Deux mois. Deux mois à ne rien faire. Deux mois que l’on se trouve sur GrandLine, la route de tous les périls. Grandline, la mer la plus dangereuse du monde. Là où tous les forbans, les pires criminels et les plus valeureux marines se trouvent. Là où la hiérarchie des puissants se fait. Un climat imprévisible et des conditions de navigations souvent instables. Dans ma tête, c’est une route semée d’embuche ou chaque jour apporte son lot de catastrophe et de défi. Je m’attendais à tout, mais pas ça. L’attente. Une terrible et lente attente. C’est ça aussi Grandline, même si on y passe pas naturellement. Un climat imprévisible ? On pense à des tempêtes, des événements climatiques rarissimes. Mais le calme plat sous un grand soleil, c’est ça aussi, le climat imprévisible. C’est tellement calme que l’on se croirait sur Calm Belt. Tu sais ? Cette mer où il n'y a pas un brin de vent et où les fonds marins pullulent de géants de mer capable de gober le Belle Espoir sans s’en apercevoir tellement ils sont gros. Heureusement, on y est probablement pas. On se serait fait bouffer depuis longtemps.
L’attente, ça nous oblige à prendre notre mal en patience. On fait connaissance, on s’amuse, on discute, mais on fait vite le tour quand on y passe deux mois. Souvent, le silence s’installe dans le navire et se mêle au silence de la mer. Ça en devient oppressant. Et chaque petit bruit qui sort de l’ordinaire me met sur le qui-vive, comme si je m’attends à quelque chose d’incroyable. Ça allait bien un mois, ça. Maintenant, j’en suis presque blasée. Les cigares d’ishii, les danses de Jackie, le poker de Jevta ; tout ça me blase. C’est bien de temps en temps, mais surtout pas quand on a que ça à faire. Du coup, en journée, j’m’isole. J’évite de me déprimer encore plus. Sauf que le renfermé, c’pas non plus très bon. Du coup, je sors plutôt le soir. La fraîcheur de l'obscurité me fait un bien fou. Le son de la nuit aussi. Cette sorte de musique mystérieuse où la mesure est battue par le faible frappement des vagues contre la coque. C'est toujours la même chose, chaque nuit, mais ça se démode pas. Parfois, j'passe la soirée avec un autre Étranger, histoire d'avoir une discussion un peu plus poussée que l'ordinaire, comme si parler sous les étoiles nous ouvre plus facilement les portes de nos cœurs.
Ce soir, je fais fort. J'ai emmené Lucio avec moi. Enfin, je me suis posée à ses côtés. Le pauvre, il s'est endormi sur le chemin de sa vigie et de sa cabine. Du coup, j'l'ai posé contre un tonneau tandis que je me suis posée contre la balustrade. On a discuté. Beaucoup discuté. C'est que je le connais pas beaucoup, le Lucio. Il parle peu. Je lui ai beaucoup parlé de moi. De l'Église de la Juste Violence aussi. J'lui ai parlé aussi de quelques soucis personnels. Ça fait du bien d'en discuter. Extérioriser ses peurs pour mieux les affronter. J'ai pu étayer aussi un truc qui me travaillait. J'ai une théorie. Lucio comprend tout ce qu'on lui dit, même quand il dort. Surtout quand il dort. En fait. J'ai fait un test. Du coup. J'lui ai parlé de la recette du cake aux anchois. Je ne la connais pas particulièrement, j'ai beaucoup inventé. Je voulais savoir s'il allait réagir pour me dire que j'avais faux. Une fois mon récit terminé, j'ai attendu une réaction au milieu de ses ronflements. Rien ne vint. Ce n'est pas une preuve réfutant ma théorie. Peut-être qu'il ne sait pas non plus la recette du cake aux anchois. Et son ronflement pouvait signifier un « oui » dans le langage des dormeurs. En parlant de ce langage, je pourrais commencer à rédiger un traducteur. Un ronflement court pour « oui ». Un ronflement un peu plus long pour « non ». Peut-être qu'en réalité, Lucio a élaboré un langage de haute technicité où le sommeil t'oblige à dire la vérité. Un langage pur dans le sommeil. En pensant ça, je ne peux plus regarder Lucio autrement qu'en un sage incompris de son temps. Toi aussi, tu es Etranger.
J'ai tenté pendant cinq minutes de discuter en ronflant, mais j'ai pas assez de pratique. Et c'est au bout de ces cinq minutes que je me suis remise à regarder la mer, les yeux dans le vague. Suffisamment de temps après, j''ai vu un bateau qui faisait des vagues. Comment ? Avec des rames ? 'sont loin d'être con, eux. Et je tilte. Y a un bateau. Y a quelque chose à faire ! On peut faire quelque chose ! Je m'apprête à gueuler à tout le monde qu'il se passe enfin quelque chose quand je vois le pavillon en haut du mat principal. Les deux pavillons même. Et d'un coup, j'm'immobilise. J'deviens carrément livide, les yeux fixés sur ces deux pavillons pendouillant dans l'absence de vent. Mes mains tremblent. Mes bras tremblent. Tout mon corps tremble. Le premier pavillon, je l'ai déjà vu plusieurs fois. On utilise rarement les pavillons chez nous, mais il en faut bien un pour se repérer en certaines occasions. Comme la présence situation par exemple. Ce pavillon, c'est celui de l'Église de la Juste Violence. La croix ; c'est forcément eux. Mais le pire, c'est le deuxième. Je l'ai vu qu'une seule fois et j'ai jamais pensé le voir un jour en vrai et pas dans un bouquin.
