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Le chemin vers la Terre Ferme

A quoi ressemble ton esprit aujourd'hui Rachel ?



Puissant, un sursaut l'éveilla.
En douze endroits, la douleur se raviva.
Rachel porta la main à ses blessures
De son genou brisé, à ses côtes fêlées.
Une et seule en mer, esseulée,
Envisager le pire était une autre meurtrissure.



Comment en était-elle arrivée là ? Elle se souvenait à peu près de l'Aqua Laguna. Et du cerf-volant. Toute la suite n'était qu'un puzzle qu'elle devait reconstruire. Bout à bout. Dans le bon ordre. Dans le bon ordre... La boite à musique dans le navire... il manquait des étapes avant celle-ci.
Rachel se tortilla comme elle le pouvait, mâchoire serrée sur sa douleur pour regarder sa faux, plantée à ses côtés, intacte. Le filin la reliait à elle, lui cisaillant le bras droit qu'elle ne sentait plus. Tant mieux, elle pourrait enlever les clous qui le constellaient alors. Kyaaa! Non, pas tout de suite peut-être. Elle se laissa retomber mollement sur la planche de bois de quelques mètres carrés. Qu'elle partageait avec un Corbeau. Silencieux. Seul. Qu'elle n'avait pas vu jusque là.

-Je ne suis pas encore morte...

Sur ces paroles, elle tenta de se redresser. Et y parvint, très lentement. Avec moult précautions, en remarquant que ses côtes n'étaient pas que fêlées et que le travail que Red avait fait sur son genou serait à refaire complètement. Mais elle réussit à s'asseoir puis déroula doucement le filin empêtré autour de son bras. Puis elle plongea son regard dans la mer. Immense. Infinie. Définitivement vide et triste. Pour la première fois dans sa vie, Rachel se sentit démunie face à ces eaux. Démunie, seule et impuissante. Surtout seule. Surtout impuissante. Elle était faible. La faim et la soif ne tarderaient pas à la tirailler. Et le soleil, bien que timide, la ferait brûler pour les corbeaux non loin. Elle ne pouvait pas ramer, elle ne pouvait pas manger, elle ne pouvait pas se déplacer... La seule pensée qui la fit sourire, d'un magnifique sourire jaune, fut qu'au moins, tout le monde la penserait morte au combat.

Parce qu'elle était certaine de mourir ici.

Et le second corbeau à l'admirer comme une bête à l'agonie la confina dans ses obscures pensées.


Combien d'heure à attendre ainsi ? Le soleil l'avait éveillée et depuis sa course avait continué. Inlassablement, la regardant comme auparavant, aussi inactif qu'il avait pu l'être durant deux années de sa vie. Elle ne lui en gardait pas rancœur. Le soleil était comme ça. Insensible. Mais ce matin, il n'était pas violent comme elle en gardait certains souvenirs. Les nuages, témoins de la tempête de la veille, maculaient un ciel azur de larges tâches sombres. Et quand parfois ses rayons perçaient cette couche blanche, crème, grise, noire, elle lui était reconnaissant de bien vouloir réchauffer un peu ses membres engourdis par une nuit dans l'eau et des blessures trop profondes pour elle. Elle se savait chanceuse, malgré tout, de ne pas saigner outre mesure ; même si les cinq corbeaux qui a lorgnaient à tour de rôle commençaient à lui faire croire que sa pâleur naturelle et ses airs de cadavres ne lui soient d'autant plus fatals qu'une semaine en pleine mer. Elle avait beau les aimer, ces oiseaux de malheur, qu'ils annoncent ainsi le sien ne la mettait pas assez en confiance pour leur raconter sa vie. Alors dans ce que l'on pourrait considérer comme un accès de coquetterie -ou une preuve qu'elle n'était pas encore du gibier- elle força ses cheveux à se nouer en des cornes plus grandes qu'elles ne le furent jamais. C'était la seule chose qu'elle pouvait faire de toute façon. Clouée à sa planche, incapable de se mouvoir à cause de son genou cassé. Déplacé...

