[1624] Même le mal se fait bien

    Il existe quelque part sur Grand Line un courant spirituel dédié à l'accomplissement du mal. Ce n'est pas étonnant, on trouve de tout sur Grand Line, et en particulier des trucs étranges. Plus c'est étrange, mieux ça semble plaire en fait.
    J'étais tombée sur un rapport expliquant les tenants et aboutissement de ce courant de pensées totalement par hasard, alors que je fouillai les archives à la recherche d'informations un peu plus intéressantes. Mais sur le coup, j'avoue que j'ai été surprise et d'avoir lu le dossier en entier, avec ahurissement, m'a laissée oscillante entre scepticisme et ironie.

    Cependant, à bien y penser... ça ne semble pas si surréaliste.

    7 règles de vie pour une existence dédiée au Mal
    On a vu pire, après tout...
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    N'aime personne

    Je n'aurais jamais pensé qu'il fut aussi difficile de se retrouver seule à Marie-Joie. Réellement seule.
    Pas seulement mise à distance polie ou ignorée, mais loin de tout, œil, oreille ou murmure.

    Les hommes et les femmes grouillaient sur Red Line, et jamais auparavant je ne m'en étais rendue compte. L'état de vermine pullulante de la population ne m'avait jamais frappé aussi distinctement qu'aujourd'hui, alors que je regardais « la plus belle ville du monde » depuis mon poste d'observation, loin au-dessus. A cette distance, mes congénères se réduisaient à des points plus ou moins gros, et telles des fourmis, me laissaient penser qu'il serait extrêmement facile de les écraser du pouce. Un sentiment euphorisant, si je n'étais pas aussi préocuppée.

    Ma notion d'intimité venait de prendre un sacré coup dans le museau, maintenant que j'y réfléchissais. Mon appartement était certes protégé par les rideaux ou les volets que je tirais régulièrement, habituant mes voisins à l'idée que la pénombre avait ma préférence, et ce afin de cacher mes activités les moins régulières. Sûrement imaginaient-ils que ma peau sensible ne supportait pas le bronzage non contrôlé. Au bout du compte, personne ne s'étonnait plus que je passasse tant de temps à l'abri des regards.
    Mais alors que je cherchais un espace pour m'entraîner en toute discrétion, je reconsidérai la question. Peut-être devenais-je paranoïaque, à imaginer des agents du gouvernement derrière chaque coin de rue. D'autant plus que je savais exactement à quoi s'en tenir : les Cipher Pol devaient bien avoir autre chose à considérer que le cas de Shaïness Raven-Cooper, récemment revenue victorieuse d'une mission difficile de capture d'un agent parjure. Et puis, de toutes les façons, seraient-ils en train de me filer que je ne le saurais jamais. Nous n'étions pas expert pour rien après tout. Sauf que bon, n'était-il pas attendu de moi que je fusse capable de repérer un ou plusieurs individus, puisque j'étais moi-même experte ?

