>> Physique« Non je ne suis pas une fille ! Ça se voit tout de même ! Je n'ai pas de poitrine à ce que je sache ! Tu veux vérifier le service trois pièces ? Vas-y ! »
Devant le jeune homme qui baissait déjà son pantalon, l'inconnue rougit en se cachant les yeux. Elle ne s'attendait pas à une telle réaction, même si à la réflexion ce n'était pas la plus intelligente des questions. Mais en même temps, comment être sûre autrement ? Il était assez androgyne en fait. Blond, les cheveux mi-long, quoique long pour un garçon en fait, toujours attaché ou presque... Le regard clair, la peau ayant oublié comment bronzer... Et surtout un air effémine digne d'un travesti du premier âge ! Non mais des traits aussi fin chez un homme, était-ce seulement possible ?
À croire que oui...
Son corps ne montrait pas non plus ses muscles, quoi qu'en prêtant attention on pouvait observer les traces de son entraînement. Il avait plus de force que sa silhouette squelettique ne le laissait paraître. Du haut de son mètre soixante-quinze, il faisait un peu allumette. Ce qui se comprenait vu le peu qu'il avalait, car il ne mangeait jamais grand-chose, pas en grande quantité en tout cas. Il répartissait ses repas au fil de la journée et préférait les aliments liquides, surtout ceux sucrés ou acides. Par contre, hors de question de goûter l'amertume d'un aliment, il détestait cela. Ce mélange d'attitude enfantine et adulte était caractéristiques chez lui, mais vu son âge c'était assez normal. De ce fait, il fumait parfois, pour la raison idiote de se donner un style, d'essayer d'avoir la classe - en se ruinant la santé - par contre, il ne touchait pas à l'alcool... Ne le tenant pas en fait. Mais tout cela, elle, qui venait juste de le rencontrer, ne pouvait le savoir...
Il remonta son pantalon et soupira, c'était une question qu'on lui posait trop souvent à son goût, mais au fond, il aimait cette apparence... Devant son air gêné, il afficha son habituel sourire taquin et lui donna un petit coup sur le nez, comme s'il s'agissait d'une vieille amie. Toujours trop familier, cela lui jouerait des tours...
Elle s'écarta en s'excusant et il reprit son entraînement du jour, il rentrerait à la nuit tombée, en sueur. Il lui faudrait laver ses vêtements, rien d'important, il en avait plein, de tout type et de toute sorte. Pas qu'il y accorda beaucoup d'intérêt, c'était plutôt les autres qui s'amusaient à l'habiller. Tout ce qu'y l'importait c'était de se sentir bien, de se sentir libre de ses mouvements. Après... Tant qu'il n'avait pas l'air ridicule, un vêtement était un vêtement. >> PsychologieSe définir n'était pas chose facile. Elio mordilla son crayon, jusqu'à ce que le goût du bois ne lui fasse regretter ce geste. La lettre, face à lui, restait désespérément trop vide. Voilà trois mois qu'il avait entamé une correspondance avec quelqu'un de South Blue. Se décrire physiquement avait été court et simple pour lui, même si en se relisant il se rendait compte que cela faisait un peu prétentieux, mais qu'importait, il était fier de son physique et n'allait pas mentir. Mais il ne pouvait pas résumer son caractère à la simple prétention, c'eût été réducteur et stupide. Il n'était pas stupide, cela il le savait, même plutôt intelligent, tordu et impulsif parfois mais intelligent.
Oui, impulsif, une certaine tendance à s'énerver sur le moment pour des choses qui lui tenaient à coeur. Expressif aussi. Mais quand il reprenait son calme, qu'il calculait ses tactiques, leur marge d'erreur. Tout allait bien mieux dans son sens.
Un brin manipulateur alors, non ? Combien de fois s'arrangeait-il pour que les gens fassent ce qu'il veut quand il le veut... Mais il n'en abusait jamais, pas tant qu'il appréciait la personne. Et au fond, il appréciait tout le monde de base ? Non. Pas exactement. Il ne rejetait pas les gens, mais outre les préjugés qu'il tentait de repousser, il essayait d'être neutre au possible. S'attacher à tout le monde ce n'était pas viable, surtout pour quelqu'un comme lui.
