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Captivité ~ L'assassin et le monstre

Hmm. Où suis-je ? Et c'est quoi cette douleur au crâne ? Ah. J'ai mal partout en fait. Le moindre mouvement. Argh. Supplice. Je suis dans un lit ? Non. C'est pas confortable. Pourtant ... je vais mieux. Mon bras est bloqué. Et l'autre. Un moignon. Pourquoi ? Où est mon gantelet ? Où ... où sont mes affaires ? Cette odeur. Ce froid. C'est une prison.

Le réveil de l'assassin fut plus dur qu'on ne l'aurait cru. Il était enchaîné à une paroi, son bras valide bloqué par des liens constitués de Granit Marin. Cela expliquait l'état de faiblesse, il ne pouvait jauger ses forces ainsi. Tout son corps lui faisait mal, mais au moins il vivait. Où était-il ? Que faisait-il là ? Ses frères n'avaient pas jugé utile de le secourir. Ah non. Les bombes. Le fameux plan de cet enfoiré de brûlé. Il s'était bien gardé de lui en faire part, et il savait très bien pourquoi. Deuxième guerre, deuxième déconvenue. Les assassins n'avaient rien à faire sur un champ de bataille, pas vrai ? Il s'était fait capturer, tout était fini. Salem avait du ramasser son corps, le prendre comme trophée. Rafael le connaissait bien : il préférait le voir croupir et végéter en prison plutôt que mort. Au moins, son plan initial lui avait sauvé la vie. Compter sur la bonté de ce foutu Fenyang. Trop bon, trop ... Peu importait. Un frisson glacé parcourut son échine. Chaque tentative pour garder ses pensées en ordre se soldait par un échec, à cause du ...

... Ah ! Combien de temps s'était-il assoupi ? La cellule était noire, si noire qu'on aurait pu la croire immense. Mais non. Il sentait le pouvoir de cette satané roche émaner tout autour de lui. C'était certainement une nouvelle salle du Léviathan, aménagée spécialement pour lui. Nulle lumière, nulle chaleur. Rien que le vide et son désespoir pour meubler l'endroit. Heureusement qu'il pouvait encore entendre ce qu'il se passait dehors. Et qu'il y avait les visites. Cela devait faire la quatrième ou cinquième fois qu'on venait changer ses bandages. Le nourrir. On ne le laissait pas toucher à un quelconque ustensile. Sa réputation le précédait. Largement exagérée par les derniers évènements. Ah, il avait tué Krabbs. Krabbs qui n'était personne, rien. Et Envy ? Il espérait que celui-là était mort. Quant à Ombre. Il avait du disparaître, le laissant croupir dans sa fange. Qu'importait. Cela faisait partie du plan. Du moins, il l'espérait encore. Encore ces vertiges. À chaque fois qu'il commençait à y voir un peu plus clair, ses pensées tourbillonnaient. Et sa faiblesse le ramenait à un état comateux, entre sommeil et veille. Tout ça à cause du ...

... Sixième ? Septième. Non, ce n'étaient même plus des jours. Seulement de longues secondes, éternelles. Le ressac de la marée qui n'en finissait pas, lui non plus. Il y avait de quoi rendre fou, plus qu'il ne l'était déjà. Régulièrement, il mettait à l'épreuve ses chaînes. Juste pour vérifier qu'il n'était pas mort. Les visites avaient peu à peu cessé. On ne le nourrissait plus que tous les deux jours à présent. Ou peut être était plus court, mais il n'avait plus aucune notion du temps. On le laissait là, à souffrir en silence. Et pour les commodités, n'en parlons même pas. Il y avait cependant un peu de jeu sur ses liens, et il pouvait marcher quelques pas. Rien de plus, mais cela suffisait. Il avait appris à faire avec l'état de faiblesse imposé par le Granit Marin. Peu à peu, il devenait apte à rester éveillé, et à se déplacer. L'état de faiblesse imposé par le matériau était incroyable, et il ne pouvait jamais durer très longtemps. Après quelques minutes d'activité, il finissait toujours par sombrer, à cause du ...

... un bruit inhabituel. Un roulement. Un crissement. Oui, il l'entendait distinctement maintenant. Cela avait commencé depuis quelques minutes, mais cela se rapprochait. À vivre dans ces ténèbres, son ouïe s'était drastiquement améliorée. C'était comme ça depuis la bataille, du moins il en avait l'impression. Depuis que cette sorte de voix s'était manifestée. Il l'entendait de plus en plus souvent à présent. Comme si c'était Césare qui parlait, comme si son frère était toujours avec lui. Mais non. C'était comme le reflet de sa propre voix, quelque chose enfoui au fond de lui et qui englobait son être. Une sorte de ... de fluide. C'était ce qui collait le mieux. C'était le Mantra. Il le savait maintenant. Malheureusement, ses instants d'activité étaient trop brefs pour qu'il puisse s'en réjouir. Et puisqu'il ne pouvait entraîner son corps, il se contentait d'exercer son esprit. C'était toujours ça de pris. Quant au son qui se rapprochait de plus en plus. Il en avait une certitude à présent. Il savait comment guider cette voix. Cela faisait plusieurs jours, heures. Semaines ? Il s'entraînait à la laisser aller plus loin. Une seconde conscience. Il sentait la voie, il la touchait du bout des doigts mais ne pouvait s'en saisir à pleine main. Et à chaque fois qu'il était prêt à renoncer ...

"Oswald."

... elle se manifestait et se gaussait de lui. Comme saisir une truite dans un torrent. La porte de sa geôle s'ouvrit à la volée, sous les ordres de Double Face. La voix ne se trompait jamais. Césare ne se trompait jamais. L'assassin resta là, les yeux fermés. Il sentait la lumière brûler ses pupilles derrière ses paupières. Inutile de ressembler à un rat aux yeux de celui-là.


"Oh, c'est un honneur ... Lieutenant-Colonel Jenkins ? Si cela n'a pas changé depuis." articula-t-il péniblement, se redressant autant que ses liens le lui permettaient.

"Je vois que la bataille vous a coûté bien cher. Etait-ce là le prix de votre vigueur sur le champ de bataille ?" se gaussa-t-il, un léger sourire sur le coin des lèvres.

Double Face était couvert de bandages, et il évoluait en fauteuil roulant. Il semblait en bien piteux état. Pire encore que Rafael. Ce type devait possédait une incroyable rage de vivre, c'était tout à son honneur. De plus, il ne fallait pas oublier qu'il avait été d'une grande aide face à Krabbs. Peut-être venait-il quémander le silence. Tout un tas de raisons pouvaient l'amener ici, toutes plus intéressantes les unes que les autres.


"Alors, on vient inspecter la marchandise ? Ou c'est un autre but qui t'amènes, Os' ?" grommela Rafael, essoufflé par l'effort que lui demandait le simple fait de résister à l'effet nocif du Granit Marin.
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La chaise roulante grince une nouvelle fois, comme pour répondre aux timides et pénibles répliques de l'assassin. Ralentissant sans toutefois s'arrêter, les multiples rayons de fer continuent leur course interminable autour de l'essieu des roues, propulsé tant bien que mal par un Double Face méconnaissable.

***

Tout comme Rafaelo, lui aussi se remit difficilement des évènements survenus sur l'île neigeuse, les plâtres et les bandages le recouvrant étaient légions. Même après Little Garden, Double Face s'était mieux porté. Mais cette fois, il avait eu affaire à un obstacle qu'il aurait pu prévoir à défaut d'affronter. La souffrance. La souffrance ultime. Celle qui n'est ni affrontable, ni endurable. Une douleur prenant source dans chaque fibres brisées du corps de Double Face, dans chaque excès commis lors de la bataille, dans chaque défaite, chaque coup encaissés. Durant trois jours il n'avait que souffert. Cloîtré dans l'infirmerie du navire à hurler sans relâche sa rage de se relever et d'affronter à nouveau ce destin qui se voulait chef d'orchestre d'une tragédie sans pareil.

Mais Oswald n'est pas n'importe qui, et au bout de ces multiples et terribles heures de convalescence insupportables causées par l'ingestion répétée des médicaments de Numéro Quatre, il était sortit sauf de son périple. Sauf? Du moins, vivant. Vivant, mais mort à la fois. Vivant physiquement, toutefois en proie à une fatigue psychologique des plus pathétiques. Malgré cela, il se réveillait nouvellement détenteur d'honneurs de la Marine, mais aussi du respect de bon nombre des Rhinos Storms. Tant d'honneurs, de sourires, mais certes, lui-même semblait être le seul à être au courant des réels évènements survenus sur le pilier.
Bien sûr, il avait vaincu Staline, mais cela ne se tenait qu'à un bien maigre prix. Par sa faute et son manque cruel de jugement, Double Face avait causé la mort de Krabbs, le futur corsaire qui devait désormais reposer parmi les décombres du pilier central de l'île. Il avait désobéit à une loi immuable du gouvernement, et pourtant, il recevait honneurs et sourires comme un héros. Aussi bien admettre? Non. Aussi bien garder pour soit. Aussi bien enfin profiter de ce présent qui tardait à se révéler après tant d'années de dures soumissions et de haine véhiculées envers lui.