    Et voilà, paranoïa, le retour. Cette sensation angoissante qui me tordait les tripes depuis quelques temps. Je ne sais pas pourquoi j'imaginais des menaces partout. Le docteur qui suivait le bon rétablissement de mon épaule m'en avait touché deux mots. Apparemment, c'était psychologique. Je ne savais pas d'où il sortait son diagnostic, vu que je n'avais pas été assez stupide pour lui sortir « non, je dors mal parce qu'en fait, je m'inquiète du fait que mon allégeance révolutionnaire ait été découverte ». Mais il n'était pas un vieux de la vieille pour rien, et il avait su lire entre quelques lignes. De ce fait, il estimait que je souffrais d'un trouble du sommeil, un choc post-traumatique suite aux événements récents de ma vie : entre ma blessure sur le champ d'honneur et mon... incident de parcours sur South Blues.
    Et là, j'avais dû me mordre les joues pour ne pas éclater de rire. Cette satanée rumeur comme quoi j'avais été assez faible pour subir les derniers outrages du vieux bouc qu'était Pludbus. Pff, et dire que je l'avais eu à ma botte. Quasi littéralement, vu que justement, je n'avais plus de botte à ce moment donné, ma paire ayant été perdue dans le naufrage.
    Quant à ma blessure. Ouais, là, je dégustais. Je sais, je sais, je suis une petite nature. Mais une épaule déboîtée, ça fait HYPER mal. Vous voulez peut-être que vous le prouve ? Donnez-moi votre bras, et je serais prête à vous rendre ce service. Ordre d'Autrui à ton service. Mais en soi, ce n'était pas grand chose face aux blessures que j'avais vu devant moi. Je me rappelais que trop bien de l'attaque de Yusuf, qui avait tranché net le bras de Rafaelo. Les blessés à North Blues. Les morts de South Blues.
    Non, j'avais eu beau souffrir, ce n'était rien face à ce qui m'attendait. C'était peut-être ça, ce qui m'angoissait. Le fait que j'allais encore devoir me battre et avoir mal. Entre accepter une chose et en tirer un plaisir, le pas était grand et je n'étais pas adepte du grand écart. Pourtant, j'étais souple, ancienne ballerine que j'étais...

    Soupir. Quand allais-je arrêter de me mentir ? Ce n'était pas ça qui me faisait veiller tard. Au contraire. Ma douleur à l'épaule alimentait une colère sourde, brûlante, cendres à peine mortes ne demandant qu'à être ravivées au moindre souffle. Ce sentiment de haine et de vengeance que m'inspirait celui qui m'avait porté cette attaque. Joseph Patchett.
    Oui, c'était lui qui m'empêchait d'avancer, lui qui distillait la peur en moi.
    En fait, soyons précise. Pas lui. Je craignais ses coups, car il tapait fort, le coco, mais par dessus tout, je craignais les chances qu'il alignât ses neurones. C'était ça dont j'étais terrifiée : que l'ancien agent Cipher Pol reconnût en Jade la jeune recrue Shaïness Raven-Cooper. Nous ne nous étions jamais que croisés dans les couloirs du bureau Cinq, et encore de loin. Mais je n'étais pas du genre qu'on oublie, une fois qu'on m'avait remarquée. Non seulement ma couleur de cheveux, mais mon allure, que je peaufinais par ailleurs pour provoquer cette exacte réaction : voyez-moi, moquez-vous, admirez, mais surtout, ne cherchez pas plus loin que cette apparence que je cultive, comme tout bon agent se cache derrière un masque, une illusion.

    Bon, je me rassurais en me rappelant qu'il était fiché comme pirate, le blondinet. Et que s'il devait parler, on n'accorderait pas beaucoup de poids à sa dénonciation. Mais cela suffirait peut-être à jeter un trouble sur mon dossier, d'autant plus que je ne savais toujours pas ce que Kaiser avait bien pu transmettre comme information sur mon compte, depuis mon entraînement au BAN.

    Oui, pour ma tranquillité d'esprit, je devais faire taire Joseph. M'arranger pour l'éliminer, ce qui voulait dire devenir plus forte. Ou me débrouiller pour qu'il me prit une bonne fois pour toute pour une révo, tout en priant que jamais il ne me vit comme CP. Dernière solution, lui couper l'herbe sous le pieds et faire en sorte que « Jade » soit connue des services du gouvernement comme une identité secrète spéciale. Un jeu beaucoup plus dangereux, car à double, non triple tranchant...

    L'un dans l'autre, je devais devenir plus forte, et faire face à ce problème.

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    Rends malheureux quiconque ne veut dépendre de toi

    J'avais donc fini par dénicher tant bien que mal ce plateau rocheux encastré entre deux pans de montagnes, bordé par des arbres aussi agressifs que des lynx avec leurs aiguilles et leurs sèves empoisonnées. De là, j'avais une vue dominante sur Marie-joie, blottie plus loin en contre-bas. Sans nul doute que cette terrasse aurait été réclamée par un noble il y aurait bien longtemps, pour y bâtir je ne sais quelle monstruosité architecturale, si ce n'était pour la nature hostile autour. Ce qui avait repoussé tant de gens était mon sauf-conduit.
    Mon intimité.