Il retint son crayon. Devait-il l'écrire ? C'était certes une force à certain moment mais c'était là aussi sa plus grande faiblesse. Il n'avait jamais rencontré cette personne après tout et même s'il avait tendance à faire confiance rapidement, il savait rester méfiant. Parler de son empathie tout de suite... Non, c'était une mauvaise idée.
Ce n'était pas à la hauteur d'un pouvoir, il n'y avait rien de magique derrière tout cela. Juste une capacité à appréhender, à comprendre plus facilement les gens, à s'attacher à eux aussi. Un peu trop. Il préférait pourtant garder des distances... Pour se protéger, ne plus y penser. Tant qu'il ignorait que les gens allaient mal, il souffrait moins, non ? De toute manière, à part placer des mots réconfortant, il ne pouvait rien y faire. Il soupira.
Bah, au moins cette empathie lui permettait de chercher à comprendre un projet avant de le détruire... Il valait mieux s'il voulait satisfaire sa curiosité ! Car il était curieux, et joueur aussi ! Un peu trop d'ailleurs, il manquait parfois de limite. C'est d'ailleurs pour cela qu'il avait tendance à oublier les distances de respect. Pas qu'il soit insolent, du moins pas volontairement, juste qu'il se montrait familier.
Il se relit rapidement, survolant le texte. Cela manquait cruellement de qualité en fait. Mais il n'allait pas s'en inventer, il signa rapidement, plia la lettre et s'en alla la poster. Demain, il n'aurait pas envie de courir tôt dehors pour la donner au responsable. Il était rarement levé avant midi ces derniers temps. De façon générale, il aimait bien dormir, paresser un peu sous la couette. Entre deux entraînements bien entendu, il aimait sentir qu'il progressait. Et bientôt, il quitterait le village, histoire d'aller un peu découvrir le monde. >> BiographieElio soupira en s'affalant à moitié sur son lit. Il détestait les jours de grandes chaleurs comme celui là. C'était presque irrespirable. À bien y réfléchir, il ne devait pas faire plus de 25, mais pour lui c'était déjà beaucoup trop.
Le monde était-il devenu fou pour qu'il fasse si chaud ici ? Il était à North Blue après tout ! Le nord n'était-il pas censé être une région froide ? C'était idiot comme raisonnement, mais son cerveau ne pouvait produire autre chose présentement. Il y avait trop de chaleur et d'ennui. Il ne se passait pas grand-chose dans cette petite île paumée. Ni festivals, ni événements particuliers, ni confrontation, mis à part bien sûr les disputes et bagarres auquel il aimait participer avec deux ou trois autres garçons consentant histoire de se dérouiller les poings.
Il se retourna pour se mettre sur le dos et regarder le plafond. Vivement qu'il soit en âge de partir ! Qu'est ce qu'il lui avait pris de faire cette promesse ? « Oui, maman, promis maman, je ne partirai pas avant d'avoir dix-huit ans ! ». Ah ! Petit enfant crétin pourquoi n'avais-tu donc pas réfléchit aux conséquences de tes actes ! Voulais-tu donc faire enseignant ? Comme ta chère maman ? Ne pouvais-tu pas suivre les traces de ton père pêcheur au moins ! À défaut d'aller très loin, c'était toujours mieux que de rester cloîtré à terre.
L'air marin était plus frais aussi, il sourit en repensant aux ballades maritimes que son paternel l'emmenait faire parfois. Il lui avait appris les rudiments de la navigation au passage et Elio avait hâte de les pratiquer seul. Même si cela pouvait être dangereux. Son entraînement était la pour compenser le risque, savoir se défendre ou fuir, selon la situation.