Rachel eut un sursaut qui la fit grimacer de douleur. Elle arrivait bien à faire que ses cheveux se tressent seuls... Pourquoi ne pouvait-elle pas faire que ses os se remettent dans le bon angle, le bon sens, et surtout qu'ils ne bougent plus ? Et puis, il y avait assez de bois ici pour se faire une atèle. Non pas qu'elle eut un endroit qu'elle voulût explorer, mais la position assise ne lui seyait guère. Et puis elle courserait les corbeaux pour se défouler. Oui, ce serait un bon début. Et ensuite, elle essaierait de ramer. Ensuite seulement.
Reprenant le même travail qu'auparavant, elle défit ses tresses, puis les refit, et ainsi de suite. Ensuite, elle déploya les ailes squelettiques d'apparat. Inutiles, elles lui permirent juste de se concentrer. Alors elle se focalisa sur son genou en piteux état et tenta de le contrôler comme elle déplaçait ses cheveux. Sans vraiment savoir si ça fonctionnait. Seule la douleur irradiait. Plus supportable, elle persista durant une bonne minute le visage fermé sur sa souffrance. Et finalement abandonna. Avait-ce été utile ? Elle n'en saurait rien, mais elle s'en contenta. Elle resta un moment immobile, à reprendre un souffle manquant et s'obligea à se relever. En appui sur une seule jambe, elle claudiqua jusqu'à un bord de son embarcation de fortune et s'y laissa tomber. Elle y arracha comme elle put deux morceaux de bois qu'elle jugea de taille acceptables. L'heure suivante fut mise à profit pour les nouer autour de son genou. Avec de grande difficultés. Car plus le temps passait, plus elle craignait que son bras droit ne soit dans le même état. Elle avait beau avoir remboité son épaule droite, elle gardait le souvenir de la boule à pointes dans ses os.

Prochaine étape, se faire une rame. Mais pas tout de suite. D'abord, souffler un peu. Ses afflictions la tenaillaient trop pour espérer pouvoir être réellement efficace. Alors... souffler. Et observer l'horizon, un peu plus. Comme s'il recelait encore des mystères. Comme s'il était encore porteur d'espoir.
Pourtant ce qui s'y profilait ne ressemblai en rien à l'espoir.



Colosse sur sa chaloupe trop petite,
Harpon en main, l'autre à sa conduite,
Attirant jusqu'à sa carcasse froissée
Restes, débris et cadavres bouffis,
Oubliés d'une bataille, témoins trépassés,
Ne gardant un certain attrait que pour ce passeur haï.



Rachel avait du mal à croire ce qu'elle voyait. Tout d'abord, il n'avait été qu'un point sur cet horizon. Un point qui sans cesse grossissait. Une ombre qui se mouvait dans le lointain, se penchait, se courbait, se dressait. Sur une mer qui d'huile devint marée. Immuable et emportant tout sur son passage. Coques, mâts, figures de proue, armes échouées. Il était étrange de remarquer qu'elle même, sur son radeau, semblait voguer à contre-courant. Autour d'elle, les planches arrachées, les barils flottant et les cadavres noyés se multipliaient, l'encerclant de cette macabre atmosphère qu'elle eut le loisir d'apprécier. Seule avec ses corbeaux, elle put se croire naviguant sur les eaux mortes du Styx. Et cette silhouette, massive, au loin, et pourtant si proche, ne pouvait être personne d'autre que Charon. Ainsi donc la voilà morte... ? alors pourquoi avait-elle toujours mal partout ? Serait-ce sa punition ? Irait-elle, finalement en enfer ? Non pas qu'elle y appréhendât la décoration, mais elle aurait aimé faire de son éternité autre chose qu'une perpétuelle souffrance.