Il préférait être un héros, plutôt que de devoir justifier ses actes. Plutôt que de devoir recommencer à zéro.

Seulement, certains savaient. Et ces certains devaient se taire. Lilou, elle, ne dirait rien. Oswald s'en était assuré. Il avait trouvé en la petite rouquine une amie de choix, une amie qu'il garderait à tout prix. Cependant, quelqu'un d'autre de plus problématique avait été aux premières loges, lors du combat de Double Face contre le crustacé, et cette personne ne devait jamais révéler les incidents. Rafaelo.

***

Difficilement, je propulse tant bien que mal l'engin qui me supporte vers mon homologue en piètre état. Mes pupilles jaunâtres en viennent même à se perdre un instant sur son état qui relève de la triste déchéance. En effet, le granit marin a réduit le grand combattant à un résidu de ce qu'il a été, quelques jours plus tôt. Désolant, mais nécessaire. À sa remarque sur mon grade, je ne peux que forcer un léger sourire à la fois sec et amer.

-Pas exactement, Gabriel. Et je te retourne le commentaire, tu ne vaux pas mieux que moi. enchaîné-je en pointant d'un doigt faible sa piètre débauche physique.

L'homme, loqueté, à peine soigné dignement, lutte contre ciel et terre pour toujours me fixer, comme pour me mettre au défi. Pour savoir qui de l'un ou de l'autre laissera tomber les vraies questions. Car il se doute bien de quelque chose. Qui ne le ferait pas? Mais je veux taire ses soupçons, je ne suis là que pour parler, en théorie. Tenter d'acheter son silence relèverait d'une attitude un peu trop droite au but pour commencer les négociations. Je dois y aller pas à pas, apprivoiser la bête.

"Je me demande qui est vraiment la bête, entre vous deux, Oswald."

Le voilà, lui qui se cache dans les recoins de ma haine atténuée. Lui qui fuit mon bonheur et l'attise à la fois. Lui qui ne vit que des meurtres et de mes colères qu'il répand si bien en moi. Dark est là, toujours près à refaire surgir un côté d'une situation que j'ose me cacher. Je suis le monstre, je suis le tueur. C'est indéniable. Cependant, ça reste influençable. Je ne serai plus un monstre, Dark. Plus pour toi, plus pour personne. Personne ne mérite de mourir de ma main, Drum était l'apogée même d'un niveau de violence que jamais je n'aurais cru atteindre. Désormais, je ne me laisserais plus aller de la sorte.

Je m'approche de l'assassin jusqu'à me retrouver à ses côtés. Sous mon ordre, la porte tantôt ouverte se ferme et l'obscurité reprend ses droits mais est tout de même tenue en respect par une lampe que j'allume. La chaude lueur caresse un instant les traits émaciés de Rafael avant que je ne l'écarte légèrement, pour ne pas trop éblouir l'homme.

-…Pourquoi, Gabriel? Ou plutôt, pour quoi? Pour qui? Pour quoi ou pour qui es-tu près à faire toute ces choses? Qu'est-ce qui peut te pousser à trahir autant d'hommes et de femmes qui chaque jour tentent de faire régner un ordre et une justice qui semblent tous deux défaillants chez toi? Tu as su gaspiller la confiance des uns comme des autres sans sourciller. J'ai difficulté à croire qu'une simple Cause puisse créer tant de problèmes, Gabriel.
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L'assassin plissa les yeux devant la lumière de la lampe. Il n'avait pas vu d'éclat aussi vif depuis des jours et cela lui brûlait encore plus la rétine que les rares moments où l'on ouvrait sa porte. Il détourna la tête, fermant les yeux, puis revint vers le cadavre ambulant qui lui faisait face. Cadavre qui avait tout de même la force du lui répondre. Mais il semblait las, las et usé jusqu'à la moelle. Etait-il possible de battre jusqu'à ce point ? D'user jusqu'à son âme pour une Cause ? Diable oui. Rafael ne le savait que trop bien.

"Oh, moi ... je me porte bien mieux que toi, Oswald. Seulement ces liens ..." commença-t-il, devant baisser la tête sous l'effort demandé.

Il inspira bruyamment, releva la tête, lui offrit un sourire émacié.


"... seulement ces liens m'empêchent de te montrer à quel point je suis content de te voir." ricana-t-il, plaisantant même dans un endroit pareil.

L'humour, dernier refuge de son âme. Enfin, ça et le désespoir qui imprégnait tant cet endroit. Il laissa échapper un léger rire, puis baissa les yeux de nouveau. Inutile de perdre connaissance à trop vouloir fanfaronner. Il fronça les sourcils, et ses traits se tendirent, en pâle imitation de l'effort qu'il faisait pour rester éveillé. Saleté de poison. Le pouvoir de cette pierre était presque insurmontable. Presque. Mais Double Face semblait être venu ici pour discuter, simplement discuter. Ou tentait-il de l'apprivoiser lentement ? Certainement qu'il pensait que Rafael avait eu des raisons pour se faire passer pour Gabriel. Deux archanges, évidemment. Il fallait toujours un point commun.


"Qui ou quoi ? Voyons, Oswald. Tu étais avec moi sur Drum. Il fallait faire cesser cette folie." commença-t-il, grommeler, cherchant une position un peu plus confortable.

"Tous ces morts, toutes ces victimes. La seule façon, c'était de tuer Krabbs. Et Envy. N'était-ce pas pour ça que tu m'as aidé, hmm ?" continua-t-il, levant son regard fatigué vers lui.

"Mais tout prouve que tu ne vois rien, ne comprends rien. Justice. Ordre. Ce n'est qu'une question de point de vue pour toi, pour moi c'est une raison d'être. Je suis la Justice, je la sers corps et âme. L'ordre, l'ordre ... T'es-tu déjà baladé à Las Camp ou alors, n'as-tu jamais vu les affres de l'esclavage ? Tout comme ces politicards qui profitent du peuple pour s'enrichir. Ces trafiquants qui oppressent le commun et achètent leur protection. C'est ça, ce que ton ordre apporte. Un système dirigé par la force et la cupidité." poursuivit Rafael, son discours lui donnant étrangement quelques forces supplémentaires.

"Je sers la Cause. Celle des opprimés, celle de ceux qui n'ont pas voix au chapitre. Je distribue la Justice, celle que votre ordre défaillant ne sait pas donner. Nous sommes la vérité, nous nous efforçons d'éveiller le peuple. Et tu me traites de traître ? Ah ah. Je ne peux trahir ce en quoi je n'ai jamais cru." grogna-t-il, tentant de se redresser légèrement.

Il planta son regard dans celui du Marine. Un regard fiévreux au fond duquel une flamme inextinguible brillait. Destructrice et ravageuse. Quelque chose que nul ne pourrait éteindre. Il n'y avait pas de pire adversaire que celui qui était convaincu d'oeuvrer pour une cause juste. Un idée qui pouvait le mener à la mort, ou pire. Le Granit Marin finit cependant par le ramener à sa condition, et il baissa de nouveau la tête, reprenant son souffle. Tant d'efforts pour de simples mots.


"Le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. Cela ne te dit certainement rien. Un monde où tous sont égaux, un monde où tous les hommes, peu importe leur race et leur espèce, sont considérés comme tels. Cela, tu t'en moques ? Pourtant, dis moi Oswald, dis moi à quel point cela a du être facile de te faire une place ici, pour toi." fit l'assassin, sachant pertinemment quel était le point sensible de son interlocuteur.

S'il était enchaîné, il était encore apte à réfléchir à peu près correctement. Il récupérait ses forces lentement, mais il les récupérait tout de même. Pour son évasion. Il la planifiait depuis des lustres, il ne la raterait pas. Il ne pouvait pas terminer ainsi, pas lui.


"Mais l'information, c'est le pouvoir, n'est-ce pas. Dis moi, qui détiens ce pouvoir de nos jours ? Qui peut décider ce qui est blanc ou noir dans ce monde ? Pourtant, nous existons quand m. La Révolution. Une poignée d'idéaliste derrière lesquels se massent les rêves et les désirs de millions de laissés pour compte. De ces gens qui ne sont pas bien nés. Rappelle-moi, pourquoi tu te bats ?" grogna-t-il, pestant intérieurement contre ces chaînes qui contenaient tant sa rage que ses forces.

Faire vibrer la fibre idéologique de Rafael, ce n'était certainement pas la meilleure idée pour l'amadouer, mieux valait ne pas remuer ce bourbier de haine et de colère qui habitait l'assassin. C'était comme se plonger dans un maelstrom de douleur et de désespoir : en cet instant il n'était plus qu'une bête acculée pouvant mordre à tout instant. Fais gaffe à ta main Oswald, on n'amadoue pas si facilement un Auditore.
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-J..Je t'ai aidé, sur Drum, parce… parce que… parce que je le devais.