Encore une chose qui manquait a cette île ! Un vieux combattant capable d'apprendre aux plus jeunes. Mais non, lui avait dû se débrouiller seul, trouver des exemples dans les livres et se battre contre les gamins de quartiers. Mais aucun d'entre eux n'avait l'esprit vagabonds comme le sien. Billy voulait reprendre la boutique de son père - ce qui n'était pas un mal, car son pain était délicieux - et son frère était trop jeune et un petit peu trop stupide pour décider de sa vie future.
Non, décidément, il ne se passait rien de spécial sur cette île. Le plus grand événement que ses habitants rencontraient était le départ ou l'arrivée de personnes. Les bateaux passaient parfois par ici. Déposant des gens et leur paquet et en remportant d'autres. Rien de passionnant, mais sur l'île de l'ennui c'était la plus grande attraction qui soit. Mais ce n'était pas un mal non plus, cela lui avait permis de comprendre son erreur lorsque qu'adolescent il avait vu arriver les victimes d'une attaque pirates. L'île était peut-être ennuyeuse, mais c'était principalement parce qu'elle était en paix. Il n'y avait rien à voler ici et les gens vivaient heureux. C'est pourquoi il se contentait d'attendre que le temps passe en se préparant à aller voir ailleurs.
Voir le monde et se faire une opinion sur toutes ces choses dont il n'avait que vaguement entendus parler. Il ferma les yeux en souriant avant de pousser un nouveau soupir.
« Foutu chaleur ! Rappelles moi, air, d'éviter les îles à climat chaud... Ou d'emporter un frigo avec moi... Bon idée ça ! »
Et il prit sur lui pour aller se chercher une glace... >> Test RPElio bailla. Il se sentait aussi réveillé qu'un enfant à l'heure de la sieste. Quelle idée aussi de le faire lever si tôt ! Il aurait du convenir de la livraison du pain avec Billy, cela lui aurait évité de traverser la ville... Depuis qu'il avait atteint l'âge tant attendu sa mère ne cessait de l'envoyer à diverses tâches dans le village. Il sourit à cette pensée, il savait pourquoi. Elle voulait qu'il se sente indispensable à la maison, utile, et qu'ainsi il repousse la date de son voyage de quelques années encore... Mais même en le sachant, l'effet était plutôt inverse, il avait hâte de cesser cette mascarade en prenant la mer. Croiser des marines et des pirates faisant « yoho» ! Ah clichés, que serait la vie sans vous ?
Le sourire aux lèvres, il poussa la porte de la boulangerie et la petite cloche sonna. Un bruit dans l'arrière boutique et Billy ne tarda pas à se montrer, accueillant son ami l'air joyeux. Voila certainement longtemps qu'il était debout à aider son père, aussi se permit il une pique sur la tête mal réveillée du blondinet aux cheveux ébouriffé :
« Encore tiré du lit trop tôt ? C'est vrai que les bébés ont besoin de sommeil !
- Très subtile... Mais tu es en progrès ! M'man doit avoir commandé hier...
- Je vais te chercher ça, t'endors pas sur le comptoir ! »
Tandis qu'il s'en allait quérir la commande il obtint pour toute réponse un soupir blasé. Elio n'eut guère a patienter cependant et pu bientôt récupérer son pain en échange du paiement. Il ouvrait la porte quand le propriétaire passa la tête et lui lança :
« On a retrouver une barque en sale état échoué sur la plage ouest, si ça t'intéresse ! »
Remercié, il retourna à son travail tandis qu'Elio quittait la boutique. Ce qui venait de la mer sans que l'on sache comment ni pourquoi était toujours intéressant. Était ce un naufrage ? Ou juste une embarcation égarée ? Tombée à la mer et abîmée par le courant ? Il passa rapidement déposer le pain chez lui et sautant le petit déjeuner – au grand damne de maman Tenrô – se dirigea vers la plage. Il n'y aurait sans doute rien à voir où à récupérer mais il ne pouvait pas s'empêcher d'aller vérifier. Sait-on jamais...