Elle fixait cette chaloupe. Droite contre sa faux, stoïque dans sa douleur, faisant face fièrement à son destin. N'écoutant pas les corbeaux qui se battaient dorénavant pour un véritable cadavre dérivant non loin de leur embarcation de fortune.

Elle fixait cette chaloupe, et cette heure interminable sembla durer une journée complète. C'était comme si le soleil dans le ciel masqué, avait décidé de ne plus bouger. Rachel observait cette forme grossir, et grossir. Elle remarqua bien vite les nombreux parasols de couleurs vives qui couvraient la barque. Elle remarqua bien vite que le colosse avait une carrure de mastodonte. La peau grise, les yeux hagards, toujours sur le qui-vive. Il cherchait fébrilement quelque chose, et semblait ne pas le trouver. Et pourtant le cherchait comme si sa vie en dépendait. Son regard perçant fendait les flots et lorsque, parfois, une tête de loutre ou d’hippocampe géant crevait la surface, c'était pour lui dire d'un hochement de tête qu'ils faisaient chou blanc. Un étrange manège qui captiva Rachel un moment et rendait plus maussade encore le colosse. Jusqu'à ce que, assez proche pour se fixer dans le blanc des yeux, la silhouette musculeuse se retourne brusquement dans la direction d'une Rachel silencieuse. Abasourdi, il resta coi une longue minute, bouche bée et mâchoire déboitée. Surprise par cette réaction, Rachel replaça le poids de son corps sur sa jambe valide et le salua d'un sourire qu'elle voulut chaleureux.

-C'est vivant...

Une seconde de latence suivit cette étrange déclaration. Et la suivante, une sarbacane était apparue dans la paluche de granit du mastodonte. Et la suivant encore, une fléchette se fichait dans la gorge offerte d'une Rachel moins vive qu'un saumon après la ponte. Elle la retira vivement, vacilla et finit par s'écrouler de tout son long.

La dizaine de corbeaux qui l'entouraient alors... s'envola.
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Toujours ce grand château et sa chambre secrète. Interminables couloirs et pièces infinies.




Ce ne fut pas le confort d'un lit tiède qui la réveilla. Ni le crépitement de flammes dans un âtre chaleureux. Ce n'est pas la douce tonalité d'un chant d'oiseau qui la tira de ses rêves. Mais le contact granuleux d'un pouce rugueux contre son visage. Elle ouvrit les yeux. Le pouce était relié à un bras. Un bras à deux articulations, deux coudes. Et au bout du bras, Un visage à la perfection douteuse. Vraiment, un visage qui n'avait aucun défaut, comme sorti directement de la cuisse d'Aphrodite. Ou Zeus. Voire des deux. Rachel fut saisie par cette vision étrange et, le temps d'une seconde à remettre de l'ordre dans ses idées, elle se cambra brutalement pour échapper à ces mains qui lui faisaient en fait horriblement mal. Son genou heurta le bois qui l'entourait et elle en hurla de douleur. L'homme aussi surpris qu'elle de sa réaction se redressa d'un bond, tituba, battit vainement des bras en l'air et s'écroula à la renverse.

Rachel reprit son souffle. Lentement, calmant son cœur qui n'avait pas manqué de battre la chamade devant cette vision effrayante de la perfection incarnée. Il y avait plus agréable comme réveil. Par contre, elle devait admettre que le cercueil en guise de lit était une superbe idée.
Elle se laissa une seconde de répit avant de se relever précautionneusement pour admirer l'homme qui se tortillait au sol comme une tortue renversée. Il avait une jambe dans le mauvais sens, semblant bossu et avait un bras atrophié. Bigre. Et dire que son visage l'aurait plus rapproché du prince charmant que du Bossu de Notre dame...

-Mais vous êtes folle ! Cracha-t-il au plafond. C'est comme ça que vous me remerciez de vous soigner ? Vous ne devriez pas vous lever, vous êtes gravement blessée !
-Vous croyez ?

