Le Haki ?
Le fluide. Ce pouvoir qui se déclare chez les êtres dotés d'une capacité à comprendre, à voir, à agir supérieure à la normale. Tu l'as entrevu, l'autre soir. Il est en Toi.
De quoi tu parles ?
Suis moi.
...
Vas-y, man ! A l'horizon, il y a ta destinée. Embrasse-la. Mets tout ton corps, toute ton âme dans ce coup. Tu l'as déjà fait, c'est facile de refaire quelque chose qu'on a déjà fait. Concentre-toi, respire, ressens, et cogne.
Mon destin. Devant moi ? ... Oui, je le vois. Je vais l'atteindre, aller à son encontre et plus loin encore. Il me suffit de réveiller Les Flammes. La concentration. Extrême, totale. Une longue bouffée d'air. Deux. La circulation sanguine ralentit. Se camper sur ses appuis. Chaque muscle se tend sous l'effort. Une volonté implacable. Un poing qui se serre, des yeux clos pour mieux voir. Lentement, le bras qui part chercher derrière l'épaule, loin, très loin. Sans se presser, sans forcer encore. Le cerveau se relâche, la mâchoire se crispe. Ma pogne, une fronde d'acier. Maintenant !
Le coup part. L'air siffle tout autour de moi, le sable, balayé dans une bourrasque. Une mini-tornade. Les grains furieux viennent piquer mon visage. J'ouvre mon œil. Je l'ai fait. C'est certain. Je l'ai ... Rien ? Pas de flammes ? Qu'est ce que ... ?
Hm...
Merde.
C'est bien man.
C'est bien ? Te fous pas de moi. C'était nul. Raté.
Au contraire. Cet instant était parfait car tu as donné ton maximum, tu t'es livré, animé de l'envie d'aller plus loin, sans retenue. Tu sais ce que tu vaux. Il est bon de savoir d'où on part pour savoir où aller. Là, c'est le point de départ. Tout ton entrainement devra se faire en gardant ce même état d'esprit. L'important, c'est l'instant présent man. C'est toujours lui le plus précieux.
L'entrainement ...
Oui. Il commence. Maintenant.
[...]
Continue man, la persévérance, c'est la clef du succès. L'illumination guette toujours, pas loin. Elle te cherche. Plus tu insistes, plus grandes seront ses chances de te toucher.
Je continue. À frapper l'air de mes poings, inlassablement. Les muscles chauffés par l'effort, la transpiration qui perle par tous les pores de ma peau sous un soleil de plomb. Soigner sa respiration, sentir le chamboulant battre à intervalle régulier, s'en servir de métronome et maintenir un mouvement fluide, souple. Une gauche, une droite. Une gauche, une droite. Avec la gestuelle. Rien à voir avec les sales frappes sèches et froides que j'envoie d'ordinaire, non. Ici, on sent la chaleur, on sent la vie. Le coup est simple, banal presque; mais, répété dix, vingt, cent mille fois, il prend une autre dimension. Des heures, des jours déjà que je m'y investis. Il y a le chant des vagues, la voix de Eustache. Et mon souffle. C'est tout ce qui compte. Je ne me demande pas l'utilité du mouvement, j'exécute. Machinalement, encore et encore. Le corps assimile la commande et la reproduit par automatisme jusqu'à apprivoiser la technique. Lentement, sûrement.
Yeh, bien, ça. Harmonieux, élégant.
Élégant ... Pas une notion à laquelle j'attribuerais une quelconque importance, mais soit. Au début, je devais frapper les vagues; parait que ça éclaboussait trop alors on a arrêté. Maintenant, je chasse le vide. En évitant de me demander si c'est vraiment raisonnable de laisser à l'autre étrangeté la responsabilité de conduire mon entrainement. Jamais j'ai autorisé quiconque autre que moi à décider de ce qu'il était bon de faire. Mais là, tout s'est mis en place naturellement, sans accroc. Une fois qu'Eustache a eu manifesté son intérêt, j'ai pas songé à refuser le coup de main. Peut-être parce qu'on est seuls ici, obligés de cohabiter. Aussi parce qu'il y a cette sensation étrange. Il émane de sa personne un halo de bonté, d'assurance énigmatique, qui met en confiance. Je l'apprécie à peu près, bien malgré moi. Curieux phénomène. Mais, surtout, il sait des choses. Des choses qui m'intéressent.