    Plus que jamais, je considérais mon fruit du démon comme un atout à ne dévoiler à aucun moment. Je n'avais confiance en aucune manière dans le gouvernement, et j'étais encore très mitigée par rapport à la révolution. Si j'avais été enthousiaste à l'idée de faire partie de l'Union Révolutionnaire, la réalité des faits n'avait apporté qu'abandon et presque désespoir. Les rapports CP qui me parvenaient mentionnaient désormais une union quasi généralisée de tous les mouvements sous la houlette de Freeman and Co. Je me rappelais Raven et Mandrake, mais ces entrevues trop vite expédiées ne me laissaient qu'un goût aigre-doux dans la bouche.

    Non, définitivement seule, et sans responsabilité si ce n'était ma propre vie. La Révolution, mouais. Ils manquaient tous singulièrement de perspectives. Faire tomber le Gouvernement Mondial, c'est très bien. Mais après ? Leurs projets étaient flous, et je n'aimais pas ça. Nombreux sont les tyrans nés de rebelles libérateurs. Tel que je voyais les choses, j'allais sûrement être une révolutionnaire contre la révolution-devenue-institution.

    Et pour cela, je devais affûter chacune de mes lames. J'avais déjà passé commande pour améliorer mon arme de prédilection, le dévidoir à fils – fichtre que ce nom manque de sex-appeal. En attendant, il me restait le fruit du papillon. Mes recherches dans les bases de données du Gouvernement avaient fourni un premier fondement à mon approfondissement quotidien. Je savais désormais plus ou moins de quoi j'avais l'air et ce que je pouvais faire. Cependant, force était de constater que ce fruit n'était pas le plus connu, et le plus recherché par là-même. Pourtant, moi, je l'aimais bien. Il me correspondait plutôt, en dépit de cette satanée tendance à dériver dans ses pensées. Un sacré désavantage, pour moi qui devais toujours calculer. Ce même esprit qui aujourd'hui méditait sa lecture et concluait que le pouvoir du zoan était clairement sous-estimé. Peu désiré, peu étudié, donc autant de travail pour moi, mais de puissance restant secrète à mon avantage. Les logias étaient beaucoup plus documentés. Le papillon resterait un mystère pour tous.

    De temps en temps, je me demandai à qui avait appartenu la cache dans laquelle Pludbus avait trouvé le fruit. Je me plaisais à imaginer que j'avais dépouillé un de ces odieux pirates. Un Marine n'aurait pas eu la nécessité d'enfouir le fruit avec des tonneaux de mauvais rhum. Un civil non plus. Donc oui, j'avais ruiné les plans d'un contrebandier et rien ça contrebalançait le coût de l'obtention de mes nouveaux pouvoirs. Une inquiétude revenait parfois : ce criminel, savait-il quel fruit avait été en sa possession ? Ou n'avait-il qu'identifier un fruit du démon ? Etait-il à sa recherche ? Risquai-je à un moment donné, si mon pouvoir était dévoilé, d'avoir un autre ennemi aux trousses ?
    Qu'importe, il était mien, ce fruit du papillon, et j'avais bien l'intention d'en tirer parti. Même si je devais passer pour une écervelée ou une rêveuse quand mes pensées se carapataient ailleurs.

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    Ne dis jamais la vérité, mais donne-toi l'air de la dire

    Je commençai par des échauffements simples. Mon épaule me faisait encore mal, par douleurs intermittentes, d'autant plus que je ne respectais pas les ordres du médecin de ne pas faire trop de mouvements brusques. Des étirements, pour garder la souplesse et pour réveiller les nerfs, avait-il préconisé, mais pas d'efforts inconsidérés. Peut-être pensait-il que puisque j'étais une femme, j'allais être moins baroudeuse que mes collègues ? Bien au contraire ! Je devais leur prouver que ce n'était pas cette petite blessure qui allait m'arrêter.