Je tente de reprendre une once de contenance après la tirade de l'assassin. Il sait frapper, fier combattant, mais aussi fin parleur, semble-t-il. En fait, je me suis laissé emporter, à travers la folie du champ de bataille, les morts, les explosions, tout ça. Je n'ai pu contrôler pleinement mes instincts, probablement, je me suis résolu à tuer, sans me poser aucune question Mon esprit saturé par le besoin de meurtre de Dark s'est simplement plié à une volonté qui dépassait la sienne. Du moins…

"C'est ce que tu tentes de te faire croire…"

Non! J'y crois fortement! Je dois y croire! Je dois faire appel à cette bonté enfouie creux en moi pour me relever et oublier ces évènements. Mais cela attendrait plus tard, tout d'abord, il fallait progresser dans la confrontation. Enclencher une réplique, puis opérer un rapprochement envers le révolutionnaire. Les discours patriotiques qu'il profère n'aident pas, ce serait marcher sur des œufs que de continuer à confronter la volonté infaillible du prisonnier.

Moi ne rien comprendre? Ne rien voir? Justice? Ordre? Je les connais bien ces mots, la vie en elle-même m'en a privé une longue partie de mon existence. Pourtant, lui, croit être La Justice, se pense digne de représenter un concept jamais assez comprit. Foutaises. Un point de vue n'est rien, certes, mais se canoniser soit même comme étant une Thémis moderne, ça ne tient que de fabulations excessives. Non Rafaelo, tu n'es pas Justice, t'affubler d'une balance, d'une épée abjuratrice et d'un bandeau ne fera pas de toi le détenteur d'une quelconque réponse au chaos dans lequel le monde s'enlise en ces temps sombres. Le blâme, il n'est à jeter ni sur moi, ni sur toi, probablement pas sur la Marine, ni sur la Révolution. Toutefois, ça, personne ne pourra le comprendre, jamais.

Malgré ses belles paroles de justicier, l'assassin me fait tiquer un instant, ses propos se disproportionnent, impliquent mon équipage. Je ne peux le supporter.

-Ce n'est pas simplement une question de croire en une cause, Gabriel! Ce n'est pas simplement une trahison envers le Gouvernement ou la Marine! Cette trahison, pourquoi elle peut répandre tant de mal, c'est parce que tu trahis non seulement un équipage qui t'a fait confiance, mais aussi des dizaines, des centaines d'hommes! Des hommes qui se sont liés d'amitié avec toi! Des hommes qui doivent se résoudre à agir en spectateurs déçus de la tournure d'évènements sur lesquels tu avais contrôle depuis le tout début! Il est là, le problème, Gabriel! Tu peux croire en une justice qui diffère de celle que d'autres peuvent se concevoir! Tu peux être fier de faire partie de ceux qui peuvent idéaliser un monde meilleur pour tous! Mais tu ne peux jamais, ô grand jamais, trahir des amis pour une Cause! Pour un simple objectif! Ce n'est pas ainsi que l'on apprend à être aimé, ni à aimer. Et croit moi j'en sais un long morceau là-dessus!

Une goutte de sueur solitaire parcoure ma tempe et est illuminée un instant par la lumière de la lampe, puis rejoint l'obscurité. Je me calme, recouvre mes esprits, il sait où frapper, décidément.

-Je ne m'en moque pas Gabriel, de ton ordre. De ce système que tu tentes d'instaurer au péril de ta vie. Tu as raison, le pouvoir doit revenir au peuple, par le peuple, même, peut-être. En fait, je ne sais rien, je ne comprend rien à tout ça. Je sais simplement que j'ai commis des erreurs, et que je fais de mon mieux pour les corriger. Me faire une place au sein du Léviathan fut plus qu'ardue, imagine donc une place au sein du monde! Voilà, justement. Une place au sein du monde. Qu'est-ce que le monde? Ce monde, est-ce que je le défend? Est-ce simplement ce drapeau que je représente en tant que soldat? Le monde est bien plus que ça, et je ne peux qu'y trouver ma place en appliquant cet ordre que tu dis si défaillant. C'est tout ce que je dois y faire pour ultimement devenir un héros, être respecté et aimé de tous.

Je m'emporte, un instant de trop. J'expire une longue bouffée lasse. Mes pupilles glauques disparaissent sous mes paupières quelques secondes.

-Il est là, mon objectif à moi, Rafaelo. Trouver cette place et cet amour qu'on me refuse obstinément depuis toujours. Et comment arriver à un tel objectif? En combattant pour cet ordre qui a sut rejoindre tant de gens. Pour ce système que tu dis corrompu jusqu'à la moelle. Car c'est eux qui ont le pouvoir Rafaelo, tu as raison, ce sont tous ces gens qui travaillent entre les murs des parlements et des courts. Ce sont eux qui appliquent la justice et l'ordre, ce sont eux qui sont reconnus comme les gentils dans ce bourbier politique. Alors quoi de mieux que d'adhérer aux idéaux d'une majorité, puis les défendre, pour réellement être accepté? Et ne vient pas me dire qu'une telle méthode n'est pas fonctionnelle ou immorale. Car grâce à celle-ci j'ai su trouver des amis sur le champ de bataille, des amis comme ce Gabriel qui n'était en fait qu'une façade!

Un ange passe alors que je ressasse amèrement mes dernière paroles. Elles sont peut-être excessives, peut-être ne faut-il pas exciter l'assassin qui se sert de ses discours comme d'une lame acérée. Il risque de répliquer, très certainement, mais il me faut aussi faire progresser cette discussion que je veux pencher en ma faveur. Rafaelo ne doit pas révéler ce qui s'est passé sur Drum. Jamais.

-Les évènements de Drum ont changé ma vie, Rafael. Ils m'ont ouvert un avenir qui ne peut qu'être meilleur. J'ai enfin réussi à accéder à un but que je croyais autrefois irréalisable. Tu dois comprendre mon raisonnement, mais aussi comprendre que l'erreur est humaine. Humaine, ce mot, j'espère qu'un jour il me décrira réellement. Et pour ça, j'ai besoin que ces erreurs ne soient plus jamais révélées au grand jour. Il en va de mon avenir, de mon destin.

Destin? Je ne sais pas pourquoi j'ai utilisé ce terme. Le destin, pourtant, n'a jamais été d'un précieux secours, j'ai même toujours eu à le combattre, à l'influencer par ma propre force et non par la force des choses. Il ne me reste qu'à continuer d'agir de cette façon, d'influencer le destin par moi-même. Et une telle entreprise doit passer par l'assassin.

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Parce qu'il le devait. Regard en bas à gauche. Evite le contact. Ah ah. Tu n'en disais pas assez, Oswald. Et ce n'était pas la vérité. Il y avait ... autre chose. Autre chose à creuser, une faiblesse qui suintait. Un abcès purulent que Rafael aurait plaisir à crever. Mais il avait du mal à trop réfléchir, à porter trop loin ses réflexions. Une fois encore, il baissa la tête face au pouvoir du granit marin. Ces liens sapaient ses moindres résistances. C'était comme sentir sa vie l'abandonner, sauf qu'il finissait toujours par se réveiller. Horrible, de quoi rendre fou. Pas étonnant que les prisonniers d'Impel Down soient peu prompts à s'enfuir, notamment ceux qui portaient en eux la malédiction des fruits démoniaques. Mais il savait encore où frapper. Il testait tous les terrains, s'emportant sur certains, feintant sur d'autres. Justice, ordre. Quelles étaient donc tes croyances Os' ? Pourquoi te battais-tu ? Comment te plier à sa volonté ? L'assassin essayait de tourner Double Face en sa propre proie, et chaque instant il redouter d'échouer, mais une piste inespérée s'ouvrit devant lui. Il n'eut pas besoin de retenir un sourire, le granit marin s'en chargeait pour lui.

"Oswald. Il me semble que tu es au fait de ce que peut impliquer une mission d'infiltration, non ?" lui demanda-t-il, sarcastique.

"Alors, demande-toi, qui ais-je trahi ? J'ai soigné des hommes. Sauvé d'autres. Evité le pire pour certain d'entre eux, certes. Mais personne ne s'est lié avec moi, ici, personne. La seule qui aurait pu, à la limite, c'est la rouquine, et encore hé hé. C'est une autre histoire. Ce que tu ne comprends pas, Oswald c'est ce que ce n'est pas de la trahison. La duperie et la mise en scène sont des armes puissantes. Et que jamais, les assassins n'ont d'amis." lui répondit-il, développant cette fois un sourire crispé.