Le Haki. Je lui ai demandé de m'en dire toujours plus, à son sujet. Eustache n'a jamais mis en avant cet aspect là du pouvoir des grands de ce monde, mais je sais ce qu'il est : ravageur, surpuissant. La plus féroce des armes. Il connait son secret, et consent à me le délivrer. C'est tout ce qui importe. J'ai ciblé mon objectif, rien ne m'en détournera jusqu'à l'avoir atteint; se mettre à la planche sans compter, je sais faire. Seule différence avec le quotidien, aujourd'hui, c'est pas un criminel dans le viseur, c'est une connaissance. Qui m'ouvrira les portes vers une évolution tout aussi indispensable que jouissive. Grand Line n'a que faire des bagarreurs. Mêmes des bons. Ils sont légions. Pour l'heure, rien ne me différencie en apparence de la pléthore de déchets qui polluent terres et mers. Il me faut les moyens de faire briller mes convictions. De les porter au firmament. Il me faut ce qui me mettra au dessus de la masse grouillante et insipide des faibles, des lâches, des roublards, des petits criminels. J'aspire à faire beaucoup. Beaucoup mieux. Beaucoup plus fort. Le Haki est un passage obligé vers l'avenir. Alors j'insiste. Et j'essaie de faire le vide, dans mes motivations. Capter l'instant, sans arrière-pensée, sans me laisser distraire. Je continue. Invariablement. Une gauche, une droite. Une gauche, une droite.
[...]
Je continue. Sous le regard attentif de ces monstres marins qui par un curieux enchantement sont désormais nos meilleurs amis ici. On devinerait presque chez eux cette lueur d'humanité par laquelle Eustache jure. Il communique avec eux, leur apprend des tours, et en échange, ils nous ramènent du poisson. Honnête échange, si on excepte l'absurde du marché passé. Parfois, une tornade, aussi soudaine qu'inattendue. Rien qui interrompe mon entrainement, mais on a de l'eau. Tout pour subvenir à nos besoins. C'est aussi bête que ça. Aucune autre distraction, aucun autre impondérable. Pas un navire à l'horizon, pas un monstre marin ou volatile trop audacieux ou affamé à repousser. Rien pour me distraire, troubler ma concentration et mon effort. Rien. C'est parfait. J'ai arrêté de compter les jours depuis bien longtemps. La date ? Aucune importance. Ça ne tiendrait qu'à moi, je ne dormirais pas. Le sommeil, besoin secondaire. Mais mon curieux partenaire fixe sans trop le faire les limites du raisonnable.
Allez, man, on fait une pause.
Il me tend une gourde, m'invite à boire. Je m'assieds en tailleur et bois. Ça désaltère, je sens le liquide frais couler, rafraichir l'organisme entier. Eustache me fixe un temps, se redresse pour aller toiser le large. Il a l'air sérieux.
Va y avoir de bonnes vagues ce soir. Dommage qu'on ait pas de planche de surf.
De ... Hein ?
Ouais, le surf. Dompter les remous, communier avec le grand bleu. Par un temps pareil, ce serait le pied. Tu vois, dans chaque moment qui passe, faut rechercher le plaisir qu'tu pourrais en retirer. C'est le plaisir qui fait grandir l'âme.
Ok...
Des jours, des mois peut-être à vivre à ses côtés, et je le cerne toujours pas.
Tiens, tu te souviens de l'exercice des vagues ?
Hm ? Ouais, ouais, ça éclabousse trop.
Essaye encore.
Pourquoi ?
Oh, comme ça, pour voir.
Je me relève. Une brise agréable arrive, vient caresser mes tifs et ma barbe de trop de jours. Au loin, un rouleau approche. Raymond et Anièce sont presque aux premières loges, ils veulent assister à l'évènement. Eustache me sourit, confiant. Un pouce en l'air, en signe de victoire. La vague gronde. Approche.
Tu ferais mieux de reculer. À moins qu'tu tiennes vraiment à finir trempé.
J'prends le risque man.
Le courant gonfle, la nappe d'eau s'élève, au dessus de nous. C'est presque un mur, de quatre ou cinq mètres de haut. On peine à voir le ciel tandis que le rouleau va pour nous engloutir.
Maintenant !
Le coup part. Tout seul, sans effort. Sur deux mètres tout autour de nous, le courant marin est fendu, l'eau repoussée vers les côtés, irrésistiblement. La vague s'abat dans un tumulte, mais en nous évitant soigneusement. Le remous vient nous effleurer le visage, à peine.
Pas mal man. Pas mal du tout. Bon, j'vais m'pioncer.
Il a dit ça tout simplement, puis est parti se planter en haut du chêne. J'peux même pas crier, bondir, manifester ma joie. Il est déjà passé à la suite. Je reste seul face au rivage. Je mire mes poings, surpris et fier. Le travail paye. J'donnerais cher pour voir la tête que je tire, là. Parce qu'en ce moment, je souris.
