu'il la mette, oh sacré bon Dieu c'que j'me rappelle.

        Les yeux horripilés d'Ishii. Sa gueule qui s'balança d'haut en bas dans un râle qui f'sait pas bon d'sentir. Y'avait ses chicots tout blancs qui ressortirent, horribles, immenses, dans une sale grimace, sa jambe qui s'leva haut dans l'ciel et ce râle qui sortait plus du cœur que d'la gorge pour v'nir briser l'notre, de cœur.

        L'nain filait déjà que lui, l'cachalot se rel'vait à peine. Et alors qu'une s'conde plus tôt il hurlait à la mort, il prenait l'temps de remettre son joli costume, tout sali. Comme pour s'contenir, comme pour d'sonner une cont'nance. Et pis y'a eu c'tout petit bruit de pas qui revenait, douc'ment. Et cette voix qu'on avait oublié.

        _Hoyla, mince alors, mon thé est fini.

        S'en est suivi c'que vous appelez un blanc. C'qu'on appelle un manque de voix. Il dura pas une seconde, juste le temps à la p'tite Mary de se rendre compte du foutu trou qu'il y avait dans son plafond. J'crois bien qu'elle s'en rendit compte que là, parce que sinon, c'qu'elle cria, elle l'eu beuglé avant :

        _Non mais vous avez fini oui ?! Vous allez m'ramener ces malotrus fissa !! Et toi, l'Ishii, tu les laisses faire comme si t'étais pas d'ici, vous avez quoi à la fin ?!! Rattrapez les avant qu'ils n'escarbouillent aut'chose !!

        L'Monstre répondit par rien d'autre qu'un « Hmm » qui vint se perdre dans les mirettes du bleuté. Il cramponna alors ses guibolles au plancher avant d'sauter si haut qu'un moment, j'crus bien l'voir voler. Mais l'bruit qui suivit, pire encore qu'un trou de marmite, c'était les planches du toit qui giclaient sous le poids, et les bruits de courses d'un Monstre contre l'sol trop souple. A chaque bardée du monstre, c'étaient des dizaines de tuiles qui volaient, c'était une envolée de piafs trop peureux et c'étaient des cœurs qui tambourinaient. Quand j'trouvai le courage de lever mon cul et d'sortir poser mirettes, je vis la gueule d'un bleuté toute sanglante, pleine de poussière, qui pourrissait là au soleil. C'était l'commandant. Mais surtout, oh oui, surtout, j'vis les deux monstres qui courraient si vite sur l'toit qu'ils avaient déjà tracé plus d'une centaine de mètres, et à leur côté, plus bas, l'lionceau qui courrait comme après la vie.

        Pis alors, sans que j'sache pourquoi, y'eu un moment hors du temps. C'lui où le cachalot regicla du toit pour s'effondrer sur l'lion. C'lui où tout l'nuage de poussière se leva haut dans l'ciel jusqu'à faire tousser les nuages.


        Dernière édition par Ishii Môsh le Jeu 6 Juin 2013 - 18:38, édité 2 fois
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        —VOUS ALLEZ ME LÂCHER BORDEL ?!!


        Ging n'avait pas l'habitude de courir, mais les rares fois où il tentait l'expérience, il ne faisait pas bon de rester dans son chemin. Les deux marines étendus sur le sol, une marque de pied parfaitement esquissée sur l'abdomen, en auraient témoigné s'ils l'avaient pu. Et s'ils avaient su, ils se seraient poliment écartés quand le Lion le leur avait demandé. Fougue de la jeunesse ou désire de briller, c'était pas non plus ceux encore accrochés au forban qui allaient leur jeter la pierre. Ging ne semblait pas se rendre compte qu'il venait de passer de criminel en fuite à moyen de locomotion. Il fit abstraction de la main empoignant sa crinière ou de celle qui lui tirait carrément l'intérieur de la joue pour suivre le nabot.


        La chose, comme sa petite taille le laissait deviner, avait le pas souple et la démarche agile. Un comble quand l'on savait que dame Nature avait longtemps hésité entre homme ou betterave lors de sa création. Dieu sait comment il s'en sortait avec sa bedaine proéminente et son manque d'orteils mais toujours est-il que le bonhomme sautait de toit en toit plus vite encore que l'aurait fait un félin. Les foulées du lion, elles, avaient beau se faire les unes devant les autres et soulevaient un nuage de poussière dans son sillage, elles ne rivalisaient pas de célérité avec pieds poilus.