Il fit de nouveau tinter les chaînes, gémissant sous ces liens encombrants. Quoi qu'il pouvait faire ou penser, son esprit revenait toujours à ces entraves. Elles ne lui rappelaient que trop la cicatrice qu'il portait sur son épaule gauche, marque de ceux qui avaient autrefois été esclaves. Il la portait cependant avec fierté, elle illustrait sa détermination. Il savait pourquoi il se battait, et cette chair boursouflée lui rappelait systématiquement cette sombre période à Goa où il n'était que du bétail. Oh, bien sûr, ce n'était alors qu'une partie du plan. Pas du sien, certes, mais cela avait été riche en enseignements.


"Tout le monde fait des erreurs, Double Face. Et tout le monde doit payer pour elles, moi le premier. Lorsque les dieux des Enfers festoieront des âmes des damnés, je serais le premier au menu, crois moi. C'est un sacrifice que je fais au nom de la cause, vois-tu ? Tu cherches ton salut, ta probité. Moi, je cherche celle de ceux qui sont dans la souffrance. Il y a deux façons de vivre. Suivre la voie que l'on t'impose, ou décider de la tienne. Il y a longtemps que j'ai choisi de vivre, et toi, Oswald ? Te laisserais-tu dicter l'heure même de ta mort ? Tout ça pour que l'on te reconnaisse ? Mais dis-moi, une fois que tu seras mort, elle servira à quoi cette reconnaissance ?" continua l'assassin, levant le regard vers la poitrine couturée de son interlocuteur.

Fort heureusement, Oswald était assis, ce qui lui permettait de ne pas trop perdre la face dans une telle situation. Mais Rafael aurait donné cher pour pouvoir briser ces chaînes. Mais tout ça faisait partie du plan, après tout.


"On en revient toujours à toi, petit Oswald. Toi et ton complexe d'infériorité. Ne penses-tu pas que c'est cet égoïsme qui à su façonner un tel système ? De ces réflexions pour son propre salut, occultant celui des autres. Car oui, pour te faire valoir, il te faut écraser les autres. Faire fi des opprimés et leur charger le dos. Car si c'est ainsi, Oswald, tu représentes ce que je combats. Tu représentes un tyran en puissance, un de ceux qui oppriment et abusent. Et alors, je te tuerais." menaça Rafael, plantant son regard dans celui de l'ex-Lieutenant Colonel, pour l'effet.

Ainsi donc, il se battait pour lui. Uniquement pour lui et sa pauvre petite vie. Et il avait le culot de venir demander à l'assassin de ne pas révéler ses secrets ? Il te l'avait dit un peu plus tôt, Oswald, tout le monde devait payer pour ses erreurs. Seulement, la fin justifiait les moyens. Il y avait plus à gagner dans un odieux chantage que par un refus pur et net. D'autant plus que la situation était cocasse ...


"Tu me dis traître, parjure et tu viens me demander de tenir ma langue ? Tu es bien amusant." grommela-t-il, baissant la tête.

Son crâne ballotta quelques secondes, puis un éclat de rire dédaigneux s'échappa de sa gorge.


"L'erreur reste une erreur." trancha-t-il, laissant quelques nouvelles secondes à son interlocuteur.

"Mais dans ton cas ... je suis prêt à faire un geste. Que serais-tu donc prêt à faire pour acheter mon silence, Lieutenant-Colonel Oswald Jenkins ?" lui demanda-t-il, malicieux au possible.

Bien insister sur son ancien grade, afin qu'il se rende bien compte qu'un simple mot de l'assassin pourrait le faire choir. Oswald n'oserait jamais mentir à Salem, du moins pas en le regardant droit dans les yeux. Hé hé.
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-Je me fou de ce salut que tu mentionnes, vil manipulateur!

Cette phrase, je l'ai crié plus fort que je ne l'aurais voulu, peut-être hurlé, même. Les sons semblent absorbés par l'obscurité de l'endroit, avalés par la pièce sans échappatoires. Il a enfoncé ses paroles d'acier trop profondément cette fois, si mes muscles me le permettaient, je frapperais à l'instant l'assassin avec toute la force de cette haine qu'il fait si facilement bouillonner en moi. Je brûle de pouvoir lui broyer cette tête fendante d'homme qui en sait plus que les autres. De lui montrer qu'il est loin d'être en position de puissance histoire. Pour qu'il apprenne que l'on ne se moque pas de Double Face.

-Je ne cherche pas un quelconque Salut! Je ne suis pas un tyran, je suis un défenseur! Un homme qui défend les autres du mal que portent certains! Je ne suis point égoïste! Je cherche justement l'altruisme même pour… pour…

Les mots me manquent, je perd confiance comme jamais, sous l'œil vicieux de Rafael qui se gausse dans sa propre douleur.

-…Pour être apprécié… Je dois défendre ceux que j'aime, qui ont la capacité de m'apporter l'amour en échange de la seule chose que je sais faire. Écraser la concurrence de ceux qui m'ont recueilli et offert une nouvelle chance.

Difficilement, mon bras se déplace en tremblotant puis ma main se pose sur l'épaule du révolutionnaire. Peut-être un peu plus faiblement que je ne l'aurais vraiment voulu. Ceci spécifié en omettant que j'aurais déjà écrasé sa pauvre carcasse si ce n'en était pas de mon pitoyable état.

-Cette chance Rafael, je dois la garder, l'utiliser, en profiter, non la gaspiller. Il me faut ton silence. Grâce à moi tu es toujours vivant. Certes, un assassin n'a pas d'ami, mais qu'en est-il des frères d'armes?! Qu'en est-il d'un monstre? Un monstre! Qui tente de son mieux de trouver un endroit qui lui convient dans ce monde qui le rejette depuis toujours! Enfin j'ai cru trouver réellement un entourage qui puisse possiblement m'accepter, et auquel je pense pouvoir m'attacher et forger des liens. Les Rhinos Storms sont tout ce que j'ai, tu ne peux pas me les enlever Rafael!

Une nouvelle goutte parcoure mon visage, cette fois, j'ai peine à savoir si elle est de sueur, ou une larme. Mes yeux, malgré cela, brillent dans la pénombre, d'une conviction mélangée à une rage ravivée par l'assassin.

-Tu occultes toi-même le salut des autres, Rafael, seulement, toi, tu te bats pour un avenir possiblement "meilleur", pour le peuple, pour tes frères qui comptent sur toi. Moi, je me bat pour conserver le peut de reconnaissance que j'ai acquis au cour de mes aventures, pour montrer à ce monde cruel qu'il ne peut pas se débarrasser de moi si facilement. Peux-tu comprendre les souffrances d'un homme qui a combattu toute sa vie pour un simple remerciement, pour un simple regard affectueux?! Peux-tu si lâchement vendre aux loups un monstre ostracisé qui ne vit que de son combat éternel contre le monde?! Qui baigne dans le désespoir de perdre tout ce qu'il a bâtit?! Tu n'es pas comme moi, Rafael, toi, tu n'es pas un monstre. Tu as don d'humanité! D'émotion! Ne pense pas pour ta Cause! Ne pense pas pour ton crédo! Pense plutôt comme un homme doué de compassion! Doué de ce qu'on appelle communément la pitié!

Ma main quitte l'épaule de l'homme, rejoint péniblement les bras de mon fauteuil. Je ferme les yeux, puis soupire un instant en tentant avec peine perdue de remettre mes idées brouillonnées par mes émotions se remettre en place.

-Je ne crois pas qu'écouter tes conditions me soit utile ou simplement rentable. Je ne crois pas non plus qu'elle me conviendront, mais je vais tout de même te laisser les exposer.

Certes, je lui laisse un terrain jouable, possiblement exploitable même. Mais cela ne pose pas problème pour l'instant. De plus, un insidieux pressentiment m'envahit peu à peu. Une ombre recouvre mon esprit, prête à jaillir pour façonner des plans plus obscurs les uns que les autres. Dark semble vouloir agir de façon plus radicale, mais je ne laisserai pas faire de sitôt, la violence n'est pas toujours la plus efficace des solutions.

Du moins, peut-être Rafael fait-il exception à cette règle.
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L'assassin grinça des dents. Il était allé trop loin, et avait une réaction un peu trop violente. Mais chacun des éclats de Double Face lui en apprenait un peu plus sur lui, et l'aidait à trouver un moyen de le tordre, de le faire flancher. Qu'il ait survécu après le traitement que lui avait réservé Krabbs, c'était ... incroyable. Il ne fallait pas prendre la volonté d'Oswald à la légère, d'autant plus qu'il n'était pas un combattant novice. Il était temps de lui montrer que lui non plus, il ne fallait pas le prendre à la légère. Lentement, Rafael rassemblait ses forces et peinait à ne pas se les faire chasser par le granit. Son corps couvert de bandages crasseux se couvrait d'une fine pellicule de sueur, alors que ses muscles roulaient sous sa peau. Les chaînes tintèrent en se frottant les unes contres les autres, alors que l'assassin ramenait son bras emprisonné vers lui, tirant sur le poids qui pendait de l'autre côté. Le poids censé le maintenir immobile, le contenir. Il gagna par là quelques centimètres de liberté, un effort qui lui coûta beaucoup plus que de mesure. Il s'habituait à ce contact délétère, il apprenait à faire avec sa faiblesse. En soi, c'était un entraînement sans commune mesure et impossible à reproduire si l'on était pas un détenteur de fruit du démon. Il releva la tête, se redressa. Il posa un pied contre le sol et fit face, dans une position un peu moins pitoyable. Mais si Oswald était détenteur de pouvoirs démoniaques, il devait bien se douter quelle force Rafael était en train de déployer pour juste lui faire face. Sa blessure ne lui faisait plus mal, ni ailleurs en vérité. Il ne s'en rendait compte que maintenant : il était rétabli. Et jugulé par ces liens. Si seulement ...