    « Qu'importe leur avis »... Oui, je me le répétais sans cesse, mais malgré tout, malgré moi, je me surprenais à vouloir leur en mettre plein la vue, rabattre leur caquet. Non pas qu'ils – et elles, car je n'oubliais pas que nombres des agents CP de talents étaient des femmes – m'admissent parmi eux, car je n'en avais rien à faire de leur amitié ou de leur considération. Pire, cela pourrait être un frein si je devais être amenée à frapper contre les Bureaux, que d'avoir de l'affection réelle pour l'un d'entre eux. Non, je voulais qu'ils me remarquassent, me respectassent, en tant que femme, jolie et intelligente, et non pas en tant que fille de mon père. Moi, juste moi. Certes, je ne leur facilitais pas la tâche, avec mes différents masques, et notamment celui de la parfaite petite évaporée cruelle et superficielle. Mais s'ils n'étaient pas capables de voir au-delà, ils ne méritaient pas de servir le Gouvernement.

    Une fois mise en condition, je répétai les pas de danse appris dans la prime jeunesse. Les pointés et les arrondis, les arabesques et les pliés. J'étais un pétale flottant dans l'azur au gré du souffle du vent. J'étais harmonie, et j'étais surtout une araignée, tissant ma toile autour de moi. Ma nouvelle arme de service avait été fabriquée à l'image exacte de ce que je voulais. Avec mes deux yoyo-dévidoirs aux poignets, je pouvais déployer jusqu'à dix fils, que je déplaçais de mieux en mieux, par mouvements des doigts ou de mon corps, montant jusqu'à quarante si je mettais en route les deux autres.

    Araignée, non. J'étais papillon après tout. Marionnettiste peut-être. Plus par curiosité que par volonté réfléchie et planifiée, je lançai mes fils sur des bouts de bois, entourant ses derniers et profitant du petit poids en fin de fil pour sécuriser ma prise. Puis je fis bouger le tout et c'était comme si par magie les branches bougeaient d'elles-mêmes, frappant des ennemis imaginaires. Les fils étaient généralement invisibles sauf sous certaines lumières. Oui, marionnettiste me correspondait assez bien.

    Alors que je laissai retomber mes fils, toujours tendus par le poids des bûches, le vent vint heurter les cordes qui frémirent puis gémirent. Je tendis l'oreille, presque frappée par ce son, avant de pincer le fil d'une main presque hésitante. Je n'avais jamais joué autre chose que du piano, et encore... Je tapotais à tout mieux, histoire de satisfaire Mère dans ses désirs de faire de moi une dame du monde accomplie. Apparemment, pour être une dame, il fallait savoir jouer d'un instrument. Personnellement, j'avais toujours préféré danser.

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    Ne respecte aucun droit de propriété, mais affirme que la propriété est sacrée et inviolable, et approprie-toi tout ce que tu pourras.

    Je ne sais pourquoi j'ai gardé un souvenir de douleur, de cette première transformation. Peut-être était-ce l'idée que des ailes avaient poussées dans mon dos, qui provoquait en moi des relents de dégoûts. Cette pensée faisait de moi quelque chose de non-humain. Pour cela, je devais souffrir, naturellement. Souffrir de ne plus être telle que la nature m'avait faite.

    Cependant, à bien y penser... N'avais-je déjà souffert milles tortures et autant de morts qui m'avaient été refusées ? Certainement. Étais-je encore humaine, moi qui avais tant de sang sur les mains, et des âmes pour hanter ma conscience. Meurtrière et parjure, voilà ce que j'étais, et à ce titre, inhumaine peut-être bien plus d'âme que de corps.

    Tous comptes faits, me transformer n'était pas douloureux. C'était presque un sentiment grisant, de finalement « voir », « sentir » cet autre-moi. Ce n'était pas qu'un passage spirituel ou une conviction ; en forme animale ou forme hybride, j'étais enfin différente. A l'oeil nu, on voyait ma différence. J'aimais différente. Fascinante différence, celle qui rejette les conventions et les moules, celle qui crache à face du Monde que nous sommes, nous existons, et que personne ne pouvait plus ignorer ce fait.