Et sans écouter son conseil avisé, notre faucheuse s'extirpa comme elle le put de son cercueil de lit. Elle eut juste le temps de se laisser aller contre le bois et de masser son front douloureux qu'un homme enfonça la porte qui vibra sur son chambranle. Un monsieur muscle, taillé dans un seul bloc, tête comprise, se voûta pour passer le pas de la porte et fusilla Rachel du regard. Cette dernière lui offrit un joli sourire, à défaut de pouvoir faire plus, et l'homme golem se pencha pour ramasser l'handicapé qui continuait de gesticuler inutilement sur le sol de sa crypte. Oui, elle se trouvait dans une morgue ou une crypte. Très rassurant sur son état tout ça.

-Bien, je vous excuse, maintenant rallongez-vous.
-Où est Black Crow ?
-Je ne sais pas qui est Black Crow, mais je peux vous jurer que si vous ne vous rallongez pas tout de suite, je vous y force.
-D'un fauchage ? Railla-t-elle en lorgnant sa jambe déformée.
-Je vous battrais au cent mettre si vous m'y obligiez. Maintenant, Couché !

Le mastodonte, car il semblait n'être que ça, fit un pas en avant. Ce mouvement brusque la persuada de s'asseoir sur la banquette de bois qu'était le cercueil. Elle ne le craignait pas, mais elle se savait pas en état. Au clapotis de l'eau qu'elle entendait et le léger chavirement qu'elle ressentait sous les planches, ils étaient à bord d'un navire. Où, depuis quand, à quelle destination, de quelle faction et avec quel capitaine, ça, elle le verrait plus tard. Relevant un regard dur, le Lieutenant Blacrow toisa à son tour celui qui ressemblait à un médecin grossier.

-Où est Black Crow ?
-On a une dizaine de corbeaux dans une cage sur le pont, si tu veux.

Rachel tourna la tête vers la brute qui s'était posté en retrait et qui pourtant jaugeait Rachel d'un œil mauvais. Comme si elle représentait une menace. Et pourtant, elle n'avait pas son uniforme de la marine. Toujours les mêmes questions, bientôt les réponses.

-Vous avez capturé des corbeaux en pleine mer ?
-Ils ne vous lâchaient pas.
-Et je dois avouer qu'un civet de Corbeau est aussi rare en mer que délicieux.
-Vous n'avez pas intérêt à les toucher, je n'ai pas encore commencé à les dresser.
-Encore des menaces et je te brise comme une brindille, qu'importe que le capitaine cherche à te...
-Fermez-là Iron ! Et Sortez ! Je vous sonnerai si jamais elle me renverse à nouveau, mais en attendant : DU CALME !

Le dénommé Iron serra les dents. Rachel l'affronta du regard, puis il tourna les talons en claquant la porte derrière lui.

-Il est impossible de travailler dans ces conditions. Pesta quasimodo d'une voix éteinte.

Il toussa et versa trois gouttes d'un sirop pour la gorge dans une tasse qu'il dilua dans une flasque à sa poche. Il la but d'une traite et se tourna vers Rachel. Son visage d'ange la saisit une nouvelle fois et elle réprima un mouvement de recul. Quel étrange homme...

-Écoutez monsieur
-Bistouri.
-...C'est votre nom ?
-En quoi est-ce choquant ?
-En rien... euh... soit. Je veux bien que vous tâchiez d'opérer sur moi vos talents de docteur
-Actuellement, je suis chargé des autopsies.
-...qu...que... Non, je veux pas savoir... je veux bien que vous tentiez de me soigner donc, mais, à bord de quel navire suis-je actuellement?
-C'est très simple, nous sommes des chasseurs de trésors. Presque pirates, voyez-vous, mais sans le côté pillage et meurtre. Nous vivons juste des épaves que nous fouillons après une belle bataille comme celle que vous nous avez offerte hier. Nous vous en sommes reconnaissants.