"Tu n'es pas encore ainsi, Oswald, mais tu le deviendras. Tu cherches à rattraper tes mots, mais c'est ainsi que j'ai entendu ce qu'il y avait au fond de ton âme. Que penses-tu que je sois en train de faire ? Je ne suis qu'un vil manipulateur après tout ..." lui répondit-il en ricanant, occultant le fait qu'il s'attribuait sa survie.

Une veine battait sur sa tempe. Ses traits se durcirent et les tendons de sa nuque saillirent sous sa peau. Un accès de faiblesse faillit s'emparer de lui, mais il tint bon. Il était à la même hauteur que son interlocuteur, le regardant droit dans les yeux. Et il était beaucoup trop près de lui.


"Tu protèges et tu demandes en retour ? J'aime ta façon de protéger, Os', notamment de protéger mes frères de Krabbs. Dis-moi, d'où te venait une telle fougue ? Ton désir de protéger ... ou le goût du sang ? Oh, ne t'offusque pas, c'est une tare que je partage de temps à autre. Qui n'aime pas voir le sang s'échapper du corps de ceux qui méritent mille fois la mort ?" le toisa-t-il, tremblant sous l'effet du poison diffusé par le granit.

"Me tuer serait bien plus simple, hein ? Ah ah. À ta place, je n'aurais pas hésité une seule seconde." grogna-t-il, avant de se laisser ramener par la cloison par la chaîne qui entourait son bras.

Il soupira de douleur, puis se rassit péniblement. Une fatigue oppressante s'empara de lui, alourdissant ses épaules et sa nuque. Il laissa sa tête retomber, et inspira doucement pour chasser cette langueur funeste.


"Peux-tu comprendre la souffrance d'un homme qui a perdu tout ce qui lui était cher sur un simple caprice de ce Gouvernement ? Peux-tu comprendre la souffrance d'un homme qui a été parqué comme du bétail. Vendu, battu et torturé ? Peux-tu comprendre la souffrance d'un homme qui a décidé de se battre contre son destin, qui a choisi de renoncer à son âme pour que 'plus jamais cela n'arrive' ? Ne me parle pas de souffrance, Oswald." grommela l'assassin, soupirant de dépit.

[b]"Au jeu des trônes, il faut vaincre ou périr, comme on dit. Si je suis vivant, je joue encore, telle est la loi. Et ce crédo, Os', n'oublie pas que je l'ai créé. Je suis Il Assassino, et ce ne sont pas trois chaînes qui me feront renoncer au combat. Il n'y qu'une seule manière de traiter avec moi."
fit-il, souriant étrangement.

Alheïri le voulait vivant. Que ce fut par culpabilité ou par simple désir de le voir souffrir pour l'éternité dans une cage lui importait peu. Mais il savait qu'il était une gène autant pour lui que pour Oswald. Et ça, c'était jubilatoire.


"Mes conditions ? Ah ah. Qu'est ce qu'un homme condamné pour perpétuité voudrait donc ? Je ne sais pas. Tu le sais toi ? Un peu plus de confort ? Non. Une réduction de peine ? Non." lui répondit-il, jouant sur les mots avec malice.

"Oh, je sais. J'ai bien envie de faire un tour sur le pont du Léviathan." lâcha-t-il, un léger sourire en coin.

Le plan, encore et toujours. Suivre le plan. Mais pourquoi se refuser quelques petits plaisirs en chemin ?
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-Ne me demande pas de comprendre une quelque situation que ce soit! Sombre vipère! N'essai pas de me demander d'accorder une once de crédit à ton pauvre passé qui t'a fait te lever face aux injustices de notre monde! Je n'en ai cure. Sache que tu n'es pas le seul à être passé par de tels chemins. La souffrance est le pain quotidien de bon nombre de personne, mais ce n'est pas en souhaitant que "plus jamais cela n'arrive" et en agissant de manière à imposer ce vœux que tu trouveras un réel moyen de régler ces problèmes que tu rejettes avec désinvolture sur le gouvernement! Si tu veux que l'on joue chacun la carte du pauvre homme qui a vécu l'enfer, laisse-moi étaler mon propre jeu. Laisse-moi te prouver que la rédemption ne se trouve peut-être pas à travers la vengeance, la trahison et les meurtres. Certainement que tu n'as pas vécu plus d'une demi-décennie au fond d'un asile crasseux parce que tu étais différent! Certainement que jamais tu as sincèrement détesté de tout ton être l'entièreté de l'humanité! Certainement qu'au lieu de réapprendre à vivre et à aimer à travers la camaraderie d'un équipage, tu t'es mis à tuer pour une cause qui peut te sembler juste autant qu'elle peut le sembler aux yeux de quiconque! On peut toujours changer d'avis Raf! Toujours! Tu as commis des crimes, certes! Mais la rédemption n'est pas dans le sang, et je suis loin d'être un exemple de ces paroles…

Ignorant la douleur et la difficulté avec laquelle j'ai tendance à bouger, mon poing s'abat avec une force que je ne me reconnais pas sur le bras de mon fauteuil roulant. Un grognement suit le choc, puis la lampe que je tenais plus tôt s'écrase au sol dans un bruit mât. Je me demande tristement où me mène une telle discussion. Il me semble que je ne trouve que du mal à me faire en parlant à l'assassin. Quelle ironie, lui qui souffre le martyr, victime du granit marin, trouve moyen de transmettre une douleur bien plus profonde à son interlocuteur. Sacré Rafael.

-Tes conditions sont stupides, tu crois réellement que je vais te laisser une chance aussi simple de t'évader? Salem lui-même l'a dit, aucun contact avec l'extérieur. Tu gaspilles ta salive à me demander d'aller à l'encontre d'un règlement donné par celui que je considère comme un exemple.

Mes mâchoires se serrent lorsqu'une idée des plus déplaisante germe dans mon esprit. Raisonner un tel homme semble impossible, c'en est particulièrement désolant. Une autre option s'ouvre à moi, ruser. Faire preuve de zèle et implanter en lui un grain de peur. Ces méthodes ne ressemblent pas à celles d'un justicier, certes, mais il faut parfois faire des sacrifices pour aller au sommet. Je me déplace lentement, vers la porte, les roues grinçantes de mon véhicule brisant à nouveau un silence lourd de sous-entendus et brûlant d'un mélange de passion et de tension désagréable. Un faible pied vient heurter la porte de la pièce, celle-ci s'entrouvre pour laisser franchir un rai de lumière agressant à mes yeux comme à ceux de l'assassin. De la lumière se découpe l'ombre du mousse qui m'avait escorté, plus tôt.
Il me demande d'un air incertain si l'entretien est terminé, je lui affirme que non. Et d'un regard invitant à la compréhension et la compassion, je lui demande de les apporter. Les.

Il tressaille un court moment à cette demande, puis, ses deux yeux de gamins soudainement désabusés se teintent d'un sérieux qui fait appel au devoir. Il quitte, direction les entrepôts auxiliaires.

-Je souhaite simplement que les erreurs que j'ai commis ne détruisent pas tous les efforts que j'ai mis pour enfin trouver l'embryon d'une place pour moi dans ce monde. S'il-te-plaît Raf', personne ne doit savoir ce qui s'est passé sur le pilier. Personne. Si tu ne peux être raisonné de cette façon, je vais devoir employer une manière bien différente qui ne plaira à personne dans cette pièce.

Et comme pour mettre une certaine emphase sur mes mots, la porte s'ouvre à nouveau, s'enfonce dans la pénombre le mousse qui porte désormais au bout des bras une large valise. Sans plus attendre, ni poser un simple regard sur l'assassin, il sort de la pièce sans demander son reste. D'un pas précipité.
Moi, en ignorant tant bien que mal la douleur perçant chacun de mes muscles, je hisse la valise sur mes genoux et l'ouvre. Le contenu se révèle. "Les" se révèlent.

L'ennemi même de n'importe quel prisonnier. Entrelacs d'outils lourds de menaces exprimant un péché insidieux et silencieux envers l'homme enchaîné. Pinces, piques, fouets, chaînes, tout y est.
Et le bourreau que je suis plonge calmement la main dans cette valise, en sors un gant de cuir mal tanné que j'enfile aussitôt. Oh oui, car je préfère me contenter de mes propres blessures plutôt que de toucher directement à l'un de ces outils.