Le fluide. Ce pouvoir qui se déclare chez les êtres dotés d'une capacité à comprendre, à voir, à agir supérieure à la normale. Tu l'as entrevu, l'autre soir. Il est en Toi.
De quoi tu parles ?
Suis moi.
...
Vas-y, man ! A l'horizon, il y a ta destinée. Embrasse-la. Mets tout ton corps, toute ton âme dans ce coup. Tu l'as déjà fait, c'est facile de refaire quelque chose qu'on a déjà fait. Concentre-toi, respire, ressens, et cogne.
Mon destin. Devant moi ? ... Oui, je le vois. Je vais l'atteindre, aller à son encontre et plus loin encore. Il me suffit de réveiller Les Flammes. La concentration. Extrême, totale. Une longue bouffée d'air. Deux. La circulation sanguine ralentit. Se camper sur ses appuis. Chaque muscle se tend sous l'effort. Une volonté implacable. Un poing qui se serre, des yeux clos pour mieux voir. Lentement, le bras qui part chercher derrière l'épaule, loin, très loin. Sans se presser, sans forcer encore. Le cerveau se relâche, la mâchoire se crispe. Ma pogne, une fronde d'acier. Maintenant !
Le coup part. L'air siffle tout autour de moi, le sable, balayé dans une bourrasque. Une mini-tornade. Les grains furieux viennent piquer mon visage. J'ouvre mon œil. Je l'ai fait. C'est certain. Je l'ai ... Rien ? Pas de flammes ? Qu'est ce que ... ?
Hm...
Merde.
C'est bien man.
C'est bien ? Te fous pas de moi. C'était nul. Raté.
Au contraire. Cet instant était parfait car tu as donné ton maximum, tu t'es livré, animé de l'envie d'aller plus loin, sans retenue. Tu sais ce que tu vaux. Il est bon de savoir d'où on part pour savoir où aller. Là, c'est le point de départ. Tout ton entrainement devra se faire en gardant ce même état d'esprit. L'important, c'est l'instant présent man. C'est toujours lui le plus précieux.
L'entrainement ...
Oui. Il commence. Maintenant.
[...]
Continue man, la persévérance, c'est la clef du succès. L'illumination guette toujours, pas loin. Elle te cherche. Plus tu insistes, plus grandes seront ses chances de te toucher.
Je continue. À frapper l'air de mes poings, inlassablement. Les muscles chauffés par l'effort, la transpiration qui perle par tous les pores de ma peau sous un soleil de plomb. Soigner sa respiration, sentir le chamboulant battre à intervalle régulier, s'en servir de métronome et maintenir un mouvement fluide, souple. Une gauche, une droite. Une gauche, une droite. Avec la gestuelle. Rien à voir avec les sales frappes sèches et froides que j'envoie d'ordinaire, non. Ici, on sent la chaleur, on sent la vie. Le coup est simple, banal presque; mais, répété dix, vingt, cent mille fois, il prend une autre dimension. Des heures, des jours déjà que je m'y investis. Il y a le chant des vagues, la voix de Eustache. Et mon souffle. C'est tout ce qui compte. Je ne me demande pas l'utilité du mouvement, j'exécute. Machinalement, encore et encore. Le corps assimile la commande et la reproduit par automatisme jusqu'à apprivoiser la technique. Lentement, sûrement.
Yeh, bien, ça. Harmonieux, élégant.
Élégant ... Pas une notion à laquelle j'attribuerais une quelconque importance, mais soit. Au début, je devais frapper les vagues; parait que ça éclaboussait trop alors on a arrêté. Maintenant, je chasse le vide. En évitant de me demander si c'est vraiment raisonnable de laisser à l'autre étrangeté la responsabilité de conduire mon entrainement. Jamais j'ai autorisé quiconque autre que moi à décider de ce qu'il était bon de faire. Mais là, tout s'est mis en place naturellement, sans accroc. Une fois qu'Eustache a eu manifesté son intérêt, j'ai pas songé à refuser le coup de main. Peut-être parce qu'on est seuls ici, obligés de cohabiter. Aussi parce qu'il y a cette sensation étrange. Il émane de sa personne un halo de bonté, d'assurance énigmatique, qui met en confiance. Je l'apprécie à peu près, bien malgré moi. Curieux phénomène. Mais, surtout, il sait des choses. Des choses qui m'intéressent.