Sa voix était mielleuse. En accord avec son visage à la perfection plus que douteuse, mais tellement en dissonance avec le reste de son corps que ça en devenait risible. Elle en aurait peut-être ri si elle n'avait pas été si mal en point.

-Et c'est pour une raison si simple que vous m'avez soignée
-Essayé de vous soigner. Je n'ai même pas eu le temps de faire partir ces vilaines brûlures de votre visage. Acide ?
-Peut-être.
-Si vous voulez bien arrêter de bouger...

A contre-cœur, Rachel accepta en soupirant. L'homme, visiblement soulagé d'enfin pouvoir faire son travail, boita jusqu'à elle, se rapprochant trop près à son goût. Le regard de cet homme était d'un bleu profond, presque envoutant. Et ça l'effrayait un peu. La beauté cachait toujours quelque chose de dangereux. Comme les grenouilles aux couleurs attrayantes où les mygales. Mortellement attrayant. Alors elle n'était plus très sûre de vouloir lui permettre de s'approcher. Surtout quand monsieur Bistouri lécha son pouce. Un réflexe étrange. Il le tendit alors derechef vers elle pour le passer sur sa joue. Rachel fit un bond en arrière, se cogna contre le cercueil dans son dos, poussa un cri entre douleur et colère et l'insulta de tous les noms d'oiseaux qu'elle connaissait. De corneilles et de choucas, principalement.

-Si vous arrêtiez de bouger, ce serait plus simple mademoiselle je-suis-de-mauvaise-humeur.
-C'est à la jambe que j'ai mal, espèce de
-Et moi je fais partir les horribles marques d'acide sur votre joli minois !

Elle resta interdite un instant, n'étant pas sûre de comprendre. Il en profita pour passer une nouvelle fois son pouce sur son menton cette fois, lui arrachant un nouveau cri entre surprise et douleur.

-Vous me faîtes mal !
-Ça, je veux bien le croire. J'ai plus l'habitude des noyés.
-...

Tout à coup elle comprit les seuls mots qu'avait prononcé Charon sur sa barque plus tôt. Drôle de vie que la leur.

-... C'est votre salive qui a des vertus curatives ?
-Non. Elle ne fait que rendre à la peau sa perfection. Avec mon physique et mon handicap, j'ai passé ma vie à baver devant les beautés de ce monde qui m'étaient inaccessibles. Ce n'est qu'un juste retour des choses.
-Cette explication est loin de me rassurer.
-Tant que ça fonctionne, le reste ne vous importe pas. Il eut été dommage que vous repartiez avec ces marques au visage.
-Je ne suis pas sûre que ça eut dérangé votre collègue.
-Il est pas méchant. Pas trop. Et pas si brute qu'il n'en a l'air. Vous l'effrayez juste. Blacrow Rachel. En tant qu'ancien pirate, il vous craint.
-Vous me connaissez... ? Alors vous êtes vraiment des pirates. Répartit-elle avec force avant de ployer sous un coup de genou du légiste.
-Ne faîtes pas la dure, vous n'êtes absolument pas en position de force dans votre état.
-C'est donc pour ça que vous ne soignez ni ma jambe ni mon bras...
-Rien à voir, je suis perfectionniste.
-C'est encore moins crédible.
-Ne blâmez pas mon travail ! Vous serez plus éblouissante que vous ne l'avez jamais été !
-Mais boiteuse...
-Ça ne m'a jamais gêné.

Une demi-heure passa. Le temps pour Bistouri de parfaire le visage de Rachel et pour Rachel de serrer les dents sur les douleurs d'une peau qui se résorbait. Le tout dans une logorrhée verbale du médecin lancé dans un monologue sur le fragile de l'espèce humaine. Jusqu'à ce que tout à coup la porte s'ouvre en grand, laissant entrer un rayon de lumière théâtral. Accompagné d'une petite silhouette. Un nain aux longs cheveux traînant par terre fit son entrée remarquée. Un large sourire illuminait la pièce comme s'il avait caché la lune entre ses dents éclatantes. Dans quel genre d'asile avait-elle bien pu atterrir. Le médecin s'effaça devant l'homme. Il venait à peine de finir son office.