-Si j'étais toi, Raf', je donnerais ma parole. Car ce qui va suivre risque d'être tristement déplaisant. murmuré-je en faisant reluire une pique barbelée au creux de ma paume.

Et à l'instant où s'extirpe l'outil de torture de la valise, une onde parcoure chacun de nos deux corps. Une onde des plus désagréable qui fait frissonner nos deux êtres. Les outils sont composés de granit marin.
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"Qui te dit que je parlais de moi, Oswald ? Cela pourrait très bien être une de ces milliers de vies que vous avez détruite." répondit-il, souriant à pleines dents.

"Peut-être suis issu de l'une de ces cités dorées, peut-être même étais-je dans la Marine, un temps. Ou pire : un esclave. Le problème, Oswald, c'est que je suis tout cela à la fois. Toutes ces vies, tous ces masques. Quand as-tu cessé de regarder le monde pour te concentrer sur ton nombril ?" ricana l'assassin, toujours sous la coupe de sa malédiction.

Oswald commençait à se rendre compte que la discussion ne menait nulle part. Rafael n'était pas sot pour tenter de s'enfuir maintenant. Ils étaient certainement encore à Drum. Les réparations du bâtiment avaient du les immobiliser assez de temps. Autant qu'il le fallait, il l'espérait. Le choc du poing de Double Face sur son siège fit tressaillir l'assassin. Il s'impatientait, et cela sentait mauvais. Il n'arriverait pas à le faire flancher, juste à le torturer un peu plus. Les mots pouvaient être un véritable poison, et il le savait bien. Il perdit son sourire, sa petite victoire d'avoir pu mener Oswald à s'emporter autant. Il ne fallait pas oublier qu'il était là, enchaîné, et que son interlocuteur menait la partie. Pour le moment.


"Peut-être, Oswald, que je me suis mis à tuer ceux qui étaient capable de te faire ça. Les gens de cette engeance. Tu sais, pour que plus cela n'arrive. Pourquoi penser à se sauver soi-même, si cela continue après toi, dis-moi ? Oh certes, on dira 'Qu'il est grand l'Amiral Oswald ! Qu'il est beau !' mais qui le pensera réellement ? Derrière, il y aura toujours les mères qui raconteront ton histoire pour effrayer leurs enfants. Pourquoi ça ? Parce que c'est cette engeance qui dicte les consignes. Et en ne changeant pas les mentalités, tu ne changeras rien. Tu as l'impression - il insista sur ce mot - que ça change, mais ce n'est que la peur qui pousse les autres à faire semblant de te respecter. Crois-moi, ce n'est pas ici que tu mèneras ton vrai combat. Ma Cause n'est pas universelle. Mais elle a le mérite d'être impartiale." répliqua-t-il, tentant de ramener Double Face sur un terrain maîtrisé.

Il soupira. À force de lutter contre l'oppression du kairouseki, il se sentait passer un cap. Il s'affranchissait peu à peu du besoin psychologique de lutter. Il se laisser aller et occultait la gène. Suffisait-il de résister assez longtemps pour rester éveillé ? Certainement pas. C'était cette discussion alléchante qui le maintenait. Il ne pouvait sombrer maintenant, c'était trop ... captivant. Oui, c'était le terme. Il sentait un gruau fertile en la personne de Oswald. C'était un terrain vierge où les mauvaises herbes poussaient abondamment. Un électron libre qui s'était retrouvé au mauvais endroit. Dans le mauvais camp. Un outil grossièrement détaillé qui pourrait tellement mieux servir la cause qu'il servait la Marine. La Révolution lui aurait donné une idée. Et il l'aurait fait sienne. Ainsi, il ne serait pas devenu cet égoïste revendicateur qui se battait sous le pavillon d'une mouette délavée. Triste monde.


"Souviens-toi de ces paroles. Ta place n'est pas ici, Oswald. Tu te bats pour la mauvaise cause." conclut-il.

Un parfait outil, en effet. Mais il n'était pas stupide. Il se rendait bien compte du risque que représentait l'assassin, et il n'était pas dupe. Mais il venait de laisser échapper une petite phrase. Un petit bout d'explication. Oh, on admirait Alheïri ? Ah ah. Parfait. Parfait ... Il ne le verrait pas venir, pas de cette façon là. Une fragilité supplémentaire dans la carapace de ce mastodonte. Fenyang, tu l'emporterais pas en enfer. Faire choir tout ce qui te touchait, faire sombrer chaque chose qui avait jamais compté pour toi. Mais il aurait été stupide d'enchérir là dessus aussi tôt. Une arme supplémentaire. Un poison un peu plus élaboré. Ah ah. Oswald, tu t'exposais si facilement ...

Puis Double Face s'éloigna. Mauvaise augure. L'assassin releva la tête, cherchant à voir ce qu'il se passait. Il se prit la lumière en plein dans les yeux et fut forcé de baisser le crâne. Le crissement métallique des roues se firent à nouveau entendre. Il revenait. Il avait parler des 'les' amener. Enchaîné, refusant de coopérer, l'assassin savait très bien ce qui l'attendait. La douleur était une chose qu'il était efforcé de maîtriser dès son plus jeune âge. Mais ça, ce n'était plus de la douleur. On ne pouvait l'appeler ainsi. Les nuances étaient trop faibles. Il était étonné que Double Face en parvienne à de tells extrémités. Il n'était pas homme à supporter ce genre de choses, faites aux autres hommes. Son empathie s'arrêtait-elle donc là ?

"Il veut te dresser par la douleur. Comme ils l'ont fait à ton frère." fit la voix.

Oui, mais la malédiction de Cesare était bien pire. Il ne pouvait mourir, que souffrir. Et je suis plus fort à présent.

Une dissonance dans le discours de Double Face. L'assassin s'en empara aussi tôt. La torture était une chose terrible. Ce n'état pas un mot que l'on balançait comme cela. Non. C'était l'art et la manière. Il doutait que Oswald fut rompu à ce genre de pratiques. Ce qui en serait d'autant plus détestable. Ce serait long et hasardeux. Rafael savait comment s'y prendre. Il n'aurait pas aimé être son propre bourreau. Là n'était pas la question, cependant. Il tenta de cacher la lueur de frayeur qui passa dans son regard à la vue des instruments, puis repartit à l'assaut.

"Me torturer ? Sérieusement ?" lui demanda-t-il, sur le même ton neutre qu'auparavant.

"Arracher une parole, une promesse sous la torture. Tu ne sais pas de quoi tu parles Oswald. Tu n'as ni l'art, ni la manière." continua-t-il, levant les yeux vers lui.

"Tu peux faire dire ce que tu veux à un homme avec de pareils outils. Tu pourrais même m'accuser de sorcellerie que tu m'arracherais des aveux, Oswald. Mais je dois te prévenir d'une chose. Quoi que tu oses, tu le paieras. Que tu m'arraches ma parole, sois sûr que je ne tarderais pas à te faire regretter cet acte." fit l'assassin, le regardant droit dans ses pupilles jaunes.

Une menace proférée par un homme enchaîné, quelle crainte y avait-il à avoir là ? Il était bien téméraire ce prisonnier, de proférer de tels mots, sur un ton aussi équivoque. Mais peut-être savait-il de quoi il parlait. Ou pas. L'assassin maîtrisait au mieux son coeur qui battait au creux de sa poitrine. En parler, c'était une chose. La faire subir, c'en était une autre. Mais se retrouver soi-même sur la chaise du supplicié, c'était une tout autre chose. Il serra les dents, maintint le contact avec les yeux du Marine. Une lueur sanguinaire passa au fond des pupilles de Rafael. En un instant, il regarda le corps blessé d'Oswald. Etudia sa jugulaire qui palpitait sur son cou. Ses blessures, leur étendue. Quel dernier acte insensé pourrait-il tenter avant de sombrer sous le pouvoir du Granit Marin ?

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Mes muscles se paralysent à nouveau. Est-ce parce que je ne suis pas assez rétabli? Ou alors sont-ce les paroles de Rafael qui poignardent mon être avec la dague de la vérité? Probablement la seconde option, une tirade proférée par l’assassin valant probablement toute cette discussion déjà échangée.