        Ging gagna du terrain lorsque le poteau qu'il rasa décrocha les passagers clandestins, mais juste avant que ses pieds ne décollent du sol pour se mettre à voler, un cachalot lui tomba sur le râble. Il s'y attendait pas à celle-là et les visages choqués des spectateurs montraient qu'eux non plus. Lorsque la poussière se dissipa, on vit ce qu'on n'osait croire. Le lion était à terre bien qu'on le supposait plus qu'on le constatait, car son énorme silhouette était intégralement recouverte de l'homme poisson. Si gueule de mérou ne brillait pas pour sa camaraderie inter-taverne, quand l'heure était à l'action fallait pas lui répéter deux fois de bouffer du fauve. Encore fallait-il ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre. Ce qui était rarement le cas chez une daurade de trois cents kilos au bas mot.


        Le sol se mit à trembler, le corps du monstre à frétiller et un son à résonner. Un rire plus exactement, qui naquit du vide pour peu à peu prendre forme.


        Et soudain la carcasse du poisson se souleva du sol et Ging, les muscles saillant sous le poids de la bestiole, rappela la position du mérou sur l'échelle alimentaire. C'est à dire, certainement pas avant celle du lion. Un rapide coup d'oeil, la vision évasive d'une silhouette, et il se remit à courir.


        Des mauvaises langues pourraient se demander pourquoi diable s'entêta t-il à porter le poids mort et nauséabond que représentait le monde. D'autres auraient même pu enquêter sur les raisons qui poussaient simplement le pirate à courir après un homme qu'il venait tout juste de rencontrer. Certains encore évoqueraient les nombreuses incohérences de ce récit improvisé et pourtant, que vous souhaitiez bien le croire ou non, Ging et son copilote parvinrent à rattraper le fuyard. Pas que cela ait quelque chose avoir avec le fait qu'il s'était arrêté.


        Plus de baraques ni de toits mais juste un port. Un port, un bateau et une flopée de marines en uniformes entre. Et déjà leurs frères, identiques, arrivaient de l'autre coté pour les prendre en tenaille. Piégés entre deux vagues de bleu et de blanc prêtes à déferler, c'était un bien curieux îlot qui sortait la tête de l'eau. Même si la taille du nabot n'avait pas autant contraster avec les six mètres qu'atteignait le cachalot sur les épaules du lion, la troupe n'aurait pas pu être plus disparate.


        Et pourtant c'est unie, qu'elle fit front.

          [FB 1618] Confluence d'infortune Episode-200-one-piece-saison-7-VOSTFR-streaming

          « Foutrebleu »

          Une masse de bleusailles se dressaient devant ce bon vieux Tournebroche, l’hypothèse de passer plein Nord à travers tuiles pour se dépêtrer de la situation n’avait pas si bien marché que dans son esprit. Il avait dû faire une sorte de virgule dans la faune épaisse de l’île avant de tomber ici, si bien qu’il était arrivé de l’Ouest dans la petite bourgade. En partant plein Nord, la Cloque avait misé sur la réussite. C’était sans compter ces saloperies d’îles en forme de lunes qui pullulent partout, à cause des ondes des escargophones ça. Bien sûr, si t’as un croissant pour terre, tu viens claquer une zone portuaire dans le ventre de la pâtisserie. Il était là, la bedaine au vent, le tonneau sous le bras et le sac de victuailles bien en main au-dessus de l’épaule. Face à lui, les marines ne savaient pas s’ils devaient regarder en haut ou en bas, pourtant Tournebroche ne faisait pas de hiatus en général dans le regard de ses opposants, c’était bas, bien bas pour tous.

          « Qu’est-ce que vous avez à me zieuter comme ça les bleus ? hmmm ? »

          Aussi sec, Scab fit volte-face et laissa échapper un « plop » sonore quand sa gueule s’ouvrit sous l’effet de la surprise. Les deux gusses de la taverne l’avait suivis comme des toutous sans collier, les cervicales de Tournebroche manquèrent de claquer si bien qu’à force de se pencher en arrière, il était couché sur son sac de jute.

          « Vachenoire ! Mais vous êtes complètement allumé ! C’est pas de la discrétion ça ! Et diantre de bouc, j’ai jamais demandé à avoir deux lardons qui me suivent ! Vous débutez dans la piraterie ou quoi ? »

          Scab avait lâché ses deux contenants pour monter sur son tonneau, il menaçait du bout du doigt le zigoto du bas et gueulait sur le grogoto du haut. La vérité c’est que Scab s’était fais comme devise de ne jamais avoir sa tronche sur papier. Déjà pour pas à insulter le papelard et effrayer les gosses, mais surtout pour jamais avoir un foutu Berry sur sa caboche.

          « PIRATES ! ON VOUS SOMME DE… »

          « Parbleu ! Foutue journée! »

          Le nœud de son sac de jute arrivait à la hauteur de son moignon, Scab prit le morceau en main et se mit sur sa guibolle. D’un tour de bassin, il souleva le sac dans une rotation et l’envoya comme un boulet vers les marines attroupés côté port. Aussi sec, il sauta du tonneau et d’un coup de latte il l’envoya rouler avec puissance dans les deux quilles surélevées. Le sabre en main, le nain fonça vers le peloton qui venait de manger du jute pour plusieurs années et qui se relevaient péniblement.