-Il fallait me dire que tu étais réveillée !
-Pour ça, il eut d'abord fallu que j'eusse connaissance de votre existence.
-Quelles phrases recherchées...
-Je ne sais même pas à bord de quel espèce de vaisseau je suis. A part que vous êtes des pirates chercheurs de trésor et que Monsieur Bistouri aime la perfection, je ne sais strictement rien de votre espèce de communauté. Et surtout je ne sais pas du tout ce que vous voulez faire de moi ! Fit-elle visiblement agacée.
-Respire Rachel, respire.
-Pour vous, ce sera Lieutenant Blacrow !

Le nouvel arrivant eut une seconde d'hésitation devant l’agressivité subite de son invitée.

-As-tu pensé aux calmants, docteur ?
-Elle n'en avait pas besoin jusqu'à maintenant.
-Bien, ça va être de ma faute maintenant. Je me présente ! (il se tourna vers elle et lui tendit une main qu'elle ne serra pas.) Juke, capitaine du cherche aurore, chasseur de trésor originaire de Long Ring Long Land. Enchanté Miss Octobre.

Plus le temps passait, plus Rachel regrettait ce satané calendrier... Elle soupira. Une raison de plus pour eux de la retenir à bord.

-Qu'est-ce que vous me voulez à la fin ?
-C'est parce que tu n'as pas eu ton café du matin que tu es si virulente ? Tu dérivais en mer. Notre homme-poisson-roche t'a trouvée. Il est normal que l'on t'ait recueillie.
-Mon œil.
-Mais par les quatre mers, qu'a-t-elle ?
-Paranoïa.
-Comment paranoïaque ? Je suis sur un navire pirate qui dit vouloir me soigner et qui cherche à ne pas le faire convenablement pour que je reste couchée et qui surtout m'a pris ma faux !
-Il n'y a rien d'étrange à ça. Tu l'as dit, nous sommes des pirates.
-Ok ! J'abandonne.

Rachel saisit la canne du Docteur Bistouri avant qu'il n'ait pu réagir et s'élança à grandes enjambées claudicantes vers la porte avec la ferme intention de partir. Ils ne la retenaient pas prisonnière ? Qu'à cela ne tienne, elle allait repartir. À la nage s'il le fallait. Juke la laissa passer en s'effaçant de façon fort courtoise. Et une telle réaction dans une telle situation l'agaça. Si en plus les pirates avaient des bonnes manières...

Elle franchit le pas de la porte et traça sa route dans la coursive qui la séparait du pont du navire. Elle sortit en pleine lumière et tomba sur ce qui ressemblaient à une fourmilière. Un homme de sept mètres au moins se tenait là. Une carrure impressionnante avec des bras rachitiques. Il se tenait au milieu des autres et triait des vêtements. Là-bas, un chameau abreuvait les travailleurs et un chat à six pattes leur donnait des sauterelles grillées à manger. Ici, une vieille avec un chapeau de sorcière réparait de ses doigts d'orfèvres des pièces mécaniques. Là un homme poisson-tigre. Ici une armure mouvante, de ce côté un ange et un homme-chèvre. Et tous à l'ouvrage, à trier les objets, les vêtements, les cadavres repêchés après cette nuit de guerre. Et parmi ces cadavres, elle reconnut Les deux des hommes enflammés des Drunken Pirates, la ninja et surtout un chapeau rouge qu'elle reconnut au premier coup d’œil. Elle ressentit un pincement au cœur mais se força à ne pas envisager le pire. Qu'elle le pense mort ne servait à rien. Tous devaient la penser morte elle aussi. Il y avait eu du vent, une véritable tempête. Qu'il se fut envolé est presque certain. Et puis, ce chapeau flottait... Pour les autres, ils avaient dû couler après la bataille, et les revoilà, alignés sur le pont du cherche aurore... Rachel soupira de dépit. Quel étrange navire où l'on ramassait les frères tombés.