Ma Cause n'est pas universelle. Mais elle a le mérite d'être impartiale… Souviens-toi de ces paroles. Ta place n'est pas ici, Oswald. Tu te bats pour la mauvaise cause…

Ces répliques sont frappantes. Plus que ça, étourdissantes, même. Mes yeux s’ouvrent un peu plus grand dans la pénombre à l’écoute de ce parlé qui me cri être véridique. Suis-je réellement sur la mauvaise route ? Ai-je tant peiné à devenir apprécié et tracer un chemin d’héroïsme pavant mon avenir pour une reconnaissance qui s’avèrerait à n’être qu’éphémère ? Ne suis-je qu’un monstre qui se bat depuis tant d’années pour une organisation qui ne l’a utilisé qu’à titre d’outil ? Ma valeur n’a donc jamais augmenté ? Semblerait-il que je ne sois toujours que le même monstre retrouvé dans les tréfonds d’un asile gouvernemental de Luvneel…

Au fond, jamais une once de respect ne se serait installée entre moi et mes hommes ? Un simple égard affectueux développé entre marins se battant pour une même cause ? Visiblement, non. Le monstre est resté un monstre. L’assassin n’a sut que réveiller une vieille plaie depuis peu cicatrisée d’un habile estoc émotionnel.

À nouveau brisé psychologiquement, je ne sais quoi répondre. Alors, perdu, j’ose rabaisser l’instrument que je brandis... Tranquillement, tandis que peu à peu se développe un puissant doute dans mon esprit.

-Je…Je…

Je ne suis qu’une créature égarée dans un monde qui ne la veut point. Un pauvre lépreux chassé par un peuple qui ne lui reconnait rien. Un vagabond, mendiant amour et affection qui a emprunté une route ne menant que vers un désert sec de toute bonté d’âme. Un désert simplement recouvert d’une épaisse couche de hiérarchie, de promotions, de guerres et de morts.

Je ne suis qu’un outil, une arme. Un fléau utilisé par la Marine afin de terroriser les fortes têtes et les criminels. Rafael a raison.

"Non ! "

-Dark ?

"Tu vas cesser de te laisser influencer de la sorte ! Bougre d’idiot ! "

-Mais…mais…

"Depuis quand Double Face se laisse-t-il si facilement marcher sur les pieds ?! Depuis quand les simples dires d’une vipère comme cet assassin ont ébranlé à ce point ta volonté ?! "

-Depuis…

"Voilà ! Depuis JAMAIS ! Et ce n’est pas aujourd’hui que ça commencera ! "

-Certes…

"Non, pas certes ! Plus que ça ! Tu es Double Face bordel ! Combien de fois devrai-je te le répéter ! Ce connard mérite punition, il doit comprendre qu’on ne joue pas avec tes émotions ! "

-O…Oui…

Pourtant, lorsque je tente de raffermir ma prise sur l’instrument que je tiens toujours de mon gant de cuir, le goût n’y est pas. Le besoin de faire régner cette loi que j’ai moi-même instauré ne me prend pas. Probablement trop ébranlé pour réellement agir face à cet homme vil…

Du moins, peut-être ne puis-je pas lever la main contre lui, mais Dark, lui, est près à tout pour voir à nouveau le sang couler. Et ce pressentiment se concrétise lorsque je sens le contrôle de mes muscles m’échapper insidieusement. Lorsqu’une puissance que je connais sans toutefois comprendre régis mon esprit et mon corps, je ne peux que devenir le spectateur d’une scène que j’aurais préféré éviter.
Une voix rauque, presque bestiale, qui n’est plus la mienne se fait entendre de ma bouche.

"Tu vas payer, Auditore, pour t’être ainsi joué de Double Face ! Nous le paierons ? Tu crois ? Et bien rêve de cette vengeance factice, sale vipère, car jamais plus tu ne pourras causer trouble à Double Face ! "

La menace n’est même pas achevée que sans attendre, Dark enfonce avec véhémence le pique bardé de crochets dans le flanc de l’assassin qui en hurle d’une douleur sans nom.

"Allez Auditore ! Oublie ces évènements passés sur Drum ! Oublie que seul le sang a pu guider un chemin glorieux pour Double Face ! Oublie la lumière ! Oublie l’espoir, car, dépendamment de ta réponse, ton lendemain sera la mort… ou l’enfer d’Impel Down."

Déchiquetant la peau et le flanc du pauvre homme, l’instrument de torture se recouvre rapidement d’un chaud liquide aux reflets bourgognes dans la pénombre. Vampire de la volonté et du salut, l’arme semble se nourrir du fluide vital de l’assassin comme d’un breuvage céleste redoublant l’ardeur et la vigueur de chaque blessure causée.

Beaucoup d’autres outils du même genre sont à disposition, il ne reste plus qu’à espérer que le prisonnier est la capacité de patience…
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Touché. Il vit le regard de son interlocuteur se perdre, hésiter. Revenir vers lui. Double Face était troublé, et il ne savait plus que penser. L'assassin s'étonnait tout de même d'avoir pu le faire flancher aussi vite. Certes, il l'avait assez côtoyé pour déterminer quels étaient ses tourments. Mais, ce regard qu'il avait croisé sur Drum. L'oeil d'un dément, qui ricanait en récoltant le sang des vaincus. Il avait un drôle de pressentiment, quelque chose qui commençait à le tarauder de plus en plus. Rafael fronça les sourcils, tentant de lires les émotions sur le visage de son interlocuteur. La pénombre était trop dense pour qu'il puisse en voir le détail, mais il en vit assez. Les traits tirés, Double Face laissait passer une foule de choses sur sa figure. Oscillant entre une hésitation marquée et ... autre chose. Il y avait quelque chose de moins en moins net. Quelque chose qui fit frémir l'assassin. Qu'avait-il donc réveillé ? Ses craintes se vérifièrent lorsque le regard du Marine se posa de nouveau sur lui. Il fut alors certain d'une chose : ce n'était plus Oswald en face de lui. Une lueur démente tournait au fond de son regard. Et ce sourire ... Sadique, goûtant avec délice ce qu'il allait faire subir à l'assassin. Rafael se ramassa inconsciemment sur lui-même. La voix. Même la voix était différente. C'était une toute autre personne. Chose. Etait-ce cela que les prisons de Luvneel avaient créé ? La haine exsudait hors de chaque pore de l'immonde créature.

"Uh .." laissa-t-il échapper, alors que la pointe s'insérait entre ses côtes.

Il serra les dents, retenant un cri. Sa mâchoire se crispa et ses muscles se tendirent sous la douleur et l'effort. Puis il releva l'instrument, arrachant un cri écoeurant à l'assassin. Rafael hurla de douleur, sentant son corps se faire lacérer sous la main de Double Face. Il tenta de se débattre mais ne fit que resserrer ses liens. Il joua avec la plaie, tirant quelques cris supplémentaires. L'assassin laissa sa tête retomber contre sa poitrine, tremblant tant de douleur que d'épuisement.

"Rafael." lui susurra la voix.

"Rafael !" insista-t-elle, au moment où il allait tourner de l'oeil.

Sursautant, il se retrouva à flotter au dessus de lui. Une sorte de conscience élargie. Il comprit rapidement qu'il voyait seulement la scène de l'extérieur. Il vit Oswald changer d'instrument, se rapprochant légèrement de lui et frappant de nouveau. Puis tout redevint noir et il se retrouva suspendu au dessus de son propre sang, toujours le barbelé dans la peau. Que venait-il de voir ? L'avenir ?

"Frappe-le." ordonna la voix.

Puis Double Face ôta la pique et la jeta plus loin, s'emparant d'un nouvel outil. Il se baissa légèrement sur son siège, surpassant la douleur de ses blessures avec un sourire malsain. L'assassin recula sa tête et frappa au moment où son tortionnaire s'avança trop près. Le coup lui tira un cri de douleur, mais il sentit le nez du schizophrène sur son front. La douleur lui donnait les forces de résister encore plus, animé par un feu impitoyable. Consumé par un désir de vengeance qui le nourrissait depuis des décennies. Profitant de ce répit inespéré, conféré par cette étrange émanation qui trônait dans sa tête, il reprit son souffle, gémissant de douleur.


"Qui es-tu ? Tu n'es pas Oswald ... C'était toi sur Drum ..." fit-il, entre deux expirations pénibles.

"Oswald ! Tu m'entends ?! Tu vaux mieux que ça ! Tous ces tourments, tous ces doutes : c'est à cause de cette chose !" hurla-t-il, ne sachant s'il faisait une grave erreur ou non.

Il n'était plus en état de penser, de planifier. C'était sa seule chance pour échapper à ces tourments et il ferait tout pour s'en sortir.


"Tu es ... plus fort que lui. Bats-toi et gagne ta liberté ... jamais tu ne seras respecté si tu te plies à cette chose !" grogna-t-il, redoutant le contrecoup de ses paroles.

"Et toi, toi qui prends plaisir à voir tout ce sang ... sache que moi, je ne plierais pas. Plus tu me feras hurler, plus ma détermination se renforcera. Penses-tu que je sois le seul au courant ? Sincèrement ..." bluffa-t-il, son sang se répandant doucement autour de lui.

L'assassin trembla de nouveau, ses forces se disséminant peu à peu. Il se laissa choir en avant, retenu par ses chaînes. Il était à deux doigts de passer de l'autre côté, mais il ne flancherait pas. Il ne pouvait mourir : il n'en avait pas le droit.