          Air Splach

          Il sauta en l’air et son bide de nabot écrasa deux gars aussi net qu’une balle de fonte dans un tas de glaise. Aussitôt il roula, le sabre en paluche pour fendre dans le tas. Tournebroche n’a jamais été un sabreur, par contre, il a toujours été un pirate.

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          Quand le cachalot quitta mon champs d'vision, c'était sur une scène que j'étais pas près d'oublier. Celle d'un énorme monstre assis sur les épaules d'un autre énorme, de monstre. Celle de deux énormes carcasses qui dépassaient la cime des arbres et qui fonçaient plus vite que l'plus rapide des lièvres. Plus fort que les plus gros buffles de l'île.

          Ce fut pas beau, ce fut sale même. Sacrément moche. Tant que lorsque le marine qui m'raconta ça se mit à déblatérer cette histoire que j'avais pas vu, il avait la larmichette à l’œil et les jambes flageolantes. Et pourtant, c'était fini d'puis longtemps. Oh oui, je crois bien que ce jour là, ces trois guss ; Le foutu lion sauvage, ce nain braillard et le monstre costumé, ils traumatisèrent un bon paquet de mouettes.

          Quand les marines les encerclèrent, ils auraient pu lever les bras bien haut et éviter tout ça. C'aurait pu se finir vite et sans bain de sang, de tartes et de coups d'épées. Mais j'crois bien qu'il y pensèrent même pas, trop têtus qu'ils étaient à garder cette foutue liberté. J'crois bien que l'gros cachalot, lui, pensait à sa mère qu'il n'allait sûrement pas voir. Au père avec qui l'aurait bien aimé déblatéré. Au p'tit Tonray dont l'aurait bien aimé voir sa p'tite trogne vieillie. Alors quand il sauta des épaules du monstre pour remettre son nœud pap en place, qu'il tira une latte de son cigare presque éteint, l'avait le visage triste de ceux devant faire des chose qu'ils aiment pas faire. Mais il pouvait pu, l'cachalot, il pouvait plus que foncer dans le tas de mouette comme les autres gus et sortir sa lame de mort qu'il voulait pas sortir.

          C'était une boule de nerf qui percuta le premier marine, qui le fit valser haut dans l'ciel pour ne plus le faire apparaître. C'était un tas de muscle qui abattu le plat de sa lame sur le second. Et c'était une dizaine de mouettes angoissés qui tentaient de perforer de leurs lamelles la défense d'un monstre qu'aimait de trop la vie. Mais le monstre volait entre les coups, paraît de sa lame comme un forcené, faisait tourner sa lame au gré des caboches se présentant face à lui. Oh et son costume se faisait tailler, et des poings et des fissures, et des guibolles cognaient sa trogne de cachalot. Mais il en faisait fi. Il continuait à danser autour des hommes sa danse de mort. Celle qu'il avait de trop joué durant ses jours que le bon Dieu avait bien voulu lui offrir.

          La ballade continua au gré des corps tombant et des cris d'horreur, jusqu'à ce qu'autour du Monstre, les carcasses ne s'écrasent sous les coups. Pas nombreuses, non, et avec le pouls battant encore, juste avec sur la caboche, une trop grosse bosse pour se réveiller, avec au fond du cœur, une trop grosse peur pour ne rien faire d'autre que jouer au mort. A côté, les deux autres bougres jouaient tant et si bien de leurs armes que derrière l'nuage de poussière, derrière les plus ou moins morts, vint le moment où plus rien ne bougeait. Pas même la moustache du cachalot. Pas même la grande trogne du nain, et encore moins la grosse crinière du lion. Rien que la poussière qu'engobait chacun des gus. Qui leur bouffait la crinière jusqu'à manquer de leur étouffer le gosier.

          Et derrière cette poussière vint deux autre hommes. Qui marchaient sans même avoir un chouilla de peur. Ils marchaient comme s'ils savaient déjà la fin d'cette histoire. Il y avait ce foutu buveur de thé qu'avait pas encore sorti sa lamelle. Son œil gauche avait doublé de volume sous le coup du lionceau, et pourtant il continuait à croire qu'il pouvait gagner ; et à côté, y'avait ce gus. Oh mon Dieu ce gus !