Il longeait les maisons en songeant à tout ce qui avait pu amener cette barque par ici quand une main se posa sur son épaule, le tira en arrière et le fit s'engouffrer dans une ruelle sans qu'il n'ait vraiment le temps de comprendre ce qu'il venait de subir. Juste le temps de pousser un cri de surprise en perdant l'équilibre avant d'être plaqué au mur par... Qui ? La différence de lumière entre la rue et cet endroit étroit ne lui permit pas de distinguer tout de suite son « agresseur ». Car ce n'était sans doute qu'un idiot du village cherchant à lui faire une blague. Ou un ami se cachant d'un parent en colère. Une lumière étincela sous sa gorge. Ah, peu probable en fait... Il ne connaissait personne avec un crochet. L’inconnu se rapprocha, quittant le contre-jour. Ridé, barbe de plusieurs jours et mine patibulaire ; totalement inconnu au bataillon. Il ouvrit la bouche et son l'odeur de l'alcool emplit l'air. D'instinct -stupide et peu conservateur – Elio le repoussa. C'était futile, l'homme bougea à peine et pressa la pointe de son crochet avec plus de force tandis qu'une lueur de colère passait dans ses yeux.
« Je te déconseille fortement de recommencer, gamin ! Et son ton en disait assez long pour qu'il n'ait besoin de rajouter la moindre menace. Tu te tiens tranquille et tu obéis et tout se passera bien. Si tu pousses un cri, je te tue et je massacre tout ceux qui s'approcheront d'ici. »
Elio avala sa salive et opina. Mieux valait l'écouter un moment.
« Bien. Je veux un endroit sûr, de la nourriture et des informations !
- Et je trouve ça comment ? Le regard qu'il se reçut le fit poursuivre, bien monsieur tout de suite monsieur ! »
Et un verre de vin rouge avec cela ou je vous apporte l'addition ? Il se retint en se mordant la lèvre. L'homme le relâcha un peu tout en lui barrant le chemin. Le village était encore désert si l'on choisissait les bonnes rues et il y avait un grange abandonnée non loin de là. Bien, hors de question de l'amener chez lui, ses parents le trouveraient aussitôt et... C'était un choix bien trop raisonnable pour être envisageable. Il se glissa donc entre l'homme et le mur et avança tandis que l'autre lui saisissait le bras. Un regard en arrière, juste le temps de comprendre que c'était pour l'empêcher de fuir, et il se mit en route.
Le trajet aurait pu être parcouru rapidement, mais l'inconnu traînait la patte. Discrètement, le blondinet chercha à savoir pourquoi et ne pu qu'afficher un instant une mine dégouttée devant l'estafilade qui lui courrait sur la jambe. Il était blessé, et potentiellement méchamment – Elio ne pouvait bien le voir -, mais cela changeait la donne. Un homme blessé était plus facile à maîtriser, quand bien même il était sûrement armé sous ses haillons. L'idée lui effleura l'esprit et il se retourna presque avant de réfléchir et de la repousser. Impossible, pas vu la force dont il avait fait preuve en l'attirant dans la ruelle. Pas vu son air impassible quand bien même marcher devait lui être douloureux. Ce type... Il n'était juste pas de son niveau. Que faire alors ?
Ils atteignirent la grange sans qu'il n'ait trouvé réponse à sa question. L'homme se dégagea une place contre un mur et s'affala là avant de sortir un pistolet et de le pointer sur son guide.
« Va me chercher à manger !
- Et si je donne l'alerte ?
- Alors je tuerais toute personne qui franchira cette porte !
- Logique... Et comment je vous trouves à manger sans alerter mes parents ?
- Tu voles, gamin !
- Mais bien sur, pourquoi n'y ai je pas penser ! Je reviens de suite ! »
Inutile de s'attarder vu son regard, encore. Elio quitta la grange en serrant le poing. Trouver à manger n'était pas un souci, mais il n'allait pas devenir le larbin de ce... ce... pirate ? Oui, ou un truc du genre en tout cas. Voler ne serait pas un souci s'il ne connaissait pas les villageois. On a toujours moins de scrupule avec les inconnus. Mais présentement, il ne pouvait s'y résoudre. Alors il rentra chez lui en courant, avala une tartine pour faire plaisir à sa mère et ressortit le plus naturellement du monde en emportant sa bourse et une miche de pain. Bien, pour le moment c'était facile, mais s'il pouvait toujours trouver une excuse pour le pain, il ne pouvait vider la réserve sans qu'ils ne s'en rendent compte. Ah, que les enfants de parents voyageurs avaient de la chance parfois... Non ?