Le Haki. Je lui ai demandé de m'en dire toujours plus, à son sujet. Eustache n'a jamais mis en avant cet aspect là du pouvoir des grands de ce monde, mais je sais ce qu'il est : ravageur, surpuissant. La plus féroce des armes. Il connait son secret, et consent à me le délivrer. C'est tout ce qui importe. J'ai ciblé mon objectif, rien ne m'en détournera jusqu'à l'avoir atteint; se mettre à la planche sans compter, je sais faire. Seule différence avec le quotidien, aujourd'hui, c'est pas un criminel dans le viseur, c'est une connaissance. Qui m'ouvrira les portes vers une évolution tout aussi indispensable que jouissive. Grand Line n'a que faire des bagarreurs. Mêmes des bons. Ils sont légions. Pour l'heure, rien ne me différencie en apparence de la pléthore de déchets qui polluent terres et mers. Il me faut les moyens de faire briller mes convictions. De les porter au firmament. Il me faut ce qui me mettra au dessus de la masse grouillante et insipide des faibles, des lâches, des roublards, des petits criminels. J'aspire à faire beaucoup. Beaucoup mieux. Beaucoup plus fort. Le Haki est un passage obligé vers l'avenir. Alors j'insiste. Et j'essaie de faire le vide, dans mes motivations. Capter l'instant, sans arrière-pensée, sans me laisser distraire. Je continue. Invariablement. Une gauche, une droite. Une gauche, une droite.
[...]
Je continue. Sous le regard attentif de ces monstres marins qui par un curieux enchantement sont désormais nos meilleurs amis ici. On devinerait presque chez eux cette lueur d'humanité par laquelle Eustache jure. Il communique avec eux, leur apprend des tours, et en échange, ils nous ramènent du poisson. Honnête échange, si on excepte l'absurde du marché passé. Parfois, une tornade, aussi soudaine qu'inattendue. Rien qui interrompe mon entrainement, mais on a de l'eau. Tout pour subvenir à nos besoins. C'est aussi bête que ça. Aucune autre distraction, aucun autre impondérable. Pas un navire à l'horizon, pas un monstre marin ou volatile trop audacieux ou affamé à repousser. Rien pour me distraire, troubler ma concentration et mon effort. Rien. C'est parfait. J'ai arrêté de compter les jours depuis bien longtemps. La date ? Aucune importance. Ça ne tiendrait qu'à moi, je ne dormirais pas. Le sommeil, besoin secondaire. Mais mon curieux partenaire fixe sans trop le faire les limites du raisonnable.
Allez, man, on fait une pause.
Il me tend une gourde, m'invite à boire. Je m'assieds en tailleur et bois. Ça désaltère, je sens le liquide frais couler, rafraichir l'organisme entier. Eustache me fixe un temps, se redresse pour aller toiser le large. Il a l'air sérieux.
Va y avoir de bonnes vagues ce soir. Dommage qu'on ait pas de planche de surf.
De ... Hein ?
Ouais, le surf. Dompter les remous, communier avec le grand bleu. Par un temps pareil, ce serait le pied. Tu vois, dans chaque moment qui passe, faut rechercher le plaisir qu'tu pourrais en retirer. C'est le plaisir qui fait grandir l'âme.
Ok...
Des jours, des mois peut-être à vivre à ses côtés, et je le cerne toujours pas.
Tiens, tu te souviens de l'exercice des vagues ?
Hm ? Ouais, ouais, ça éclabousse trop.
Essaye encore.
Pourquoi ?
Oh, comme ça, pour voir.
Je me relève. Une brise agréable arrive, vient caresser mes tifs et ma barbe de trop de jours. Au loin, un rouleau approche. Raymond et Anièce sont presque aux premières loges, ils veulent assister à l'évènement. Eustache me sourit, confiant. Un pouce en l'air, en signe de victoire. La vague gronde. Approche.
Tu ferais mieux de reculer. À moins qu'tu tiennes vraiment à finir trempé.
J'prends le risque man.
Le courant gonfle, la nappe d'eau s'élève, au dessus de nous. C'est presque un mur, de quatre ou cinq mètres de haut. On peine à voir le ciel tandis que le rouleau va pour nous engloutir.
Maintenant !
Le coup part. Tout seul, sans effort. Sur deux mètres tout autour de nous, le courant marin est fendu, l'eau repoussée vers les côtés, irrésistiblement. La vague s'abat dans un tumulte, mais en nous évitant soigneusement. Le remous vient nous effleurer le visage, à peine.
Pas mal man. Pas mal du tout. Bon, j'vais m'pioncer.
Il a dit ça tout simplement, puis est parti se planter en haut du chêne. J'peux même pas crier, bondir, manifester ma joie. Il est déjà passé à la suite. Je reste seul face au rivage. Je mire mes poings, surpris et fier. Le travail paye. J'donnerais cher pour voir la tête que je tire, là. Parce qu'en ce moment, je souris.