          Spoiler:
          _Si vous aviez arrêté de boire votre thé, et si vous vous étiez plutôt occupé de ces pirates, l'affaire serait déjà réglé, colonel.
          _Hoyla hoyla Commodore, ce n'est plus de mon âge tout ça.
          _Vous auriez pu être l'un des plus grands marines de ce siècle si vous y aviez mis un peu plus de cœur.
          _Hoyla... Vous me flattez trop commodore.
          _Et vous vous prélassez trop, colonel. Bien de trop. Regardez tous ces blessés que l'on aurait pu éviter.
          _Hoyla, ils étaient trois tout de même, et mon pauvre commandant à terre, j'étais seul...
          _On en a maté de plus durs que ça ensembles. Sur Grand Line, à Shabondy ou sur West Blue, on en a maté de bien plus durs. Ce ne sont que des gamins s'étant égarés de leurs berceaux. Regardez les fanfaronné d'avoir mis à terre une petite vingtaine de bougres. Regardez les fanfaronner. Et matez les.
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          Cela n'étonna pas Ging de voir le nabot s'élancer le premier. Il avait la moitié d'un corps -sans compter les petits bouts en moins- mais le double d'ardeur. Il ne lui fallut que quelques instants pour foutre un sacré boxon au sein de la petite troupe de marines dont le nombre, quand s'agissait d'atteindre un demi pirate, devenait un handicap.

          Quelques instants qui suffirent à notre ami hareng pour imiter le lascar, sans doute fut-ce son instinct qui lui dicta "mimétisme" lorsqu'il dut se défendre. L'homme poisson avait plus de poids lorsqu'il décidait de taper sur la table, et il faisait plus de dégâts que le passage d'un requin dans un banc de crevettes. Là où nabot faisait un carnage, poiscaille donnait dans le génocide sous les yeux rieurs de Ging.

          C'était toujours une joie pour le Lion de rencontrer des bonhommes si atypiques et avec la même tendance à distribuer d'la mandale à tout va. Alors, le poil hérissé et le coin de lèvre retroussé, il se délectait de la scène en tentant de ne pas en perdre une miette. Des lueurs dansaient sur ses quinquets et le colosse semblait avoir atteint une paix intérieure qui relevait plus de la méditation que du pugilat d'ordinaire, mais ce fut avant même d'avoir entendu les voix qu'il se retourna.

          Pas un seul de ses muscles ne frémit lorsqu'il vit le marine de tout à l'heure, celui qui buvait son thé au milieu d'une rixe comme si le monde extérieur et la chance de se prendre un coup de couteau n'avait aucune emprise sur lui. Ging n'aurait su dire si comme le disait l'adage, chien qui aboie ne mord pas, tout ce qu'il savait c'est qu'un lion n'aboyait jamais. Puis le bonhomme était revenu avec un collègue, faisant le double de taille pour lorgner du coté de celle de notre héros, et pourtant on retrouvait plus de traces de respect obséquieux dans les paroles de grosse bidoche que chez le colonel.


          C'est d'un air distrait que Ging alla à leur rencontre, captant la fin de leur conversation en marchant du même pas ostensiblement serein qu'ils affichaient. "Grand Line", "Shabondy", des mots qu'il avait déjà entendus sans savoir où ni dans quelles circonstances. Mais cela n'importait pas vraiment.


          Il fallut attendre que les officiers manque de percuter le colosse pour qu'ils daignent se rendre compte de sa présence. Pas comme s'il se fondait dans le décor, mais c'était de bonne guerre. La deuxième mouette n'eut pas à baisser les yeux pour dévisager le pirate. S'il faisait semblant de ne pas l'avoir remarqué plus tôt, il était un remarquable acteur et lui adressa un air interrogateur avec un soupçon de surprise à faire pleurer un dramaturge.


          —RESTAURATION DE LA CHAUSSÉE, FAUT PRENDRE UNE AUTRE RUE. qu'il leur dit.


          Le gros commodore montra les crocs mais l'absence de réaction chez l'autre sembla le dissuader de bouger. Le colonel ne résorba un léger rictus lorsqu'il fouilla dans sa poche en répondant distraitement.



          —Hoyla, mais j'ai un permis spécial pour passer.


          Ging ne le vit pas sortir la main de son manteau que le coup l'avait déjà touché. Plein menton. Avec assez de puissance pour lui faire balancer la tête en arrière et créer une ouverture. Mais lorsque le colosse se reprit il vit que l'homme n'avait pas quitté sa position de départ. En revanche il se demanda d'où provenaient donc ces mains lui enserrant la taille. Il se rappela la présence du second marine, mais c'était trop tard et il se soulevait déjà du sol pour partir en arrière.


          Le marine souleva l'énorme carcasse du forban par derrière pour utiliser son propre poids afin de l'encastrer dans le sol ; le tout sans même prendre la peine de crier quelque chose du genre "GIANT'O GERMAN SOUPLEX". Il avait encastré la tête de Ging dans le sol avec une violence rare, arrachant des bruits macabres, sans paraitre s'en soucier le moins du monde. Il avait déjà repris sa marche tranquille aux cotés du colonel quand il épousseta son uniforme du revers de la main.