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Le sang s répand sur le visage de Double Face qui en piaffe de souffrance et de frustration. Il est sa proie, son jouet, il ne peut répliquer. On ne contre-attaque pas lorsque Double Face laisse son ultime jugement frapper. Deux pupilles dorées brillent de haine dans les ténèbres alors que la douleur provoquée par le coup de l'assassin se répercute avec la force d'un séisme dans l'organisme du monstre qui grogne d'une douleur se rapprochant à celle du granit marin qui déchirait plus tôt la chair de Rafael.

Piqué au vif, le monstre doué d'une volonté nouvelle bande ses muscles dans un effort plus que demandant. Une longue pince dont les bouts semblent bien effilés scintillent dans la main gantée d'un Oswald fou d'une crise de colère implacable. Soudainement, comme secoué d'un violent spasme annonçant une douleur prochaine pour Rafael, le bras armé du monstre amorce une course annonceuse de vengeance vers l'assassin…

…Puis s'arrête soudainement à l'entente des dernières paroles de Rafael.


***

Tourments.

Tourments et Ténèbres. Ténèbres et Désespoir.

Un frais crachin de colère asperge à nouveau mon esprit cloîtré derrière une barrière de rage et de haine.

Il doit payer, souffrir. Voilà le seul écho qui répond à mon désarroi sans jamais faiblir. Un murmure n'ayant autre but que de reforger cette façade psychologique que Rafael avait su si facilement détruire.
Soudain, un cri, une déchirure dans ce tourbillon occulte sans sortie.

Oswald ! Tu m'entends ?! Tu vaux mieux que ça ! Tous ces tourments, tous ces doutes : c'est à cause de cette chose !

Rafael? Ici? Non…

Ailleurs, loin, au travers des brumes inextricables de cet esprit qui se veut dictateur de mes pensées. C'est donc de ta faute, tout ça, Dark? Difficile à croire, toi, mon frère, mon seul confident, ami.

Ami.

Tu es ... plus fort que lui. Bats-toi et gagne ta liberté ... jamais tu ne seras respecté si tu te plies à cette chose !

Jamais?

La liberté. Libre, l'ai-je déjà seulement été? Libre de penser, d'agir? Aujourd'hui oui, aujourd'hui, je prouve à Rafael que je suis ce que je veux être.

Arrête Dark, tu n'as pas ta place ici. Ce choc à la tête devrait te le rappeler. Fuit Dark, je suis plus fort…

Plus fort…

Plus fort…

***

La pince freine sa course à quelques centimètres de l'assassin. Puis s'abaisse dans un mouvement fataliste, à mes côtés. Je suis exténué, brisé. Je pose un œil lourd de fatigue et d'émotion vers l'assassin qui se remet toujours péniblement des derniers instants.

-J…Je…

Non. Mieux vaut ne rien dire. Partir, oui, voilà, détourné le regard, fuir cet homme qui a sut détruire les frêles charpentes de l'univers que je me suis si difficilement bâtit. En gémissant de la douleur provoquée par le coup de boule, je fait grincer les rayons ferreux de mon fauteuil roulant, puis regagne la porte. Les outils et la lampe rejoignent mes genoux, les premiers presque tristes de n'avoir pu accomplir pleinement leur travail.

Mon pied heurte la porte, annonçant la fin de l'entretient. Et alors qu'on s'efforce d'ouvrir les multiples verrous de l'extérieur, je regarde une dernière fois Rafael.

-Au…Aurevoir, Raf'.
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L'assassin ferma les yeux, attendant la pénible suite. Il sentait son flanc le lancer, pire encore que lorsqu'il avait subit l'attaque de Salem. Comme si on lui avait enfoncé des milliers d'aiguilles, et qu'elles s'amusaient à glisser le long de son abdomen à chacune de ses inspirations. Lorsqu'il expirait, c'était pire encore. Il était obligé d'haleter pour ne pas trop souffrir, manquant presque d'air par ce biais. Il s'attendait à un coup d'une extrême violence, il avait vu les pupilles briller. Il n'abandonnerait pas, mais qui pouvait rester de marbre face à la douleur ? La peur faisait partie intégrante du quotidien des hommes, et il n'y coupait pas. En appeler à cet esprit qui résidait en Double Face, c'était sa dernière chance. Que penser de la Marine qui engageait de tels déséquilibrés ? Sa place n'était pas sur un navire, quoi que l'assassin ait pu lui dire. On ne pouvait soigner ce genre de personnages que par des soins adaptés, pas en l'envoyant sur un champ de bataille, laissant libre court à sa folie. Voilà ce qui en résultait. Un homme enchaîné et des outils dessinés pour la souffrance. Oswald semblait autant victime que tortionnaire, ce qui soulevait en vérité un grave dilemme. L'aider ou le tuer ? Cette question effleura à peine l'esprit de l'assassin, alors qu'il relevait la tête pour contempler la pince effilée, qui avait suspendu sa course. Double Face essaya de bafouiller un mot. Se retourna. Il gémissait de douleur, une maigre victoire sur cette douleur implacable qu'il ressentait à présent.

Le pied du Marine frappa la porte. Ce son fut comme un glas aux oreilles de l'assassin. Il baissa de nouveau la tête, un poids s'envolant de ses épaules. Il partait, c'était fini. Ce malade avait pu se livrer à ses exactions, tout de même. Mais il ne les avait pas maintenues sur la durée. C'était un maigre réconfort. Reviendrait-il ? Rafael devait-il craindre une nouvelle crise du schizophrène ? Peut-être. Mais cette fois là, peut-être qu'il ne serait pas en mesure de l'arrêter avec de simples mots. Il en frissonna d'avance, conscient du tourment qu'il pouvait subir en de telles mains. Il s'était révélé plus sadique qu'expert, et ce genre d'histoire finissait toujours mal. Jamais il n'aurait pensé les gars du Léviathan capables de se livrer à ce genre de choses. Il les pensait engagés dans la lutte, mais pas corrompus à ce point. Les verrous sautèrent, et on leur ouvrit la porte. Les gardes jetèrent un regard à l'assassin. L'un d'eux esquissa un sourire. Mais les autres étaient blancs comme linge. Oswald essayait de cacher cette part de lui-même, mais ils avaient entendu les cris, avaient vu les instruments. Quelles seraient les rumeurs dans les jours à venir ? Il ne le saurait jamais.

"Et pourquoi pas ?" tonna la voix, avec une rage contenue.

Alors que la porte se fermait, et que Rafael n'avait pas la force de répondre aux derniers mots d'Oswald, cette émanation refaisait surface. Pourquoi s'était-elle exprimée lorsqu'il souffrait tant ? Il frissonna de nouveau.

"Tu l'as compris, n'est ce pas ?" le gourmanda la voix.

Le même ton que lui, arrogant et plein de malice à la fois. C'était comme un double, une ridicule imitation de ses plus sombres aspects.


"Je ne deviendrais pas comme lui." répliqua l'assassin, déglutissant plusieurs fois avant de prononcer les mots.

"Qui sait ... Peut-être que tu es déjà fou. Entendre des voix, c'est toujours mauvais signe." ricana-t-elle.


"Tu m'as sauvé par deux fois." fit Rafael, en timide réplique.

"Trois. Qui a trouvé Céline ?" contesta la voix, malicieuse.

"Trois. Qu'es-tu donc ?"

"Je suis eux. Je suis Cesare. Je suis tout ce que tu as vécu et pu mettre de côté. Je suis la paix, la guerre. Je suis l'alpha et l'omega. Le dernier et le premier. Le commencement et la fin. En d'autres termes, Rafaelo. Je suis toi. Je suis la voix qui résonnait au fond de ton crâne lorsque ta main frappait tes ennemis. La voix que tu n'entendais pas jusqu'à lors. Je criais depuis des décennies. Je suis ton héritage, ce que ton père t'a laissé. Tu comprendras en temps voulu."

Etait-ce ça, le mantra ? Cette voix insolente qui donnait son avis à tout bout de champ ? Qui lui expliquait ce qui se passait au fond de son crâne ? Il avait l'impression de dialoguer tout seul, mais que cette chose menait le jeu. La douleur infligée par Oswald semblait l'avoir liée à lui, dans une profonde rancoeur. Elle ne se manifestait que lors des moments où il était perclus et en difficulté. Cela ne pouvait pas être un hasard, il le sentait. Quelque chose qui était tapi au fond de lui. Ce n'était pas une personnalité latente. C'était une part de lui-même. Mais cette facette de lui était autant sibylline qu'insolente. Elle semblait savoir des choses qu'il ignorait. Ou qu'il préférait ignorer.


"Qui suis-je, alors ?" lâcha-t-il, alors que les bords de son monde commençait à sombrer dans le noir absolu.

"Un misérable prisonnier." répondit la voix, alors que Rafael partait petit à petit dans ses songes, épuisé et rongé par la douleur et le granit marin.
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