Je me rappelle encore. Cette douce odeur de chaud. La première fois de ma foutue vie que je ne tremblais pas de froid, que mes dents ne claquaient pas de douleur. Où le manteau blanc ne bouffait pas tout le paysage. Je me rappelle encore. On était assis le cul par terre, en plein jour de soleil. Y'avait ce gros rond jaune qui nous dorait au creux d'un champs de paille. J'ai pointé le bout d'un arbre qui me faisait de l’œil, au loin. Il avait le tronc tout déformé, comme si le vent avait réussi à le tordre, et en son centre, minuscule, on voyait comme le trou d'un nid d'hibou. Y'avait mon index qui le fixait et ma bouche qui l'ouvrait.
C'est quoi ?
Un arbre, gamin, c'est un arbre...
[...]
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Il y eu ce temps de pénitence, où les corps s'étaient reposés pour laisser crier les cœurs. Et crier aussi, à gueule déployée, la voix d'un Jack hilare qui n'y croyait que trop peu. Mais les corps ne riaient pas longtemps, trop exténués de cette longue marche qui laisserait à chacun, une trace indélébile.
C'était en pleine compagne, où le long chemin de terre ne donnait sur rien d'autre que des pâtures. Les hommes avaient marché des jours ainsi. Mais le froid ne les guettait plus, et la faim, elle, pouvait se résoudre au tournant d'un bosquet, où des murs poussaient, au creux d'un virage, où un lapin apparaissait avant d'être poignardé par l’œil expert du vieillard, au milieu d'un champs, où les pommes de terre arrivaient à pleine saison.
Ils avaient une drôle d'allure, cet attroupement d'hommes dépareillés. Leurs frusques étaient trop grands, ou trop petits, ou trop abîmes. Ils les avaient chapardés à des baigneurs insouciants, ou à des promeneurs pas assez courageux. Le monstre, lui, n'avait eu d'autre choix que de garder son bas de laine du bagne. Tout rayé. Mais il avait réussi à trouver une pierre d'Anthracite, tombée là par un heureux hasard. Sûrement une chariote remplie qui au gré d'un cailloux, avait de trop soubresauté pour ne rien laisser tomber. Peut être même un souvenirs de mineur, rentrant chez lui après des mois de travail. Ou simplement une livraison pour un tanneur anonyme qui avait perdu en chemin, quelques grains dont il ne se rendrait même pas compte de la perte. Alors cette petite pierre, pas plus grosse qu'un poing, finissait chaque soir à se faire frotter par sur le bas du monstre ; pour cacher les rayures, derniers vestiges visibles du bagne.
Le petit ne pouvait s'empêcher à chaque chose inconnue, de poser d’innombrables questions, lui qui n'avait jamais vécu ailleurs qu'en enfer. Qui n'avait jamais vu d'autre couleurs que le noir, le blanc et le gris. Et là, toutes ces couleurs qui lui éblouissaient la vue, ces paysages luxuriants où la nature n'était rien d'autre que l'amie de l'homme... Ces longères de pierres, de terre cuite et de chaume, ces grands champs de blé où les soies n'avaient pas encore décidé de tomber. Où les tiges dépassaient de par leur taille le gosse avide de questions. Ces minuscules rivières qui jonglaient entre les champs, passant ça et là sous le chemin pour irriguer toute la région. Ils y voyaient les grandes truites rebutes remonter le fleuve pour aller se lover dans les montagnes d'Est et pondre sous les roches toutes chauffées par le soleil.
Ils y virent un pécheur profiter de cette remontée, bronzant son couvre chef sous les rayons. Il avait ce marcel blanc laissant allègrement dépasser ses épaules rougies et toutes garnies de poils rêches. Son bas trempait à mi cuisse dans l'eau transparente. Et son corps, tout rectiligne, aussi filiforme qu'une planche de bois, se tenait aussi droit qu'un I, avec, au bout des mains, cette canne à pêche qu'il ne se fatiguait pas de lancer et relancer, à fouetter le bord de la rivière jusqu'à ne plus sentir ses bras.
_ Il... Fait quoi ?
_ Il pêche, gamin, il pêche.
_ Hmm... Pêcher, c'est attraper des poissons, les animaux qui vivent dans l'eau, pour les manger.
Les hommes restèrent là, un moment, à observer ce pêcheur, sans faire de bruit. Ils observaient d'un œil empli de curiosité, mais surtout, du bonheur de pouvoir choisir leur rythme. L'immense cachalot coupa ce silence de sa voix roque et calme.
_ Hmm...La pêche est bonne ?
L'homme ne se retourna pas. Ne changea en rien ses gestes et si ce n'est sa bouche qui s'ouvrit, on eu cru qu'il n'avait rien entendu des mots du monstre.
_Bien sûr l'ami. A cette saison, les truites sont si nombreuses qu'il suffirait d'un long filet pour en manger chaque repas de l'année.
_Toute l'année ? Mais alors... Pourquoi vous n'avez pas de filet ?
_ Parce que toute vie se gagne, gamin. Et que si je faisais ainsi, l'année d'après, je ne pourrais plus rien manger venant d'ici. Les loutres font assez de dégats, à bouffer jusqu'à plus faim ces pauvres poissons.
_ Hmm... Nous recherchons de quoi gagner quelques sous pour prendre un bateau. Vous savez où l'on embauche, ici ?