          —Shabondy, ça c'était quelque chose !
          —Hoyla, mais j'étais encore jeune à l'époque.

            Le sabre ruisselait du sang des marines qu’il venait de pourfendre, tout en crachant un glaviot sur l’uniforme d’un bleu, il reprit le sac en main. Le cachalot avait lui aussi frappé avec toute la force que supposent ceux de sa race, avec toutefois plus de puissance que ne suggérait sa rondeur. Le chemin vers la zone portuaire était libéré, à une trentaine de pas d’unijambiste, une barque dansait au rythme de la houle contre un ponton de bois. C’était pas la meilleur des solutions, rejoindre le Fusilleurs à la rame prendrait trois bonnes heures voir plus si la bleusaille décidait de le pourchasser. Tournebroche avait un bon coup de rame, mais de là à distancer un bâtiment de la justice, ce serait prendre le destin pour un jambon. Autre solution, contourner le port et fendre l’île direction la plage était une solution tout aussi chaotique seul, surtout qu’il y avait cette foutue chaîne de montagnes au centre. Jangoto aurait vite fait de déclarer cette cloque de Tournebroche mort au ravitaillement. Mort au ravitaillement, sacré titre et sacré hommage. Par contre, voler un bâtiment marine et tirer un bord jusqu’au Fusilleurs, voilà une idée plus qu’envisageable. Scab était bon marin, ça personne n’en douter, mais pas suffisamment pour manier seul un bateau au mouillage.

            « J’aime décidément pas les idées qui me passent par la caboche aujourd’hui, morbleu… Voilà que je risque une prime…»

            Scab vira de bord pour découvrir les pattes gigotant du colosse à la crinière d’or. Le bleu de la taverne venait de rappliquer dans ce délire chaotique avec une nouvelle montagne à la force qui suintait jusqu’aux orteils dégarnis du petit pirate. Ce monstre venait vraisemblablement de faire jouer à l’autruche le gueulard sans une once de dégâts. Tournebroche fit claquer sa langue relâcha l’étreinte sur la toile de jute pour déposer le sac sur un tas de gars inconscients. Il fit craquer ses lombaires et resserra son bandana bleu, c’était pas une bonne journée à être pirate sur ce coin du globe. Ca ne valait pas Tortuga, ça non.

            « J’ai besoin de bras pour ce bâtiment »

            La pointe du sabre de Tournebroche pointait un petit navire Marine qui venait vraisemblablement de servir au débarquement des soixante gusses qui pionçaient avec les brins d’herbe.

            « On se charge de ces bleus et on décarre, c’est quoi vos noms, pirates ? »

            Tournebroche ne s’adressait à aucun des deux pirates en particulier, il parlait juste fort en regardant les deux opposants qui palabraient comme deux vieux au marché. Puis il posa ses yeux sur le tonneau de rhum qui roulait non loin des gradés, il se murmura à lui-même une phrase qui lui écrasa la face d’un large sourire.

            « Et puis j’ai besoin de ce rhum si je veux pas me faire trancher l’autre guibolle… »

            Il prit dans sa seconde main le corps inconscient d’un bleu, ses muscles se crispèrent et sa guibolle se planta dans le sol terreux, sa gueule se défigura plus qu’à l’ordinaire, c’est dire, et le Marine fila vers les deux gradés. Tournebroche avait suivi son lancé, accroché à la ceinture du projectile, sabre tendu. Utile d'être un nain. Si.
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            La vie est moche parfois. Du genre à salir de crasse la plus belle des gueules jusqu'à le rendre méconnaissable. Oui, j'crois bien que la vie est comme ça. Alors quand le Monstre vit les deux marines s'ramener vers sa carcasse toute dorlotant sous les rayons, toute surpassant les corps et cœurs qui continuaient à battre douc'ment, l'eu pas peur. Il mira à gauche pour voir l'nain brailler des ordres qu'étaient pas bêtes. Il mira d'vant pour voir l'lion sortir sa gueule de sous terre, un énorme sourire au creux des lèvres. C'est à c'moment là, qu'il comprit qu'il y avait un je n'sais quoi.

            Un d'ces petits détails qui font qu'dans les moments pas jolis, l'avait toujours failli y passer.

            Oui, c'quand la gueule du blondinet se mit à remuer la terre toute avalée, à faire voler ses tifs dans un rire gras, qu'il comprit. Il comprit que les deux marines, bah, z'avaient disparu et quand il s'retourna pour comprendre, c'est un poing qu'il vit. Un poing qui volait vers son bide jusqu'à y remuer les entrailles, jusqu'à manque de l'faire dégobiller et l'faire mettre genoux à terre. Les deux mains du buveur de thé vinrent alors fracasser l'haut du crane du monstre jusqu'à lui enfourer la trogne dans l'sol.

