M’sieur qu’est-ce que vous avez ? C’est mon boulot d’donner des bières mais j’en ai jamais tant donné, y en a bien pour 200 000B.
Ouvre ton clapet à l’envers, l’piollier, c’est pas ton boulot.
Sauf qu’c’est à moi d’choisir si vous pouvez rester ici, j’vous rappelle. Un peu plus d’respect ou vous partez.
J’suis Saigneur, le seul à décider si t’as ta place ici ou pas.
Et l’type glousse, s’excuse, baisse les yeux. Un homme qu'a perdu ses couilles. Ça fait tant flipper, d’être Saigneur ? Jack, tu fais tant flipper ? Du coup Dead End a perdu un peu d’elle. J’me reconnais plus, les mecs qui m’faisaient chier sont devenus des gonzesses. « Quoi ? Sérieux, quoi ? Qu’est-ce tu veux ? Tu m’parles à moi ? T’es sûr qu’t’es entrain d’me parler à moi ? J’suis Kiril Jeliev des Saigneurs. » Les mecs s’pissent dessus puis taillent. J’peux même plus m’taper, ici. Et j’ai pas vu l’ombre d’un Crack Jo d’puis l’arène. Ni un Walt, ni un afro. J’suis seul avec mon mal être. Parce que j’suis toujours déçu d’tout, parce que j’suis toujours cet enfoiré de dépressif par-dessus tout. Alors oui, piollier, y en a pour 200 000 cailloux mais ça fait toujours moins qu’les soucis que j’ai dans l’caillou.
J’me lève d’la siante bancale. Matte le vide. Matte la vague. C’t’instant où on pense à rien. Ouais ça existe. Quand tu fixes que’que chose souvent quand tu t’emmerdes. Mais du coup, dès qu’tu t’en rends compte, tu penses à que’que chose. Ça peut pas v’nir tout seul, faut qu’ce soit inconscient. Alors, bois, bois, bois. Un alcool fort, un alcool à 200°. Tellement fort que. Que. Les neurones grillent et j’suis toujours dans c’t’état où j’pense rien. Qu’est-ce qui pourrait m’perturber ? Hé ? A part un coup dans les roubis, j’vois pas. Téma à quoi j’pensais mon p’tit péchon, j’disais. J’me lève d’la siante, paie l’mec parce que j’suis pas un chien. Mais comme c’est l’anarchie ici j’aurai pu m’permettre d’lui offrir juste mon majeur, tu vois. J’fais l’courtois, truc qui m’va pas, genre. « Merci monsieur pour votre accueil chaleureuse bahahabhbh t’es trop gentil, connard. » J’ai dit qu’ça m’allait pas, preuve, j’ai perdu le fil.
Pognes dans les poches, j’regarde la future mort m’tourner autour comme un parasite. « Quoi ? Qu’est-ce tu veux ? Tu m’parles à moi ? T’es sûr qu’tu m’parles à moi ? Mais j’suis Saign-… » Oh j’vois, ça marche pas avec elle. Tocarde. C’que j’fais ? J’respire. En marchant. Dans l’allée. Y fait froid, j’ai la chair de poule. Direction la ville des flibustiers, j’vais voir si j’trouve c’connard de Jo, j’suis en manque de poings dans la face d’quelqu’un. Et j’ai pas envie d’harceler les sans couilles qui peuplent désormais la belle île de merde. Nerveux et énervé, ouais. C’débile de piollier m’a bien fait chier tout à l’heure. 200 000… Une goutte que j’bois. La topette, y a qu’ça de vrai. Une autre goutte, une gorgée. Puis j’pense plus à rien. Le vide. Vide. Vide.
Et j’m’en rends compte.
Pourtant j’fais toujours semblant d’plus penser à qued. Mais ça marche plus, videmment.
J’arrive au hibou de nuit. Y a une cohue et un Jo sur l’estrade. Tout Dead End à l’air de s’être regroupé pour lui. Qu’est-ce qu’il fait ? J’me rapproche en reniflant comme l’meilleur ami d’l’homme disent-ils. Sauf que j’suis pas ton ami, humain. Bien c’que j’pensais. Jo fait un discours, comme d’hab, il s’met en valeur, et tout. Moi, j’suis coincé entre deux clebards à bras qui pensent me faire peur. Y en a un qui pense qu’s’habiller comme un clodo c’t’à la mode et l’autre qui fait plus druide trop gangsta avec sa barbe de trente centimètre. J’bouscule, j’bouscule. Atteindre le premier rang et grimper. Les gars du Joe m’reconnaisse et m’laisse passer. J’monte comme si c’était normal et j’regarde la foule comme un aigle matte un pigeon.
J’sens les regards haineux, tout ça dans une aura rouge d’colère. J’étouffe comme si j’étais en apnée tellement le brouillard est épais. Un brouillard invisible qui vient m’étrangler, pourtant. Y a Jo qu’a pas l’air d’aimer mon apparition. J’tourne la tête dans tous les sens et j’sais plus c’que j’fais ici. Mes yeux châssent partout, ils châssent là où trouver un peu d’air. Mais j’étouffe. Qu’est-ce que j’fais ici ? J’ai compris, les neurones grillent. J’fouille dans ma poche de veston et j’constate qu’la topette est vide. J’ai du m’en foutre des tonnes à l’ombre depuis c’matin. Ouais, j’me souviens. J’me suis réveillé tôt c’matin et j’suis allé au bar. P’tit déj, whisky. Apéro, apéro, apéro. Déj’ner, cognac. Apéro, saucisson, cornichon, apéro. Puis ici. J’regarde ma montre, j’me dis qu’il est 17h. J’me dis ? Ah oui, j’ai pas d’montre, très juste. Soudain, j’entends « discours ». Discours ? C’est vrai, qu’est-ce que j’fous ici, faut bien que j’parle.
Dernière édition par Kiril Jeliev le Lun 3 Juin 2013 - 1:45, édité 1 fois