Dernière édition par Blacrow L. Rachel le Sam 08 Juin 2013, 00:49, édité 3 fois
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Et aujourd'hui, je viens de rentrer dans le jardin...




Plus loin, pris dans les filets d'acier,
Immobile, le tas de plumes noires,
Espérant pour leurs ailes meilleur nichoir,
Gagna la voix de Rachel pour le gracier.
Éminent homme à bord, elle plaida le capitaine
Sans se départir d'une verve certaine.



-Libérez-les TOUT DE SUITE !
-Doc, je t'en conjure, un calmant !
-Le temps que j'aille en chercher un, elle vous aura déjà étripée.
-Et vous avez de la chance que je n'ai pas encore Black Crow... !
-Je me propose pour l'assommer, ça me défoulera.
-Iron, s'il te plait, retourne-donc trier les coffres à bijoux repêchés.

Rachel fulminait. Claudiquant, faisant les cent pas d'une seule jambe grâce à la béquille de Bistouri, elle cherchait un moyen d'évacuer la pression, l'agacement, la frustration, aussi, de se savoir loin des autres Sea Wolves. Elle se sentait soudain comme une orpheline. Comme un gladiateur jetée seule au milieu d'une arène hostile.

-Bien. Dîtes-moi au moins quel est le résultat de cette guerre.
-Drake a été défait.
-Merci !

Au moins une bonne nouvelle. Enfin, bonne pour la marine. Elle ne connaissait pas encore l'état des pertes et elle ne leur demanderait sûrement pas à eux qui pourtant semblaient tout savoir sur tout. Elle l'apprendrait de la bouche de Toji ou de Red. Voire de Lin ou de Karl. Tout à coup elle se sentit nostalgique de la crème de marron.

-Question suivante : Où allons-nous... ?
-Tortuga.
-Vous voyez quand vous voulez ! Et pourquoi ?
-Pour vous échanger contre 150M de Berries.
-QUOI ?!?

Elle devait avoir mal entendu. Ils n'espéraient tout de même pas essayer de marchander avec l'Amiral Arashibourei pour avoir retrouvé le Lieutenant Blacrow, si ? Ils n'était tout de même pas assez stupide pour ça. Chasseurs de trésor... Des preneurs d'Otages, oui.

-Allez au diable.
-C'est des marins qu'on a croisé tôt dans l'après-midi. Il paraît que vous manquez à beaucoup de monde sur l'île. Coupa le légiste avec ironie.
-Hihi. Si vous espérez tirer une pareille somme juste pour me ramener en « bonne santé », je pense que vous pouvez déjà vous asseoir sur
-Ce n'est pas nous qui avons fixé le prix.

La seconde de silence qui suivit s'éternisa.
La minute de silence qui suivit s'éternisa.

Rachel resta stoïque sans savoir si elle devait être heureuse ou si elle devait se sentir offensée. Tout à coup, elle devenait une espèce de Marchandise. C'était assez étrange à penser, même pour elle, mais la somme venait d'un Sea Wolf. Elle aurait pu être de 600M, ça n'aurait rien changé. Tout ça n'était qu'une récompense virtuelle pour motiver les recherches, à tous les coups. Pourtant, elle était touchée. Car un homme disparu en mer, lors d'une guerre surtout, on ne le cherche pas. Est considéré comme mort. Mais pour elle, ils continuaient les recherches, même deux jours après la bataille. Un sourire étira ses lèvres et elle releva la tête. Seul le capitaine était resté droit, du haut de son mètre vingt, à l'observer. Les autres avaient dû se lasser et étaient repartis à leurs affaires.

-J'aimerais que vous me rendiez ma faux et que vous libériez ces corbeaux, s'il vous plait.

Il hésita un instant puis sourit en tournant les talons.