            Z'avaient même pas eu b'soin de sortir leurs armes que c'était déjà fini. Qu'chaque marine qu'avait vu l'plat de l'épée du monstre commençait déjà à oser s'lever. 'Fin ceux qui pouvaient. Y'en avaient de bien cassé. Un p'tiot qui croyait avoir perdu un œil tell'ment le coup de coude avait fait mal. Un gars qui croyait avoir tout vu de sa vie mais qui l'avait pas mirée, la lame cogner contre ses genoux jusqu'à en casser les os. Il se tenait là, les guibolles contre le sol à chialer comme un gamin. L'avait la barbichette pleine de terre trempée par les larmes et la bave. L'avait les allumettes toutes saignantes.

            Et puis, y'avait l'autre. Le nain. Il brailla une nouvelle fois. L'avait cru à son plan pour m'ner la barque loin du rafiot mais tout ça était tombé avant même que l’espoir ne puisse jaillir. Oui, l'était mal, le nain. Il zieutait de toute part, la gueule la plus haute qu'il pouvait, mais y voyait pas de solution. Juste les deux mouettes qu'avançaient vers lui.

            _Hoy, vous vous rappelez de ce pirate ? Celui qui avait mangé le fruit du Lion ?
            _Oh oui, il était drôle, cet homme. Un peu comme le premier que nous avons frappé.
            _Hoy, en plus fort, tout de même. Et avec plus de voix.
            _H ooui, il en avait, de la voix. Je me rappelle avoir eu les oreilles sifflantes durant plusieurs jours.

            Le nain, lui, en avait cure de ces histoires. Ce qu'il voulait, lui, c'était filer fissa. Et loin. Alors il mit une jambe de bois devant une vraie jambe de chaire, et voulu courir loin de tout ça. Enfin c’est ce que les marines crurent avant qu’ils ne voient foncer vers eux une autre de mouette. Elle volait à plus d’un mètre du sol et si vite qu’ils n’eurent pas le temps de l’éviter qu’elle leur arrivait déjà en pleine poire. Ça fit un gros BAM qui fit pleurer les cœurs et mal à leurs trognes, leur faisant poser le cul à terre dans des râles de surprises.

            _Hoy, hoy, il ne faut pas jouer avec la vie des hommes, tout de même…
            _Je trouverais ça presque mal poli, moi.

            Il se relevèrent alors. Sur le visage du buveur de thé, les guss crurent voir presque un peu énervement, presque une ride de colère au creux de ses joues, mais c’était rien d’autre que la lassitude de l’homme qu’avait déjà tout vu. Tout vécu.

            _Hoy, hoy, je crois bien que l’on va devoir arrêter de jouer, maintenant…
            _Je suis d’accords avec vous sur ce point.
            _Et puis… C'est bientôt l'heure du thé.

            Pendant qu'ils palabraient, y'avait un monstre qui sortait sa gueule. L'avait la gueule toute pleine de poussière, de sang et de liquides qu'on voulait pas savoir c'était quoi. Mais pourtant, alors que les mouettes le regardaient étrangement, il restait droit comme un pic à glace et aussi ferme que l'plus dur des batons d'bois.

            _Hmm... Arrêter de jouer ? Mais qui joue, ici ? Moi je ne joue pas monsieur hmm... Je ne joue pas, je vis.

            Dans sa voix, y'avait la sévérité du vieillard qui rouspète son filston, y'avait l'assurance des grands et le courage des fous. Oui, y'avait tout ça avec le calme des plus sereins.
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            —FCHGINFG ! FMON NOMF AF FMOI F'EST FGING !


            La tête encore emmurée et les jambes en l'air, Ging répondit à son comparse nain, pas comme on l'attendait d'un homme venant de se prendre une branlée éclaire, mais avec un plaisir manifeste dans la voix. Ce fut lèvres retroussées et crocs apparents que le Lion se releva, époussetant sa crinière cendrée et blanchie par la poussière, un filin de sang perlant de sa tempe.


            — MAIS TU PEUX M'APPELER CAPITAINE !

            Si Ging avait bien saisi les intentions de Scab, et le contraire serait étonnant, il souhaitait décarrer de cet endroit au plus vite en réquisitionnant un navire marine. L'idée en elle-même ne déplaisait pas au colosse, bien que cela induisait une certaine forme de faiblesse pour lui de partir sans avoir étalé les deux tocards aux costumes bleus. Mais ce qui l'avait vraiment titillé, c'était la propension du nabot à se définir maître d'ouvrage.