Il soupira. Acheter à manger était facile, encore fallait il que les gens ne discutent pas entre eux. Ici, un gros achat non commandé par sa chère mère amènerait tout de suite des questions. Mais quelques fruits, cela devrait aller. Le capitaine crochet s'en contenterait !
Il revint bientôt avec ses achats et présenta le tout à l'homme blessé. Ce dernier inspecta le contenu du sac avec une moue déçu et posa son regard sévère sur son larbin du jour :
« Y'as pas de rhum ?
- Non, y'as pas de rhum ! »
Le ton était plus insolent, l'agacement y était pour quelques choses, et l'homme n’appréciât guère et se saisit de son arme pour menacer le gamin qui leva un sourcil, beaucoup plus calme maintenant qu'il avait eut le temps d'y penser.
« Si vous tirez, vous donnez l'alerte et je doute fort que quelques vous aide après que vous m'ayez blessé... Ou tué mais passons l'avenir sombre sous silence.
- Umph...
- Bien, maintenant qu'on peut discuter et sauf votre respect, vous ne pourriez quand même pas baisser votre arme ? Je fais le fier mais je ne suis pas rassuré pour autant !
- Tu balances souvent tes faiblesses quand tu es menacé ?
- Je ne me fais pas souvent menacer, je manque d'habitude ! Vous pourriez m'apprendre ?»
L'homme afficha un sourire mauvais mais presque amusé et baissa le pistolet. Il n'en croisait pas souvent des idiots pareils. Trop insolent pour vivre vieux, trop intelligent pour mourir jeune. Restez calme était la clé de la survie, sans calme il n'y avait ni fuite, ni combat possible après tout. Mais ce petit faisait aussi preuve d'un manque cruel de prudence qui pourrait lui coûter cher... Même en restant dans son village. Il aurait voulu tirer pour lui faire comprendre et lui donner sa leçon, mais c'était impossible...
« C'est quoi ton nom gamin ?
- En principe on se présente avant de... D'accord ! Elio et vous ?
- John Fenn, et si tu entends ce nom dehors, viens me le dire.
- Vous êtes poursuivis ? Par qui ? Pourquoi ?
- Tu n'as pas envie de le savoir. Et il n'avait pas besoin d'un geste de la main et d'un long manteau pour être convaincant et faire taire le jeune home...
- ...D'accord, et pour votre blessure ?
- Tu en poses des questions pour un gamin dont la vie est menacé.
- Oui, il paraît que je suis chiant, vous voulez des bandages ? »
L'homme approuva d'un signe de tête étrangement content de se débarrasser de cet ennui pour un temps. Temps qui fut de courte durée, puisque qu'Elio ne tarda pas à revenir avec ce qu'il fallait. Sans lui laisser le temps de répliquer, il s'agenouilla près du membre blessé, esquiva le crochet et parvint à convaincre le pirate de se laisser soigner.
La blessure était plus profonde qu'il ne l'aurait cru et déjà légèrement infecté. Il en éprouva plus en encore de respect et d'admiration pour cet homme qui ne cillait pas le moins du monde tandis qu'il le soignait sans grand talent. Il n'était pas médecin, mais la blessure ne saignait pas. Ou plus, en fait. Qu'avait il bien pu arriver à cet homme pour qu'il se retrouve dans cet état, seul et blessé sur une île paumée ? Il fronça les sourcils, si le sujet était passionnant pour lui, nul doute que cela n'augurait rien de bon pour l’île de la paix et de l'ennui...