L'inquisition. La section de l'Église de la Juste Violence en charge des traitres à l'Ordre et des hérétiques. Il y a très peu de rumeurs sur cette section et le peu qu'on entend n'est pas très encourageant. On dit qu'à chaque fois qu'ils interviennent pour quelqu'un, cette personne finit toujours coupable. Pas qu'ils sont corrompus, oh non, ils sont très droits. Mais il ne se déplace pas sans avoir de solides arguments pour juger coupable un individu. Généralement, la sentence est expéditive pour les traitres. La mort : on ne rigole pas sur cette question, dans l'ordre. D'où ma peur. Ils sont forcément là pour moi. Pourquoi ? Ma prime ? Mes actes en tant que Walkyries ? En tant qu'Étranger ? Je ne sais que faire. Et je capte rapidement une chaloupe qui se dirige rapidement vers le Belle Espoir. Dans une minute, ils seront sur moi. La solution ? Les affronter ? Ce serait une déclaration de guerre à l'Ordre. Et les Étrangers dans leur ensemble paieront pour moi. De toute façon, de par leur nature de pirate, ils seront forcément jugés comme néfastes pour ce monde. L'inquisition fait aussi dans la chasse traditionnelle.
Il n'y a pas d'échappatoire. La section inquisitoire est d'un niveau suffisamment expérimenté pour voguer sur Grandline. On est pas de taille. Du coup, j'suis bien forcée de les attendre. Et c'est ce que je fais. Tandis que la barque glisse vers le bateau, je balance une échelle de corde par-dessus bord pour descendre. Dans l'embarcation, il y a trois individus. Deux sont assis et tiennent les rames fermement en baissant la tête, dissimulant leur visage. Le troisième est debout et me regarde d'en bas. Le clair de lune me permet de bien voir son visage.
Je soupire. Et je regarde un instant Lucio.
Tu diras aux autres de pas s'inquiéter. Si vous pouvez partir … partez. Ça vaudra mieux pour vous.
RRRRRRRRRR
C'est un au revoir, Lucio
RRRRRRRRRR
J'hésite à le réveiller, mais j'ai une théorie ; il m'a comprise. Je passe par-dessus bord et je me mets à descendre l'échelle. C'est comme une descente aux enfers, en plus petit. Une fois le pas posé dans l'embarcation, je suis prise d'un vertige. Je sais ce que je fais. Je sais que je vais au devant de ma possible mort. Mais c'est comme ça. L'homme debout me toise un instant.
Soeur Marie-Thérèse.
Votre coopération est une sage décision. J'en ferais part à l'Eveque Strugholf.
Strugholf. L'inquisiteur...
L’attente, ça nous oblige à prendre notre mal en patience. On fait connaissance, on s’amuse, on discute, mais on fait vite le tour quand on y passe deux mois. Souvent, le silence s’installe dans le navire et se mêle au silence de la mer. Ça en devient oppressant. Et chaque petit bruit qui sort de l’ordinaire me met sur le qui-vive, comme si je m’attends à quelque chose d’incroyable. Ça allait bien un mois, ça. Maintenant, j’en suis presque blasée. Les cigares d’ishii, les danses de Jackie, le poker de Jevta ; tout ça me blase. C’est bien de temps en temps, mais surtout pas quand on a que ça à faire. Du coup, en journée, j’m’isole. J’évite de me déprimer encore plus. Sauf que le renfermé, c’pas non plus très bon. Du coup, je sors plutôt le soir. La fraîcheur de l'obscurité me fait un bien fou. Le son de la nuit aussi. Cette sorte de musique mystérieuse où la mesure est battue par le faible frappement des vagues contre la coque. C'est toujours la même chose, chaque nuit, mais ça se démode pas. Parfois, j'passe la soirée avec un autre Étranger, histoire d'avoir une discussion un peu plus poussée que l'ordinaire, comme si parler sous les étoiles nous ouvre plus facilement les portes de nos cœurs.