            Ging n'était pas une flèche. Difficile de contester, la forme, le poids et même la couleur ne convenaient pas. Sans parler de la taille du scorpion qu'il aurait fallu pour décocher un tel carreau. Cela impliquait donc deux choses. Premièrement que Ging se trouvait rarement dans le carquois d'un archer de douze mètres et ensuite qu'il ne saurait additionner deux et deux. A la vérité il parvenait juste à assimiler le concept des chiffres à ce stade-ci de l'histoire, bien avant son érudition par les moines sarcastiques du Nouveau Monde. Cela n'aurait su remettre en cause son double grade de capitaine et personne la plus importante des environs qu'il s'était lui-même remis.


            Et pourtant, si Ging n'était pas vif d'esprit, il lui suffisait de le décider pour devenir ce qu'il souhaitait, un ivrogne, un Lion ou même une flèche. Et c'est ce qu'il choisit cette fois.

            Il courut aussi vite qu'il le put. Tout droit. Sans réfléchir. Ses longues jambes avalant les mètres en un instant, ses pieds nus martelant le sol dans des percussions stridentes. Il empoigna l'homme poisson à la dérobée, bouscula les deux marines et empoigna solidement le nabot de sa main droite. Pas une seconde il ne pensa pas à arrêter sa course et lorsque le pont se déroba au profit de l'océan, il bondit. Une fois dans les airs, il arma le bras fermé sur le nain et le décocha avec une force monstrueuse, propulsant le pirate à plusieurs dizaines de mètres devant, direction le navire marine.


              Discipline honteuse que celle que pratique ce colosse, honteuse pour les petits gens du peuple qui portent la morale au rang de sacrement. Foutrement rabaissant pour l’estime que j’ai de ma miséreuse carrure qu’un couple tout aussi honteux a mis au monde. Mais il faut savoir prendre de la hauteur sur tout, le lancé de nain a cet avantage incontestable. Il parait d’ailleurs qu’on peut faire fortune. Branlebouc, j’ai raté ma vocation.

              Voilà que je décris une virgule dans un ciel plus bleu que la verge du vieux Brilebert, un longue-jambe qui s’était fait mordre le bout par une fille de joie d’un petit royaume de South, une sacré histoire ça. La chose étant, le jaune m’avait pris par le ceinturon sans que je le sente arriver. Ginch ? Gink ou Ging. Les deux marines auraient eu vite fait de m’envoyer aussi haut s’il n’était pas intervenu ce loustic. Sans parler de l’autre, je peux le voir dix mètre plus bas, suivre mon vol, bras dessus bras dessous avec le jaune. C’est des sacrés morceaux.

              Bordel Tournebroche, regarde devant toi, t’as failli te manger une mouette.

              Il a visé juste, la grande voile du bâtiment arrive à toute vitesse, il y a quelques hommes sur le pont central. Une dizaine qui pointe leurs fusils et décochent une rafale de plombs. Je sens l’un d’eux me passer si près d’une esgourde que j’en crispe mes doigts sur le pommeau du sabre. Je perds de l’altitude progressivement tandis qu’ils réajustent leur visée. Si ma chute continue ainsi, je vais manquer la grande voile et me bouffer les lattes du pont. Le pire c’est qu’il y a un zouave en bleu qui m’a en plein dans le viseur, je balance mon sabre en plein dans sa nouille. Je ferme les yeux avant l’impact avec les lattes et je sens un truc mou me réceptionner.

              « Zagahaha !! Vous n’êtes pas des gars comme les autres vous !! Zagahaha »

              Je contemple les gros bras du cachalot moustachu qui venait de me réceptionner, tandis que le colosse blond balançait par-delà le bastingage les derniers gars en bleu. Je repose le pied à terre et déplante mon sabre du matelot inconscient et le replante aussitôt dans le bout d’amarrage. Le fil du sabre arrache une larme de bois au bâtiment tandis qu’il s’éloigne progressivement de la berge. Je me retourne avec un sourire démesuré, j’aime quand tout roule.

              « Zahaha ! Je vais prendre la barre et vo… Morbeu ! »

              _ Hoy… Qu’ils courent vite…
              _ Très. Maintenant que vous ne pouvez plus partir  plus loin, jouons.

              Le buveur de thé était adossé à un tonneau face au cachalot, tandis que le black moulinait son bras dans le vide en alternant entre mon regard et celui de Ging. Ils sont rapides pour des bleus.

              TURN PUNCH 3

              Alors qu’il moulinait encore il y a une seconde, je vois son poing me percuter la mâchoire avec violence. Je décolle en crachant une salive rougeâtre, j’agrippe un cordage pour ne pas quitter le navire qui venait de prendre timidement le large, encouragé par la houle d’East Blue. Je retombe sur ma guibolle, j’ai rien vu venir et en plus d’être rapide, il frappe fort. Il me regarde en moulinant.