    Mon reflet dans le miroir ou la surface des flasques et rivières que je trouvais n'était pas illusion. C'était moi. Je me gavais littéralement de moi-même, m'intoxiquant jusqu'à la lie de cette nouvelle image, cette nouvelle définition, jusqu'à ce que ces nouveaux traits me semblassent enfin familiers. Ne plus s'étonner de la forme de son ombre. Agir comme si cela était normal.
    Comme enfiler une tenue différente. Elle moule, pressurise, tend ou laisse aller différemment. Mais c'est toujours vous dedans. A partir de maintenant, je ne concevais plus de « Shaïness » sans être papillon.

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    Sers-toi de la moralité des autres comme d'une faiblesse que tu utiliseras à tes fins

    C'était frustrant. Terriblement énervant, comme une piqûre qu'aucun grattage ne pouvait soulager de cette sensation de brûlure minime, comme cette coupure à la lèvre qu'on ne peut s'empêcher de venir titiller du bout de la langue, s'étonnant encore de ressentir de la douleur, sans pour autant arrêter, et y aller encore et tant que le sang recommence à perler. Et là, nous sommes satisfaits, ô sombre créature du sadique misérabilisme que nous sommes.

    J'avais lu tout ce qui concernait le fruit du papillon – ce qui allait assez rapidement, même en comptant les archives classées du CP. Il était marqué en lignes sibyllines que le monde des phéromones s'ouvrait à nous. Déjà fait-il savoir ce que c'était, une phéromone, et ce soir-là, je me couchai peut-être moins bête qu'au réveil, mais pas plus avancée dans le sujet qui cristallisait toutes mes attentions.
    Cependant, voilà bien sujet à me satisfaire, moi l'éternelle tiraillée entre haine de tous désabusée et nécessité névrosée de plaire.
    La peur, l'amitié, le désir.
    Nos sentiments les plus forts, les plus instinctifs.
    De simples molécules.
    Que je pouvais manipuler.
    Enfin, techniquement, un jour, je le pourrai.

    Il m'en a fallu du temps, des tentatives et des échecs, pour y arriver. Ce n'est que le début, et le chemin est long et tout plein de lieu-dits et autres proverbes de grand-mère. Yada, yada, yada et tout ce qui compte, c'était que j'y arrivais. Pas aussi bien que je l'aurais souhaité. Jamais aussi bien que je l'aurais souhaité. Ce n'était qu'un contrôle imparfait, mais l'étincelle était là, produite à volonté. Volonté restant bien le mot clé. Ce que je voulais. La concentration de toute ma résolution, tout mon entêtement. Le calme avant et pendant la tempête. Le feu qui brûle en arrachant des lambeaux de chair, et qui pourtant peu réchauffé le corps transis.
    Etincelle. J'étais étincelle.

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    Incite ton semblable au péché et cependant feins de reconnaître la moralité comme nécessaire

    Cela aurait pu être drôle si cela n'avait pas été si foutrement douloureux. Mon épaule ? Oubliée. Je me tordais par terre et la montagne n'était que trop heureuse de s'emparer des échos des mes gargouillis, alors qu'impuissante, je rendais à la terre ce que d'autres y avaient puisé.
    J'avais plus tôt pensé que la souffrance de la transformation était une sorte de punition pour transgresser ma nature d'humaine. Maintenant, je savais que c'était des sornettes que tout cela. Quelque fut ma faute, je ne méritais pas de souffrir autant.