Ce soir, je fais fort. J'ai emmené Lucio avec moi. Enfin, je me suis posée à ses côtés. Le pauvre, il s'est endormi sur le chemin de sa vigie et de sa cabine. Du coup, j'l'ai posé contre un tonneau tandis que je me suis posée contre la balustrade. On a discuté. Beaucoup discuté. C'est que je le connais pas beaucoup, le Lucio. Il parle peu. Je lui ai beaucoup parlé de moi. De l'Église de la Juste Violence aussi. J'lui ai parlé aussi de quelques soucis personnels. Ça fait du bien d'en discuter. Extérioriser ses peurs pour mieux les affronter. J'ai pu étayer aussi un truc qui me travaillait. J'ai une théorie. Lucio comprend tout ce qu'on lui dit, même quand il dort. Surtout quand il dort. En fait. J'ai fait un test. Du coup. J'lui ai parlé de la recette du cake aux anchois. Je ne la connais pas particulièrement, j'ai beaucoup inventé. Je voulais savoir s'il allait réagir pour me dire que j'avais faux. Une fois mon récit terminé, j'ai attendu une réaction au milieu de ses ronflements. Rien ne vint. Ce n'est pas une preuve réfutant ma théorie. Peut-être qu'il ne sait pas non plus la recette du cake aux anchois. Et son ronflement pouvait signifier un « oui » dans le langage des dormeurs. En parlant de ce langage, je pourrais commencer à rédiger un traducteur. Un ronflement court pour « oui ». Un ronflement un peu plus long pour « non ». Peut-être qu'en réalité, Lucio a élaboré un langage de haute technicité où le sommeil t'oblige à dire la vérité. Un langage pur dans le sommeil. En pensant ça, je ne peux plus regarder Lucio autrement qu'en un sage incompris de son temps. Toi aussi, tu es Etranger.
J'ai tenté pendant cinq minutes de discuter en ronflant, mais j'ai pas assez de pratique. Et c'est au bout de ces cinq minutes que je me suis remise à regarder la mer, les yeux dans le vague. Suffisamment de temps après, j''ai vu un bateau qui faisait des vagues. Comment ? Avec des rames ? 'sont loin d'être con, eux. Et je tilte. Y a un bateau. Y a quelque chose à faire ! On peut faire quelque chose ! Je m'apprête à gueuler à tout le monde qu'il se passe enfin quelque chose quand je vois le pavillon en haut du mat principal. Les deux pavillons même. Et d'un coup, j'm'immobilise. J'deviens carrément livide, les yeux fixés sur ces deux pavillons pendouillant dans l'absence de vent. Mes mains tremblent. Mes bras tremblent. Tout mon corps tremble. Le premier pavillon, je l'ai déjà vu plusieurs fois. On utilise rarement les pavillons chez nous, mais il en faut bien un pour se repérer en certaines occasions. Comme la présence situation par exemple. Ce pavillon, c'est celui de l'Église de la Juste Violence. La croix ; c'est forcément eux. Mais le pire, c'est le deuxième. Je l'ai vu qu'une seule fois et j'ai jamais pensé le voir un jour en vrai et pas dans un bouquin.
L'inquisition. La section de l'Église de la Juste Violence en charge des traitres à l'Ordre et des hérétiques. Il y a très peu de rumeurs sur cette section et le peu qu'on entend n'est pas très encourageant. On dit qu'à chaque fois qu'ils interviennent pour quelqu'un, cette personne finit toujours coupable. Pas qu'ils sont corrompus, oh non, ils sont très droits. Mais il ne se déplace pas sans avoir de solides arguments pour juger coupable un individu. Généralement, la sentence est expéditive pour les traitres. La mort : on ne rigole pas sur cette question, dans l'ordre. D'où ma peur. Ils sont forcément là pour moi. Pourquoi ? Ma prime ? Mes actes en tant que Walkyries ? En tant qu'Étranger ? Je ne sais que faire. Et je capte rapidement une chaloupe qui se dirige rapidement vers le Belle Espoir. Dans une minute, ils seront sur moi. La solution ? Les affronter ? Ce serait une déclaration de guerre à l'Ordre. Et les Étrangers dans leur ensemble paieront pour moi. De toute façon, de par leur nature de pirate, ils seront forcément jugés comme néfastes pour ce monde. L'inquisition fait aussi dans la chasse traditionnelle.
Il n'y a pas d'échappatoire. La section inquisitoire est d'un niveau suffisamment expérimenté pour voguer sur Grandline. On est pas de taille. Du coup, j'suis bien forcée de les attendre. Et c'est ce que je fais. Tandis que la barque glisse vers le bateau, je balance une échelle de corde par-dessus bord pour descendre. Dans l'embarcation, il y a trois individus. Deux sont assis et tiennent les rames fermement en baissant la tête, dissimulant leur visage. Le troisième est debout et me regarde d'en bas. Le clair de lune me permet de bien voir son visage.
Je soupire. Et je regarde un instant Lucio.
Tu diras aux autres de pas s'inquiéter. Si vous pouvez partir … partez. Ça vaudra mieux pour vous.
RRRRRRRRRR
C'est un au revoir, Lucio
RRRRRRRRRR
J'hésite à le réveiller, mais j'ai une théorie ; il m'a comprise. Je passe par-dessus bord et je me mets à descendre l'échelle. C'est comme une descente aux enfers, en plus petit. Une fois le pas posé dans l'embarcation, je suis prise d'un vertige. Je sais ce que je fais. Je sais que je vais au devant de ma possible mort. Mais c'est comme ça. L'homme debout me toise un instant.
Soeur Marie-Thérèse.
Votre coopération est une sage décision. J'en ferais part à l'Eveque Strugholf.
Strugholf. L'inquisiteur...