              _ Plus je fais de tour de moulinet, plus je frappe fort. Toi, t’encaisses bien trois…

              Turn Punch 5

              Le menton du colosse en prend aussi pour son grade, il décolle la plante de ses pieds de quelques centimètres avant de retomber sur le dos. Le marine le regarde à son tour.

              _ … Et toi cinq. Moué...
               
              Putain. J’encaisse moins que le blondin.
               
              Non, je suis plus léger. C'est physique. Boarf.
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              Le colonel, c'était le bougre d'homme qu'avait déjà ses belles années derrière lui. Qu'avait gardé du muscle plus à aider les pécores à remuer leurs terres qu'à chasser le primé. Qu'avait les mains salis d'terre plutôt que de sang et pourtant, quand il s'mit à zieuter les 3 bougres de pirates, y'avait leur échine qui pouvait pas s'empêcher d'frisonner. Leurs cœurs d'battre plus fort, aussi vite que leur tempes tambourinantes. Oui, j'crois bien que si le monstre avait eut l'temps d'avoir peur, l'aurait eu les jambes flageolantes. Mais le temps, il en avait pas.  L'avait juste celui de voir le commodore tourner ses bras le plus vite qu'il pouvait, le plus tranquillement du monde. Y'avait pas une once d’inquiétude dans son regard. Pas la moindre parcelle d'peur.

              _Turn Punch 7.

              Le cachalot sortit son épée et le poing vola si fort contre le plat de la lame, le Monstre para si difficilement l'coup que ce fut pas le poings qui vola. Ce fut pas la lame qui gicla, ce fut tout le corps du Monstre qui partit en arrière, les pieds campés sur le ponton qu'arrachaient des lattes de bois à chaque mètres. Il traversa en un instant la coque d'un bout à l'autre et percuta le bastingage si fort qu'il en fit trembler le navire. Sauf qu'il s'en fichait, non, il voyait les bouts des voiles et son épée taillait déjà dedans pour déplier la grande. Comme d'un coup, la coque se mit à gagner de la vitesse.  Et déjà, comme s'il était pas géné par le mouvement, le commodore réapparaissait.

              _Allons bon, il ne va quand même pas falloir sortir le grand jeu ?

              Sa trogne à moins de quelques centimètres du monstre pouvait presque tirer sur le cigare. Ses yeux pointaient d'un regard de curiosité l'étrange chose qu'avait résisté à ses coups et alors même que le Monstre ne s'y attendait plus...

              _Pikmen 10.

              D'un bon en arrière, la mouette vint voler sa tête sur le sol et prit appui de ses mains pour envoyer à la gueule du Monstre ses deux pieds plein de puissance. Y'avait un goût de poirier. Y'avait ses bras tout tendus qui donnaient toute la force, sa gueule toute sérieuse qui donnait le brin de facilité. Et l'autre gueule, celle du Monstre qui vola haut dans l'ciel. Elle se perdit dans les nuages pour ne plus faire qu'y rester. C'est c'que crurent les quatre autres guss qui voyaient pas la carcasse redescendre. C'était si beau que le buveur de thé arrêta de combattre le nain. Que l'lionceau arrêta de baigner ses poings dans les autres mouettes. Pis au bout d'un temps qui paru bougrement long. Celui du passage d'une dizaines d'anges, y'eut comme un feu de joie dans le ciel. Comme un Monstre volant pas identifié qui tombait plus vite qu'une goutte de pluie, plus mollement qu'un boulet de canon.

              Quand il fracassa son corps, ce fut plus rapide qu'un éclair. Y'eut ses deux énormes jambes qui cassèrent presque l'air pour dévier son corps. Et tout le cachalot percuta le commodore qui s'y attendait pas, faisant gicler les deux corps jusqu'aux cales. Tout le bois vola dans les airs. Tout les cœurs se retournèrent. Et alors que tout le monde s'attendait à deux morts gisant, la voix de la mouette se fit entendre.

              _Bon, bon, c'est malin ça... Un si joli bateau... Tant abîmé...

              _J'ai...mal...

              Et déjà, les deux carcasses revolait vers le pont. Z'avaient pas le temps de se plaindre, plus le temps de parler. Le cachalot avait la gueule en sang, les pieds presque tordus et le bras droit tout amorphe. Le crane du commodore laissait déjà apparaître une perlée de sang qui venait se perdre jusqu'à ses lèvres. Z'étaient salement amochés les deux, mais le Monstre était pire, bien pire... Et savait bien qu'il tiendrait pas longtemps à ce rythme avant que son corps n's'écrase pour de bon sur le pont, sans vie...

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