    Mais fallait-il que j'aimasse ça, souffrir, pour toujours y revenir. Est-ce donc ça, la spécificité de l'humain, têtu au-delà de toute raison, à ce dire « je vais y arriver », quand tout en vous hurle que c'est impossible ? Mais j'en étais là, à me répéter « oui, j'y arriverai », en dépit de tout, juste parce que je savais que je pouvais. C'était écrit quelque part, qu'un jour, on s'y habituait. Je me demandais vraiment qui pouvait se faire à de telles douleurs. Le premier qui remettait jamais en cause ma dévotion à la cause révolutionnaire, je vous jure que je l'écorchai vif avec un couteau à beurre émoussé. Et rouillé.

    Cette forme miniature était très pratique pour l'espionne que j'étais. Bon, j'aurais pu faire sans la lumière qui semblait émaner de moi, mais nous n'avons pas toujours ce que nous voulions. Éternelle optimiste, à voir le verre toujours plein ? Depuis quand étais-je quelque chose de positif ? Non, j'avais appris à faire avec ce qui m'était donné, à m'en satisfaire, pour ne plus espérer à vain et pouvoir cracher à la gueule des autres tout mon dédain pour ceux qui se lamentaient. Si je voulais quelque chose, je me battais pour l'obtenir.
    Un pas de plus fait sur la route que je m'étais tracée. Je ne sais pas si ça me rendait plus forte – ça ne m'a pas tué, mais presque... mais je me sentais en mode lopette !!! - mais je savais que ce pouvoir allait pouvoir me servir, et peut-être même me sauver la vie... à condition qu'il ne me tue pas après.

    Peut-on s'habituer à la douleur ? Devenir froide et indifférente à son propre destin ? Etais-je capable de me sacrifier sur l'autel d'une cause dite plus grande que moi ? Je pense que oui. Idéaliste oui, pas optimiste. Cela faisait-il de moi une démente ? Etait-ce que mon cœur qui avait éclaté en moi, au point de ne plus me soucier de savoir si j'allais bien ? Etais-je devenue vide, néant absolu de la conscience et de la morale, sort contre lequel je m'étais toujours débattue ? N'était-ce pas pour ne pas devenir patin sans âme que je m'étais rebellée ? Tant de questions, que je balayai en me redressant. J'étais. A ce moment et à cet instant, j'étais.
    On verra après pour la suite.

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    Sois pleinement cohérent et ne te repends jamais de rien

    Redescendre de cette montagne fut presque plus terrifiant que d'y être monté. Le geppo a des limites à tout, et je venais de l'apprendre à mes dépends. A moins que ce ne fut moi qui était fatiguée et qui laissa glisser ma concentration la demi-seconde nécessaire à la gravité de s'emparer de mon auguste popotin et de l'envoyer faire ami-ami avec le sol quelques mètres plus bas. Parfois je me demande si je réfléchissais réellement aux conséquences les plus pratiques de mes actes. Ah, oui, me méfier des ombres, imaginer des complots et des filatures, ça, sans problème, mais me dire que rentrer chez moi après un entraînement où je m'étais roulée à terre de douleur allait être bien plus compliqué que de me rendre audit entraînement – ce qui n'était déjà pas une mince affaire – ça non.
    Parfois, je me déteste.

    Alanguie dans mon bain de bulles, pot de glace à la main, pour m'indulger un plaisir interdit qui ne suscitera pourtant aucun remord en moi, je fis le point sur mon futur. Toutes les portes s'ouvraient à moi, maintenant que je m'en donnais les moyens. Adieu, morale et sempiternelle lamentations. Adieu ? Non pas vraiment. Je n'allais pas me détruire. Refuser tout ce que j'étais, avais été serait contre-productif. Je me garderai, avec toutes mes fautes et mes défauts, mes espoirs et mes illusions. Je m'en souviendrai souvent. Quitte à souffrir, autant le faire de façon égoïste mais noble. Ô combien digne l'âme qui dépose sa réédition. La vraie liberté n'était-elle pas d'accepter ses liens et ses chaînes ? Le spectre du futur ne me hanterait pas cette nuit car j'allais dormir en paix avec moi-même.
    Demain, j'allais révolutionner le monde.
    Et ça, ça allait faire mal.
    Justement, c'était mon domaine de compétence, désormais.


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