_ Oh, oui, je crois bien. Il y a la ferme du vieux Leblanc. Il se fait de trop ridé et son dos de trop douloureux pour ramasser ses hectares de pomme de terre. Si vous continuez le chemin, vous tomberez sur un chêne à une heure de marche d'ici. Vous prendrez alors sur la droite et continuerez sur deux lieux. Vous serez arrivés.
_Mais des chênes, il y en a beaucoup, ici.
_Oh, celui là, vous le reconnaîtrez, ahah.
C'était en pleine compagne, où le long chemin de terre ne donnait sur rien d'autre que des pâtures. Les hommes avaient marché des jours ainsi. Mais le froid ne les guettait plus, et la faim, elle, pouvait se résoudre au tournant d'un bosquet, où des murs poussaient, au creux d'un virage, où un lapin apparaissait avant d'être poignardé par l’œil expert du vieillard, au milieu d'un champs, où les pommes de terre arrivaient à pleine saison.
Ils avaient une drôle d'allure, cet attroupement d'hommes dépareillés. Leurs frusques étaient trop grands, ou trop petits, ou trop abîmes. Ils les avaient chapardés à des baigneurs insouciants, ou à des promeneurs pas assez courageux. Le monstre, lui, n'avait eu d'autre choix que de garder son bas de laine du bagne. Tout rayé. Mais il avait réussi à trouver une pierre d'Anthracite, tombée là par un heureux hasard. Sûrement une chariote remplie qui au gré d'un cailloux, avait de trop soubresauté pour ne rien laisser tomber. Peut être même un souvenirs de mineur, rentrant chez lui après des mois de travail. Ou simplement une livraison pour un tanneur anonyme qui avait perdu en chemin, quelques grains dont il ne se rendrait même pas compte de la perte. Alors cette petite pierre, pas plus grosse qu'un poing, finissait chaque soir à se faire frotter par sur le bas du monstre ; pour cacher les rayures, derniers vestiges visibles du bagne.
Le petit ne pouvait s'empêcher à chaque chose inconnue, de poser d’innombrables questions, lui qui n'avait jamais vécu ailleurs qu'en enfer. Qui n'avait jamais vu d'autre couleurs que le noir, le blanc et le gris. Et là, toutes ces couleurs qui lui éblouissaient la vue, ces paysages luxuriants où la nature n'était rien d'autre que l'amie de l'homme... Ces longères de pierres, de terre cuite et de chaume, ces grands champs de blé où les soies n'avaient pas encore décidé de tomber. Où les tiges dépassaient de par leur taille le gosse avide de questions. Ces minuscules rivières qui jonglaient entre les champs, passant ça et là sous le chemin pour irriguer toute la région. Ils y voyaient les grandes truites rebutes remonter le fleuve pour aller se lover dans les montagnes d'Est et pondre sous les roches toutes chauffées par le soleil.
Ils y virent un pécheur profiter de cette remontée, bronzant son couvre chef sous les rayons. Il avait ce marcel blanc laissant allègrement dépasser ses épaules rougies et toutes garnies de poils rêches. Son bas trempait à mi cuisse dans l'eau transparente. Et son corps, tout rectiligne, aussi filiforme qu'une planche de bois, se tenait aussi droit qu'un I, avec, au bout des mains, cette canne à pêche qu'il ne se fatiguait pas de lancer et relancer, à fouetter le bord de la rivière jusqu'à ne plus sentir ses bras.
_ Il... Fait quoi ?
_ Il pêche, gamin, il pêche.
_ Hmm... Pêcher, c'est attraper des poissons, les animaux qui vivent dans l'eau, pour les manger.
Les hommes restèrent là, un moment, à observer ce pêcheur, sans faire de bruit. Ils observaient d'un œil empli de curiosité, mais surtout, du bonheur de pouvoir choisir leur rythme. L'immense cachalot coupa ce silence de sa voix roque et calme.
_ Hmm...La pêche est bonne ?
L'homme ne se retourna pas. Ne changea en rien ses gestes et si ce n'est sa bouche qui s'ouvrit, on eu cru qu'il n'avait rien entendu des mots du monstre.
_Bien sûr l'ami. A cette saison, les truites sont si nombreuses qu'il suffirait d'un long filet pour en manger chaque repas de l'année.
_Toute l'année ? Mais alors... Pourquoi vous n'avez pas de filet ?
_ Parce que toute vie se gagne, gamin. Et que si je faisais ainsi, l'année d'après, je ne pourrais plus rien manger venant d'ici. Les loutres font assez de dégats, à bouffer jusqu'à plus faim ces pauvres poissons.
_ Hmm... Nous recherchons de quoi gagner quelques sous pour prendre un bateau. Vous savez où l'on embauche, ici ?
_ Oh, oui, je crois bien. Il y a la ferme du vieux Leblanc. Il se fait de trop ridé et son dos de trop douloureux pour ramasser ses hectares de pomme de terre. Si vous continuez le chemin, vous tomberez sur un chêne à une heure de marche d'ici. Vous prendrez alors sur la droite et continuerez sur deux lieux. Vous serez arrivés.
_Mais des chênes, il y en a beaucoup, ici.
_Oh, celui là, vous le reconnaîtrez, ahah.
Dernière édition par Ishii Môsh le Dim 26 Mai 2013 - 9:21, édité 2 fois