-Il y a du mieux. Comme quoi une bonne nouvelle fait des miracles. Mais je ne peux accéder à ta requête. Tu restes trop dangereuse avec ton arme, même dans ton état. Et les Corbeaux portent tous la marque de Mister Crow. Nous comptons bien en tirer profit.
-Mister Crow est déplumé et à fond de cale. Enfin, était. Hihi. Il doit sûrement regretter le pain sec et l'eau croupie là où il se trouve actuellement.
-Qu'importe. Je te rendrai ta faux une fois sur Tortuga.

Et il s'éloigna.
Rachel accusa le coup et l'observa partir. Son attention était toute occupée par les croassements dépités des oiseaux noirs croulant sous le poids d'un filet de métal, agonisants comme des poissons hors de l'eau. Elle se dévissa le cou pour les détailler. Leurs ailes pliées, leurs becs parfois tordus et les plaies qu'ils se faisaient les uns les autres, cause d'une folie de groupe. Elle serra les dents et tourna le dos. Après tout, elle ne leur devait rien. Elle s'éloigna de quelques pas et s'approcha d'un homme qui nettoyait les armes rouillées récupérées dans diverses épaves épargnées par le typhon de Dessie. Trop fatigué, il ne réalisa pas qu'elle lui prenait un couteau en bon état. Le meilleur qu'elle put voir. Certains sur son passage la toisèrent, de peur, de dégoût, de colère. Pas envers elle, mais envers la marine qu'elle incarnait. Si ça ne tenait qu'à eux, elle aurait été balancée à la mer. Qu'importe, elle ne leur devait rien. Pas même la vie.

Alors elle rebroussa chemin et se dirigea vers les mailles d'un filet qui s'avèreraient résistants. Enfin, résistants... Elle avait réussi à planter Marvin. Ce filet serait une partie de plaisir, Même avec un couteau de cuisine ébréché.

Elle s'acharna tout d'abord à découper le filet, sous les projecteurs d'une douzaine d'yeux emprisonnés, sans succès. Puis recula et chercha à produire quelques lames d'air, ce qui n'eut pas plus de réussites. Mais déjà quelques têtes s'étaient levées pour la regarder faire, attirés par le bruit. Elle ne leur prêta aucune attention. Surtout pas au capitaine qui revenait à la charge. Tous purent alors voir ses cheveux se torsader seuls en deux cornes qu'aucun membre de l'équipage n'avait soupçonné. Il y eut un instant de silence religieux. Et l'instant d'après, sans encore savoir ce qu'ils admiraient, le Lieutenant Blacrow, faisant une nouvelle fois fi de ses blessures, fit danser de sa main valide le couteau dans les airs. Et Pourfendit chaque maille du filet, se concentrant à chaque coup sur cette boule noire dans son ventre qu'elle visualisait tourner sur elle-même à très grande vitesse. Grâce aux conseils de Red.

Le filet ne fut plus et un nuages d'ailes, de plumes et de serres se déploya dans un tonnerre de Croassements indistincts. La rumeur dans son dos enfla en un instant pour devenir une clameur effrayée. Car devant eux, Rachel se tourna lentement, tenant visiblement à peine sur ses jambes. Elle se tournait, et avec elle, la silhouette complète de la Faucheuse, brumeuse, dont ils devinaient les émeraudes brûlantes au milieu du tourbillon de plumes noir au centre duquel le lieutenant Blacrow se tenait. Les mains squelettiques apparurent de part et d'autre, toutes en volutes de fumée perturbées par les battement de la dizaine d'ailes. Menaçantes. Le capitaine en resta muet. C'est à lui que notre faucheuse s'adressa ensuite, dans un rictus carnassier qu'elle lui réserva tout spécialement.

-Bien sûr, vous n’oublirez pas le chapeau rouge en m'amenant ma faux?


Il fallait bien ça pour arriver à Tortuga en bon termes.
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