Pendant quelques jours, il crut s'être trompé. Tout allait bien, il avait remis ses services en question deux ou trois fois et Mr Fenn lui avait fait comprendre – monnaie sonnante et trébuchante, et dorée à s'en casser les dents – qu'il avait tout intérêt à rester. L'origine de l'argent était floue et certainement pas légale, mais c'était toujours bon à prendre pour son voyage ! Même si... Il l'aurait aidé sans cela, il n'allait pas refuser et s'était bien gardé de lui dire. Il ne pouvait pas laisser un homme blessé et sale crever comme un chien sur son île, quand bien même ce dernier était bourru, pirate – donc hors la loi – et menaçant. À bien y réfléchir, agir comme cela le perdrait un jour...
Oui, tout allait bien. Pour un temps qui ne tarda pas à être brisé. La rumeur monta un matin, un cri ou deux. Et un coup de feu vers le ciel. Ils voulaient être entendu, ils voulaient attirer l'attention, et surtout, ils voulaient effrayer. Elio reconnut le nom qu'ils prononcèrent mais eut bien du mal à quitter le centre du village sans être vu. Il parvint cependant à atteindre la grange et à réveiller son... protégé ?
« Alors vous quand vous vous faites des ennemis, vous faites pas dans la dentelle !
- Ils m'ont retrouvé ?
- Nan, je l'ai lu dans le journal ! Merde ! C'est qui ces types ? Ils sont armés, nombreux et visiblement très en colère ! Qu'est ce que vous leur avait fait ! … Oui, je sais, je ne veux pas savoir.
- Tu apprends vite.
- Ouai et on ne peut pas dire que ça m'avance beaucoup. Je fais quoi, je vous balance ?... Me regardez pas comme ça, c'est ma famille qu'ils menacent ! Tss, t'façon, j'étais prévenu en hébergeant un pirate...
- On attends la nuit.
- S'ils nous laissent vivant jusque là... »
Sur cette note joyeuse, Elio ressortit de la grange, l'air presque boudeur. Être effrayé ? Il avait dépassé ce stade. Il paniquait déjà mais c'était mauvais, très mauvais et il le savait. Alors il fit ce qu'il faisait toujours dans ces cas là : il se glissa dans sa chambre et se jeta sur son lit pour se vider la tête. Il ne pouvait pas le livrer, pas après l'avoir soigné. Il s'était attaché à lui. Comme il s'attachait à tout ceux qu'il côtoyait. Et pourtant c'était bien eux qui risquaient de payer... Parce qu'ils ne laisseraient pas Elio mourir, même pour avoir aidé un pirate. Il ne pouvait pas non plus les combattre, non ? S'il s'était agit de marine, de force protectrice, la décision aurait était plus facile. Mais là... Il risquait gros. C'était la mort, pas un jeu, de cette stupide décision dépendait sa vie et celle de sa famille... Il serra le poing et le claqua contre le mur.
Il n'y avait qu'une solution. Mentir, et partir vite et loin. Dans la foule qui s'était réunit autour de ces gens, il avait du passer inaperçu. D'autant qu'il ne s'était pas approché pour une fois. Avec un peu de chance, il y avait moyen de ne pas se faire repérer...
Il descendit l'escalier et regarda ses parents, l'air grave.
Les pleurs de son père résonnait encore contre la poitrine de sa femme pendant qu'il faisait son bagage. Il fallait faire vite et bien. Si on posait la question, il avait disparu le jour de l'arrivé du pirate. Il devait partir en mer ce jour là, alors il ne s'était pas inquiété. Si on ne leur demandait rien, ils ne diraient rien.
Pour le moment, il n'y avait pas de raison pour qu'on leur demande quoi que ce soit et dans ce village sujet au commérage rapide et discret, chacun saurait se passer le mot pour éviter les fausses notes. Ça irait. Il quitta la maison et retourna à la grange. L'échange fut court, ils partiraient cette nuit.
« Et pourquoi tu m'accompagnes gamin ?
- Parce que vous êtes blessé et donc pas en état de naviguer, que je dois partir depuis longtemps et que je préfère être sûr qu'ils nous suivent !
- Tu es stupide.
- Ça ne fait que la sixième fois que vous me le dites mais je vais finir par y croire, faites attention! »
Attention. Oui, c'est ce qu'il devrait faire plus souvent. Attention qu'il n'y ait personne pour les entendre au dehors. Une chance qu'ils n'aient pas reconnu les paroles, juste entendu les voix. Une malchance qu'il s'agisse précisément des gens qu'ils voulaient éviter. Le silence se fit entre eux quand ils perçurent enfin les bruits de pas. John fut plus rapide et ferma la porte avant de la bloquer. Le bois encaissa une balle. Elio déglutit. Même sans savoir si c'était bien la personne qu'ils recherchaient ou juste des gamins jouant à cache-cache, ces enfoirés avaient tiré. Le ton était donné. Il ramassa l'arme que son compagnon avait laissé au sol. Celui ci le regarda, perplexe.
« Tu ne pourras pas tuer avec ça petit...
- De une je suis encore assez niais pour éviter les points vitaux, de deux, merci je sais viser...
- Le chargeur est vide.
- … … Je ne sais pas si je dois vous maudire pour m'avoir menacer avec une arme déchargé et parce que cette menace en l'air nous fout clairement dans la merde …
- Garde tes malédictions pour plus tard, on a assez d'ennui ! »
Elio serra les dents et retint la réplique cinglante qui lui venait à l'esprit. Inutile de monter un duo comique en pleine tempête, n'est ce pas ? Il en était encore à se demander que faire quand la fumée commença à apparaître. Génial, voilà qu'ils mettaient le feu...
« C'est une chance.
- Pardon ?! Je ne vois pas en quoi finir cramé est une chance !
- Parce que s'ils ne tentent pas d'enfoncer la porte c'est qu'ils ne sont pas nombreux.
- … Ah. »
Oui, dit comme ça c'était logique, même si cela ne résolvais pas leur problème. Elio – qui tenait toujours l'arme déchargé d'une main – se couvrit la bouche de l'autre. À ce train là, ils allaient finir asphyxié avant de cramer... Voila ce qui lui manquait, de l'expérience de situation désastreuse. Bien, au moins il aurait l’occasion de s'en rendre compte avant de mourir...
Sauf qu'il n'était pas seul et que John, lui il en avait de l'expérience ainsi qu'un esprit très calme et très froid aussi - toujours utile en cas d'incendie. Il indiqua l'arrière de la grange, en silence et appuya contre le mur. Le panneau pivota, laissant place à une ouverture tout juste assez large pour laisser passer une personne à la fois. Le pirate avait prévu sa retraite...
Dehors, la fumée les dissimulait. Pas beaucoup, mais assez pour qu'Elio puisse courir vers le seul assaillant qui gardait l'arrière et le surprendre d'un coup de poing bien placé. L'homme s'effondra et alors qui tentait de se relever, un pied se posa sur sa tête et un couteau s'enfonça dans son torse.
Elio regarda John, effaré, mais ce dernier ne lui laissa guère le temps de réagir et l'embarqua pour s'éloigner en vitesse. À mi-parcours, ce fut le jeune homme qui dut prendre le relais, soutenant son compagnon sans un mot.
Ils rejoignirent la côte et l'embarcation que le père avait préparé. À bord, en mer, il ouvrit enfin la bouche :
« Vous l'avez tué...
- Oui.
- C'est...
- Commun et normal et si tu veux vivre en mer tu devras t'y faire. Si je l'avais laissé filé, alors qu'il t'a vu, que serait il arrivé à ton cher village ? »
Elio n'insista pas et se renfrogna, il savait que c'était l'expérience qui parlait, les hommes les suivraient, ils n'avaient pas de moyen de savoir qu'un villageois était mêlé à cela. Et puis, trouver cet homme et le tuer semblé plus important. Du moins, il espérait que cela primerait sur leur désir de vengeance envers le village. Même avec un mort... Nul doute qu'ils feraient payer cela aux villageois... Mais peut être pas mortellement... Il l’espérait.
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